Le garçon regarda quelques instants l'adulte qui lui faisait face en écarquillant les yeux. Il n'avait pas vraiment compris quel était le principe du jeu, et puis il était en train de manger, mais il avait bien compris que quand un adulte donnait une consigne, il fallait obéir, alors même si ça ne le branchait pas trop, il finit par se tourner sur sa chaise pour faire face au garçon aux cheveux bleus, et hocha la tête pour dire qu'il donnait son accord.

Tout à coup, tout sembla un peu différent pour lui. Un frisson remonta le long de son échine et il frissonna alors que l'air devenait terriblement pesant autour de lui. Il manqua de tourner de l'oeil mais se rattrapa au dossier de sa chaise. A côté de lui, l'homme afficha une tête bizarre, mais il ne le remarqua qu'à peine.



“A pas de loup, dans la nuit, la petite silhouette sombre contourna le bâtiment de l’Orphelinat. Lorsqu'il fut assez prêt, il s'arrêta pourtant. Quelques secondes s'écoulèrent dans le silence froid de la nuit avant que la porte d'entrée ne s'ouvre. Il pénétra dans l'entrée vide, et traversa le couloir pour se diriger vers les dortoirs. Avant d'entrer, il attendit un peu. Puis, ses doigts se posèrent enfin sur la poignée et il ouvrit la porte. Son regard se figea quand il tomba sur ces yeux qui le fixaient.
Pris de panique, il retira brutalement sa main de la poignée, et partit en courant en direction de la forêt, quittant l'Orphelinat sans prendre la peine de regarder derrière lui.”

L'enfant d'Eau releva son regard vers le grand aux cheveux bleus. Sa timidité l'empêchait souvent de s'adresser aux adultes, mais pourtant, cette fois, il sentait qu'il devait parler. Il n'avait pas ces dons depuis longtemps, et si quelque chose clochait, il se dit que ce garçon était probablement le seul qui pouvait l'aider. Aussi, d'une toute petite voix maladroite, il articula enfin :

-Je... Je suis désolé, je me sens pas très bien...

Je reviens sur terre au moment où le garçon m'adressa la parole. Je fronce les sourcils puis me rappelle que je lui avais transmis un pouvoir qu'il ne connaissait pas et qui devait certainement le perturber. Avec un sourire, je désactive ma greffe pour lui rendre son pouvoir.

-Ca devrait aller mieux maintenant! Désolé hein... Bon appétit.

Je rejoins mes camarades d'un pas lent, encore perdu dans mes pensées. Je n'avais pas envisagé les choses ainsi... La vision, quoique flou, m'offrait une nouvelle perspective sur l'enquête. Du moins, elle remettait en avant quelques une des mes pensées. Une chose à laquelle j'avais songé sans pour autant creuser, le temps d'obtenir des indices, c'était la façon dont ils avaient disparu. Sans attirer l'attention, sans prendre leur affaire, comme ça... J'avais pensé à un enlèvement éclair, brutal mais si, en réalité, il s'agissait tout simplement de quelqu'un en qui ils avaient confiance ? Quelqu'un qu'ils connaissaient ? Ils n'auraient alors plus aucun raison de se méfier...
Deux détails m'intriguaient dans ma vision : La silhouette... qui me faisait penser à celle d'un enfant. On en revenait, pour moi, encore à ce mystérieux disparu numéro un, le patient X qui ne se sentait pas intégré, le premier à ressentir le vide. Enfin, la forêt. Visiblement, c'est là-bas que l'enquête se poursuivra. C'est là que ma vision s'est arrêtée, là qu'il semblait se rendre.

-Excusez-moi de vous déranger, je peux vous emprunter mes camarades deux secondes ? demandais-je poliment aux deux éducatrices.

Je les entraine quelques pas plus loin, en baissant le ton, et leur raconte tout ce que je venais de voir.

-Côté positif, c'est que nous allons éviter un enlèvement ce soir. Enlèvement qui devait bien avoir lieu. Je prends une courte pause, le temps de me masser les tempes, avant de reprendre. Cette affaire est plus entortillée qu'un couple en manque. Je suis quasi sûr que le premier gosse disparu, Paulo, est impliqué. Son cas m'intéressait déjà au départ. Par contre... là je commence à saturer, c'est sur le rôle des adultes dans ce foutoir. Les deux autres gosses ont été enlevés alors que les deux responsables étaient absentes ou incapable d'intervenir, elles sont donc peut-être innocentes... Mais le témoignage du policier me laisse dubitatif.

Je me stoppe à nouveau, cherchant à démêler cet ensemble de noeuds. Finalement, en accord avec mes deux partenaires, je décide de crever l'abcès directement avec elle, gardant toutefois sous silence la vision que j'avais eu.

-Excusez-moi madame, il y un sujet que j'aimerais aborder avec vous. Je me suis rendu au commissariat cet après-midi pour me renseigner sur les disparitions et leur inactivité. Pas de bol, le policier que j'ai interrogé n'avait aucune idée de ce dont je voulais parler... Je ne crois pas qu'il m'ait menti, dis-je en appuyant mes dires de mon regard pour lui faire comprendre que l'option était inenvisageable. Pouvez-vous m'expliquer ?

Mon ton n'est pas accusateur, juste neutre, posé. J'y glisse en même temps mon pouvoir de sonore pour la pousser à dire la vérité si jamais elle a réellement dissimulé quelque chose. Je jette un oeil à l'horloge. L'heure du coucher approche j'imagine. J'esquisse mentalement un sourire : l'action va pouvoir commencer on dirait.

Les enfants terminèrent leur repas dans le calme, et les éducatrices attendirent que tout soit rangé pour les raccompagner dans les dortoirs. Elles continuèrent donc à discuter avec les deux filles de l'équipe en attendant de donner le couvre-feu. Lorsque le chef revint vers elle, elles se mirent donc au travail, accompagnant les plus petits aux toilettes pendant que les autres terminaient de ranger.

L'éducatrice qui s'était occupé du petit Eau tout à l'heure fut à nouveau accostée alors qu'elle terminait d'empiler des assiettes. Elle s'interrompit dans sa tâche, fronçant les sourcils face aux révélations que lui faisait le jeune homme. Sans comprendre, elle ne prit même pas le temps de réfléchir à la réponse, sa voix s'élevant toute seule dans les airs comme si elle avait été appelée à le faire.

-Mais ce n'est pas possible !

Son coeur se souleva et elle sentit que la panique l'animait à nouveau. Elle les avait pourtant bien contacter, et avait eu un homme au téléphone ! Ce n'était pas possible, elle ne pouvait pas s'être trompé de numéro. L'homme lui avait dit qu'ils se chargeaient de l'affaire, mais elle n'avait plus eu de nouvelles après, malgré ses relances.

Elle sentit son regard s'embuer de larmes ; c'était plus que ce qu'elle ne pouvait supporter. Elle se pinça les lèvres, passant une main sur son visage.

-Ce n'est pas possible. Je ne sais pas quoi vous dire, je suis désolée, je... Je vous assure que je les ai appelés. Je n'aurais jamais laissé les choses ainsi après la disparition des enfants, et même pour le petit Paulo qui n'était pas là depuis longtemps ! Je ne sais pas d'où vient l'erreur, ni pourquoi cet homme vous a dit qu'il n'avait pas reçu d'informations concernant des enfants disparus, mais je peux vous assurer que nous avons fait les démarches...

Elle inspira profondément. Elle n'arrivait plus à tenir. Comment cette situation avait pu dégénérer à ce point ? C'en était trop, elle avait trop flanché.

-Je suis désolée... répéta-t-elle.

Et s'il n'arrivait pas à empêcher le phénomène de se produire cette nuit ? Qu'adviendrait-il d'elle, et de tous ces pauvres enfants abandonnés ou orphelins...?

Je fronce les sourcils, tendu. Pourtant, au fur et à mesure qu'elle parle, je me détends imperceptiblement, sans pour autant atteindre un calme complet. Je me tourne vers les deux initiés, communication rapide par le regard pour voir ce qu'ils en pensent. Je souffle un coup puis lui offre un visage plus amène.

-Très bien. Je vous crois. Pardonnez-moi d'avoir été... si brusque.

En réalité, j'affiche une sérénité que je suis loin de ressentir. Le puzzle reprend forme, mais se déforme au fur et à mesure que j'avance dans cette affaire. Deux solutions déjà : ou je suis une complète bille avec ce pouvoir et je ne suis pas parvenu à m'en servir... ce qui me semble très peu probable. J'ai bien senti le pouvoir s'activer. Ou ils me disent tous les deux la vérité. La deuxième solution, la plus probable, mène encore à deux autres chemins : soit elle a eu un autre policier ou un supérieur de l'homme que j'ai interrogé qui a intercepté les informations sans les transmettre. Je n'ai pas trop envie que cette théorie se vérifie... Kei réagirait mal que je me mette à dos les forces de police étrangères. Soit une personne totalement extérieure à la police a intercepté l'appel. Là encore, je manque de preuves et d'indices pour savoir comment ce serait possible.
Je me frotte les yeux avec mon pouce et mon index, en profitant pour me masser les tempes. Quel bourbier...

-Concentrons-nous sur le présent. On va surveiller les enfants cette nuit selon le plan prévu. Vous deux, tenez-vous prêts, d'accord ?!

Ils hochent la tête, se souvenant de la vision que je leur ai racontée. Ils savent comment les choses vont se passer, ils doivent se tenir prêt à foncer dans la forêt avec moi pour suivre la silhouette. Je pousse un nouveau soupir. Si seulement j'étais encore voyant...

-Ne vous inquiétez pas, dis-je aux deux femmes avec douceur. Il n'y aura pas de disparitions cette nuit. Vous allez entendre du bruit très certainement, et si vous vous réveillez, vous nous verrez partir tous les trois. N'en soyez pas étonné. Nous n'abandonnons pas la mission mais, si mes soupçons se vérifient, nous aurons une nouvelle piste durant la nuit. Faîtes-moi confiance!

Je prononce ces derniers mots avec assurance pour les rassurer mais je tiens à ce qu'elle comprenne ce qui va se dérouler cette nuit, qu'elles ne prennent pas peur surtout en voyant ou en entendant quoique ce soit. Alors que tout le monde finit de débarrasser et se prépare à aller au coucher, je me dirige vers les dortoirs avec quelques uns, plus rapides que d'autres, visiblement enchanté d'avoir quelqu'un avec qui dormir. Je me retiens de marcher au plafond pour ne pas qu'ils m'approchent leur offrant mon sourire crispé. Sauf que lorsqu'un des gamins s'amusent à me sauter dessus et à m'gripper la jambe pour... POUR QUOI D'AILLEURS ? ON N'EST PAS VICIEUX A SON ÂGE OMM!! Je ne peux retenir un petit cri bien viril en agrippant l'épaule d'Erika.

-Enlève ce truc dégoûtant de ma jambe immédiatement, lui soufflais-je avec le ton d'un homme à l'agonie.

Truc qui est actuellement en train de sauter sur mon pied d'ailleurs! Je le prends alors sous les épaules, le soulève à bout de bras, le pose au sol...

-Je t'en prie minus... T'APPROCHE pas de moi, dis-je en reculant de cinq pas.

Il est vexé. Très vexé. il commence à chouiner. Il a les yeux qui s'embuent de larmes. Me dîtes pas qu'il va ? Ben si, il pleure. Quoi ? Pourquoi vous me regardez comme ça aussi?! C'est pas ma faute okay! J'ai des principes moi! Pas de contact avec les créatures n'appartenant pas au genre humain! C'est sain comme état d'esprit ça non ? Poussant un nouveau soupir, j'attrape un bout de papier perdu dans une de mes poches, en fait une boule et la jette un peu plus loin dans le couloir.

-Allez ! Va chercher!

... Grand silence. Il me regarde bizarrement d'ailleurs. Pourquoi il joue pas ? Ca aime jouer les gosses non ? Je me tourne vers une des éducatrices pour lui demander : "c'est trop avancé pour lui c'est ça ?" Je ne relève la mine perplexe qu'elle arbore à ce moment précis, mais je décide de faire comme si rien ne s'était passé et de me focaliser sur l'objectif de mission. Alors qu'ils commencent à lancer tout le rituel du dodo, toussa toussa et autres conneries, je prends chaise que j'installe pile devant la porte du dortoir, prêt à surprendre le premier individu qui voudra entrer. J'adresse un signe de la victoire aux quelques gamins qui me regardent et m'adressent la parole, affirmant que je suis le plus fort et qu'ils n'ont rien à craindre.

Plus qu'à attendre notre invité...

HRP : Je reprends la vision, car du coup ça va se dérouler exactement comme il l'a vu.

L'éducatrice finit par se calmer. L'une de ses collègues revint la voir, et elles s'éloignèrent toutes les deux pour s'occuper des dernières tâches à faire avant le coucher. Pendant ce temps, l'équipe de Terrae débrifait sur leur stratégie.

Elle voulait le croire. Elle voulait croire que ça n'allait pas arriver. Alors, quand elle accompagna les petites filles dans leur chambre, elle les coucha avec espoir. Ca ne pouvait plus arriver. Sinon, elle ne saurait définitivement plus quoi faire. Si même les personnes envoyées par Terrae n'étaient pas capable de résoudre ce problème, elle devrait rendre les armes... Et ça, elle ne se le pardonnerait jamais.

Après avoir bordé la dernière fille, elle rejoignit ses collègues au dortoir des garçons. Les toilettes rapides étaient terminées, et tous s'apprêtaient à dormir. Tous, sauf l'un d'eux qui avait les larmes aux yeux, fixant le jeune homme aux cheveux bleus sans comprendre. Elle haussa un sourire, avant de lever les yeux vers l'intéressé. Bien, elle ne comprenait pas... Tant pis, il était temps de dormir.

Elle appela donc l'enfant et l'invita à rejoindre son lit. Lorsque tous les garçons furent couchés, elle se tourna vers le chef de l'équipe.

-Je compte sur vous. Bon courage pour cette nuit... Si vous avez besoin de nous, nous dormons dans un troisième dortoir, au bout du couloir. N'hésitez pas à venir nous chercher, même en pleine nuit.

Elle n'était pas sûre de réussir à trouver le sommeil, de toute façon.
Elle s'éloigna donc après ces paroles, accompagnée de ses collègues, et elle rejoignirent leur dortoir.

[Dans la nuit, aux alentours de minuit.]

A pas de loup, dans la nuit, la petite silhouette sombre contourna le bâtiment de l’Orphelinat. Lorsqu'il fut assez prêt, il s'arrêta pourtant. Quelques secondes s'écoulèrent dans le silence froid de la nuit avant que la porte d'entrée ne s'ouvre. Il pénétra dans l'entrée vide, et traversa le couloir pour se diriger vers les dortoirs. Avant d'entrer, il attendit un peu. Puis, ses doigts se posèrent enfin sur la poignée et il ouvrit la porte. Son regard se figea quand il tomba sur ces yeux qui le fixaient.

Pris de panique, retenant de justesse un hoquet de surprise, il retira brutalement sa main de la poignée, et partit en courant en direction de la forêt, quittant l'Orphelinat sans prendre la peine de regarder derrière lui.

Il s’engouffra entre les arbres à une allure folle. C’était bien facile, quand on était un enfant ! Plus facile que pour les adultes. Malheureusement, il les entendait derrière lui. Déjà. Il devait faire diversion.

Mais il était encore bien trop jeune pour comprendre l’importance d’une diversion… Aussi continua-t-il à courir devant lui, sans jamais se retourner.

Tout se passe comme dans ma vision. Quelqu'un ouvre la poignée, une silhouette petite, de la taille d'un enfant. Malgré la distance, la scène se passe trop vite, je n'ai pas le temps de l'apercevoir avant qu'il en ferme la porte et commence à courir. Je me lève aussitôt, sors du dortoir, siffle un coup pour prévenir mes deux coéquipiers, qui sortent à leur tour du dortoir des filles et cours à la poursuite du gamin. Ou de la gamine. Ou du nain. Ou de la fée. Bref, de la chose.

Je bouscule les portes plus que je ne les ouvre pour ne pas perdre la silhouette de vue. Comme prévu à nouveau, elle se dirige droit vers la forêt, sans s'arrêter. Bon sang, pour y aller tout droit, de nuit, il doit rudement bien connaître le coin. Je m'y aventurerai pas perso. Le pire c'est qu'il ne freine absolument pas. Il y a des buissons, des branches basses, des racines, le chemin n'est pas droit(si on peut appeler ça un chemin) mais il n'hésite pas une seconde. Mais pas le temps de réfléchir, je dois surtout ne pas le perdre de vue.

Les deux autres derrière moi suivent la cadence tandis que j'évalue la distance qui nous sépare. Je cours plus vite que lui mais il est à l'aise, il connait son chemin, moi pas. Et je n'y vois rien surtout. Je me prends deux ou trois racines, écarte un maximum de branche mais ne peux empêcher une de revenir dans la gueule... Si seulement j'étais encore voyant. Mais je dois me rapprocher en vitesse, au moins jusqu'à ce qu'il soit à portée de voix. Côté positif, c'est qu'un étudiant de fac de sport à la condition de ce genre de course. Ryu mec, je suis sûr que j'exploserai ton chrono! Je finis par avoir une vue plus que large de son dos, je concentre mon pouvoir et en profite pour crier à ce moment-là:

-ARRÊTE TOI!

Il freine, ou il ralentit je ne vois pas bien, en tous cas, sa silhouette est de plus en plus nette. Je donne une brusque accélération, le dépasse et lui bloque le chemin. De toute façon, s'il veut s'enfuir d'un autre côté, je suis assez près pour l'attraper avant qu'il ne s'enfuit. Les deux arrivent derrière, essouflé. Ils se positionnent de façon à lui couper toute retraite. Je baisse les yeux sur la silhouette, la distinguant encore mal dans l'obscurité de ces bois.

-On ne va pas te faire de mal, je te le promets. Tu n'as pas à avoir peur. Dis-moi, qui es-tu ? Que fais-tu là ? demandais-je le plus calmement possible en utilisant ma voix de master.

Alors que je ne parvenais pas à le distinguer, un rayon filtre par une trouée dans le feuillage et vient l'éclairer...

Son corps se retrouva soudainement bloqué alors qu'il n'allait pas tarder à arriver à destination. Il sentit les larmes lui monter aux yeux quand il se rendit compte qu'il n'était plus capable d'utiliser ses jambes. Pourquoi est-ce que son corps s'était bloqué ainsi ?!

Il resta figé alors que ceux qui le coursaient le rattrapaient. Ils étaient trois... Il n'en avait vu qu'un.

Son coeur commença à tambouriner dans sa poitrine et il sentit une larme rouler sur sa joue. Il paniquait. Qu'est-ce qu'il pouvait faire à présent ? Il s'était fait prendre, et il n'avait pas réussi sa mission.

Les paroles de l'homme en face de lui ne le rassurèrent pas. Pourtant, sa voix lui échappa, agitée par les sanglots.

-P... Paulo... Je... Je dois aller chercher d'autres enfants à l'Orphelinat. Je... J'dois les ramener, c'est ce qu'ils m'ont dit de faire...

Il éclata finalement en sanglot, plus capable de se retenir plus longtemps.

-Mais j'ai raté... J'ai raté...

Les sanglots redoublèrent d'intensité. Au loin, dans la forêt, des lumières s'allumèrent. Il n'avait pas réussi à rentrer à temps. Il s'était fait prendre. Il n'allait pas pouvoir commencer sa nouvelle vie avec ses nouveaux amis.

[Dans une cabane au fond des bois.]

La lueur de la lune filtre à travers les arbres de la forêt. A l'intérieur de la cabane de fortune, les inquiétudes montent. Des voix d'adulte se font entendre.

-Où il est passé le gamin ? Pourquoi il est pas encore revenu ? Et surtout, vous avez pas entendu du bruit dehors, vous ?

C'est bien un gosse. Et à moins qu'il soit arrivé tout seul au milieu de nulle part depuis une autre dimension, je suis prêt à parier que c'est un de nos disparus. Le premier même si mes soupçons s'avèrent exact, ce qu'il ne manque de confirmer. Ok, ça, c'est fait! Il ne reste plus qu'à résoudre le mystère façon scoubi-gang et on pourra rentrer. Malheureusement je perds le fil de ma concentration lorsque je vois ses yeux embués de larmes et que j'entends des gémissements. Pitié non... Pas toi aussi... Il va pas pleurer quand même ?? Pleure pas, non mais et BAM VOILA QU'IL CHIALE! Bon sang, mais JE SUIS PAS VENU ICI POUR SOUFFRIR MOI OK!

-Ah euh... Paulo... ne pleure pas... Tout va bien...

Ouais j'essaie d'ne placer une là, sauf que forcément ses cris passent au-dessus de ma voix, ce qui, en plus de me taper sur les nerfs, me fait perdre patience. Mais arrête là... MAIS PLEURE PAS OMM! JE T'AGRESSE PAS QUE JE SACHE, JE VEUX JUSTE SAVOIR QUI T'ES!! (en plus t'es moche! Non ? Ok...). Prenant gros sur moi, je fais un signe désespéré aux deux autres pour qu'ils me viennent en aide. Ils m'ont avant de partir qu'ils aimaient bien les gosses, ben... là c'est le moment de le prouver. Je vous refile le bébé pour le coup. Je m'éloigne de deux pas, le temps de les laisser à leur magie et leurs niaiseries maternelles, pour réfléchir à la situation. Mes soupçons se sont confirmés : c'est bien le premier gamin qui a tout commencé. Normal que les autres l'aient suivi... Par contre, ce qu'il a réussi à dire, entre deux crises de sanglots, m'interpellent. D'autres personnes sont impliqués et lui ont demandé de faire ça. C'est logique quand on y pense. Impossible qu'un mouftard comme lui ait pu mettre ce plan en place seul. Il aurait donc été approché par d'autres gens qui l'aurait poussé à kidnapper d'autres mômes ? Sûrement des adultes, qui auraient intercepté l'appel de l'éducatrice.

Mais pourquoi ? Ca rime à quoi cette histoire ? Qu'est-ce qu'ils peuvent bien faire de gamins avec des pouvoirs ?

Je me tourne vers le petit groupe, avise Abe et Erika accroupis en train de rassurer le gamin. Il a l'air plus calme, plus serein. J'en remettrai une couche avec ma voix de master s'il le faut. Je respire fort, cherche au plus profond de moi un sourire qui se veut sincère (et non celui qui donne l'impression d'avoir mis els mains dans une flaque de gras) et m'approche à mon tour.

-Paulo, désolé si on t'a fait peur, vraiment. On en a pas après toi, promis! On veut juste savoir où sont tes amis et s'ils vont bien ? demandai-je d'un ton amène.

J'hésite un instant, puis me décide à continuer malgré tout.

-Et aussi... qui sont ces gens dont tu parles ?

L'enfant se retrouva bien vite entourée de deux jeunes femmes qui essayaient de le rassurer. Mais tout était fini. Il avait été pris, il ne pourrait pas rentrer, et les adultes partiraient avec ses nouveaux amis, sans lui. Sans lui... Et il se retrouverait seul à nouveau.

Une nouvelle crise de sanglot le prit aux tripes, et il serra son ses petits bras, en croix, contre son ventre en sentant qu'une boule s'y était formée.

Quand le jeune homme aux cheveux bleus revint il releva son regard vers lui. Non, il ne pouvait pas parler. Il ne pouvait pas faire tout échouer à cause de ses bêtises. Il était nul, mais les autres ne devaient pas en payer le prix...

Sauf que sa voix s'échappa de ses lèvres sans vraiment le prévenir. Il écarquilla les yeux, surpris par sa propre réaction. Et pourquoi ce garçon lui semblait-il si digne de confiance ? Il se sentait si mal de trahir si ouvertement sa nouvelle famille !

-Y'a Grand Frère Helsio... Et la cheffe. Mais je me souviens plus son nom...

Il sécha malhabilement ses larmes et renifla péniblement.

-Gabriela et Fernandinho vont bien...


Une femme d'un âge mûr s'arrêta en face d'un homme aussi carré qu'une armoire à glace. Elle soupira.

-Bon, écoute, dans le doute, on doit se replier. Il n'est pas revenu, et c'est louche. Surtout que l'orphelinat n'a pas rappelé la police... Alors ils ont peut-être décidé d'agir autrement.

Helsio hocha la tête. Il sortit de la cabane et s'éloigna dans la forêt pendant que la patronne se rendait dans l'arrière cabane. Il était temps de passer au plan B.

Je fronce les sourcils lorsqu'il commence à hoqueter ses réponses, mais m'acharne à garder un visage avenant pour ne pas le déstabiliser. Grand-frère Helsio ? C'est qui ça ? Pourquoi il l'appelle grand-frère ? C'est lui qui lui a demandé ou c'est juste parce qu'il est plus grand ?

-C'est ton frère ce... Helsio ou c'est juste parce qu'il est grand que tu l'appelles comme ça ? demandais-je avec douceur.

Ouais je me ramollis. Mais faut bien. Si je joue les durs, il va se transformer en corned beef à force de pleurer. L'autre adulte, bien qu'il ne parvienne pas à se souvenir de son nom, m'intéresse davantage. Cheffe... Je suis pas d'Harvard mais s'il l'appelle comme ça, c'est qu'il y a de forte chance que ce soit...le cheffe. Hum. Peut-être la personne derrière toute cette mascarade. Je me redresse, lui ébouriffant les cheveux au passage tout en le remerciant et me tourne en direction de la forêt. Je laisse les deux autres continuer de le rassurer pendant que je réfléchis. Deux personnes... Ou ce sont les plus intelligentes et les plus organisées du mon (je n'écarte pas cette possibilité) ou il y a une face cachée à la tarte aux raisins. Ca me parait étrange que seules deux personnes est pu mettre un tel stratagème en place, surtout en ayant pour base une forêt.

-Dis moi Paulo, où tu courrais comme ça ? Il fait noir, on n'y voit rien du tout, tu avais un lieu de rendez-vous avec tes deux amis ?

Fort probable. Une cachette ou quelque chose comme ça. Mais une simple cachette pour deux adultes et trois gosses, quatre si on compte celui qu'il désirait enlevé, ça me paraît léger. Soit ils se sont dégotés une véritable forteresse au fon des bois, soit il y a plus à découvrir, une plus grosse organisation. La deuxième solution me parait plus probable... Je ne vois pas ce qu'ils pourraient faire de quatre gamin avec des pouvoirs dans les bois... Sauf s'ils en ont eux aussi...

Je secoue la tête. Trop de suppositions; Ca n'avancera à rien. L'important est de progresser, la lumière se fera au fur et à mesure.

- Ca te dérange de m'emmener là où tu devais ramener ton ami ? J'aimerais beaucoup parler avec Helsio et... la cheffe. Et puis, je veux m'assurer que tes amis vont bien aussi! Tu sais que les dames qui s'occupent de vous sont très inquiètes ?

Je me rends compte à ce moment-là que je ne connais même pas le nom de ces femmes. Pas très engageant de ma part... Si je rentre vivant, je me rattraperai.

Paulo renifla, relevant le regard vers l'homme aux cheveux sombres dans la nuit qui s'adressait à lui. Il essuya ses joues couvertes de larmes. Il avait échoué. Ils allaient partir sans lui maintenant, il le savait...

Son coeur se serra alors qu'on lui demandait pourquoi il l'appelait Grand Frère. Il détourna le regard, mal à l'aise, alors qu'on lui rappelait sa famille qu'il avait perdue. Il n'avait pas de véritable grand frère, non, mais il n'avait plus rien non plus, maintenant qu'il était orphelin... De nouvelles larmes roulèrent sur ses joues et il s'empressa de secouer négativement la tête, ne souhaitant plus prendre la parole pour répondre.

Il releva pourtant le regard vers le grand garçon quand on lui posa une nouvelle question. Ses yeux s'embuèrent, et il sentit son coeur se soulever, en proie à l'incertitude. Il ne pouvait pas répondre ! Il ne savait pas qui était ce garçon, et grand frère Helsio et la cheffe étaient les deux seuls qui s'étaient occupés de lui comme il le voulait depuis une semaine ! Alors non, non, il ne pouvait pas répondre, il ne pouvait pas donner la réponse...

Pourtant, c'était comme si une aura rassurante entourait le garçon en face de lui. Il serra ses dents pour se retenir, retint une nouvelle crise de larmes quand il évoqua les femmes qui s'inquiétaient pour lui. Il se mordit la lèvre inférieure, avant d'hurler :

-Non, c'est pas vrai ! Elles s'en fichent de savoir comment je vais ! Elles ne font que courir partout pour s'occuper de tout le monde ! Elles auraient préféré que j'arrive jamais à l'Orphelinat, je le sais !

Mais que savait-il vraiment... Si ce n'était l'interprétation qu'il s'était faite, face à sa peur traumatisante du rejet.

Et il ne voulait pas les accompagner. Il ne voulait pas montrer qu'il avait échoué.

Mais enfin, ils avaient cessé d'être en contact avec lui...

Alors, dans un élan de rage, il se redressa sur ses jambes, et repartit en courant en direction de la cabane, et espérant que cette fois, il parviendrait à les semer... En espérant que s'il arrivait assez vite, il pourrait repartir avec ses amis...

Mais lorsqu'il arriva à la cabane, la cheffe était déjà dans le fond en train de dire aux enfants de bouger, et vite, et grand frère Helsio n'était plus là...

Elle disputa l'enfant, et regarda la forêt à travers la porte entrouverte. Il les avait ramenés avec lui. Elle les entendait arriver. Ce vaurien les avait... Elle pesta, et poussa l'enfant dehors en lui hurlant d'aller retrouver Helsio. Tant pis pour lui s'il se faisait prendre maintenant. Elle jeta une bille sur le sol et une immense fumée s'éleva dans l'ensemble de la cabane, tandis qu'elle se dirigeait vers l'arrière de la cabane. Des voix d'enfants, fort peu rassurées, se firent entendre...

Ok, il me réponds pas. OK. Parfait. Après m'être brièvement demander si battre les enfants était illégal au Brésil, je lui tourne le pour faire face aux autres, juste le temps de trier mes idées. J'ai un clé mais je n'ai pas la serrure qui va avec, ce qui m'exaspère passablement. Avec un adulte, j'aurai pu discuter, être diplomate, ça me dérange pas. Mais avec un môme... Comment discuter avec un braillard comme ça ? D'autant plus un qui chiale pour un rien. J'ai tout de même droit à une réponse toute fleurie lorsque je mentionne ses gardiennes de l'orphelinat. Je pousse un soupir et secoue la tête.

-Tu te trompes gamin. Elles s'inquiètent vachement pour toi. Elles se sont toujours souciées de toi.

Sauf que, pas si con que ça le troll, alors que je tourne DEUX SECONDES la tête vers Abe et Erika, il en profite pour se carapater à nouveau. Je lâche un juron inadapté aux oreilles innocente et nous lui courrons aussitôt après. Pendant ce temps, alors que je m'acharne à le suivre du regard et à son énergie, mon cerveau turbine à pleine vitesse. Je ralentis légèrement pour ne pas le dépasser, faisant signe aux autres de faire de même. Il ne veut rien me dire ? Ok. On va juste se servir de lui dans ce cas. Cours Forest. Mène-nous droit vers tes potes.

Je sens alors son énergie droit devant, à l'arrêt.

-On y est! Accélérez ou ils vont nous échapper!

Petit coup de boost, je fonce littéralement vers la fameuse cabane dont ils nous avaient parlés, cabane actuellement pleine d'activité. Je distingue une silhouette adulte mais pas ses traits à cause de la noirceur environnante. Helsio ou la cheffe, peu importe, la silhouette ne doit pas s'échapper. Je me précipite sur elle au moment où un nuage de fumée explose sous mes yeux. Je m'arrête brutalement et porte, instinctivement, mon bras à ma bouche pour ne pas m'étouffer avec la fumée.

-Erika! Abe! Rattrapez le gamin, vite! Il faut choper l'autre complice!

Ni une ni deux, histoire de libérer le passage, je fouette l'air d'un grand mouvement de bras, déclenchant un courant d'air qui chasse la fumée dehors de la cabane. L'exiguïté de l'endroit ne facilité pas ma tâche malgré tout, elle s'évacue moins vite que prévu. J'attends juste l'occasion de pouvoir ouvrir la bouche sans cracher mes entrailles pour hurler à plein poumons.

-PLUS PERSONNE NE BOUGE

Le cri, augmenté et irrésistible grâce au pouvoir du sonore, porte dans toute la cabane. La fumée se dissipe enfin et j'espère avoir atteint la silhouette mystérieuse de ma voix.

HRP : Je suis trop désolée pour le retard T_T


Un homme à la carrure imposante portait le petit blondinet qu'il venait de récupérer sur son dos. En entendant des pas derrière lui, il s’arrêta, et fit descendre le petit garçon.

- J’ai peur, Helsio… bégaie Paulo en tremblant. Je… J’veux pas qu’ils m’emmènent avec eux.

L’armoire à glace sourit au petit et posa une main sur sa tête.

- Va. Avance, je te rejoindrai. Rendez-vous là où on avait dit, d’accord ?

Il se tourna face à ses opposants, et son sourire disparut en même temps que l’enfant dans la forêt.

- Bien.

Et sans ajouter un mot de plus, il sortit de sa poche une fiole qu’il jeta sur le sol. A peine rencontra-t-elle la terre dure qu’un gaz s’éleva dans les airs. Les Terraens se rendirent bien vite compte qu’ils ne pouvaient plus utiliser leurs pouvoirs… Lorsque le nuage se dissipa, l’homme avait disparu.



Dans le fond de la cabane se trouvait une petite pièce bien étroite. Les deux autres enfants disparus étaient là. Ils n'étaient pas attachés ni emprisonnés, mais n’avaient pourtant pas l’air d’être au mieux de leur forme… La vie semblait avoir quitté leurs yeux, hypnotisés.

La femme se retourna pour faire face aux intrus alors que la fumée qu'elle venait de créer s'échappait par la porte ouverte à une vitesse indécente. Ses sourcils froncés témoignèrent de son agacement. Elle était bloquée dans cette pièce avec ces deux enfants… “Faites quelque chose pour nous sortir de là !” avait-t-elle envie de leur crier, mais elle savait très bien qu’ils ne seraient pas capables de grand chose… Par mesure de précaution, leurs pouvoirs leur avaient été retirés provisoirement, afin d’éviter toute tentative de fuite. Et la drogue administrée n’avait pas l’air de les garder dans un état de réflexion intense non plus. Elle soupira, et plongea une main à l'arrière de sa ceinture pour attraper son pistolet. Malheureusement, ce fut à cet instant précis qu'une voix résonna suffisamment fort dans la cabane pour la priver de tous mouvement. Un sourire sarcastique étira le coin de ses lèvres, et ses yeux s'étirèrent en deux fentes malveillantes.

-Eloignez-vous de mon passage et laissez-moi passer sans faire d’histoire, et vous aurez la vie sauve.

Etait-elle réellement en position de force ? Immobile, et sans pouvoir faire le moindre mouvement ? Non. Mais ses doigts avaient eu le temps d'attraper l'arme. Si elle parvenait à échapper à son contrôle, il ne lui faudrait pas plus d'une demie-seconde pour tirer et se débarrasser de l'homme qui lui faisait face.

Et putain, qu'est-ce que ça lui ferait du bien de tirer sur un Terraen !!

Mes yeux descendent sur le flingue qu'elle comptait, visiblement, braquer sur moi. Je l'ai échappé belle faut l'avouer... Même moi, malgré toutes mes qualités, je ne suis pas naturellement bulletproof. Je balaie la pièce du regard, imprimant au passage les divers détails et avisant- soulagé- la présence des enfants derrière la mégère. Je note furtivement des traces de saletés, de fatigue et sûrement d'autres trucs pas net au vu de leur état d'abrutissement. Si les gosses sont, eux, naturellement stupides, ceux-là le montrent de façon trop évidente. Trois secondes me suffisent, ma concentration n'a jamais lâché la vieille. C'est elle qui m'intéresse.

-Eloignez-vous de mon passage et laissez-moi passer sans faire d’histoire, et vous aurez la vie sauve.
-Compte là-dessus, mamie, dis-je, l'air ouvertement insolent.

J'envisage rapidement diverses possibilités, dont celle que Abe et Erika reviennent avec le gamin et l'autre gars, pour choisir la bonne option. Je perds mon air de sale gosse, redevenant sérieux.

-Assez plaisanté. Qui êtes-vous et qu'est-ce que vous fichez ici ? Répondez , intimais-je de ma voix de sonore, espérant pouvoir pousser l'influence.

J'aimerais récupérer les gamin pour les mettre hors de portée, mais j'ai peur que mon envoûtement lâche au mauvais moment. Inutile de compter sur le fait qu'ils viennent spontanément et je ne me sens pas capable de les faire voler jusqu'à sur un courant d'air. Non, d'abord elle.

La voix du gamin aux traits particuliers qui lui faisait face résonna avec douleur à ses oreilles, et elle dut se mordre vivement la langue pour s'empêcher de répondre, son instinct primitif, contrôlé par ces satanés pouvoirs à la con, prenant le dessus sur sa volonté. Elle pesta, crachant du sang après s'être infligé cette blessure, et son bras tendu devant elle, l'arme braqué sur sa cible, commença à trembler légèrement.

-Tch. Terrae de merde, maugréa-t-elle, la bouche en sang.

Elle continua à lutter contre l'envoûtement avec volonté. Si elle avait des convictions personnelles qui laissaient souvent les autres perplexes, on ne pouvait pas lui retirer sa force mentale et sa détermination. C'était au moins ce qu'elle s'efforçait de se répéter pour tenter maladroitement d'échapper à son adversaire. Alors qu'elle pensait qu'elle allait céder, le contrôle se relâcha étrangement, et son bras, sous le coup de toutes les forces qui s'exerçaient sur lui, se rabattit violemment en direction du sol. Son doigt tira sur la gâchette, dégommant au passage l'un de ses orteils, et un hurlement de douleur s'éleva dans l'obscurité de la forêt. A l'entente de ce cri, les deux enfants sursautèrent et semblèrent revenir à la réalité, leurs pupilles s'affolant en se posant sur le dos de la femme qui se trouvait devant d'eux. Elle releva son regard hargneux et injecté de sang en direction de l'homme qui lui faisait face, rejetant sur cet être tous les sentiments négatifs qui l'habitaient en cet instant. Qu'est-ce qu'elle aurait aimé le tuer, là, maintenant.

L'espace d'une seconde, elle envisagea de fuir, mais le triste constat de son pied rongé par la balle la freina dans son élan. Elle ne pourrait ceci dit pas s'en sortir vivante si elle restait là. Alors, elle avisa les deux gamins derrière elle, et reconnut qu'elle n'avait plus vraiment d'autres solutions. C'était eux, ou elle. Avec rage et colère, elle se jeta derrière eux, les poussa vers le type qui trônait toujours dans la ridicule entrée de la cabane, et tira en direction de la gamine. La balle ne l'atteignit malheureusement pas à l'endroit escompté, mais le cri de douleur qui s'échappa des lèvres de la gamine après que son mollet ait été traversé lui assura quelques secondes d'avance pour lancer une deuxième bombe fumante avant de s'échapper par la fenêtre. Elle claudiqua en direction de la forêt, faisant bien attention à ne pas prendre la direction qu'avait pris son allié avant elle. Elle avait décidé qu'elle ne mourrait pas ce soir, et elle s'y tiendrait.

Dans l'obscurité de la nuit, elle disparut entre les arbres, persuadée que ce maudit Terraen choisirait de s'occuper des enfants avant de retrouver sa trace.