Mes pas m'avaient menée là sans que je n'y pense vraiment.

Lentement, mes yeux détaillaient l'inscription posée sur la porte. "Allen K. Wilder". Un petit pincement au coeur me rappella la dernière fois que nous nous sommes véritablement parlés. J'avais été méchante. J'avais été terriblement méchante, parce que mon égo n'avait pas su accepter ce jour-là ce qu'il m'avait dit. Ca m'avait d'ailleurs valu un joli combat avec Aoi...

Et puis, le temps était passé. Je m'étais habituée à cette situation, sans pour autant l'accepter encore. Alors j'ai laissé une nouvelle fois le temps faire son affaire, sans m'en soucier davantage, me disant qu'après tout, la vie était parfois faite simplement de hauts et de bas, et qu'on n'y pouvait rien.

C'était donc le temps qui avait fini par panser mes blessures, me faisant comprendre aujourd'hui même que ce n'était peut-être pas tant fini que ça. Et que parfois, il suffit simplement de quelques mots pour réparer les choses.

J'étais donc devant les grilles quand son visage m'est apparu. Après tout, malgré tout ce qu'il s'était passé, n'était-il pas celui qui me connaissait le plus ? Si ma greffe ne me répondait pas, Allen saurait m'expliquer ce qui n'allait pas. Pas vrai ? Il avait toujours été là. Malgré ce qu'il s'était passé, malgré ce qu'on s'était dit, malgré ces années sans se parler. Il avait toujours fait partie de moi.

Ma main se leva alors pour aller frapper quelques coups contre la porte, avec une assurance étrange, calme, illusoire probablement.

Qui étais-je devenue ?

Mon regard se perd dans cette sphère d'eau qui flotte entre mes mains. Parfois, j'arrive à y voir les images des visions qui m'apparaissent, et ça soulage bien souvent mes maux de crâne.

Depuis qu'Ariana est partie, je me perds parfois dans ces visions. J'essaie de savoir comment elle va, ce qu'elle fait de ses journées, avec qui elle passe son temps pour se changer les idées. Parce qu'elle se change les idées, pas vrai ? Elle n'est pas vraiment contente de cette situation ?

Ou peut-être que si. Peut-être qu'elle l'est, parce qu'après tout, partir ce jour-là a probablement été la meilleure décision de sa vie.

Mes journées ne sont pas forcément trop remplies, mais j'essaie de rester occupé. Je continue à travailler à la boutique, je passe du temps avec Pandora, et discuter avec elle me fait du bien. J'ai revu récemment Amy pour qu'on discute de l'inauguration de la librairie... Et j'ai passé mes examens, à distance, pour valider ma première année en sociologie. Les résultats ne sont pas encore tombés, mais j'avoue être assez pessimiste, compte tenu de l'état dans lequel j'ai terminé ce semestre.

Comme j'essaie de rester calme et posé, j'ai rapidement constaté que cela m'aidait pour maîtriser ces nouveaux pouvoirs qui nous assaillent chaque mois, et ça a au moins le mérite de me réconforter, et de me dire que je ne suis peut-être pas tant un raté que ça. Ma psy en est particulièrement heureuse, d'ailleurs.

Quelques coups frappés à la porte détournent mon attention de ma sphère d'eau, et je referme mes mains pour la faire disparaître avant de me lever pour aller ouvrir la porte. Je tombe sur Mitsuki, je croise son regard, ouvre la bouche puis la referme, alors qu'un mince sourire contrit vient étirer mes lèvres.

Je n'ai pas besoin de lui poser la moindre question. Je sais. Parce que les choses les plus importantes n'ont jamais eu besoin d'être dites entre nous. Et que le temps aura beau passer, j'ai passé trop de temps à ses côtés pour l'oublier.

Alors, j'ouvre les bras, et la laisse venir se blottir contre moi. Parce que la colère s'est tue, et qu'aujourd'hui, peut-être que je pourrais bien avoir besoin d'elle, moi aussi.

La porte s'ouvre. Allen me fait face. Il a changé sans changer. Il paraît plus âgé, plus mature (non, ça il l'a toujours été, beaucoup plus que moi ; beaucoup plus que beaucoup de personnes d'ailleurs, ça a peut-être été ça, son problème, d'une certaines façon...), plus grand presque. Mais si son visage me paraît plus adulte, cette lueur qui brille dans son regard me saisit tout entière ; parce que c'est lui, c'est Allen, c'est toujours le même qu'avant. Parce qu'il est là, parce qu'il m'ouvre, et parce que malgré tout ce qui a pu se passer par le passé, il ne me rejette pas.

Il ne me rejette pas, et il me sourit. Et Dieu seul sait à quel point ce sourire, timide pourtant, à peine hissé sur le coin de ses lèvres, est ce dont j'avais besoin aujourd'hui.

Il écarte ses bras, et je ne réfléchis pas avant de me jeter dedans. La porte se ferme assez rapidement derrière nous, probablement repoussée par le pied d'Allen, et je vais nicher ma tête dans le creux de son épaule, l'enserrant de mes bras. Je ferme les yeux, hume son odeur à plein poumons, resserre un peu mon étreinte, parce que finalement, ça fait longtemps, quand même, alors j'ai envie de profiter.

Je finis par me dire à regret qu'il faut que je m'éloigne, alors je le fais. Et puis je pose mon regard un peu humide sur lui, un sourire maladroit s'étant dessiné sur mes lèvres.

-Tu m'as manqué. Je crois.

Mon regard s'arrête sur ses cheveux qui volent derrière elle alors qu'elle se jette dans mes bras. Doucement, aussi un peu sous le coup de la surprise malgré tout, mes bras viennent faire le tour de ses épaules et je pose ma joue contre le sommet de son crâne, fermant les yeux quelques instants.

Elle se détache et s'éloigne de moi, et me yeux se perdent dans l'éclat améthyste, et humide, des siens. Elle parle enfin, sa voix est un peu rauque, on voit qu'elle n'a pas parlé depuis un petit moment.

L'aura, si calme, qu'elle dégage, me fait mal au coeur. Parce que lorsque Mitsuki est calme, c'est que Mitsuki ne va pas bien, et essaie de ne pas le montrer.

Je ne réponds pas à ce qu'elle me dit, parce qu'elle sait que d'une certaine façon, c'est réciproque. Je suis juste peut-être trop fier encore pour le dire. Alors on sait, et ce n'est pas grave. A la place, je pose la question qui fâche. Parce qu'elle n'est pas là juste pour me voir. Elle a eu besoin de me voir, parce que ça n'allait pas.

Et je serai là pour elle, parce que je l'ai toujours été.

Sauf que peut-être, cette fois, j'aurais besoin qu'elle aussi soit là pour moi.

-Ta greffe ne s'est pas activée ?

Mon sourire tremble un peu. Je veux rester forte, parce que j'ai toujours trop reposé mes malheurs sur lui (après tout, pourquoi est-ce que je suis encore là aujourd'hui ? N'en as-tu pas marre, Allen ?), mais je n'y arrive pas vraiment.

Je secoue la tête en guise de réponse, avant d'aller frotter mes yeux pour empêcher les larmes de couler. Je lui adresse un nouveau sourire que j'espère plus courageux, avant de me diriger vers son lit pour m'y asseoir. Je baisse alors les yeux sur mes mains, que je commence à tordre un peu dans tous les sens sur mes genoux.

-Non.

Je prends une petite inspiration. Il faut que ça sorte, sinon ça ne sortira jamais, pas vrai ? Alors j'inspire, je bloque, je relève le regard vers Allen, avec une expression toujours aussi étrange sur le visage, et j'articule enfin :

-J'étais enceinte, apparemment. Mais... Je ne le suis plus maintenant, du coup.

Mon sourire tremble un peu sous le coup de l'hésitation. Est-ce que j'en suis heureuse ? Oui, une partie de moi l'est. Parce que je ne pourrais pas être maman, pas vrai ?

Mais il y a aussi cette autre partie qui s'en veut. Parce qu'à cause de ça, à cause de moi, Ys ne sera pas papa.

-En...

Le mot se bloque dans ma gorge. Je referme mes lèvres, fixe Mitsuki qui a l'air de nouveau si... calme ? Non, elle n'est pas calme. Son sourire tremble.

Je savais pour sa greffe. Je m'attendais à quelque chose du genre "Je dysfonctionne encore Allen, comment je vais faire ?" ou "Elle a fini de me bouffer, maintenant je n'aurais plus jamais la possibilité d'utiliser ma greffe, je ne serais plus jamais complète." Mais non. La révélation est tout autre. "J'étais enceinte" ... "mais je ne le suis plus maintenant".

Je secoue la tête lorsque je me rends compte que je ne l'ai toujours pas lâché du regard. Je ne sais franchement pas quoi dire. Mais en même temps, y a-t-il d'autres façons de dire ça ? Inutile de passer par quatre chemins.

-Je suis désolé, parvins-je enfin à articuler.

Je m'approche d'elle et m'accroupis. Je pose une main sur les siennes, et essaie de la calmer. Une main vient glisser sur son visage, replaçant une mèche derrière son visage.

-Tu aurais été prête à avoir un enfant ?

- Non.

La réponse m'échappe un peu brutalement. Mes yeux se perdent dans ceux d'Allen et je sens les larmes monter fort, vite trop vite pour que j'arrive à les retenir. Alors, lentement, elles commencent à rouler sur mes joues.

- C'est grave, Allen, d'être contente ?

Ma main se lève et mes doigts accrochent son bras. Est-ce que c'est grave de ne pas être triste ? Quand je vois les regards de tout ceux qui savent, ça à l'air grave, non ? Alors pourquoi je n'en suis pas triste ?

Alors je sanglote, silencieusement, parce que je comprends bien que ce n'est pas normal, pas vrai ?

- J'ai fait du mal à Ys.

Un mince sourire triste étira mes lèvres alors que je glissai mes pouces sur ses joues pour essuyer les quelques larmes qui commençaient à couler là. Je secouai négativement la tête en signe de réponse, et m'approchai d'elle pour la prendre finalement dans mes bras.

Non, je n'étais pas tellement surpris. Et sa réaction correspondait à peu près à ce que j'avais imaginé. Mitsuki ne changeait pas. Et si elle ne m'avait pas répondu ça, là, je me serais inquiété.

Dans le cas présent, rien ne suscitait mon inquiétude. Parce que comme d'habitude, il était toujours plus facile pour Mitsuki de ne pas comprendre ses sentiments.

-Tu as le droit d'en être soulagée. Ce n'est pas quelque chose de mal. Tu as fait un déni de grossesse pour une bonne raison. Tu n'étais pas prête. Tu as le droit d'accepter cette situation, personne ne peut te forcer à la voir d'une autre manière.

Je glissai une main dans ses cheveux, lui caressant délicatement le crâne.

-Tu n'as pas fait de mal à Ys. Tu n'es responsable de rien. Si ce n'était pas arrivé là, ce serait peut-être arrivé à un autre moment. Parfois on n'a pas toujours besoin d'un responsable. Il faut juste prendre les appels que nous envoie la vie, et se les approprier pour continuer à avancer... Tu n'étais pas prête. Et quand tu le seras, si vous l'êtes un jour, alors vous pourrez reprendre les choses ensemble, avec Ys. Et construire ensemble l'avenir dans lequel vous vous projetterez.

J'écarquille les yeux. Si ce n'était pas arrivé là...

Alors si. Si, je suis responsable, non ? Parce que je l'ai rejeté, ce enfant. Je l'ai rejeté si fort, trop fort. Je l'ai rejeté, et ma greffe n'a donc pas pu s'activer. Parce que ce corps étranger aurait été attaqué. Je l'aurais attaqué. Je l'aurais tué. Je l'aurais détruit.

Parce que je n'en voulais pas.

Alors si, si, quelque part, j'ai fait du mal à Ys, pas vrai Allen ? Pourquoi cherches-tu toujours à me protéger ?

Lentement, je me détache de lui et m'éloigne de ses bras. Je me recule dans le lit, et essuie d'un geste bref les larmes sur mes joues.

-Tu as l'air fatigué toi.

Je suis désolée de t'avoir dérangé Allen. Je suis tellement désolée... Je n'aurais pas dû venir, pas vrai ?

Non, je n'aurais pas dû venir.

Mes mots la tourmentèrent, et cette culpabilité maladive m'assaillit assez rapidement, avant que je ne parvienne à la chasser. Non, Allen. Tu ne devais pas t'en vouloir. Tu devais arrêter de croire que tu avais un rôle à accomplir, et qu'à chaque fois que ta langue fourchait, tu déviais de ce rôle et n'accomplissais pas ton destin.

Tu avais dit ce que tu pensais, tu t'étais exprimé clairement, et sa réaction ne dépendait que d'elle. Elle était venue te voir pour que tu lui donnes ton avis, non ? Pas pour que tu endosses un rôle qu'elle t'avait attribué. Tu étais quelqu'un, Allen, et tu avais une voix, que tu avais le droit d'exprimer. Tes rendez-vous avec la psy te l'avaient bien fait comprendre.

Un mince sourire étire mes lèvres et je me dirige vers ma chaise de bureau pour m'y asseoir, triste écho de ce jour où Aria s'était trouvée là, à l'exact emplacement qu'occupait Mitsuki qui mon lit.

-J'ai un peu de mal à dormir en ce moment. On... On n'est plus ensemble, Aria et moi.

Et c'était peut-être un peu plus difficile à dire que prévu. Parce que si je ne l'ai jamais nié et que je l'ai bien compris d'emblée, peut-être que le dire le rend quand même un peu plus réel...

Ils n'étaient... Plus ensemble ?

Tu n'aurais vraiment pas pu tomber plus mal que ça Mitsu.

J'avale ma salive, m'avance sur le lit pour me rapprocher d'Allen, le regard désolé. Je prends l'une de ses mains, par réflexe, et baisse la tête.

-Je suis désolée Allen...

Je relève le regard vers lui, me pince la lèvre inférieure.

-Qu'est-ce qu'il s'est passé ? Tu veux m'en parler ?

Ce n'est peut-être pas toujours à toi de m'écouter. Je peux aussi faire cet effort, non ? Je te le dois bien...

Un mince sourire étira mes lèvres, et je détournai le regard de Mitsuki, retirant délicatement ma main de la sienne, n'assumant pas particulièrement ce contact. Je n'avais pas été gentil avec Ariana, je ne méritais pas d'être rassuré.

Un rire un peu triste m'échappa, et je répondis à Mitsuki :

-J'ai rechuté.

Je collai mon dos contre le dossier de ma chaise de bureau, jouant avec les différentes manettes pour me pencher en arrière. Je fixais le plafond, vaguement pensif, avant de reprendre :

-J'ai recommencé à tout prendre sur moi, et j'ai réalisé que je m'étais perdu à nouveau alors... Avec tous ces pouvoirs qui ont changé, je n'ai pas réussi à le cacher à Ariana. Et elle était toujours tellement présente. Elle voulait toujours qu'on se voit tellement plus. Sauf que je peux pas me permettre de flancher devant elle, parce qu'elle ne va pas toujours très bien, tu comprends ?

Je ris un peu en m'entendant parler, et me replaçai correctement sur ma chaise pour baisser le regard sur Mitsuki.

-Je... J'avais l'impression d'étouffer. Parce que plus je réalisais qu'il était temps que je parle, plus je me rendais compte qu'avec le temps qui était passé, c'était pire et...

Je ramenais mes jambes contre moi pour me placer en tailleur sur mon siège, baissant mes yeux sur mes mains qui tenait mes chevilles.

-J'ai pas vraiment réussi à lui parler. Je voulais une pause, j'avais besoin de souffler, juste un peu, parce que c'était trop pour moi, d'un coup, comme ça. Mais elle était Télépathe à ce moment-là, alors ça a dégénéré et... Elle a fini par partir de ma chambre. Ce qui est probablement la meilleure décision qu'elle ait pris de sa vie, achevai-je dans un rictus mal camouflé.

Mon coeur se soulève quand Allen m'annonce qu'il a rechuté. Il a... rechuté ?

Les pires scénarios s'enchaînent dans mon esprit. Il ne peut pas avoir rechuté. Il n'est pas comme il y a quelques années. C'est différent, alors pourquoi...?

Les explications finissent par pleuvoir, me serrant l'estomac. Pourquoi fallait-il que tout aille toujours aussi mal ?

Ses sourires et ses rires me mettent mal à l'aise. Il est nerveux, mais il fait pourtant l'effort de parler. Il parle, et ça, c'est tout de même assez incroyable, pas vrai ?

Alors je l'écoute silencieusement. J'ai envie de le prendre dans mes bras, mais j'ai bien compris qu'il n'avait pas envie de ce contact. Alors je baisse les yeux, et tente de trouver les mots, ce qui n'est jamais vraiment facile pour moi.

-Ca finira par s'arranger. Pour l'instant tu dois surtout et avant tout penser à toi. Mais tu le sais déjà, pas vrai ?

Parce que c'est ce qu'il est déjà en train de faire. Comment peut-il avoir tant d'assurance malgré la situation ? Comment a-t-il pu m'écouter alors qu'il était déjà si mal ? Quand es-tu devenu si fort Allen ?

-Ca fait combien de temps ?

Je captais le malaise de Mitsuki et ne pus m'empêcher de culpabiliser un peu, malgré tout. Comme d'habitude, je me dis que j'aurais dû me taire. Mais non. Il faut parler Allen, et tu le sais. Alors fais-le, continue à essayer de travailler sur toutes ces choses qui te font défaut. Ses paroles me firent étrangement sourire. J'approchai une main d'elle pour lui ébouriffer les cheveux.

-Ca va aller. T'en fais pas.

Je me basculai de nouveau sur mon siège, plantant mon regard sur le lustre au milieu de la pièce.

-C'était il y a quelques mois maintenant ? Deux mois ? Je ne sais plus. Avant l'explosion...

Je me leva finalement de ma chaise pour m'installer à côté de Mitsu et lui donner un petit coup d'épaule.

-Hé. Fais pas cette tête de mort. Ca ira, je te le promets. Je m'en remettrais. Je continue à suivre assidûment ma thérapie, et pour Aria... Peut-être que ça ne s'arrangera pas, je n'en sais rien. Je ne peux rien lui imposer. Bien sûr que je l'aime encore, mais je l'ai blessée. Et elle aura tous les droits de continuer à m'en vouloir. Alors si ça ne s'arrange pas, tant pis pour moi. Ainsi va la vie, non ? Je me reconstruirais, je continuerais à essayer d'avancer.

Je crois que quelque part, même si je ne lui ai jamais dit, j'ai toujours admiré Allen pour sa facilité à prendre du recul sur une situation. Il y a peut-être eu des ratés parfois, parce que c'est pas toujours facile, mais il a toujours su où se placer. Quelle place prendre. Sans forcer qui que ce soit. C'est un peu triste de ne s'en rendre compte que maintenant... Mais c'est peut-être la situation qui me le fait enfin réaliser.

Parce qu'une fois encore, je suis venue pleurer entre ses bras, perdue dans mon déni, à attendre qu'il m'en sorte, tandis que lui avait déjà avancé, et n'a jamais nié quoi que ce soit. Où trouves-tu cette force Allen, franchement ? Peut-être aussi qu'il a déjà commencé à travailler sur ça bien avant que j'arrive... Parce qu'il est ce genre de personne qui sait quand il est temps de commencer à travailler sur soi. Ce que je suis incapable de faire seule. C'est rigolo quelque part. J'ai toujours été celle qui jouait à l'indépendante, et lui qui montrait sa dépendance, alors que la réalité prouve bien que je suis complètement dépendante des autres, tandis que lui est nettement plus indépendant que moi lorsqu'il s'agit de se reprendre en main.

Sans trouver encore quoi dire, je pose donc ma tête sur son épaule, et ferme les yeux un instant, profitant de ce moment de calme, où je ne pense plus à moi, où je me concentre sur lui, et juste lui.

-Alors j'espère que ça rentrera quand même dans l'ordre. Parce que tu mérites d'être heureux avec elle si tu l'aimes...

Je rouvre les yeux, et tourne la tête vers lui avec une expression que je qualifierai presque de taquine, ce qui est suffisamment étonnant en ce moment pour moi pour que je le relève.

-Promis, cette fois, je ne ferai rien ! Je n'essayerai pas de m'immiscer, je n'essayerai pas de t'aider, rien, rien, rien !