Pourquoi j'suis prof, déjà ? Question rhétorique, je sais pourquoi j'suis prof : quand j'suis devenu Master, y avait besoin de gens pour servir de pâture aux élèves, histoire de leur donner un cadre légal, j'ai passé un concours vitef quelques temps après pour faire semblant de l'officialiser, et tadaaam, j'suis devenu prof de maths ! Parce que les maths, c'est le seul truc que j'ai toujours un peu su faire de ma vie, et légitimement, j'peux comprendre que prof de techno ça enjaillait pas trop Hideko qui avait aussi besoin d'un coup de main avec les factures exhorbitantes de l'Institut. Bref, deux en un, si je voulais être payé fallait que je fasse un truc, et franchement, à quasi 21 ans, j'avais moyen le choix je trouve. Résultat, dix ans après, je suis. Toujours. Prof. Et je ne sais pas pourquoi.

Nan mais c'est vrai, j'ai jamais vraiment aimé ça ? D'accord, c'est valorisant quand j'arrive à en faire progresser certains, et comme on a des petites classes, c'est pas trop la misère encore. Mais sincèrement. Vraiment. Les copains. Est-ce que vous vous rendez compte qu'avec la différence d'âge, réussir à faire des cours compréhensibles de tous tout en les faisant avancer, c'est hyyyper hardcore ? Ouais ben nan, moi j'me rends compte c'est mon quotidien, les gars. Puis surtout. Terrae, j'rappelle qu'y a quand même un sacré nombre de cassos ici : personne n'est stable !! Imaginez des ados déprimés ou en échec scolaire ! AVEC DES POUVOIRS. Qui veut être prof à Terrae ?! QUI ? PERSONNE NE VEUT ÊTRE PROF A TERRAE !

Bon, toute cette intro pour dire qu'apparemment, en tant que prof, j'suis censé m'inquiéter quand des élèves sèchent mes cours trop souvent. Et visiblement, y a pas que les miens que miss Doe sèche... Résultat, y a au moins cinq autres personnes qui auraient pu y aller, mais on s'est dit "nan mais Aaron il est papa, il peut s'en occuper". Ouais. Et mon cul. C'est du poulet. RYU AUSSI IL EST PAPA ET ON LUI CASSE PAS LES COUILLES PUTAIN. Comment ça j'ai des ados à la maison ? OUI MAIS NON. Merde.

Résultat, lundi midi. Toujours pas de petite Sonore à chapeau en vue ; je me traîne jusqu'au dortoir Air pour aller frapper à sa porte. J'ai un sourire en voyant le nom de la petite Lys à côté de son nom. J'savais pas qu'elles s'étaient improvisées colocs.

—Yo, ouvre la porte, j'sais que t'es là-dedans. Personne a de nouvelles de toi ces derniers temps, faudrait peut-être songer à montrer que t'es en vie un de ces quatre.

J'suis vraiment pas doué, en fait... Elle va jamais sortir si j'commence comme ça. Bon, j'aurais aussi pu dire "POLICE, OUVREZ." mais c'est une Air. Une Air ça saute toujours par la fenêtre, c'est bien connu.

Pan! Zap et Pioupiou. C'est le genre de son qui crache pas les enceintes du pc. Depuis une semaine déjà, je campe le pc et les jeux quand je suis pas au travail. Les cours me direz vous? Il se trouve que j'ai une colloc fantastique qui, temps que je fais en sorte de me tenir à jour, m'a organisé la récupération des cours par un jolie sourire à un camarade. Je sentais pas trop de me poser dans une salle de cours, au milieu de gens plus jeune que moi et encore moins depuis que j'ai eu l'idée de m’entraîner avec Ys.En fait, j'ai pas trop envie de me retrouver aux milieu de gosse aussi malin que moi parce que... bah je me sens encore et toujours comme une daube.J'ai 5 ans de plus que certains d'entre eux, mais on dirait que le rapport intellectuel est inversé. C'est pas ouf pour l'égo.

Quoi qu'il en soit, j'ai pas un rythme de vie modèle. La preuve en est, quand il s'agit de répondre à la porte, c'est la panique. J'avais aucun passage prévu dans la journée, la voix est masculine et me rappelle franchement celle d'un prof, quand à savoir lequel, c'est un second problème.

Le premier soucis c'est d'évacuer la fumer de cigarette rigolote qui brouille un peu l'air de la pièce. J'ouvre la fenêtre en répondant à mon visiteur encore bloqué derrière la porte "Un instant !" puis d'un courant d'air assisté par magie , je commence à évacuer le trop plein. Quand le résultat me semble acceptable, je retrouve mon pantalon et l'enfile avant de me diriger vers la porte. Un rapide coup d'oeil vers la salle d'eau me confirme plusieurs choses :

-Déjà, la marque violette sur l'oeil se voit toujours.
-Je manque un peu de sommeil parce que ce week end, j'ai passé mes nuits à jouer.
-Enfin mes yeux éclatés par la fume me donnent un air ma fois très à l'ouest. Ce qui pour une américaine est un peu le comble du mauvais goût si on me demande. Quoi qu'il en soit, si c'est un prof, c'est un master et donc autant pas le faire attendre d'avantage?

J'entrouvre la porte et glisse la tête par l'ouverture, autant pour éviter d'embaumer le couloir avec les odeurs fumeuse de la chambre ces derniers jours que pour ne pas trop dévoiler le bazar de ma vie en ce lieu.

Oh Des lunettes qui reposent sur un prof de math. C'pas banal comme premier contact de la journée.

"Oh Bonjour Monsieur!"

On feint l’innocence et lui rappelle qu'il est vieux. Just Because. Après tout je suis quand même aller au taf pour continuer à gagner ma vie. Puis franchement, m'envoyer le prof de math à moi.... Genre les autres veulent pas se mouiller et ont refilé ça au prof qui doit regarder ma moyenne avec une vague sentiment de dépression.

"J'étais pas mal crevé ces derniers temps... Mais j'ai organisé ma récupération des cours déjà !"

ça commence quand même avec deux demi-mensonges. en même temps, je vais pas assumer de pas pouvoir montrer ma gueule aux gens parce que j'me suis fait plaqué comme un étron.

"Après je suppose que si on vous a envoyé, c'est parce qu'il allait falloir commencé à rendre des comptes hein? Du coup je peux vous aider?"

Je veux juste voir si c'est crédible de faire des reproches à une personne de 22 balais sur ce sujet. Puis j'aimerai évacuer ce problème avant qu’il arrive aux oreilles de ma coloc. Elle s'inquiète suffisamment pour moi.

J'suis sûre qu'elle est à poil à faire des trucs pas nets. Y a trop de panique dans son petit corps, c'est incroyable. Incroyable aussi tout ce qu'on peut ressentir à travers une porte, hmmmm. Nan mais je juge pas, hein, j'ai été ado aussi... Enfin elle est un peu la plus âgée de toutes mes classes, mais. Dans l'idée. Je sais pas. ELLE EST MAJEURE JE PEUX FAIRE LES BLAGUES DE CUL QUE JE VEUX. (Comment ça non ???? Mais ! ok...)

C'est donc un sourire goguenard que je veux afficher à la petite Air, qui se transforme en expression interloquée lorsque je vois sa tronche de "je viens de faire la guerre du Vietnam trois fois dans ma tête et ma vie". Haussement de sourcil incrédule, je la dévisage longuement. Hm. Ouaiiiis.... Ouaiiiiiiiis. Ca pue un peu la weed, là, quand même, hein-

La Sonore a pas l'air motivée à sortir plus qu'une demie-tête du couloir, et m'accueille avec un sourire et un bonjour monsieur bien sonore. Mon sourire se tire en coin, je crois lentement les bras en lorgnant sur son oeil au beurre noir et compagnie. Aha. Nan mais j'ai toujours des contacts foireux avec les élèves. Ca m'fait rire. Hmhmhmhm. Ouais, d'accord, rire bien nerveux, je vous l'accorde.

—Bah... Ouais, dans l'idée il paraît que si tu sèches, c'est pas cool. On s'inquiète surtout d'savoir si les gens sont en vie quand on a pas trop de news... Puis bon, t'es inscrite pour les cours, alors autant y aller, hein. C'est toi qui l'a demandé.

Sans demander son autorisation, j'attrape la porte et la pousse pour pouvoir glisser ma propre tête à l'intérieur. Ouaiiis, ça sent bien la weed, je suis pas taré. Oh, le joli ordinateur allumé...

—Tu m'étonnes que t'es crevée, t'as vu ta tronche ?! C'est marqué dessus. Faut arrêter de te bastonner avec Lys parce qu'elle t'a piqué tes chaussettes, hein.

Enfin pas sûr que Lys arriverait à coller un pareil oeil au beurre noir à la miss... Bon, j'la connais pas tant que ça, après.

Je me recule pour lui laisser un semblant d'intimité. Bon, j'crois que j'aurais préféré qu'elle se fasse un peu du bien plutôt qu'avoir à gérer (encore) ce genre de problèmes, putain.

—Bon et sinon, ton jeu, c'est au programme de quel cours, déjà ? je l'interroge, grand sourire aux lèvres.

Y a comme un mix d'émotions qui passent sur le visage du M'sieur Williams quand il m'aperçoit. en même temps, j'suis pas vraiment présentable. Au moins je suis habillé, c'est déjà ça. L'interprétation de ses expressions faciales étant un échec, je me contente d'écouter calmement l'objet de sa présence, et c'est pas très surprenant parce que les master son responsable des élèves de Terrae, quelqu'un a été envoyé prendre la température. Le SAV est balèze quand même ici. Bon par contre je tique un peu quand il me signifie que c'était mon choix de reprendre les cours.

Ouais... Mon choix pour montrer à mon ex que j'avais envie d'aller de l'avant. Bizarrement j'ai du mal à épouser cette dynamique en ce moment. Mais ça c'est ton problème ma grande.

J'encaisse donc le message qu'on lui a sans doute chargé de me faire passé, le tout avec docilité, la tête baissée. Au fond, j'me dit qu'en effet, à quoi bon continuer, ma raison bidon a explos" en vole après tout.

"Oui m'sieur. Désolé."

Mais voilà à peine ma garde baissée, le Master "force" l'accès à la chambre, sûrement pour constater que j'étais pas en train de séquestrer quelqu'un je suppose.
La liste de reproches s'allonge quand il relève l'état de mon visage, supposant à tort que c'est le fait de Lys. Forcément, ça me tire un sourire.

"C'est bien mal nous connaitre. On se bat jamais. Je conçois même pas le début de l'idée de levé la main sur elle. Puis en général c'est moi qui lui pique des vêtements, pas l'inverse. Question de taille je suppose."

joignant le geste à la description, je dessine un arrondi avec mains au niveau de la poitrine. C'est peut-être pour ça qu'il s'est barré le Riki tient... J'pourrai presque comprendre.

"Vous savez, en principe, quand on mène un interrogatoire, le prévenu a quand même le droit d'être assis." Ah souvenir d'enfance! " Je vous invite à rentrer et vous propose à boire?"

Ce faisant je me décale de la porte pour retourner au centre de l'espace à vivre, lançant la machine à café au passage, des fois que ça dur.

"Du coup, c'est pour le cours de Littérature. Je prépare un papier sur les dystopie, vou'voyez."

Bien sûr que je me fiche de sa tronche, mais en même temps quand tu mates sa tronche et la question qu'il pose, c'est difficile de résister à la tentation. Je laisse la connerie passer avant de lui indiquer mon bureau du doigt, les notes de rattrapage entassées et déjà traitées pour la plupart. Ne reste que les sciences et les maths. Je veux me poser, j'suis pas là pour souffrir okay? ... équations de mes deux....

"Lys a tenu à ce que je reste à jour, même si je me sens pas de pointer en cours... J'risquerai de perturber l'ambiance générale." C'est surtout le regard des gens qui va te perturber. Alors qu'ils s'en foutent royal de ta tronche." Puis ça serait bien pratique, un diplôme, pour la vie active et tout..."T'y crois même pas, c'est pas un bout de papier qui te rendra meilleure. Parasite.

Au final, c'est moi qui fini par m'affaler, regardant le menu pause de Borderlands 2 sur l'ordi et rallume mon joint machinalement. J'ai la sensation de devoir me justifier des mes non-actes... Mais j'me trouve faible et ridicule.

"Même si je sais pas quoi foutre du dit papelar. Je suppose que je trouverai bien quelqu'un pour qui ça aura de la valeur."

Un grande dose d'optimisme, rien de mieux pour rassurer son monde.

Ouais, désolée, désolée... J'm'en fous que tu sois désolée, je fais juste mon taf. Mais ça m'inquiète un peu plus de te voir dans cet état-là, miss, tu vois ? Raison pour laquelle j'enchaîne un peu mes remarques sans grand tact. Je suis pas connu pour mon tact, j'ai d'ailleurs jamais été connu pour ça. Enfin, avec les potes un peu plus ; mais elle c'est une élève, ses fringues puent la weed, ses yeux sont défoncés et j'ai un peu un mauvais passif avec tout ce qui est drogue, ces dernières années. Autant dire que là, j'suis passé en mode daron instantanément. Au moins, je sais qu'elle est pas seule en train de crever dans sa merde vu qu'elle a quand même une coloc.

J'me doutais bien que le cocard venait pas de Lys, mais c'était une manière plus casual de lui poser la question que de dire "hey hey, tu t'es bagarrée ? c pa bien" comme un débile.

Alors je lui renvoie un sourire en coin, plutôt content de sa répartie... et j'arrive pas à retenir un demi ricanement quand elle fait ce geste suggérant leur différence de taille de poitrine.

—Oh bah ! J'avoue, j'ai pas le problème, j'y avais pas pensé, tu m'as eu sur ce coup.

Au moins, l'ambiance est pas trop mauvaise. Si la personne en face a encore de la répartie, j'en viens souvent à conclure qu'il y a pas de problème et que j'peux continuer à être un peu casse-couilles et curieux. Cela dit, je sens bien son mal-être qui n'est pas du tout sous-jacent.

—Ah, c'est un interrogatoire que je mène ?! Merde, c'est moi qui aurais dû ramener le café alors, et les indices compromettants... Ahh... Ouais je veux bien un café, si tu as de quoi. Vous êtes pas trop serrées, à deux dans une chambre d'initié ?

Puis on sera mieux dans sa chambre que dans le couloir où littéralement tout l'étage peut nous entendre, hein. OUUUIIII elle a une machine à café !!! Blobby bénisse ces inventions. Je referme la porte derrière moi, plantant mes mains dans mes poches sans trop savoir où me foutre... C'est vraiment une chambre de meuf, hein-

—Oh bah, si c'est pour un devoir... je m'amuse, m'appuyant contre un placard pour observer les notes qu'elle me désigne. C'est toujours utile, un diplôme, tu sais. Il suffit de trouver ce qui t'intéresse.

J'incline lentement la tête, sourire aux lèvres.

—Y a quoi qui t'intéresse ?

Bah ouais mec, t'y penses pas des masses mais je t'assures que mes amis eux l'oublie pas et moi non plus d'ailleurs. Bon c'est vrai que je saurai pas quoi foutre d'un poitrine plus grosse à part jouer avec. Des années de retard à rattraper faut me comprendre....

"En vrai, j'y pense quand c'est mon tour de faire la lessive surtout. Bon ça m'empêche pas de taper dans certains de ses vêtements quand même, juste certains font un peu parachute sur mon dos parce qu'il me manque aussi une dizaine de centimètre de plus à la verticale... Mais je peux m'enrouler dans ses pulls, c'est super confort."

C'est comme ça que j'ai survécu à l'hiver nippon, ça et pas mal de nourritures. Des rumeurs courent dans le logement, on pourrait encore entendre le cri des pizzas trépassées en ces lieux. Mais c'est une autre histoire et j'ai un master et deux café sur les bras. Il laisse aller sa curiosité et demande implicitement comment se passe notre colocation. Je  ma couette du canapé en direction des lits accolés et invite le Master à prendre place sur le faux-cuir installer et je m'installe sur ma chaise de bureau,. Je donne donc des éléments de réponses à ses questions, attendant l'inéluctable déclic de la cafetière.

" On a toujours e qui faut ici, que ça soit preuves incriminantes, nourriture et café. On a une amitié fusionnelle, J'suis orpheline et elle est amnésique. Je suppose que ça arrange nos insécurités respectives." Les tiennes surtout."

Bien entendu, en bon prof, mon interlocuteur décide également que l'orientation est une question importante. Je serai pas vraiment revenu en cours si j'avais déjà eu une idée de métier. J'ai un taf alimentaire et j'aimerai pouvoir ambitionner autre chose. Mais quoi.... La machine me tire de ma réflexion, merci le gong, et je m'y précipite donc tout en bottant en touche :

"Beaucoup de choses. Presque tout, je suis de nature curieuse. J'pensais à un truc où je pourrais aider les gens. Mais j'ai pas trop le profil d'une assistante sociale. Je me suis dit "regarde pour la police" mais le japon recrute pas les étrangers dans ses forces, même si ils disposent du séjour permanent. Du coup, pour le moment, je me contente d'un taff alimentaire et de mes études ... ça me tient tranquille. C'est que je peux pas trop me laisser aller à mon ancien métier ici héhé."

Je laisse échapper un petit rire gêné, je vais pas lui dire en face que je faisais dans le pas légal, mais j'espère qu'il le comprendra sans aveux. Puis je vais pas rajouter la nostalgie à mon état du moment, c'est bien assez comme ça.

"J'aime bien l'idée des masters qui partent pour aider et récupérer les jeunes. J'ai pas mal papoté avec Ys par exemple et j'avoues que l'idée de rendre à Terrae le bien qu'il m'a fait serait également une perspective plaisante. C'est juste que je sais pas où poser la pierre sur l'édifice j'pense, parce qu'elle a une drôle de forme."

Ou dans mon cas pas de formes du tout. Le truc c'est que dans mon élan verbale, mon cerveau oublie de fermer les vannes, ma réflexion se poursuit donc tout naturellement à voix haute.

"J'ai pas l'impression d'avoir repris les cours pour une bonne raison. J'voulais impressionner mes proches. J'étais pas dans un état terrible y a un an, et c'est mes amis qui m'ont donné envie de me prendre en main. Du coup, j'me suis pris la tête avec l'un d'eux et me voilà comme un chiot perdu à qui on a pas dit que c'était un bon toutou. C'est l'impression que je me fais en ce moment...."

Je range mon amertume pour la remplacer pas un sourire. Pas se laisser abattre, c'est bon pour les oiseaux et les arbres ça.

"Je pense que ça va passer. Le temps d'encaisser et d'oublier, ça ira mieux, je risquerai plus de faire déprimer les jeunes sensitifs qui comprennent pas ce qui leur arrive."

J'aimerai bien oublier non pas Erik mais la manière dont ça s'est passé. L'aurai-je mieux vécu si ça n'avait pas était le premier?

"Merde le café va être froid."

Je me lève, rappelé à moi-même par l'urgence gustative. C'est pas terrible le café froid... alros le café dosette froid.... Mais mon instant d'égarement n'a pas tant durée, les deux tasses sont encore chaudes. Je me suis juste écouté parlé trop longtemps.

"Et vous M'sieur? L'enseignement était une vocation ou vous avez pas encore eu l'occasion de suivre vos aspirations?"

On peut toujours trouver l'inspiration ailleurs. C'est un Master après tout

S'enrouler dans les pulls de son / sa coloc c'est la meilleure chose qui soit. Ou dans un pull tout court. Sauf en plein été, en pleine canicule ; là, j'admets que je préférerais autant mourir à poil sur le sol que d'envisager la moindre couverture... C'est un détail qui a son importance, croyez-moi. J'en connais qui dorment avec la couette même en plein été !

—La prochaine étape, c'est de voir si c'est un bon parachute ou pas. T'es Air, en plus...

Grand sourire con. Plutôt que de rester comme un abruti dans un coin de la salle, je suis son geste de la main et m'installe sur le canapé. Lentement, j'acquiesce, observant les lits accolés.

—Amitié fusionnelle, hmhm, je m'amuse. Je vois l'idée oui. Tant mieux si ça vous permet de tenir le coup.

Moi aussi j'avais une amitié fusionnelle avec mon meilleur pote et coloc, avant Terrae. On est devenus tellement amis qu'on pouvait plus vraiment appeler ça amis, uuups. (Bon j'vais pas entrer dans le débat parce qu'avec du recul, notre relation était quand même super malsaine, mais c'est un DETAIL.)

Très élégamment, je croise mes jambes et observe la miss préparer les cafés. Je vais pas lui faire l'affront de lui demander si elle a besoin d'aide (ok j'ai la flemme) mais si je vois qu'elle galère de trop, j'irai sans doute lui poser la question.

Lentement, j'acquiesce en essayant de faire le tri. Curieuse, pas du type assistante sociale. Mais la police, pourquoi pas, dit-elle. Hmm. Est-ce qu'y aurait moyen de tourner ça à Terrae ? Mon sourire se tire en coin quand elle évoque son ancien métier. Compris, je poserai pas de question. Je la laisse finir sans l'interrompre. Elle semble réfléchir à voix haute, alors je la laisse élaborer ; j'pense qu'en lui posant des questions directement, elle serait pas forcément aussi franche avec moi. Y a ce petit trémolo à l'intérieur d'elle lorsqu'elle évoque cette prise de tête ; sans doute la raison qui l'a poussée à se mettre à l'écart, hm ?

—T'inquiète pour le café. Je vois ce que tu veux dire. C'est un peu compliqué, d'autant que tu n'en es pas encore au rang de Master, justement, je souris. Mais rien ne t'empêche de rejoindre de manière plus permanente des groupes de mission, tu crois pas ? Pourquoi t'en parlerais pas à Hideko ?

J'attrape le café qu'elle me tend et la remercie chaleureusement.

—C'est normal de vouloir t'isoler un peu pour prendre le temps de réfléchir. Après, y a pas de bonne ou de mauvaise raison de reprendre ses études... Enfin, si, pour faire uniquement plaisir aux autres, c'est clair que ça pue. Mais est-ce que t'as fait ça que pour les autres, ou aussi pour t'apporter un truc à toi-même ? C'est ça la question qui est importante, 'me semble. Puis t'es encore jeune, me semble. T'as le temps d'évoluer encore. C'est pas parce que tu prends encore un ou deux ans - ou même davantage - à trouver ta voie que t'as tout loupé.

Je prends une gorgée, souriant doucement.

—C'est la prise de tête qui a amené le cocard, ou rien à voir ?

Retenant un baillement, je m'appuie dans le fond du canap', haussant un sourcil. Mes yeux se perdent dans le vague un instant avant de revenir sur Abe.

—Hmm. Vocation, pas vraiment. On va dire que j'ai pas trop eu le choix, au début. Il fallait biens s'occuper de l'éducation des jeunes ; si j'avais pu, j'aurais sûrement fait autre chose. Mais ça me convient encore, pour le moment.

C'est pas tout à fait vrai, mais ça, elle a pas besoin de le savoir. J'aimerais pouvoir faire autre chose. Je suis juste bon à rien, alors welp. Et enseigner... C'est quand même quelque chose qui me fait plaisir, quelque part. Juste... Je sais pas si je veux faire ça toute ma vie, surtout.

—J'ai jamais trop eu d'aspirations, je crois que continuer à évoluer tranquillement c'était déjà pas mal.

Puis avant d'être heureux dans un job, fallait aussi que je gère le reste. L'alcool, la drogue, la dépression, les envies suicidaires, le vide, les emmerdes, les élèves, Terrae, mon passé. Vous voyez un peu le topo. Parfois, faut un peu faire le ménage avant de réussir à trouver ce qui nous fait vraiment du bien.

J'ai du mal à ne pas rire en m'imaginant sauter par la fenêtre, les vêtements de Lys en guise de planeur. Mais je suis pas sûr que m'encourager à tenter ce genre d'expérience soit vraiment une bonne idée. Je vais me retrouver à l'hosto une jambe pétée, j'aurai pas l'air con. Par contre, je sais pas ce que c'est cet air à la con quand il souligne les mots "amitié fusionnelle" mais il a le bon goût de pas relever. Dommage, moi je me suis déjà emballé.

"Fusionnelle dans le sens où on s'empêche mutuellement de faire de trop grosses conneries et qu'on se sort de nos coups de mou. Pas fusionnelle "fusionnelle"....bref"

J'ai l'impression que je m'embrouille d'avantage encore. On va plutôt tendre la tasse en écoutant sagement les conseils du monsieur qu'à l'habitude des cas comme ça. Doit falloir un sacré mental pour survivre aux jeunes de Terrae au quotidien n'empêche. Je serai curieux de voir la tronche des casiers judiciaires qui traînent .

"C'est tentant comme proposition, mais je suis pas prêt du tout malgré mes compétences pratiques . J'ai peur des détonations et autres trucs du genre et je pense pas qu"on ait envie de passer une heure à me chercher parce que je me serai barré en courant pour me planquer dans une poubelle au moindre orage imprévu, coup de feu ou encore Tonnerre qui utilise ses pouvoirs pour se défendre. Mais je travaille là dessus en ce moment."

Avec le Grand Master Ys Ochikawa ! Pourquoi je commence à être fier de ça moi? Lys doit être contagieuse avec sa motivation et son admiration du monsieur. Débordement sensitif? Faudra vérifier. Après tout, j'ai le temps comme le dit si bien Msieur Williams.

"Yay, mais je m'impatiente un peu. 22 ans et au lycée, c'est carrément un synopsis de Drama japonais. Littéralement, j'en ai maté quelques épisodes."

Mon bon commentaire passé, je réponds vraiment à ses questions, pour une fois que j'emmerde quelqu'un d'autre que Lys ou Riki avec mes crises existentielles.

" Pas dans les premiers temps de ma reprise des cours. C'était vraiment une réaction de gamine qui voulait impressionner son mec. Puis je me suis pris au jeu, l'ai compris l'ampleur du manque devant une équation à trois inconnus."

La première fois que j'ai peur des inconnus ma gueule.

"Après, ma colloc, dans son génie grandiose en est arrivé à me proposer une idée. Je suis pas maladroit avec les serrures. Ça occupe le corps et l'esprit et y a virtuellement pas de fin à l'hypothétique complexité d'un mécanisme. J'trouve ça beau, spécialement parce que quelque part, c'est parfaitement vain. Le but d'un serrure c'est de s'ouvrir à termes. "

Puis c'est plus drôle avec des crochets et de l'appareillage qu'une clé toute conne quand même.

"Mais je sais pas trop si y a ce qui faut à Terrae et j'ai pas du tout le niveau en japonais pour suivre une formation. Et je sais encore moins si je serai capable d'apprendre à parler nippon."

Trop de doute. Une gorgée de café et une taf évacue facilement tout ça. Qui a dit que l'alcoolisme était la solution à tout les problèmes? Mais voilà que je frôle de m'étouffer de rire avec mon café quand il essaie de voir d'où mes blessures physiques peuvent provenir. J'arrive pas à imaginer Erik faire du mal à quelqu'un.

"Jamais on en serait venu aux mains. Erik est tellement doux de nature, syndrome du chevalier j'crois qu'on appelle ça. Il veut que du bien au monde, c'est un peu ce qui m'a fait craqué pour lui."

Ça et le bleu de ses yeux, les câlins avant même que je sache que j'en ai envie et pour ne rien gâcher, c'est un putain de troll quand il s'y met. J'ai envie de le voir... un soupire passe n'emporte pas le poids dans ma poitrine. Non ce qui parvient à l'emporter, c'est les mots du Master qui me rappellent d'où je viens et me tirent un sourire. Parfois, ça fait du mal, parfois, ça fait du bien.

" Z'êtes pas si différent des nonnes qui m'ont élevé. Celle que je préférais, sœur Myriam, me disait que ce qu'elles avaient toutes en commun, c'était d'avoir mis de coté leurs aspirations personnelles pour un but plus grand et meilleur. Les raisons étaient différentes, pas toujours bonnes ou saines, mais comme dans la religion, l'importance est d'y croire."

Je déplore presque l'absence d'église à Terrae. Oh question métaphysique pour changer la gravité du ton actuel de la discussion. De nul part, le plus sérieusement du monde, j'interroge le pauvre Master qui n'a rien demandé :

"Est-ce irrespectueux de prier un dieu dans un lieu consacré qui ne lui est pas dédié? J'suis croyante, et j'ai pas trop d'église à portée de main. Ni de théologien ou de cureton d'ailleurs."

"Est-ce irrespectueux de prier un dieu dans un temple qui ne lui est pas destiné?

Ce n'est pas vraiment dans dans un geste inintéressé que je hausse l'épaule puis acquiesce. Plus pour signifier que je trouve pas ça si gênant que ça, mais bon, je comprends. Un haussement d'épaule, ça peut vouloir tout et rien dire, j'avoue, mais je vais pas expliciter davantage, ça vaut pas forcément la peine. Y a plus urgent. Même si ouais, je comprends.

J'esquisse un sourire en coin. Je vois l'idée. Au moins, elle se rend compte de ce que ça peut lui apporter. Peut-être que si elle se mettait moins la pression, et qu'elle y allait juste pour elle, ça irait mieux ? Et puis... les serrures… Ca peut être utile, hein.

—Hmm, j'pense que tu peux essayer de suivre des cours en alternance. Je pense effectivement pas qu'y en ait par ici, après... Si tu veux suivre une formation au Japon, ouais, le japonais, c'est une étape nécessaire. Après, toi, pour ce qui est de la compréhension, t'as toujours la puce... A toi de voir comment tu veux t'organiser pour ça. Au pire, je suis sûr que des formations en ligne existent peut-être, il faut regarder.

J'm'appuie dans le fond du canapé et reprends une gorgée de café.

—Au pire. Qu'est-ce qui t'empêcherait d'apprendre le japonais ?

Sourire en coin. Nouvelle gorgée... que je manque de lui recracher à la gueule. A la place, je m'étouffe et tousse un moment, tapotant contre ma poitrine pour essayer de m'en remettre. Omg. Elle craque sur Erik. Mdr. Pardon. Je. Aled. Je sais pas comment le vivre, oskour.

—Ah- Bah- Ouais.

Nan, en vrai j'avais rien à répondre de plus que des onomatopées, m'en voulez pas, j'ai paniqué- J'ai failli dire "j'dirais pas troooop ça" mais j'abuse peut-être un peu. Au final, je le connais pas tant que ça. Mais surtout, ce qui m'échappe pas, c'est sa tristesse.

—La prise de tête a pas dû être cool. Ca le fera ?

Et. Par contre. J'suis choqué. Pourquoi une nonne ?? Genre. D'où tu me compares à une nonne ? T'as vu ma gueule ? Tu sais que je suis plus pd qu'un phoque ? Vazy, m'insulte pas ! (J'dec. J'ai un respect assez fort pour les gens de foi, même si la religion n'est pas ma came.)

—Ah… (Je souris, finalement.) Ouais... L'important c'est d'y croire. Mais. J'préfère te contredire : je suis bien loin de ces femmes-là. Elles sont vertueuses, ce que je ne suis pas du tout !

Cette fois, je lâche un rire.

—Je saurais pas te dire... Je suis pas croyant. Enfin. J'crois l'univers un peu, tu vois ? Plus dans le sens, on existe, et parfois il arrive des trucs ouf, et tu sais pas trop pourquoi. Alors tu te dis "ouais, peut-être qu'y a quelqu'un derrière tout ça" ? Mais pour moi... Les lieux consacrés, c'est vraiment tous les mêmes. Enfin. Non. Mais. Je pense que s'ils sont vraiment paix et amour, et tout ça, les dieux devraient pas s'offusquer s'ils sont pas priés dans les bons endroits. Si t'as envie de les prier, le plus important c'est de le faire, peu importe où, nan ?

Silence un instant, pendant que je réfléchis.

—J'avais pas envisagé la chose... On n'a pas de lieux de culte ici... Mais peut-être que l'important, c'est de créer ce lieu là où tu te sens bien ? Enfin, j'y connais rien, alors... C'est peut-être un peu stupide, dit comme ça, désolé. (Petite moue.) Ca te manque ? De pas avoir accès à une église ?

Je me rends rapidement compte que par sa manière de tourner les choses, le master me signale que cela ne tient qu'à moi de faire quelque chose de ma personne. Mais quand sa question sur les obstacles à l'apprentissage d'une autre langue, je lui désigne ma tête du doigt.

"Un cerveau malade qui ne s'arrête sur quelque chose que quand sa curiosité est piquée. Je malin jusqu'au moment où ça demande plus. Pour le reste, je me fais l'impression d'être con comme un balai. Mais je suppose qu'avant d'essayer, il est un peu tôt pour dire que j'en suis incapable."

Bien tu as su répondre à une question rhétorique qui, par essence, n'attend pas vraiment de réponse. Bravo moi !

Chose plus singulière, c'est la réaction de mon hôte quand je mentionne Riki et mes sentiments à son égard. J'ai au moins la confirmation qu'il ne lui est pas inconnu. En même temps il travail dans l'établissement le plus assidûment fréquenté de Terrae. Une part de moi à envie d'interprété le fait qu'il s'étouffe comme une sorte de moquerie, une autre cherche immédiatement à me tempérer, parce que c'est un sujet que je sais pertinemment être sensible pour moi aussi je ne peux qu’acquiescer quand le Master souligne le mauvais moment qu'a été la rupture.

"Je... Ouais on peut dire ça... Il a été épouvantablement maladroit, j'ai donc été épouvantable avec lui, ça me semblait n'être que justice sur le coup. je nous pensais, mon couple et moi, au dessus de ce genre de considérations. la réalité des choses est qu'il désirait voir ailleurs  à la recherche de quelqu'un qui le rendrait plus heureux. Moi j'ai eu l'impression d'être remplaçable. Bref, un grand moment d'humanité. Temps que je croise pas Erik, j'pense que ça ira."

Quant à si je le croise? Bah disons simplement que la fuite est la première option que mon esprit conçoit dans ce cas de figure.

Je ne peux m'empêcher de sourire quand le master prétend ne pas être vertueux, comme si c'était un état fini et définitif.

"Et pourtant, vous êtes là non? En train de perdre vot' temps avec moi alors que des problèmes sans doute beaucoup plus déterminants attendent vos compétences."

C'est peut être un peu grandiloquent présenté comme ça, mais l'idée y est.

En pleine crise de foi, voilà que le Master me fourni un élément de réponse insoupçonné. Pourtant, je peux pas prétendre avoir été très rigoureux quand aux célébrations, mais de ne plus passer quasiment tour les jours devant un église, ne pas pouvoir m'y réfugier de temps à autres, ça me manque.

"Les églises nous servaient parfois de planque quand on  avait besoin de filer rapidement après un sale coup. Mes frangins n'en savaient rien, mais j'en profitais pour me recueillir, prier qu'il ne nous arrive rien. Pendant un temps, j'pensais même que ça marchait vraiment."

Après quoi, la vie m'a prouvé que non, Dieu n'avait pas vraiment d'attention particulière pour ma famille.

"Peut-être que ça me manque en effet. Faut dire que j'ai jamais vraiment partagé ma spiritualité depuis que j'ai quitté l'orphelinat, mes frangins avaient gardé une certaines aversion pour la chose des cours de catéchisme et des prières obligatoires."

Riki, mes frangins... Ajay... Des gens qui , volontairement ou non, se sont éloignés de moi. Une grande bouffée de tabac aromatisé ne suffit pas vraiment à évacuer cette pensée, alors que mon regard se perd sur le sol de la pièce. Un brin d'amertume m'échappe :

"Mais après tout, le recueillement va avec la solitude. Et je comprends plutôt bien ce sentiment, surtout ces derniers temps..."

Ils m'ont abandonné.... ou du moins c'est ainsi que mon esprit décide de traduire la boule dans ma gorge.

" ... et c'est la que ma super coloc intervient. Comme ça j'évite de me morfondre dans mon coin et interagie avec elle au moins."

Jusqu'à ce que elle aussi disparaisse de ma vie après qu'elle ait retrouvé la mémoire je suppose, quand elle se rendra compte que je suis une fraude de personne. Cette pensée me lessive de l'intérieur et je m'en veux déjà de mon manque de foi en ma Reine.

"J'suis peut-être juste trop "faible" pour vivre seul, que ça soit ma foi ou ma vie. Avoir quelque part ou aller me prier serait peut-être un début je suppose."

Glissons subtilement loin de pensées que je ne veux plus avoir.

Ouais, parfois faut se rendre à l'évidence ; si on a pas la concentration, l'envie ou la résilience pour se lancer dans l'apprentissage d'une langue comme le japonais, franchement faut pas tenter. J'acquiesce cependant ; ouais, faut toujours essayer avant de dire qu'on n'est pas capable de faire un truc. Sinon, on se retrouve juste avec des regrets, et au final, on saura jamais si on en est réellement capable ou pas.

Haussement d'épaule de ma part. Ca y est, je suis mal à l'aise. J'suis pas spécialement proche d'Erik mais je vois le genre de bonhomme que c'est. Pas un mauvais gars, mais il est pote avec Ipiu, forcément y a un truc qui coince, hein ! (Joke, joke.) Abe m'apporte une explication supplémentaire et je grimace. Oula, ouais. Pas jojo, mais franchement, qui suis-je pour juger, hein. J'en ai fait des pires, des conneries sur le versant sentimental.

—Alors espérons que tu ne le croises pas. J'imagine qu'il te faudra un peu de temps. Et puis après... Après, tu verras bien, je l'encourage avec un demi sourire.

Cette fois, c'est mon sourcil qui se hausse. Putain le coup des nonnes j'l'ai carrément pas vu venir. Un rire m'échappe, mélange entre moquerie et amusement.

—Ok, alors, déjà, nan. On est assez nombreux, je gère mon emploi du temps. Si je suis ici, c'est aussi pour remplir mon devoir de Master ; après tout, tu vas pas bien, et on est là pour s'assurer que tout va bien, justement. Tu as loupé les cours, et je suis prof. Là aussi, on se rapproche de mes attributions. Et contrairement à une nonne, je suis payé. Donc ne dis pas que je perds mon temps avec toi, ce n'est pas très respectueux de mon travail, voyons !

C'est à demi une boutade. Pas tout à fait faux, mais j'exagère quelque peu les choses, en espérant lui faire comprendre que, ben... Nan, il me gêne pas, et je perds pas mon temps.

Pour la suite, je le laisse parler. On glisse sur le terrain de la religion, et c'est pas un terrain sur lequel j'aime me risquer. Je ne suis pas vraiment croyant - pas vraiment - alors je me sens pas trop légitime. Cela étant, ça lui permet de vider un peu son sac, aussi je me contente de sourire en buvant mon café.

—Ta coloc est vraiment cool, semblerait, je ris, avant de reprendre d'une voix douce. Et tu n'es pas faible. Personne n'est faible, Abe. Se sentir seul, surtout quand on atterrit à Terrae, c'est normal. Par définition, Terrae accueille des gens qui sont seuls, qui se sentent abandonnés par le monde. Et ici, on se reconstruit. Mais est-ce que tu penses que ça fait de nous des gens faibles ?

Je laisse planer un petit silence, et avant qu'il ne reprenne, j'ajoute, toujours sur un ton doux :

—Ça nous rend plus fort. Et tout ce que tu as vécu, tout ce que tu es, tu pourras le concentrer pour faire et devenir qui tu as envie d'être. Qui tu es vraiment. C'est ça, Terrae. C'est un cheminement difficile. Et c'est un cheminement qu'on ne fait jamais vraiment seul. Tu peux être fragile, tu peux te sentir diminué. C'est normal. Mais arrête de te traiter de faible. Tu ne l'es pas. Aucune des personnes que j'ai pu croiser ici ne l'a jamais été.

Hilarité partagée mis à part, j'ai pas franchement l'impression qu'il ait apprécié s'imaginer avec une coiffe et un collerette de bonne sœur . Ça fait pourtant des ravages dans les milieux nocturnes.

"Et en plus ça sermonne tout pareil ! Oui M'sieur, pardon M'sieur. j'voulais pas mettre en cause la qualité du service Master de Terrae. C'était pas l'intention. Mais ça pourrait pimenter vos soirées...."

Je arriverai à graver cette image dans sa tête.

Un sourire point naturellement sur mon visage tel un "évidemment" à la face du mon quand il complimente les qualités de ma Reine. Elle est parfaite je vous l'ai déjà dit. Bientôt pourtant ma mine se fait un peu plus maussade. C'est un peu douloureux à entendre, parce qu'on a intuitivement besoin de se sentir spécial, une chose que j'ai bien saisie. Mais il dit vrai.

"Non, de base venir ici n'implique pas la faiblesse. Je dirai même que globalement, sans parler de caractères forts ou faible, je pencherai surtout pour dire que les gens ont des personnalités très prononcées."

Il doit y avoir une leçon à retenir de ça, je suppose.

"Puis même si quelqu'un est faible, cela veut dire que sa seule vrai option est de devenir plus fort. C'est la logique qui m'a poussé vers Ys et ce magnifique coquard. C'est moins cher que le maquillage."

Sans trop comprendre comment, j'ai l'impression qu'avoir vidé un peu ce que j'avais dans le cerveau m'a détendu. D'humeur plus légère, je me sens même d'attaque à profiter un peu de la situation pour régler un autre problème, sans doute plus proches des considérations quotidiennes du Master.

"J'aurai besoin de votre avis sur un truc." Je me replie un instant en direction du bureau et reviens armé d'une calculatrice scientifique." Pourquoi ce truc est plus compliqué à utiliser que mon ordi ou mon portable? J'ai déjà du mal avec mes équations à deux inconnus... Je peux abuser de votre temps?"

#HELPISUCKINMATHCLASS

Mon sourire s'étire en coin. Un peu de respect, que diable ! Maintenant je m'imagine dans des vêtements qui me donneraient l'air de participer au dernier carnaval horrifique du quartier, quel enfer. (Enfer, bonne soeur, m'voyez…?)

—Oh bah écoute, j'aime bien pimenter mes soirées, je me note ça dans un coin de la tête…

On continue à parler un peu. J'acquiesce et le laisse s'exprimer un peu, il a l'air de partir dans des débats intérieurs assez poussés. Mais quelque part, est-ce que je faisais pas la même quand j'étais encore initié ? Puis je bug.

—Mais what c'est Ys qui t'as collé le cocard ?!

Cette fois, je me suis facepalm, mais tellement fort. Putain, mais qu'il arrête de martyriser les élèves, lui,… Je secoue la tête. Abe n'a pas l'air de le prendre contre lui, mais bon. Je me racle la gorge.

—J'suis assez d'accord avec toi. En fait, j'pense surtout que pour devenir fort, faut être faible avant, quelque part. Sinon, y a pas d'évolution et ça sert à rien. Mais se traiter de faible c'est pas encourageant pour autant. Sauf si tu veux devenir plus fort… ou au moins t'améliorer. Mais déjà reconnaitre en partie ton potentiel est important.

Si on se traite de nul, on aura plus envie de progresser à un moment donné. Alors… J'avoue que je reste hésitant quant à cette expression. Je lui souris, acquiesce quand Abe me demande mon avis. J'pouffe de rire quand il sort sa calculatrice.

—Là, je vais pas pouvoir, je dis en regardant l'heure. Il faut que j'aille récupérer ma fille, et je veux pas te faire un cours à la va-vite. Par contre, si tu es partant, on peut se voir disons… Demain ? Pour voir ton problème, et j'te réexpliquerai. Ca te convient ? Comme ça t'as le temps de te préparer psychologiquement, comme j'ai cru comprendre que les maths c'était galère~

J'attends sa réponse avant de le faire un p'tit check avant de sortir.

—Allez, prends soin de toi… Et aère un peu ta chambre de temps en temps !



HRP : SALUT SALUT J'AI MIS MILLE ANS A REPONDRE, YO-