Etienne joue avec ses doigts. Appuyé contre le mur à côté de la porte de la salle de mathématiques, il attend. Son ventre est noué. Sa gorge serrée. Il a hésité un moment à écouter le Master qui est venu le chercher en France… Aaron ? Oui, c’est cela. Aaron. Celui-ci lui a appris qu’il y avait ici un autre Lefebvre, son cousin. Alors Etienne, soucieux de retrouver un petit bout de sa famille, s’est bien vite mis en tête de le retrouver.

Le garçon attend que Nicolas sorte. Il est un peu perdu, avec tout ce monde. Il était habitué à connaitre son entourage, à savoir le prénom de ceux qu’il croisait. Il était habitué à avoir des repères et là… Là il ne sait plus trop où donner de la tête. Oh, les gens n’ont pas l’air méchant. Loin de là ! Juste, Etienne ne sait pas trop vers qui aller, comment agir. Il aimerait que le temps passe un peu plus vite pour enfin se retrouver devant une personne à qui il saura qu’il peut parler. Parce qu’après tout, ce Nicolas, même s’il est inconnu, c’est sa famille.

Enfin, la sonnerie retentit et Etienne regarde les élèves sortir. Il a vu une photo du garçon en question mais à vrai dire, il a un peu peur de ne pas le reconnaitre. Pourtant, il voit tout à coup, entre un grand blond et une petite rouquine, sortir un jeune homme qui ne peut qu’être de sa famille. Il les laisse s’avancer un peu, sortir de la salle. Au dernier moment, il se dit qu’il ferait mieux de ne pas le déranger mais…

Mais après tout, c’est sa famille.

Il marche en accélérant le pas jusqu’à pouvoir rattraper le trio. Etienne tend alors son bras et le bout de ses doigts vient accrocher doucement l’épaule de son cousin :

- Nicolas ?

Le garçon a sursauté, Etienne en est à peu près certain. Il retire sa main et ses yeux noisettes viennent rencontrer ceux d’argent de Nicolas. Il sent d’ailleurs celui doré du blond et vert de la rouquine qui ne le lâchent pas non plus…

- Euh…Excuse-moi de te déranger mais… Je suis Etienne, tu… Tu dois être Nicolas, non ?

Les deux paires d’yeux en plus de celle de son cousin posées sur lui l’intimident. Il tente de ne pas lâcher le jeune homme de son regard et se gratte la nuque tout en reprenant :

- Est-ce que je peux te parler…Seul, s’il-te-plait ?

Sortir de maths, y'a rien de plus libérateur comme sensation. Aaron est un super prof attention, et puis Nico sait qu'il va falloir qu'il étudie à fond cette matière vu qu'il va aller en fac de bio... Mais quand on est un ado qui a ses potes en classe, et qu'on veut juste prévoir la soirée du week-end pour la Cool Patrol, juste avant les vacances, plutôt que penser au prochain devoir maison à rendre eh. C'pas évident de rester attentif tout du long. De toute façon Ronron l'a toujours dit ; il a été maudit niveau emploi du temps. Alors quand la sonnerie retentit et que le soupir de soulagement se fait entendre dans la classe, on sait ce qu'il se passe. Le week-end arrive. Et c'est la libération pour tout le monde...

Nicolas se lève, discute un peu avec la Miss et Jérémy. C'est toujours tendu, les relations, mais Jérémy fait des efforts... C'est déjà ça. Nicolas remarque que, depuis quelque temps, il ne fait quasiment plus de remarque sur le fait qu'elle est rousse. Bon point Jérémy ; t'auras peut-être une bière pour avoir été sage. Il boude, la Miss et lui rient ensemble, pas moqueurs. On peut le dire, ça commence à se stabiliser tout ça. Fragile certes, mais plus pour longtemps. Et puis quelqu'un lui attrape son épaule en l'appelant. Il se tend, il ne sait pas qui ça peut être... et il était pris au dépourvu. Jérémy pivota d'un coup, tout entier... Nicolas fut moins rapide, moins alerte... Il savait qu'il n'était pas en danger à Terrae... et pourtant.

Son cousin. Étienne Lefebvre. Aaron lui en avait parlé, parce qu'il avait peur que ça le perturbe un peu, surtout après l'arrivée de Jérémy. Une relation de plus... mais venant d'une partie de sa famille qu'il connaissait à peine... Celle de François, son père. Sa mâchoire se serre instantanément... Étienne est plus petit que lui mais bon sang. Woah. Ils se ressemblent beaucoup. Nicolas savait qu'il avait beaucoup hérité de son père, mais voir son cousin qui partageait la plupart de ses traits, c'était... bizarre. En plus il se gratte la nuque, comme lui lorsqu'il ne sait plus où se mettre.

Nicolas déglutit, jette un regard à ses amis. :

-Vous pouvez y aller...

La Miss hocha simplement la tête avant de partir, elle avait confiance en lui... Jérémy par contre... Il resta un moment, jeta un dernier regard meurtrier comme il sait bien les faire à Étienne avant de partir à son tour. Nicolas soupire, regarde à nouveau son... cousin... On a vraiment du mal à s'y faire. Son regard d'argent rencontre celui noisette d'Étienne... un peu plus clairs que ceux de son père. Il a sa peau constellée de ce qui semble être de légers grains de beauté. Il s'attache à ce détail pour éviter de constater à nouveau qu'ils se ressemblent... trop. :

-Salut... Étienne. De quoi tu veux qu'on parle exactement ?

Du fait qu'on se connaît à peine et que, finalement, tu viens carrément me chercher après les cours pour causer ahah...

Nicolas dit à ses amis qu’ils peuvent partir. Ce qu’ils font…non pas sans un regard meurtrier du grand blond. Je veux juste parler à mon cousin… Etienne ne comprends pas cette rage qui brille dans les yeux de l’inconnu mais en tout cas, il finit par s’éloigner… Pour le plus grand bien du novice, il faut le reconnaitre.

Son cousin lui demande de quoi il veut qu’ils parlent…exactement. Alors là, Etienne est bien embêté. C’est ça, de croire que cela va venir tout seul ! Le garçon pensait que devant Nicolas, ce serait simple, que les mots viendraient seuls, qu’ils en auraient, des choses à se dire. Pourtant, pendant un instant, il pense avoir perdu sa langue. Et puis celle-ci finit par se délier, laissant sa voix hésitante se faire entendre :

- Hum… Je. Je viens d’arriver et…C’est le Master avec qui tu vis qui m’a ramené. Aaron, c’est bien ça ? Enfin, il m’a parlé de toi et je me suis dit que…

Etienne sent bien que lui et son cousin ne sont pas tout à fait sur la même longueur d’ondes. Il le sent, et ça lui fait quelque chose au cœur. Une sorte de petit pincement qu’il ne sait pas exactement comment identifier, à vrai dire.

- …Ce serait bien que nous nous voyions. Pour parler…nous voir… Enfin, faire connaissance… Enfin, tu vois…Non ? Enfin. Tu… Tu es de ma famille alors ça me paraissait… Logique ?

Il rougit un peu et ne parvient pas à chasser la lueur hésitante qui s’est glissée dans son regard. Il se demande s’il n’a pas fait une erreur à venir ainsi, sans s’être vraiment préparé. Il n’est pas du genre impulsif, le novice. Habituellement, il attend d’être prêt, de savoir ce qu’il fait mais là… Là, c’était plus urgent que d’habitude, en fait. Il a besoin d’au moins un repère, sans quoi il se retrouve assez désorienté.

Etienne, il veut juste un bout de famille. Même un petit.

C'est très bizarre, ce que dégage ce garçon. Il se sent perdu, c'est clair... Il est bourré d'envie ; envie de connaître, envie de comprendre, envie de bien faire,... C'est dur de lui en vouloir vraiment mais d'un autre côté... Il a les traits Lefebvre. C'est terrible ça. Il a les traits qu'il observe quand il se regarde dans le miroir et qu'il a détesté durant tant d'années, parce que ça faisait souffrir sa mère de voir que son petit garçon avait tout de son mari perdu. Il a les traits de ces gens qu'il connaît à peine, qui n'ont pas cherché à le connaître, qui n'ont pas cherché à comprendre leur enfant, qui n'existaient pas vraiment à ses yeux... Et quand Étienne lui parle d'Aaron, Nicolas croise les bras.

Bien sûr que Ronron lui avait parlé de lui. Parce qu'Aaron, contrairement à d'autres sur terre, était sa famille. La vraie. De ces personnes qui reviennent vers toi même quand t'es au fond du trou, qui te soutiennent et t'apprennent à vivre mieux. Nicolas penche la tête sur le côté quand il sent son "cousin" ressentir de la souffrance... Il s'efforce à paraître plus détendu, mais c'est compliqué... :

-De ma famille eh ?

C'est sorti tout seul. Oui c'était moi. C'est moi qui gratte à la porte de la cage... Tu l'as refermée. Tu as peur que je lui saute au visage ? Je ne sais pas. Ce que je sais, c'est que je trouve qu'il a un sacré toupet pour utiliser ce mot sans nous connaître. Il cherche à le faire ? Eh bien... Il est en retard. :

-Ma famille c'est Terrae. C'est Aaron et Lottie.

Nicolas prend une inspiration, se force à calmer cette véhémence qui ressemble à de la bile dans sa bouche et dans ses mots. Il perçoit le trouble de l'adolescent face à lui... ce besoin et cette envie de combler un vide. :

-Tu ne me connais pas.

Il déglutit et décroise les bras... ça pourrait s'arrêter là. Il pourrait partir rejoindre Jérémy et la Miss... Il pourrait vivre sa vie en ignorant complètement ce petit bonhomme à la peau constellée de grains de beauté... Il pourrait de nouveau ignorer les obstacles que la vie s'obstine à mettre sur son chemin... Sauf que voilà, Étienne n'était pas un obstacle. C'était un gamin perdu qui débarquait dans un monde nouveau. ...Comme lui, il y a plus de deux ans. Il tendit sa main pour attraper doucement le bras d'Étienne. :

-Alors dans un premier temps, je te conseille d'éviter les contacts brusques ou sans me prévenir. La vie n'a pas été tendre avec moi et j'ai de malheureux réflexes quand je me sens pas en sécurité.

Il sourit. :

-Pour le reste, ça te dit qu'on cause autour d'un café ? Je sors d'un cours de maths assez intense donc va falloir quelque chose pour me booster un peu.

Le cœur d’Etienne rate un battement. Le rejet de son cousin est…plutôt clair. Il déglutit et ses yeux noisettes viennent trouver ses chaussures. Dur d’affronter un tel regard. Dur d’affronter une telle évidence. Parce qu’Etienne n’est pas bête. Il sait bien que Nicolas n’a pas tort : en effet, il ne le connait pas réellement. Mais, de là à se faire ainsi envoyer sur les roses… Il ne pensait pas. Il se gratte nerveusement l’avant-bras sans plus oser relever le regard, sans plus oser dire un mot.

Mais soudain, une main se pose sur lui. Deux yeux d’enfant viennent trouver l’argent du Tonnerre. La douceur inattendue de son cousin enveloppe Etienne, le rassure un peu. Il répond d’un petit sourire timide, hésitant, à celui de Nicolas. Ce dernier lui explique qu’il faut éviter les contacts brusques, ou le prévenir. Aussitôt, le ventre du novice se serre. C’est la première chose qu’il a fait, le toucher sans qu’il ne le voit venir. Gaffer si vite, c’est quand même fort…

- D’accord. Pardon pour tout à l’heure, alors…

Ses lèvres dessinent un sourire en coin désolé, son regard se fait un peu chagriné, pour aussitôt se remettre à briller d’une lueur hésitante alors que Nicolas lui propose d’aller discuter autour d’un café. Il acquiesce en se retenant de trop montrer son enthousiasme, tout en joie calme et discrète :

- Oui, ce serait avec plaisir ! C’est vrai que je t’ai sauté dessus dès la sortie de ton cours, j’aurais pu attendre un peu, ajoute-t-il avec un petit rire gêné.

Il passe sa main sur sa nuque. Il est maladroit, Etienne, et s’en sent légèrement coupable. Il aimerait que ce soit plus simple. Pour lui, ça aurait dû être plus simple. Mais son cousin fait des efforts, et il en ressent une immense gratitude. Il ne sait pas vraiment ce qu’il aurait fait s’il avait décidé de ne pas rester, de rejoindre ses amis. Enfin, finalement il n’est pas parti, et ça allège le cœur du novice :

- Par contre je ne connais pas du tout l’institut ou le village… Tu sais où tu veux qu’on aille ?

Le gamin s'excuse rapidement et ses émotions passent dans son regard. Nicolas se demande un instant s'il est un peu comme lui, si ce n'est pas dangereux tout ça... Même s'il capte assez bien la sincérité des sentiments qui le traverse, quelque chose supplante le reste, presque en écho avec son Vide. ...Cette peur. Et si pendant un instant je me suis demandé si ce n'était pas de ma faute, on en est pas certain. Et puis le revoilà en train de se tripoter la nuque. Nicolas ne peut s'empêcher d'avoir un sourire en coin. :

-C'est rien... Au moins maintenant, t'es prévenu.

Là, après avoir ressenti sa vague de reconnaissance de son cousin, il posa sa main sur la tête d'Étienne... et c'était... pas prévu. Nicolas ne faisait jamais ça. A personne. Même pas Boubou. Généralement, c'était Huo qui le lui faisait... ou Ronron, quand il ne s'en prenait pas à ses fesses. Il retira un peu vivement sa main comme s'il s'était brûlé. :

-Hm. Oui. Pas à la cafét' déjà. Pas que leur café est mauvais mais ça vaut pas un véritable expresso...

Et apparemment, il en avait besoin.

Il se dirigèrent donc en direction des escaliers, puis de l'extérieur. Il faisait froid et ils auraient pu prendre un taxi, mais Nicolas avait bien compris qu'Étienne ne connaissait pas grand chose de Terrae. C'était l'occasion de lui faire découvrir l'endroit. Il alluma une cigarette et ils remontèrent le chemin jusqu'au village ensemble... Nicolas pointa son doigt dans plusieurs direction ; là-bas le champs de fleurs, plus loin l'Arène, de l'autre côté un espace vert... Il traversèrent le parc qui était un peu désertique... En hiver, la nuit tombait vite et il n'y avait pas assez de neige pour encourager les plus petits à affronter le froid. L'animation venait toutefois du café, et des lumières que commençait déjà à dégager la fête forraine. Nicolas entra à l'intérieur et s'installa, un peu comme chez lui. Une serveuse prit sa commande en étant pourtant assez famillière avec lui. Il venait souvent pour voir la Miss travailler ici... et bosser en dehors de la maison Williams quand il n'arrivait plus à supporter Jérémy. :

-Alors hm... Étienne...

Il ne sut par quoi commencer, réfléchit un instant avant de pousser une légère onomatopée. Il sortit une feuille de son sac, ainsi qu'un crayon et commença à écrire les noms qui avait fait et faisaient sa vie tout en les montrant et les expliquant à son cousin. :

-Je suis le fils de François Lefebvre et Hélène De Lacvivier. fait-il en traçant des traits dans un semblant d'arbre généalogique. Charlotte, c'est ma demi-soeur... La fille d'Hélène eeet... Laurent Bonnet. Laurent Bonnet qui est aussi le père de Jérémy. Euh... Le grand blond avec un air de sale brute qu'est sorti avec moi de cours tout à l'heure... Bref, j'ai aucun lien avec lui... Juste, son père et ma... mère... sont mariés maintenant.

Il remarqua qu'il avait complètement oublié le nom de la mère de Jérémy... ça ne l'empêcha de barrer l'espace vide, avant de faire de même avec le nom de François. :

-François s'est pendu en 2007.

C'était peut-être dur à entendre pour Étienne... mais Nicolas ne s'en rendait pas compte à ce moment... Il était trop habitué par cette constatation pour épiloguer là-dessus... A la place, il hésita à ajouter d'autres noms dans l'arbre... :

-J'ai appris que mes grand-parents du côté de ma mère étaient encore vivants... Mais bon, j'ai peu de contacts et j'ai déjà oublié leur nom. J'dois avoir une tante aussi... j'crois.

Il tendit la feuille et le crayon à Étienne, pile au moment où la serveuse revint avec sa boisson chaude. Il la remercia et attendit qu'elle s'éloigne pour faire un mouvement de la tête à son cousin. :

-C'est tout ce que je sais. Alors à toi maintenant.

C’est…rapide. Une main qui se pose sur la tête d’Etienne, lui faisant ouvrir de grands yeux, avant d’être retirée d’une manière trop vive. Le geste de Nicolas ne parait pas vraiment voulu, plus spontané que réfléchi, et laisse sur les joues du Novice quelques petites rougeurs à la fois heureuses et légèrement gênées. Mais le garçon enchaîne comme si rien ne s’était passé en proposant à son cousin de ne pas aller à la cafétéria, plutôt dehors. Etienne acquiesce, content de pouvoir découvrir les environs avec quelqu’un cette fois-ci.

Le froid les attaque à peine les pieds mis dehors mais cela ne dérange pas le Novice bien trop concentré sur Nicolas lui parlant de son nouvel environnement. Ses yeux noisettes glissent sur chaque lieu qui lui est désigné, s’y attardant plus ou moins. Il repère et retient le champ de fleurs et l’espace vert, mais l’arène glisse sur son esprit sans y être vraiment retenue. Au moins, il saura un peu où trainer quand il ne saura pas quoi faire. Finalement, les deux garçons arrivent au village et Etienne se laisse guider jusqu’au café, surpris de trouver dans les alentours une fête foraine. Les élèves ne doivent pas s’ennuyer, par ici. Les cousins s’assoient et le Novice ne peut s’empêcher de remarquer que Nicolas parait familier avec la serveuse. Lui qui est un peu perdu dans ce nouvel environnement se demande s’il parviendra aussi à faire des rencontres, à réussir à se lier un minimum aux autres, à reconstruire un petit cocon… Il commande un chocolat chaud, son cousin un café. Sauf qu’en attendant que les boissons arrivent, Etienne ne sait pas quoi dire, et apparemment, Nicolas non plus.

Pitié non, non, non. Pas le silence lourd des rencontres gênantes. Non, pitié, trouver quelque chose à dire. Vite. Vite. C’est trop long. Trouver-

Le Novice est sauvé par une onomatopée poussée par son cousin. Deux grands yeux noisettes trouvent le Tonnerre alors que ce dernier sort de son sac une feuille. Il ne comprend pas bien ce qu’il fait au départ, jusqu’à ce que le premier trait le mène sur la bonne piste. Il fait soudain un effort de concentration afin de ne pas tout oublier au fur et à mesure. C’est-à-dire qu’il peut être un peu tête en l’air, parfois. Toutefois, c’est pour lui important d’apprendre à connaitre Nicolas, ainsi que le « background » accompagnant le garçon. Ce n’est alors pas si difficile de canaliser son esprit sur la voix du Tonnerre et les noms qu’il écrit.

Mais quelque chose le dérange. Il a du mal à mettre le doigt dessus mais, pas de doute, quelque chose pose problème.

Bon, ok, commençons par l’évidence. Ce qui pose le plus souci c’est que cette famille, c’est un bazar sans nom. Des histoires de demi-sœur, de recomposition familiale, de suicide… EH MAIS SANS DECONNER C’EST MEGA COMPLIQUE ! Certes Etienne est ultra-concentré mais je suis certaine qu’il y a la moitié des infos qui ont choisi de faire demi-tour en voyant tous les neurones s’agiter sans savoir où que donner de la tête. Enfin bon. Ça, du coup, c’est que la première partie du problème – oui, j’vous jure. Y a un truc encore plus gros –aux yeux du Novice en tout cas – qui cloche.

- On ne m’a jamais parlé de toute ta famille. Tout ça, ça a l’air compliqué et dur à vivre, mais je n’en ai jamais entendu parler. Je ne savais même pas que tu existais.

Sourcils froncés, Etienne est confus. Il savait que son oncle était mort. Il ne savait pas comment. Il ne savait pas pourquoi. Il ne savait pas qu’il avait une femme. Qu’il avait un enfant. La famille, c’est important. La proche comme la lointaine, en fait. Alors pourquoi on ne lui a jamais parlé du pauvre petit Nicolas qui a perdu son père tout minot ? Pourquoi on n’a jamais tenté d’aider le gamin à moitié orphelin ? Etienne, il aime bien croire en les valeurs données par ses parents, en fait. Mais Etienne, il comprend pas bien, là. Peut-être qu’on lui en a parlé petit et qu’il a oublié ? Ce serait étrange de sa part, mais qui sait ?

Sauf qu’il y a réfléchira plus tard. Les commandes arrivent, et c’est son tour de raconter.

- Alors. Mes parents sont Arthur et Emilie Lefebvre. J’ai une petite sœur, Leïla. Mes grands-parents, du côté de mon père, sont Patrick et Sylvie. Ils ont eu une autre fille. Ta… tante, du coup, aussi ?

C’est bizarre, et il y a un instant de silence où Etienne garde les yeux rivés sur cette feuille qui les lie, Nicolas et lui. Il inspire, se force à ne pas marmonner toute une liste de choses qu’il pourrait faire pour rendre les faits plus simples, plus clairs, avant de se remettre à parler :

- Elle s’appelle Sophie. Elle…Elle est très gentille.

Sa voix est un peu étranglée, pourtant, il se force à continuer.

- Erm. Il y a aussi Alain, mon- notre grand-oncle ? qui raconte toujours plein d’histoires. Patrick et lui avaient une sœur, Anna, qui est décédée mais son mari est toujours vivant. Ensemble ils ont eu tonton Vincent. Je dis toujours que c’est mon oncle, parce que c’est trop long de la désigner, haha. C’est lui qui m’a appris plein de choses à la ferme ! Il est génial, ce serait super que tu le vois, un jour !

Etienne rayonne en parlant de tonton Vincent. Il brille de joie et d’espoir. Il en parle comme si c’était aussi la famille de Nicolas, pour de vrai. Mais soudain, il se souvient.

Nicolas a une autre famille.

Alors il se calme. Reprend beaucoup plus bas, beaucoup moins vivant.

- Enfin. Du côté de ma mère, mes grands-parents sont aussi vivants. Il y a Arlette Prevost, qui est une femme formidable, et Roger, un peu rustre mais très gentil et. Et je pense que je vais m’arrêter là, haha.

Rire gêné. Il étouffe un soupir. Voudrait disparaitre. Il attrape sa tasse de chocolat chaud et, fuyant le regard de Nicolas, en prend une gorgée.

Il a honte, Etienne. Il a honte parce que lui, il a grandi avec une famille soudée, liée. Lui, il n’a pas connu cette solitude qu’a dû ressentir son cousin. Il a honte parce qu’il comprend à la manière vague dont Nicolas parle de sa famille que Nicolas n’en a jamais vraiment eu une. Et lui, Etienne, voudrait qu’ils s’adorent juste parce qu’ils sont cousins ? N’importe quoi.

Nicolas tapote un instant le crayon sur la table, comme s'il avait eu besoin d'analyser ce que lui disait Étienne à propos de son existence qui, apparemment, n'avait même pas été discutée au sein des Lefebvres. Il le regarde quelques secondes dans les yeux avant de claquer sa langue. :

-Je sais que t'es sincère quand tu dis ça, mais le fait est que tes parents sont forcément au courant pour moi puisque c'est la raison pour laquelle mes propres parents sont partis. Personne n'approuvait leur relation, Hélène était enceinte, François a pris sa moto. C'est tout ce que je sais.

Ca l'embêtait de le secouer... Un peu, moi je le vis bien. C'est mieux, la franchise... surtout si on lui a caché ça quand même. Nicolas se redresse, pose le crayon pour le laisser au Novice. Il aimerait bien finir sur une note un peu plus joyeuse... Du genre, que c'était pas la famille qui a été le plus dur à vivre... Mais ça reste une amertume qu'il n'est pas prêt à partager, encore moins dans les détails. S'il est confus pour si peu, déjà, il ose pas imaginer la réaction du gamin quand il apprendra pourquoi il a autant de cicatrices. On en parlera à la prochaine réunion de famille. J'ai pas hâte !

Les commandes arrivent et Nicolas se penche pour se concentrer sur ce que va lui apprendre Étienne. Il y a une petite sœur (donc une petite cousine)(c'est bien tu suis), des parents, des grand-parents paternels, une tante, une histoire de grand-oncle... .......Ok jouons franc jeu, on a été perdu dès l'annonce de grand-parents "du côté du père"... Quoi ? Ça veut dire que du côté de la mère ils sont vivants AUSSI ? Nicolas bat lentement des paupières. Pour lui, avoir des grand-parents c'était comme conserver des reliques genre... des os de dinosaures... parce que ça lui paraît TELLEMENT RARE. Mais c'est peut-être lui... En même temps l'espérance de vie au village c'est pas trop ça et les personnes âgées sont rares à Terrae (y'en a mais y'a pas foule). :

-Atta-ta-ta-... Grand-quoi ?

Alors, du coup c'est Patrick le grand-père, qui avait une sœur. Sœur donc qu'est la grande-tante de Nicolas et Étienne.  Grande-tante qui s'est donc marié à Alain, et ils ont eu un fils... Tonton Vincent........ Nicolas inspire lentement, massant ses tempes, pendant qu'Étienne semble parti en total freestyle ; une chose est sûr, le gamin ADORE tonton Vincent. MAIS C'EST PAS FINIIII NOOON parce que les vieux de la mère d'Étienne sont OUI vivants ET EN PLUS ils ont des noms !

.....................Nicolas a le cerveau en compote. :

-Vous... il hésite, hausse les épaules un instant avant de soupirer. Vous faites comment pendant les repas de famille sérieusement ?? Vous achetez des camions pour ramener de la bouffe ?

Nicolas s'empare de la feuille, passe ses yeux rapidement sur l'assemblée de noms écrits et hausse les sourcils comme s'il n'arrivait toujours pas à en revenir... Et spoiler, il en revient toujours pas. :

-Tu m'as dit que ma famille avait l'air "compliqué et dur à vivre" mais ooooooooh damn, autant de monde je sais pas comment vous faites pour... retenir vos noms... vivre... il secoue ses mains devant lui. ...je sais pas !


HRP : Nico il va nous faire un AVC à la fin du rp XD !

Les yeux d’argent se plantent dans les noisettes d’Etienne pour lui annoncer la sombre vérité : ses parents savaient forcément qu’il existait, parce que c’est pour ça que les siens sont partis. Mais. D’où ? L’information va faire sauter les plombs au cerveau du Novice, je crois. Il regarde son cousin, bouche légèrement entrouverte, avant de baisser le regard. Il a doucement honte, là. Honte pour toute sa famille qui a rejeté un gamin à cause d’une histoire de pas approuver une relation. Qui fait ça, sérieux ?

- Au nom de toute ma famille, je suis désolé qu’on t’ait laissé.

Ouais, Etienne même s’il savait pas qu’il existait, il a l’impression que lui aussi il a abandonné le garçon. Peut-être qu’au fond c’est à sa naïveté qu’il en veut ? Avoir cru que sa famille défendait ses valeurs jusqu’au bout ? Mais il pouvait pas savoir, en fait, que c’était faux. Comment aurait-il pu ? Il ne se posait pas de questions. Il prenait pour vrai ce qu’on lui disait et se contentait de le suivre, il essayait d’aider, d’être utile à ceux qu’il admirait tant. Il les admire toujours, mais il sait plus trop s’il a raison de le faire, soudain.

Puis il raconte son histoire à lui, son côté de l’arbre généalogique. Et ça devient tout bizarre dans sa tête, comme si du brouillard choisissait de faire de son esprit son nid.
Mais il est pas le seul. Le Tonnerre, en face, commence à se masser les tempes. Trop de gens ? Trop de noms ? Ce serait pas étonnant, à croire qu’y a quelqu’un qui a BIEN travaillé sur tout ce bordel qui a fini par engendrer Etienne, HEIN ? Alley bisous je t’aime mais sérieux, trop de background et de noms à retenir, pour toi, pour moi, et pour Nico apparemment Mais quand le cousin finit par poser des questions, Etienne a un petit rire. Le mec, le premier truc qui lui vient à l’esprit, c’est les repas de famille ? …ouais à la réflexion, c’est logique.

- Aha, chacun ramène un peu ce qu’il peut, on prévoit à l’avance ce qu’on va préparer, on s’y met tous… ? On attaque la préparation du repas la veille, en fait, pour certains trucs à cuire, et le jour même on fait que la viande ou les trucs frais. Mais en général, tout le monde arrive assez tôt pour pouvoir mettre la main à la pâte, sinon ce serait terrible. Et on fait beaucoup avec les produits de la ferme, du coup au final c’est assez économique ! …même si ça doit peser sur ce qu’on vend au marché, en vrai…Mince, j’y avais jamais pensé.

Arrête de réfléchir tout seul, Etienne, et répond au reste.

- Mais on s’y fait, à être aussi nombreux, je te jure ! Ça va me manquer, ça me manque déjà un peu, toute l’agitation autour. Au moins, là-bas, tout ce monde, je le connaissais, et je le voyais pas tout le temps. Au final, dans l’année, on n’était pas si nombreux, et chacun sait ce qu’il doit faire et quand. C’est un rythme simple à suivre, avec toujours les mêmes gens…Ici…Ici je sais pas comment tu fais pour avoir une place, pour reconnaitre les gens. Tous les visages sont inconnus, les gens sont tellement nombreux…Et quand on sort de cours, qu’est-ce qu’on peut faire ?

Etienne, sans ses animaux, sans sa ferme, il est un peu perdu.

Étienne s'excuse pour sa famille. Nicolas le sent touché, honteux... et maintenant c'est lui qui se sent mal pour ce pauvre gamin, pour la façon dont il lui a parlé au début. Ça a vraiment l'air d'être quelque chose d'important pour lui, et il l'a repoussé d'abord. Bravo mon con. Il soupire, un peu désespéré de lui-même, secouant légèrement la tête. :

-Ne t'excuse pas. Ce qui est fait est fait... Et puis on n'a pas toute l'histoire... Hélène délirait sévère jusqu'à récemment, et à part me raconter qu'elle s'enfuyait de chez elle pour aller courir dans les champs de lavande avec François, j'ai pas plus de détails sur cette époque.

C'est vrai qu'il y a de quoi se poser des questions... mais Nicolas n'ira pas chercher les réponses. Il a arrêté de songer à sa famille biologique il y a bien longtemps, et depuis il s'en ait construit une à Terrae. Y'a tout un tas de trucs qui lui tombe sur le coin de la gueule depuis quelques mois ; la famille du côté de sa mère qui veulent le "bourgeifier", l'arrivée d'Étienne à Terrae qui apporte cette foule de nouveaux gens à son arbre généalogique (ndla : De rien au fait XD !) et bientôt quoi d'autre ? Quand on pense qu'il a tout ça aujourd'hui alors qu'il appelle rarement Hélène "ma mère" et encore plus rarement François "mon père". En même temps, il n'en a pas besoin.

Ce que lui raconte Étienne, il le vit déjà. A la petite échelle de la maisonnée Williams, certes, mais il le voit ; quand Jérémy et Aaron se relaient pour faire à manger, quand ils doivent s'organiser pour jamais laisser Lottie seule et sans surveillance, quand ils font une soirée devant la télé avec un film ou un jeu vidéo, quand il bataille le matin pour faire sortir ce trou-du-cul de Jérémy qui MET MILLE ANS A SE MATER DANS LE MIROIR PUTAIN. ...Ouf. Gros trauma sur ce sujet. Ne nous égarons pas. Du coup, pour en revenir à ce qu'Étienne lui explique des repas de famille, c'est le même délire. Faut s'organiser, et bien souvent, la préparation est toute aussi drôle à vivre que le repas à dévorer. Sans vraiment s'en rendre compte, Nicolas a un petit sourire sur les lèvres.

Mais son cousin enchaîne et il n'a pas besoin d'être Sensitif pour capter, entres ses mots, la mélancolie et la nostalgie qui le submerge. Encore une fois, en comparant à sa propre situation, Nicolas arrive à le comprendre. S'il devait retourner vivre dans les chambres étudiantes de l'Institut, il serait bien malheureux. Bon, attention, elle sont bien les chambres hein ! Mais quand on a pris l'habitude qu'il y ait toujours de la vie autour de soi, du bruit ou de l'agitation, et qu'on saisit tout le poids de la solitude, c'est jamais facile. Il le sait bien ; il n'arrivera sans doute plus jamais à vivre seul... Et peut-être que c'était un peu le cas d'Étienne aussi. Il était loin de tout ce qu'il connaissait, il était jeune. Quand Nicolas était arrivé à Terrae, il avait compté sur ses capacités d'adaptation et ses masques pour trouver une place... Au final, ce sont plutôt les autres qui lui ont offert une place, chez eux, dans leur cœur...

Ok c'est mort, Nicolas s'est attaché au gamin. Mais comment voulez-vous aussi ?! Il est franc dans ses émotions et pis... gnh. Ok ? Merde à la fin. Il termine lentement son café, faisant mine de rien avant de tranquillement reprendre. :

-J'ai quasi rien fait en vérité. J'ai rencontré des gens et c'est eux qui m'ont ouvert leurs bras. A la base, j'allais juste en cours et en salle d'entraînement pour... faire du sport. dit-il en éludant. Quelque fois à la bibliothèque parce que j'avais conscience que j'avais des lacunes culturelles à rattraper. Et c'est tout... J'étais pas très social quand je suis arrivé à Terrae en vérité. Je me méfiais de tout par habitude et instinct de survie...

Il reposa sa tasse vide qui cliqueta sur la soucoupe et plongea ses yeux d'argent dans les noisettes. Il remarqua avec un léger temps de retard que c'était les mêmes yeux que François. :

-Tu n'es pas tout seul Étienne. Tu peux parler aux Masters si tu as un problème, ils sont toujours à l'écoute. Je peux t'en présenter si tu hésites à leur parler... Et si tu veux revoir ta famille, ils ne t'empêcheront pas d'y retourner, tu seras juste accompagné bien sûr. La ferme te manque ? Il y a un club de jardinage, tu devrais peut-être t'y inscrire, partager ce que tu connais de la terre... Hm, d'ailleurs j'ai une amie qui est Terre. De souvenir, je crois qu'elle fait pousser des arbres et des fleurs mais tu peux peut-être lui donner quelques conseils... Ou l'inverse, Alice est très gentille et patiente. Enfin je dis ça, je sais même pas si ta ferme était agricole ! Tu travaillais peut-être avec des animaux ? Y'a une animalerie et un vétérinaire à Terrae, tu peux peut-être demander s'ils ont besoin de quelqu'un pour y travailler le week-end, en plus du lycée. Ça fait peut-être beaucoup, alors tu peux aussi voir juste pour les vacances.

Eh beh... Si Étienne savait pas quoi faire en dehors de ses cours, là, il est servi ! Nicolas sourit franchement, avec douceur, dévoilant ses canines. :

-Et puis je suis là aussi maintenant. Bon j'ai conscience que je dois pas être le cousin dont on peut rêver mais j'vais faire de mon mieux. Parce que Terrae c'est une chouette expérience et ce serait dommage que tu passes à côté de tout ce qu'elle peut offrir, que ce soit avec les gens merveilleux qui y vivent ou simplement le fait de trouver un sens à sa vie... se débarrasser du Vide... ajoute-t-il songeur.

C'est vrai que Nico avait souvent la sensation de ne pas être un bon frère pour Charlotte... mais alors un cousin ?? C'est quoi ce pokémon d'abord ? Y'a pas genre, des règles à suivre pour être un cousin ? C'est genre un frère en moins euh... présent ? J'en sais rien oh lala... Et puis, il a une illumination. :

-Qu'est-ce qu'il ferait euh... tontooon Vincent ? hésite-t-il avant de vérifier l'arbre généalogique face à lui. Oui. Tonton Vincent. Qu'est-ce qu'il ferait à ta place ?