Je serre le téléphone dans ma main, relisant plusieurs fois les quelques mots que j'ai écrit. "Je suis désolée Aoi, pour l'autre jour en salle des Masters. Je n'aurais pas dû réagir comme ça. J'espère que tu vas bien."

Non. C'est trop long. Ca ne va pas. Je supprime tout, agacée, et m'allonge dans le canapé, fixant le plafond, le regard vide. Deux semaines sont passées déjà. Deux semaines qu'Ys est... Parti. Pour aller où ? Pourquoi est-il parti ?

Quelques flashs me reviennent. Je suis avec Aoi et Ys, mon amie est en train de faire le bilan de l'opération. Et Ys s'en va.
Je suis dans l'atelier, et Ys est derrière moi, me serrant dans ses bras. Et puis il s'en va...

Mon coeur se serre et je me redresse pour m'asseoir sur le canapé. J'adresse un petit sourire à Balto qui est en face de moi, et reprends mon message. Je ne prends pas le temps de me relire, et clique sur envoyer.

Depuis l'attentat, je crois que j'ai perdu pied. Je ne sais plus bien où je me trouve et ça inquiète beaucoup Huo et maman, qui vit avec nous, en ce moment. Elle est plutôt du genre collante et attentionnée, mais j'en ai réellement besoin en ce moment. Parfois, nous sommes juste collées l'une contre l'autre, moi avec de la musique, la tête contre son épaule ou sur ses genoux, elle une main dans mes cheveux. Les moments de complicité datent tellement que je me retrouve comme une enfant ; et bientôt, c'est Huo et moi qui en auront un…

J'étais en train de tenter un court morceau au violon quand mon téléphone a vibré. Sursaut. J'inspire. J'essaie de ne pas poser le violon, mais… C'est peut-être le travail… Et même si je suis en congés, ils ont peut-être besoin de moi ?

Délicatement, je repose l'instrument et attrape mon téléphone pour découvrir le message de Mitsuki. Mes sourcils se froncent à demi d'inquiétude ; mon ventre se tord, ma gorge se serre, ma poitrine se contracte. C'est terrible, cette culpabilité, cette angoisse… Est-ce qu'elle aurait fait une bêtise...? J'écris durant un moment, effaçant, réécrivant, peinant à trouver quoi dire, les mains tremblantes :

Les minutes s'étirent comme des heures, et pourtant, bientôt, la petite sonnerie résonne à nouveau à mes oreilles. Je mets quelques instants avant de saisir mon téléphone, que j'avais reposé sur la table basse. Mon coeur se serre alors que, sur l'écran encore verrouillé, apparaît le message d'Aoi qui s'inquiète.

... Qui s'inquiète. Comme d'habitude. Comme toujours. Elle s'inquiète.

Un soupir m'échappe, je m'étends dans le canapé sur lequel je suis déjà allongée. Je me passe une main sur le visage. Qu'est-ce que je peux bien répondre ?

J'avais juste besoin qu'elle accepte mes excuses. Mais elle ne le fait pas. Et elle s'inquiète. Pour changer...

Je n'ai pas envie de discuter. Je n'ai pas envie de voir qui que ce soit, ni même de me prendre la tête à devoir réfléchir à des mots et des phrases.

Un goût amer s'insinue dans ma bouche... J'inspire. Elle ment toujours très mal, mais je n'ai pas envie de la contrarier. Sans doute a-t-elle besoin de temps ...? Je ne sais pas... Toute cette situation me perd tellement !



Puis, hésitante :



Peut-être que ça nous fera du bien à toutes les deux ...?


HRP : j'me suis rappelée que les japonais utilisaient bcp des smileys de ce type et j'avoue ça m'a kill. J'ris beaucoup- https://faitaujapon.com/fr/culture/kaomoji

Elle insiste. Elle insiste, et finalement, est-ce que je peux lui en vouloir ?

Un premier message, où elle confirme son inquiétude. Pourquoi est-ce qu'elle n'est pas fâchée contre moi ? J'ai mis sa vie, et celle de son bébé, en danger. J'ai explosé sans réfléchir aux conséquences. Alors qu'elle était là. Qu'elle était à côté de moi. Et qu'elle avait d'ailleurs essayer, elle, de me soutenir. Qu'est-ce que j'ai fait pour elle depuis mon opération ?

D'accord, on est passés la voir avec Allen. On a passé une super journée ce jour-là. Mais ça s'arrête là. C'est tout ce que j'ai fait pour elle. Et elle, elle a subi chacune de mes crises depuis l'explosion...

Je n'ai pas envie de sortir de chez moi. J'ai pas envie de voir des gens. J'ai pas envie de grand chose à vrai dire. Mais elle ne lâchera probablement pas l'affaire tant que je n'aurais pas prouvé que ça va.

"Oui, d'accord, faisons ça. "

Je soupire face à mon message. Elle a dit dans la semaine... J'aurais le temps de me préparer.

... Sauf que c'est pas pour ça que je soupire. Et je le sais très bien.
Pourquoi est-ce que je me sens obligée d'être aussi froide dans mes messages ?


Lol.

Un demi sourire s'étire sur mon visage. Ce n'est pas encore ça, mais... J'inspire. Allons-y. Elle a accepté, pas de raison que ça se passe mal. Il faudra peut-être juste que j'insite un peu... Urg. Ca va pas du tout l'arranger, en fait...

Si je suis assez douée pour clore les conversations, Aoi semble encore plus forte que moi pour les relancer. Je me pince l'arête du nez, avant de reprendre mon téléphone en main après avoir lu son message. Je me pince les lèvres, réfléchissant à ce que je pourrais bien lui répondre pour repousser l'entrevue, tout en ne l'annulant pas non plus - parce que ce serait pire. Je soupire.