Un rire m'échappa, parce que j'avais besoin de cette insouciance, de cette légèreté, et quand bien même je savais que peut-être Angie devait se forcer pour me permettre d'en profiter, je savais que j'en avais trop besoin pour lui dire de s'écouter.

-Mais pas du tout !

Je levai un bras devant moi et dessinai du bout du doigt sur le nuage.

-Regarde, là, on voit bien la forme de ton visage ! Et la partie totalement informe là, ça représente complètement tes cheveux.

Je souris doucement, avant de tourner la tête vers Charlie-Ange.

-Tu as continué à peindre ces derniers mois, malgré l'Eclipse ?

La partie informe ça représente tes cheveux ? Paie ton compliment ! Allez vexes-toi stp, te laisses pas fai… PUTAIN MAIS POURQUOI TU RIGOLES TEUBE ???? Tu veux que j’te frappe ? Tu me désespères, sérieux elle fait ce qu’elle veut de toi.

« Ah, non j’suis plus dans une période argile et glaise, même si j’peux plus trop la modeler avec mon esprit, c’est méga agréable comme contact, ça repose de ouf ! »

C’est froid et humide et ça glisse, et c’est doux, et. Bref j’vais me taire parce que vraiment personne n’a envie de savoir à quel point tu trouves sensuel de faire de la poterie. Merci.

Son rire éclatant et franc me réchauffa le coeur. J'avais beau faire des efforts, je savais très bien que j'étais pas dans des conditions qui mettaient les gens à l'aise en ce moment. Rester avec moi au moins aussi longtemps que ce qu'Angie faisait là résultait du miracle. Et pourtant il était là, il restait avec moi, il contribuait à la conversation, faisait comme si de rien n'était. Alors l'entendre rire avec sincérité me fit du bien. Parce qu'au moins à ce moment-là, je savais que je n'avais pas tout gâché, pas totalement, et ça faisait du bien.

-Tu touches vraiment à tout toi. Tu modèles quoi exactement avec l'argile ? Je suis sûre que je serais trop nulle, je me perdrais complètement dans mes pensées et le résultat serait totalement raté !

Je ris doucement, imaginant un peu à quoi ça pourrait ressembler. Ouais, l'art n'était définitivement pas pour moi, j'étais bien plus douée avec les circuits électriques et la mécanique pour changer d'orientation.

« C’est pas le résultat qui compte avec l’argile, c’est de bien s’amuser ! J’te montrerais à l’occasion ! »

OH WI ET COMME CA VOUS REJOUEREZ LA SCENE DE GHOST. Comment ça ma gueule ? Ok ma gueule, mais quand même elle est mythique cette scène. Par contre tu serais pas en train de commencer à ronfler Chacha ? Non mais ça peut être une impression mais le soleil et l’herbe c’est plus violent que les bras de Morphée pour les Petits comme toi.

A quoi tu rêves ? C’est pas évident de le dire, c’est rempli de fleurs. Des tournesols et des marguerites qui volent dans tous les sens. Ca n’a pas de sens, pas plus que de jeter des milliers de couleurs sur une toile, mais c’est ainsi que tu vis, et ainsi que tu rêves.

A côté de moi, je sentis que Charlie-Ange était en train de s'endormir. L'espace de quelques instants, de profil, je restais là à l'observer, regardant ses cheveux danser légèrement avec le vent. Je me demandais bien à quoi je pouvais bien ressembler lorsque je dormais, moi. Je ne devais certainement pas avoir l'air aussi paisible. C'était fou de voir à quel point son visage était calme, son expression si douce.

Au bout d'un moment à rester là, considérant que j'avais suffisamment eu l'air creepy comme ça, je pris la décision de me bouger un peu et je me redressai. Je n'aurais jamais réussi à m'endormir de toute façon, le sommeil et moi nous n'étions pas trop amis ces temps-ci.

Je terminai donc de ranger ce qui traînait encore sur le drap du pique-nique, puis m'éloignai de quelques mètres d'Angie pour ne pas le réveiller.

M'asseyant un peu plus loin dans l'herbe, je m'installai dans l'herbe et fermai les yeux pour essayer de sentir la Terre autour de moi. J'étais bien loin de maîtriser, mais quelque part, je me disais que le calme d'Angie ne pourrait que m'aider à contrôler un peu mieux, alors je pris juste un temps pour inspirer, expirer calmement, essayant de ressentir la vie dans chacun des brins d'herbe qui m'entouraient. Quand la connexion se fit, je rouvris brusquement les yeux, surprise par toute cette vie qui existait autour de nous. C'était tellement intense. Si j'avais pris l'habitude de ressentir l'électricité qui m'entoure à chaque instant de ma vie, c'était tellement différent pour la Terre, qui était si présente, si vivante, si changeante !

Alors que je me concentrai, une toute petite fleur se mit à éclore en face de moi et j'affichai un sourire satisfait. J'étais bien loin d'être la plus douée, mais au moins j'avais réussi à faire quelque chose.

Les fleurs tournent, volent, s’effeuillent, fanent, renaissent. Tu aimais être terre, plus que tu n’aimes être tonnerre, c’est certain. Le contraire eut d’ailleurs été étonnant, votre affinité vous cueillait quand vous étiez mur. Elle ne vous définissait pas et pourtant elle était si… Essentielle.

Le plus moche quand on s’appelle Angie c’est qu’il nous arrive toujours de drôles d’aventures. Désolée mon chou, mais tu vas encore te réveiller dans un endroit que tu ne connais pas. Ca sent drôlement bon tu ne trouves pas, elle est très chouette cette odeur sucrée. Ouvres les yeux pour voir un coup, p’t’être que Mitsu a sorti le dessert ? Je sais pas. Ouvres les yeux et tu verras.

Ah non, désolée ça ne se mange pas. Quoi que peut-être, mais je ne suis pas botaniste mon chou. Alors donc regardes autour de toi. Il y a énormément de fleurs. Tu es dans une serre. Et pas celle de Terrae. Ce que je te conseille c’est de couper une fleur. Ouai la jaune là elle est jolie et elle sent bon. Puis de te concentrer sur Mitsu. Genre si tu pouvais réapparaitre pas trop loin d’elle.

« Ouille ! »

Ok j’avais dit pas loin pas sur elle. Putain. Et en plus tu reviens d’Hollande gars. T’es au bout de ta vie.

Je m'écroulai sur le sol quand Charlie-Ange apparut littéralement sur moi. Je le repoussai un peu maladroitement pour me redresser, me frottant l'arrière du crâne qui avait frappé contre la terre. Heureusement que le sol n'était pas trop dur !

Je me frottai ensuite le front, qui avait cogné celui de mon ami, et finis par rouvrir les yeux pour les poser sur lui.

-Désolée, je voulais pas te pousser, j'espère que je t'ai pas fait mal... J'ai été surprise, j'ai réagi un peu vite.

Ouais, la proximité physique n'est plus trop ce qu'elle était ces derniers temps et je crois que j'ai un peu de mal à l'appréhender encore, quand je repense à ces gestes qu'Ys a eu à mon égard. Je secouai la tête pour chasser ces idées de ma tête et reportai mon attention sur Charlie-Ange.

-Mais ça va toi du coup ?! Comment ça se fait que tu sois apparu comme ça ?! Je n'avais même pas vu que tu avais disparu ! Tu n'es pas parti trop longtemps quand même ?!

Je m'agitai ensuite pour avancer à quatre pattes sur l'herbe, me dirigeant vers la fleur que j'avais réussi à faire pousser avant cet incident. Je fis la moue.

-Oh mais non ! J'avais enfin réussi à faire quelque chose avec ce pouvoir !

« Les jambes vous êtes là ?
- Oui !
- Les orteils toujours par dix ?
- Toujours !
- Les épaules au rapport !
- Toujours deux bras accrochés à nous.
- Les lâchez pas surtout !
- Promis chef on fera ce qu’on peut !
- La tête, t’es là ? La tête coucou ? »
Ok plus de sons, plus de lumières pendant quelques secondes t’as même pas capté que tu t’étais ramassé sur Mitsu. T’es juste tombé. Elle a amorti ta chute. C’est un point de vue. L’autre c’est qu’elle t’a assommé, mais comme la réciproque est vraie.

« Aïe ! »

Bon on retrouve un peu de son. MAIDEY MAIDEY ! Et la lumière ? ok je crois qu’on est bon !

« Mitsu comment on fait pour ne pas se déplacer ailleurs quand on rêve d’un lieu cool ? »

Non mais t’as pas répondu à sa question… Oui, c’est certain que pour répondre faudrait l’avoir entendue.

Je fronçai un instant les sourcils en constatant qu'il ne me répondait pas, puis décidai de ne pas revenir dessus ; s'il avait vraiment mal quelque part, il me le signalerait. Et tant pis pour ma fleur... J'arriverais bien à refaire quelque chose un de ces quatre. A la place, j'affichai une moue embêtée face à sa question, me grattant l'arrière du crâne.

-Ben... J't'avoue que quand c'est dans les rêves, je sais pas quoi te dire.

Etonnamment, je ne me souvenais pas que ce genre de choses me soit arrivé. Probablement aussi parce que lorsque j'avais reçu mes pouvoirs de téléporteuse, j'étais initiée... Et de fait, la téléportation ne devait juste pas être assez puissante pour fonctionner lorsqu'on dormait. Tandis qu'avec l'Eclipse, Angie se retrouvait téléporteur en étant Etoile... Sans aucune expérience.

-Lorsque tu ne dors pas, je peux te conseiller par contre. Faut que tu apprennes à sentir ton énergie... Et quand tu penses à un endroit cool, si tu contrôles pas la téléportation, tu vas sentir ton corps qui se réchauffe un peu partout, le temps que l'énergie se déplace dans tout ton corps pour te permettre de te téléporter. A ce moment, en sentant l'énergie, faut que tu bloques tout en te répétant mille fois "Terrae Terrae Terrae" et normalement ça bloquera la téléportation.

Ouais, en gros on dirait presque une incantation pour invoquer Beetlejuice mais j'vous assure que ça marche !

-Pour quand tu dors... J'peux juste te proposer un bracelet coupeur d'énergie.

En réalité peut-être ne te téléportais-tu pas réellement en dormant, peut-être le faisais-tu dans cet instant insaisissable où l’image du rêve persiste encore dans l’esprit alors que tu es réveillé. La question resterait pleine et entière, toujours est-il que ce n’était pas la première fois qu’entre éveil et rêve tu te retrouvais à des endroits incongrus… Pour dire, tu dormais habillé en ce moment ! C’était d’un désagréable et d’un impratique, tes nuits n’étaient pas les plus reposantes que tu ais vécu.

Reprenant peu à peu conscience de ce qui t’entoure au-delà des conseils de Mitsuki tu réussis à reconstituer toute la scène… Tu lui étais tombé dessus. Un propre. T’es vraiment un super pote toi.

« Un bracelet coupeur d’énergie ? » tu es clairement intéressé par l’idée, elle t’en a déjà vaguement parlé tu crois mais, tu sais pas t’étais pas assez attentif à l’époque car tu n’en voyais pas bien l’utilité. On t’avait déjà privé de tes pouvoirs, pendant le temps que tu avais passé en psychiatrie, mais ça commençait à dater.

« Oh et tiens j’allais oublier ! »

Tu lui tends la fleur que tu avais cueillie dans la serre en Hollande. Elle avait légèrement morflé à l’atterrissage, mais elle n’était pas la seule. Il fallait se relever maintenant Angie.

Je hochai la tête quand il répéta mes paroles concernant le bracelet coupeur d'énergie, avant d'être surprise par la fleur qu'il tendait dans ma direction. Un mince sourire étira le coin de mes lèvres et je le remerciai du regard en la saisissant.

-Merci Angie ! Elle est vraiment belle. Moi aussi j'en avais une pour toi, mais il va falloir que je me reconcentre pour la refaire pousser... ris-je.

Je m'installai en tailleur sur l'herbe, serrant la tige de la fleur entre mes mains.

-Les bracelets sont propres à chaque pouvoir, c'est à dire que si je t'en donne un là, il marchera juste pour les Téléporteurs, à moins de changer la poudre de cristal qu'il y a à l'intérieur. Mais si ça peut te dépanner le temps de cette phrase, ça ne me dérange pas de t'en fabriquer un.

J'adressai un sourire à mon ami.

-Bon, on passe enfin à l'entraînement ? Chacun son tour, on doit faire un truc de l'affinité de l'autre ! Ce sera plus sympa.

« Oh non j’ai écrasé ta fleur ! » compris-tu enfin. C’est pas grave Angie, on sait que tu n’es pas malin.

Bon par contre gros changement de sujet, enfin non, c’est toi qui avait changé de sujet à la base. On revenait plus au précédent.

« Je veux bien, c’est déjà dangereux de se téléporter en étant réveillé, mais alors en dormant c’est horrible. »

Déjà que t’es pas bien adroit, pas besoin d’anticoagulants pour avoir des bleus partout. C’était pas pour rien le pantalon.

« Ok ! Mais tu commences, je viens de te montrer mon utilisage hasardeux de tes pouvoirs… »

Et pour dire hasardeux, c’était pas un euphémisme, tu viens de lui tomber sur le coin de la gueule comme une annonce de Castex du jeudi matin.

Je haussai une épaule.

-C'est pas grave, ne t'inquiète pas.

Puis, lui adressant un sourire, je hochai la tête.

-Je te ramène ça juste après notre rendez-vous alors, le temps de passer le chercher à la maison ! A moins que tu passes avec moi chez moi sur le chemin du retour.

Bien qu'à sa place, j'aurais dit non. Cette maison était devenue froide et bien trop vide.

Il accepta mon idée d'entraînement, et je ris légèrement à sa remarque.

-D'accord, je commence, mais tu n'y couperas pas ! Tu me donnes une idée d'exercice à faire ? Je voudrais bien travailler la Télépathie, mais je n'ai aucune idée de comment faire.

La Terre, c'était plus "facile". Je n'y étais pas habituée, mais finalement, la maîtrise de l'élément, quel qu'il soit, était toujours plus facile à prendre en main. En revanche, maîtriser les pouvoirs secondaires, c'était une autre histoire !

-Moi j'ai déjà trouvé ce que tu devras faire quand ce sera ton tour !

« Ok, j’passe chez toi en rentrant ! »

Enfin si il ne faut pas te ramener par la peau du cou, s’entrainer avec une master c’est risqué. Tu as consciences qu’elle a mille fois plus d’énergies que toi ? Toi t’es déjà un peu canné par l’aller-retour en Hollande. Alors faut que tu trouves un truc genre hyper dur à faire, genre méchamment dur pour qu’elle te laisse un peu de temps pour respirer et reprendre tes esprits.

« Je vais réciter des trucs dans ma tête, et tu vas essayer de me perturber en me faisant penser à quelque-chose d’autre ? »

Bah. Ouai. Bon, tu risques de prendre cher… Mais en même temps elle aussi. Il faut avouer que la meilleure façon pour la distraire c’est de créer un ensemble de pensées à la con, genre récitation, mais en mettant quelques pièges de temps en temps. Tu commences donc par réciter dans ta tête les tables de multiplication que tu ne connais pas par cœur et il te faut souvent recompter pour être sûr, et de temps en temps tu penses à une paire de bijoux de familles masculins pour la perturber comme il faut. Faut pas que ce soit trop facile on a dit, sinon tu vas mourir oublie pas !

Je hochai la tête sérieusement une fois la consigne donnée. Ok, pas de souci, on va se concentrer pour faire ça.

J'attendis donc un petit instant, lui laissant le temps de se préparer. J'allais lui demander un signal pour indiquer le début de l'exercice, mais je me retins en recevant de pleine volée la récitation des tables de multiplication. Je fronçai les sourcils, prise au dépourvu. Nan mais ça va vite. Mais ça va trop vite là ! Mais quoi ?! Mais non ! Mais ralentis !!! MAIS- MAIS JE PEUX MEME PLUS PENSER PAR MOI MEME.

J'hyperventilai après avoir entendu que 7x7 faisait 48, et j'eus un hoquet de surprise en découvrant que le résultat de 8x9 était un PENIS. NAN MAIS IL LE FAIT EXPRES. JE LE SAIS QU'IL LE FAIT EXPRES. SAUF QU'IL LE FAIT BIEN EXPRES PARCE QUE LA J'ARRIVE PLUS A RIEN JE PERDS MES MOYENS CA NE VA PLUS DU TOUT.

Un énorme "STOP" mental s'imposa à moi, et en croisant le regard d'Angie, je constatais que lui aussi l'avait bien senti. Oui bon ok c'était un peu fort mais c'était surtout nerveux hein, on me pardonnera. En tout cas c'était marrant parce que quand même, c'était la première fois qu'une pensée s'imposait aussi violemment à moi. J'aurais presque pu dessiner les lettres de ce "stop". Avec un sourire maladroit, je m'empressai de trouver une solution pour répondre véritablement à la consigne. Nan mais parce que la consigne c'était pas de le faire arrêter, et si j'avais au moins réussi à le surprendre, j'étais sûre que dans quelques micro secondes à peine il allait recommencer à massacrer les tables de multiplication.

Bon. Finalement, je ne fis rien. Parce que je me rendis compte qu'après mon gros "Stop", c'était l'ensemble de mes pensées qui se déversaient dans la tête d'Angie. Et comme on m'a toujours dit que je pense trop et trop vite, ben j'me suis dit que c'était peut-être suffisant pour le perturber dans son récit mental.