Il faut que j'y aille.
C'est un fait assuré depuis que je suis sorti du bureau d'Hideko (mais j'ai eu la présence d'esprit de ne pas y aller tout de suite après non plus). Hm, comment vous décrire mon comportement de ces derniers mois ? Autocentré ? Profondément égoïste sous couvert d'être aveuglé par la colère ? Ahah, si seulement c'était juste ça. Non non, c'est pire que ça, j'ai été un connard fini mais jusqu'au bout, alors même qu'elle a cherché à renouer le dialogue plusieurs fois, par plusieurs moyens. Mais ça m'a bloqué.

Je ne dis pas que je ne suis pas en colère, mais je ne le suis pas contre elle. Je le savais déjà à ce moment là, c'est juste que... Si, peut-être que je lui en veux d'avoir pardonné à Terrae trop vite. D'avoir pardonné à Tiago et Senri trop vite. Mais je n'ai pas à lui faire payer ses choix de vie, si je ne peux pas pardonner c'est mon problème, ce n'est pas un problème entre elle et moi.

Je respire doucement une fois dans le couloir des terres. C'est plus facile d'éloigner les souvenirs depuis que les visions sont revenues, je suis bien plus en phase avec. Certaines choses sont toujours désagréables à voir, mais j'arrive maintenant à choisir. Mon pouvoir a voulu me montrer ce qui allait se passer, et j'ai réussi à l'en empêcher. Tant pis, je ne veux pas savoir, pas besoin de se préparer, je vais voir une... Amie. Je ne vais pas me retrouver en face de la directrice (encore).

Arrivé devant sa porte, je me gratte la gorge et frappe avant d'avoir le temps de regretter.

_ Salut, c'est moi... Hm, est ce qu'on pourrait... parler ?

C'est elle qui est toujours motivée pour parler, c'est moi qui refusait constamment le dialogue en vérité. Je me demande si elle ne se laisse pas piéger par cette obsession du dialogue pour négocier avec ses sentiments mais... Bref. Au pire elle me laissera à la porte, et je n'aurai qu'à repasser.

Alice est paisiblement adossée au mur, assise sur son lit. Elle joue, ravie s'être offert un ukulélé pour son anniversaire. Elle pouvait emprunter facilement les guitares du club de musique pour s'y entraîner, mais elle avait aussi d'essayer ce petit instrument. C'est cliché, mais le son du ukulélé, ça rend heureux. Et en jouer rendait Alice heureuse, alors que demander de plus ? Sans prétention, elle apprenait simplement des morceaux qui lui plaisait. Elle fait résonner 4 accords, au rythme un peu compliqué qu'elle essaie d'assimiler, tout en chantant.

« Life and death and love and birth,
And peace and war on the planet Earth.
Is there anything that's worth more
Than peace and love on the planet Earth. »

Elle sourit en chantant, elle sourit en pensant aux personnages de Steven Universe qui se chamaille durant toute la chanson. Les rythmes ne sont pas évidents, chanter n'aide pas, mais elle va y arriver.

« I guess we're already here,
I guess we already know.
We've all got something to fear,
We've all got nowhere to go.
I think you're all INSANE!
But I guess I am too...
Anybody would be
If they were stuck on Earth with you.
Life and death and-... »

Ca frappe. Alice s'arrête, redresse la tête, elle le reconnait en même temps qu'il parle à travers la porte. Elle est sincèrement surprise, d'abord. Des larmes lui viennent ensuite, de joie, de peur, de douleur. Mais le temps de se lever, elles sont ravalées, englouties par le calme qui la caractérise. Elle pose l'instrument sur son lit, s'approche de la porte, prend une inspiration, et l'ouvre. Elle lève les yeux vers lui. Elle ne l'a vu qu'une fois depuis des mois, pour Arianna. Elle n'avait pas trop osé le regarder, elle lui avait sourit poliment, ne sachant pas trop se comporter pour ne pas le gêner, et n'ayant pas non plus envie de régler le souci à ce moment-là. C'est la première fois qu'elle le voit, qu'elle le regarde, en vrai, depuis plusieurs mois.

Ses cheveux ont poussés. Il a l'air moins fatigué, mais toujours aussi pessimiste. Elle ne sourit pas au début. Elle le regarde vraiment. Il est là, pour de vrai. Il est venu. Elle avait presque finit par se résigner, elle s'en rend compte à l'instant. Une pression immense s'envole, laissant son coeur et ses épaules un peu plus libres, sans pour autant emmener toutes ses insécurités avec.

Elle finit, enfin, par lui sourire doucement.

«Salut. »

Sa voix a tremblé, à peine. Elle s'écarte, sans le quitter des yeux.

« Entre. »

Elle est d'accord pour parler. Silence. Elle sourit un peu trop, baisse les yeux, ferme la porte, et se tourne vers lui. Elle attend ce qu'il a à dire. Elle n'est pas encore assez sûre d'elle pour lui dire simplement qu'elle est heureuse de le voir. Peut être qu'elle le pense un peu trop fort. Un peu volontairement. Sans faire vraiment exprès.

J'ai entendu sa voix à travers la porte.
Elle chantait. Mon cœur  se serre un peu, parce que je vais briser ce moment de bien être. Elle a une jolie voix, à travers la porte. Quand sa voix s'arrête, ça me fout une pression supplémentaire. J'ai parlé. Un instant, qui paraît durer une éternité. Une sorte de suspense. Je me demande jusqu'à quand je suis censé attendre avant de faire demi-tour et partir. Ces quelques secondes me paraissent des heures avant que la porte ne s'ouvre.

Et puis elle est là. En face de moi. Elle me regarde -non, c'est un peu comme si elle me transperçait, comme à son habitude. J'aimerai bien faire une blague comme quoi je suis un livre ouvert pour elle, mais c'est probablement vraiment le cas, je sais qu'elle peut capter le flux de mes pensées. La partie de moi qui veut s'excuser. La partie de moi qui ne veut pas. La partie qui veut partir en courant. Ce n'est pas très agréable, mais je sais que c'est comme ça qu'elle fonctionne, ça ne serait pas très sympa de lui demander de couper ça alors que c'est moi qui vient chercher ses faveurs.

Je me fige sur ses yeux, sur sa façon de tenir, tout ça se grave dans ma mémoire et je compte les secondes à nouveau avant qu'elle ne parle. Salut. Juste salut. Contrairement à ce que je pensais, je préférais presque le silence. Je crois. Sa voix a tremblé, je n'ai pas rêvé ? Sa voix a tremblé. C'est ma faute. Elle se pousse. Elle me propose d'entrer. Elle est d'accord pour discuter. Tu ne devrais pas si ça te fait tant de mal.

La gorge serrée, j'entre. Lentement. Et j'ai encore plus envie de fuir. Mais je tiens bon, je me concentre sur les battements de mon cœur qui percutent mon cerveau. J'inspire, j'expire. Tout va bien se passer. Euh. Par quoi je commence ? Je me retourne vers elle, toujours debout, pas du tout à l'aise. Tout commence à se mélanger, les images du dialogue avec elle, de celui avec Hideko. Par . quoi . je . commence. Je joue un instant avec mes mains, avant de parler.

_ Je...

J'ai l'impression que c'est horrible de commencer par "je". Alors j'arrête un instant, essayant de trouver autre chose. Je n'y arrive pas. J'abandonne.

_ J'ai pas toujours raison. En fait, j'ai pratiquement jamais raison quand ça parle des émotions, tout ça... J'ai cru que si... Si on avait vécu les mêmes choses on devrait les vivre de la même façon. Enfin non, je savais que c'était pas possible, je voulais juste y croire. J'ai... J'ai eu envie de me venger, j'aurais voulu que toi aussi. Une façon de légitimer ce que je voulais faire...

J'essaye de ne pas penser à Hideko. De ne pas penser à ses mots. Parce que je suis perdu, et je n'ai pas l'impression que quoique ce soit ait changé.

_ Je l'ai pas fait, je lâche. J'en ai eu plus qu'envie, mais je l'ai pas fait. Pas parce que j'ai pensé à mes potes, pas parce que je veux être quelqu'un de bien, je suis pas quelqu'un de bien. Mais je veux pas être une ordure. Et je veux pas non plus être quelqu'un qui pardonne à toutes les ordures. Alors juste...

Je me perds, c'est pas du tout ça que je voulais dire.

_ Je suis complètement largué. Mais j'ai pas à te le faire payer parce que tu es une meilleure personne que moi, ou du moins parce que tu gères mieux la colère. Alors...

J'arrive enfin à lever les yeux et à la fixer.

_ Je suis désolé. J'aurais du être là et juste... Ecouter après ce qu'il s'est passé. J'ai vraiment été le pire pote, et pour tout ça, je suis désolé.

Je suis pas désolé d'avoir voulu me venger. Mais pour le reste, oui.

Alice était trop obnubilé par le fait de le voir qu'elle n'avait rien entendu de ses pensées. Elle n'avait pas fait attention, elle avait surtout regardé son visage, ses expressions, elle avait tout juste entendu s'il avait répondu à son "salut" ou pas du tout, elle ne savait pas, elle le voyait juste. Là, à peu près présentable, mais c'était déjà beaucoup pour lui de ce qu'elle le connaissait. Elle le fait entrer.

Et elle l'entend de nouveau, après avoir réalisé à quel point elle est heureuse de le voir. Il ne sait pas par où commencer, il y a trop de choses. C'est vrai, qu'il y a beaucoup de choses à dire. Qui se sont passées. Il s'en veut, il est en colère, mais pas contre elle. Elle réalise - encore - qu'elle avait un peu peur qu'il s'énerve sur elle de nouveau. Elle réalise pourquoi elle était peu sûre d'elle. Et pourtant, c'était simple. Houston n'était pas simple, mais elle le connaissait. Et sa première phrase le lui prouve bien : il commence immédiatement, ne traîne pas. Il dit directement les choses. C'est bien le Houston qu'elle connait.

Elle l'écoute lui expliquer qu'il eu mal, qu'elle ne partage pas son envie de vengeance. Elle partageait sa colère mais ne l'exprimait pas de la même façon. Et c'était difficile. Elle hoche doucement la tête, signe qu'elle comprend. Puis il lui dit qu'il ne s'est pas vengé. Ses yeux s'ouvrent un peu plus grands, surpris. Pas surpris qu'il ne l'ait pas fait, ou qu'il l'ait fait. Juste, qu'il le lui dise comme ça. Il ne veut juste pas être une ordure. Pas comme eux.

Sourire nerveux.

Il lève les yeux vers elle finalement. Et s'excuse. Elle le regarde longtemps sans rien dire, passant d'un oeil à l'autre. Elle finit par détourner le regard alors qu'un rire nerveux la secoue. Un rire profondément soulagé. Elle passe une main dans ses cheveux, lève les yeux vers lui de nouveau, le regard qui exprime clairement "Ca en aura mis, du temps."

«Merci. »

Elle se dit qu'elle aurait dû le faire du thé.

«Merci d'être venu. Et de me dire tout ça. Je suis soulagée que tu n'aies rien fait. Je suis désolée si ça n'a pas pu te soulager à toi. Et j'espère que tu te sens un peu mieux par rapport à ça. Mais j'ai des choses à dire, avant. »

Elle soupire doucement, avant de le regarder avec un regard un peu triste.

«Je t'en ai voulu. En fait, je t'en veux encore, mais j'ai juste besoin de digérer. Je te pardonne, Houston. Mais je t'en ai voulu. De m'ignorer, de ne pas essayer de parler, je t'en ai voulu d'avoir été à ce point peu compréhensif. Je crois que j'ai aussi déplacé de ma colère contre toi, et ça par contre, ce n'était pas nécessaire, pardon. J'ai réfléchi à ce que tu m'as dit, tu sais. Et je crois que tu as raison, je ne devrai pas pardonner juste comme ça. J'ai un peu discuté avec eux, mais je crois que ça ne suffit pas à pardonner. A tolérer, oui. Mais pas... A pardonner. Alors, ça ne m'empêchera pas d'avancer, je ne veux toujours pas laisser le pouvoir aux autres de m'empêcher d'être heureuse et de vivre, mais... J'étais peut-être un peu trop... Hm, positive ? »

Elle rit doucement.

«T'as pas été le pire pote. Je suis contente d'avoir pu me remettre en question. En fait, je me sens plus en accord avec moi-même maintenant. »

Parce qu'elle lui fait confiance et qu'elle l'écoute, Alice avait énormément réfléchi et elle en était arrivée à cette conclusion. Elle était heureuse que de son côté, Houston, quelque soit sa réflexion à lui, n'ait rien fait pour se venger. Et ne pas devenir une ordure. Elle s'aproche un peu de lui en souriant. Si sa voix est stable et calme, ses yeux peinent à retenir de petites larmes. Oh, loin d'un gros chagrin. Juste, beaucoup d'émotions en même temps.

«Je suis contente que tu sois venu. Ahaha, ça va paraître idiot, mais j'ai cru... Enfin des fois, j'avais l'impression que tu ne viendrais... Jamais. Et je ne voulais pas venir moi parce que je t'en voulais. Et que... Je n'aime pas qu'on me marche sur les pieds ? Mais je, j'ai eu peur. De te perdre. Encore. »

Elle finit par baisser les yeux, un sourire au milieu de sa voix toute timide.

« Je suis vraiment contente que tu sois venu. Je-. »

Elle lève la tête vers lui, lève un sourcil avec un sourire un peu inconfiant.

« Je peux te demander un câlin ? »

Un câlin, et après, elle sera prête à écouter tous les soucis du monde. En tout cas, tous ceux de Houston pour commencer, s'il le souhaite.

Je ne pensais pas que j'observais ses réactions, mais elles me sautent au visage, même si elles ne m'empêchent pas de déverser mes débilités.
Elle hoche la tête, signe qu'elle comprend, mais elle reste tendue. Mal à l'aise peut-être. Nerveuse. Elle sourit et je me demande encore si elle en a envie ou si elle se force. Et puis elle se tait. Elle se tait et toute la tension que j'avais perdu revient d'un seul coup. Je ne m'attends pas à ce qu'elle fasse quoi que ce soit si ce n'est me jeter à la porte. J'ai mis du temps à revenir, j'ai mis du temps à m'excuser et je ne lui ai même pas encore demandé comment elle allait. Je sais qu'il lui faudrait du temps, à elle aussi. Je ne peux pas lui demander ce que je ne pourrais jamais faire, ça aussi je l'ai compris.

J'attends le jugement.
D'un seul coup, sa posture se détend, pas la mienne. Elle soupire, comme soulagée. Elle se passe une main dans les cheveux avant de me regarder à nouveau, et je comprends les mots dans son regard. Elle me remercie. Je ne sais pas si ça m'aide, en tous cas je reste immobile quand elle commence à parler. Parce que je sens qu'il y a comme un "mais", ou qu'il devrait y en avoir un. Je l'écoute distraitement me remercier pour des choses pour lesquelles il ne faudrait pas me remercier. Me dire qu'elle est contente que je ne l'ai pas fait, qu'elle espère que ça m'a soulagé. Sauf que je ne m'attends pas à ce qu'elle compatisse pour le coup, ce n'est pas à moi de me sentir mieux.

Pus le mais arrive.
Elle a des choses à dire. Bien. Là seulement je me détends. Comme si je baissais toutes mes barrières, prêt à accueillir pour une fois, à écouter. Tant pis si ça fait mal, ça ne pourra pas être pire qu'avec Hideko.
Elle me dit qu'elle m'en a voulu. Qu'elle m'en veut encore. Je ne l'encaisse pas, je l'accueille. Elle dit qu'elle me pardonne mais je ne pense pas que j'ai envie qu'elle me dise ça, qu'elle me pardonne aussi vite. Elle dit que j'ai été un trou du cul égoïste -je paraphrase- mais qu'elle a sûrement aussi dirigé une colère contre moi qu'elle n'aurait pas du. Sauf que peut-être que si, c'était justifié.

Elle me dit que j'avais raison sur le fait que ce n'était pas aussi simple de pardonner. J'espère que c'est valable pour moi aussi. Je crois que j'ai besoin d'être puni, pour une bonne raison cette fois. Oubliez vos pensées SM svp. Elle trouve quand même un point positif au fait que j'ai été affreux. Je crois que personne ne pourra totalement la changer, et heureusement quelque part.

Elle s'approche, les yeux humides. Je me fige à nouveau, me demandant ce qu'elle attend de moi. Elle devient... Plus hésitante, moins sûre d'elle. Elle me dit qu'elle a finit par croire que peut-être je ne reviendrai pas. Ça aurait pu arriver, sûrement. Je ne sais pas, je ne me comprends pas totalement. Son hésitation de plus en plus flagrante me fait me sentir un peu mal à l'aise, jusqu'à ce qu'elle relève les yeux pour demander... Un câlin.
J'examine réellement la question. Je suis encore tendu, encore incertain, mais je vois aussi que c'est une chose dont elle a besoin. Et en venant ici, je me suis promis de ne pas rester le trou du cul égoïste que j'ai passé des mois à jouer avec elle. Alors j'ouvre les bras et je l'attire contre moi.

L'étreinte est comme une interaction sociale laissée à l'abandon trop longtemps : maladroite. Je me détends vraiment seulement au bout de quelques secondes, essayant de trouver les mots pour parler. Ma gorge est déjà sèche, et j'en ai marre de déraper à tous moments.

_ C'est moi qui vais t'en vouloir si tu me pardonnes à la seconde où je viens de m'excuser, je dis, entre la blague et la nervosité. Je préférerais... Que tu me laisses une chance de me rattraper, plutôt. Si c'est ok.

Je refuse qu'elle me pardonne aussi facilement. C'est frustrant, c'est encore plus humiliant.
Je m'écarte un peu pour continuer à parler, me souvenant de ses derniers mots.

_ Avant ça n'avait pas d'importance parce que je ne pensais pas qu'on me laisserait rester, je me disais que ça serait mieux si... Je n'étais pas trop attaché aux autres si je finissais en taule mais...

Je repense à Zola, à qui j'ai tout déballé. Qui a tout accepté, comme si ça allait de soit. Lui et Ariana, ce sont ceux que je n'ai pas réussi à écarter...

_ Mais j'aurais regretté d'être parti fâché. J'ai compris... Pleins de choses. Et j'ai pleiiiins de nouvelles questions. Trop pour dire vrai. Mais... J'aurais fini par revenir. Je suis trop mauvais pour vivre avec des regrets.

Et cette dernière phrase me tire même une petite grimace. Je suis mauvais pour beaucoup de choses, mais celle là, je crois que c'est la première fois que je mets le doigt dessus. Espérons que je ne regrette jamais de ne pas avoir fait payer cet enfoiré pour ses crimes.

_ Je... Je peux t'en poser, des questions ?

Houston l'écoute tout du long, il est tendu et pense moins fort, il est concentré sur Alice. Elle le sent. Elle dit ce qu'elle a dire, doucement, en essayant d'être claire, rationnelle. Ce qu'elle pense ressort. Et puis Houston la prend dans ses bras. Et il lui sort une blague cynique. De la même façon que ça la rend heureuse de le retrouver encore un peu, une espèce de colère sourde monte dans sa gorge. Il voulait une chance, une opportunité de se faire pardonner. Il ne voulait pas de son pardon. Alice savait très bien que cela lui prendrait du temps, quoiqu'il arrive, elle avait simplement envie de le pardonner.

Mais elle avait eu trop peur, trop mal, trop longtemps. Ses petites mains se referment sur le tissu dans son dos, et elle appuie son front un peu fort contre lui. Il n'y aucune joie dans sa voix lorsqu'elle ajoute :

«Me fais plus peur comme ça. »

C'était la somme de ce qu'elle avait ressenti, le reste de ces sentiments difficiles. Il voulait être sincère. Elle voulait l'être aussi. Elle ne lui posait pas de question, ne lui formulait pas une demande : c'était juste un fait. Un ordre. Elle ne voulait plus ça, plus comme ça. Un peu violent ça Alice non ? Elle finit par hocher doucement la tête avant de détendre ses épaules, et de respirer un coup. Elle profite de sa présence toute proche pour se calmer, et le lâcher doucement.

« Je mettrai du temps, à arriver à te pardonner, si ça peut te rassurer. Mais j'en ai envie. »

Elle l'écoute ensuite lui dire qu'avant il pensait qu'il ne devait pas être trop attaché aux autres. Elle ne sait pas vraiment ce qui l'a empêché de faire tout ça, ce qui l'a fait changer d'avis. Elle ne sait pas, parce qu'elle n'était pas là. Ca la heurte un peu, mais elle sait que c'est simplement une question d'égo, elle est d'abord contente qu'il en soit arrivé à ce stade de réflexion.

Elle lâche un léger rire lorsqu'il lui poser des questions. Elle lui désigne son lit et attrape sa bouilloire, qu'elle remplie avant de lancer. Elle attrape des boites à thé qu'elle pose sur tabouret large devant le lit. Elle s'assoit finalement en attendant que l'eau chauffe.

« Tu peux me poser tes questions. Celles que tu veux. Je ne te garantis de répondre à toutes mais je ferai de mon mieux. »

Elle lui sourit doucement. Elle n'était pas débarassée de toutes ses émotions un peu trop violentes pour elle, mais elle se détendait petit à petit. Elle a surtout l'air très heureuse qu'il soit simplement là, malgré tout.

Elle veut que je ne lui fasse plus peur.
C'est une inquiétude exprimée, mais c'est aussi une forme d'ordre. Je tente de retenir une grimace. Je ne peux pas promettre. Je peux essayer, je peux me forcer à parler cette fois, je peux apprendre à me connaître et à considérer les autres pour ne plus faire de mal. Mais je ne peux décemment pas lui promettre de ne plus lui faire peur. En tant qu'être avec une chronologie mémorielle destructurée, je sais qu'il y a des jours où je ne contrôlerai pas. Des jours où je vais inquiéter mes proches, où je vais m'inquiéter moi.
Mais je peux faire un pas.

_ Je vais faire de mon mieux, je réponds dans un murmur.

Elle me rassure sur le fait que je ne suis pas totalement pardonné encore. Ça rend la chose étrange, mais je suis accoutumé à l'étrange. J'ai besoin de ça, je refuse que ça soit si... Simple. Parce que moi même je galère à pardonner, ça ne serait pas juste. Mais elle en a envie. Comme j'ai envie de me faire pardonner. Tout va bien aller.

Elle se déplace pour faire chauffer de l'eau, et je m'installe de façon à pouvoir mieux discuter. Pas que je sois très à l'aise, mais le thé a un effet apaisant sur moi je trouve. C'est un signe de choses calmes -peut-être parce que j'en consomme surtout avec des gens de confiance. Toujours des terres d'ailleurs quand on y pense, entre Zola, Athéna et Alice, je suis bien nourri de ce côté. Oui, j'occupe mon esprit comme je peux pendant qu'elle s'installe, avant qu'elle ne reprenne la parole.

Je hoche la tête, évidemment qu'elle n'est pas obligée d'y répondre si elles ne lui plaisent pas. Je sais à quel point ça peut être compliqué. Je prends une petite inspiration pour me donner du courage. Ça ne devrait pas en demander, mais il faut que je sache comment commencer.

_ Ça va ? Maintenant je veux dire. Ça fait un moment qu'on ne s'est pas vu, je me suis demandé ce que tu devenais aussi... Oh et merci pour le cristal. Ok, ça c'était pas une question. Je voulais juste savoir comment ça allait, depuis le temps...

Yes, bien maladroit comme il faut, bravo grand con.

Houston ne lui promets rien, parce qu'il ne peut pas. Alice préfère qu'il soit comme ça. Elle déteste les promesses brisées. Elle hoche la tête avec douceur. C'est d'accord alors. Elle lui fait confiance pour faire de son mieux.

« D'accord. C'est déjà beaucoup. »

C'est vrai. On ne fait pas toujours de son mieux, on sélectionne ce pourquoi on le fait, et quand. Alors c'est déjà beaucoup de faire de son mieux. C'est déjà presque tout. Houston n'est pas excessivement à l'aise dans l'espace d'Alice, tant qu'elle reste silencieuse à s'activer pour lui servir du thé. Lorsqu'elle s'asseoit face à lui, il respire un peu, l'air de chercher quoi dire, ou trouver le courage de sortir des mots. Des mots qu'Alice n'attendait pas, n'attendait plus. Elle semble sincèrement surprise lorsqu'il lui pose la question.

De nouveau, sa poitrine se serre quand il la remercie pour le cristal. Elle sourit avec un peu d'amusement.

« J'espère que ça t'a plu. Un peu. »

Elle finit par réfléchir en tournant la tête vers son bureau, un peu plus rangé que d'habitude, mais tout de même plein de son esprit. Ses doigts s'agitent, se triturent, elle hésite et réfléchit sincèrement à ce qu'elle ressent, à comment elle va. Elle finit par dire, l'air assez sûre d'elle.

« Des fois, j'aimerais faire une pause. »

Voilà, comment ça allait depuis le temps. L'Eclipse l'avait fatiguée, elle avait terminé ses études, elle avait aussi mis en place de nouveaux ateliers, et s'était mise en recherche de quelqu'un pour l'aider, elle ne savait pas ce qu'elle voulait faire de sa vie plus tard, elle avait eu de grandes discussions importantes avec Adé, qui était aussi très fatiguantes, et qui s'étaient bien terminées, elle s'était découvert une nouvelle façon d'avoir des sentiments, de l'aimer lui, de s'aimer elle, elle avait soutenu ses amis, avait rigolé aussi.

« Ces derniers mois n'ont pas été simples. J'ai eu beaucoup de choses à gérer. Je crois que je m'en suis plutôt bien sortie. Mais là tout de suite, je crois que j'ai envie d'une pause. »

Elle tourne la tête de nouveau vers Houston, et se remet à sourire.

« J'ai demandé à aller voir mon papa le mois prochain. Il y a des chances que je puisse, sur quelques jours. J'espère pouvoir y aller. »

Faire une pause de Terrae, pour mieux revenir. Retourner un peu dans la cabane de Bahir et Luna, sentir les mains de son père dans les siennes, lire perchée dans ses arbres, cueillir les dernières tomates, dévorer les framboises et jouer avec Miss Teigne. C'était ça dont Alice avait envie. Elle n'allait ni vraiment bien, ni mal non plus. Elle choisit son thé en avançant un peu le sachet vers elle, thé noir au coquelicot.

« Moi aussi, je me suis demandé comment tu allais. J'ai demané à Zola quelques fois. Est-ce que tu vas bien, là ? »

En fait, elle s'était posé la question presque tous les jours, de moins en moins forts et longtemps, mais elle n'avait jamais oublié de penser à lui. Elle attend gentiment, en attendant les prochaines questions, puisqu'apparemment, il en a plein.