L'effet de sa phrase ne commence pas du tout comme elle l'imagine. Luna la fixe pendant longtemps, elle n'arrive pas à réagir, ses pensées ne partent pas dans tous les sens. Alice aimerait un coup de main Sensitif pour vérifier qu'elle n'est vraiment pas en train de traumatiser une nouvelle Terre. Elle finit par ne pas répondre à sa question vraiment, mais affirme qu'elle veut continuer.

« Ok, c'est toi qui me dis. »

Elles descendent jusqu'aux espaces vert, et puis Luna se tourne vers Alice. Elle penche la tête en attendant la question, la remarque de l'Initiée. Elle lui sourit, et puis Luna redémarre, et affirme qu'elle y va. Alice la regarde faire. Elle tend son bras, Alice hoche la tête et puis elle sent où se porte son attention, elle se contente de ressentir la motte qu'elle tente, puis fait sensiblement bouger. Luna s'arrête et Alice lève la tête vers elle de nouveau, un grand sourire aux lèvres.

« Eh bien c'est déjà pas mal du tout ! Tu n'as pas besoin de la toucher pour la faire bouger, on ne dirait pas comme ça mais c'est très bien. Je te propose de commencer par t'entraîner avec un peu moins de matière. Les plantes que tu fais pousser sont probablement impressionnantes, mais les premières devaient être assez petites au début non ? Eh bien avec la terre, c'est pareil. Tu peux par exemple, simple prendre la motte de terre dans tes mains et tenter de la modeler comme tu l'entends, avec le contact ça t'aidera. Ou bien... »

Alice étend ses bras des deux côtes d'elle. La poussière terreuse qui recouvre le sol se met d'un coup à bouger autour d'elles, pour se concentrer à leur gauche.

« Bouger de petites particules, commencer petit et léger pour ensuite... »

Un dessins extrêmement précis de mésange se dessine à leur pied pendant qu'Alice parle. Les ombres, les formes, tout fonctionne.

« Finir par travailler la précision du travail. »

__–Vous savez, il y a certaines choses qui ne sont évidentes que quand c’est quelqu’un d’autre qui les dit. Genre, duh, pas besoin de contact direct, à quel moment ça ne m’était pas complètement évident, ça. Je vous explique. Techniquement, mon bras droit n’entre plus en contact avec rien, vous voyez ? Mais pourtant, j’arrive à l’utiliser pour attraper et déplacer des objets dans l’espace. C’est donc bien que je touche, sans toucher. Alors oui d’accord la magie c’est un peu différent, mais ce que je veux dire, c’est que du point de vue conceptuel, hé bien pas tant que ça. J’ai toujours pensé la magie comme quelque chose d’extérieur à mon corps. Quelque chose que je peux faire en plus. Mais ça peut aussi être mon corps. Quelque chose que je peux faire à la place.
__–Elle me propose de commencer avec une fine couche de terre. Fais un dessin avec. Je m’accroupis. Touche la terre – de la main gauche. Touche les plantes de mon bras droit. Elles ne se déplacent pas à la place de mon bras, elles sont mon bras. Je ne fais pas bouger mes plantes, je suis mes plantes.
__–Extrapolons ?
__–Je serre le poing. Frappe le sol.
__–Bong.
__–« Ah, zut, désolée pour ton dessin. »
__–Ça, c’était une secousse. Une vague sismique lancée dans le sol, tout autour de moi. Pas assez pour faire perdre l’équilibre à quoi que ce soit, mais assez pour avoir complètement foutu en vrac cette pauvre mésange qui n’avait rien demandé.
__–« Je sais pas pourquoi j’ai fait ça. Ça m’a semblé naturel. »
__–Enfin en fait si, je sais exactement pourquoi. Une pensé m’a traversé l’esprit en un éclair : Si les plantes sont une extension de moi, si la terre est une extension de moi, si les mêmes règles s’appliquent pour les deux, alors elles s’appliquent aussi pour ma force.
__–« J’veux juste tester un truc, accroche-toi. »
__–Une série de cinq coups rapides. Ça déménage un peu plus.
__–« C’est donc ça que ça fait d’être une chauve-souris. »
__–Okay, celle-là mérite une petite explication. Vous savez ce qu’est un sonar ? Vous savez que les chauve-souris en ont un ? Vous savez qu’une onde sismique, c’est aussi une vibration ? Hé bien voilà. On est pas loin d’un arbre. Je vous jure, j’ai senti sa racine. Je sais où elle est. Alors c’est clair, terre + titanisme = séisme, Alice qui me dit commence petit et léger, le lien était pas évident à faire. Sauf que, vous avez une idée de la précision et la subtilité qu’il faut pour comprendre une sensation complètement nouvelle ? Ben maintenant moi oui.

Pour une fois, Alice a l'impression que ses explications percute et qu'elle n'est pas en train de terrifier Luna. Elle l'écoute et puis passe directement à une tentative. Elle vient frapper le sol. Alice sourit, c'est une des façon d'appréhender l'élément. Les tremblements du sol lui sont propres mais en plus facilitent la perception qu'on en a lorsqu'on y est lié. Elle sait que certains Eaux ont le même genre d'approche avec leur élément. Elle la laisse faire, secoue simplement la tête en réponse à son excuse, la mésange n'avait pas pour objectif de durer.

Elle testait le lien Terre Titan, elle essayait de sentir des choses différemment, d'allier ses deux pouvoirs pour sentir. Alice la laisse faire, ajuste son appui lorsque Luna la prévient, elle s'ancre dans le sol pendant sa série de coup. Elle lui adresse un grand sourire et applaudit légèrement en hochant la tête.

« Hmhm ! C'est très bien, tu commences à comprendre, si tu arrives à sentir la Terre autour de toi, clairement, c'est que tu es sur la bonne voie. Et c'est une très bonne idée d'allier ton pouvoir Titanide. »

Alice tend la main vers elle après s'être accroupie à son tour.

« Allier ses deux pouvoirs c'est souvent une très bonne idée pour éclaircir les deux en même temps, et mieux les maitriser séparément ensuite. Pour ce qui est de ta maitrise de la Terre, je peux te proposer une approche plus... Directe ? Tu m'autorises à t'envoyer une image mentale ? »

Avec sa main tendue, Alice attend que Luna la prenne pour poser sa main libre au sol, et lui envoyer une image très floue, et claire à la fois. Il lui suffit d'un contact pour sentir la terre dans une zone particulièrement étendue, à force d'entraînement, et dûe à son niveau d'Etoile.

« Pourquoi avoir besoin d'un sonar, alors que tu es la Terre toi aussi ? »

De la même façon que les plantes sont son extension, la terre l'est aussi, et elle peut la lire aussi bien, en s'entrainant. Mais parfois, on va plus vite en le sachant, sinon Luna ne serait pas venue trouver la petite Etoile.

__–Alice me tend la main.
__–Oui, au sens littéral et figuré, on a compris.
__–Du coup je lui donne ma gauche.
__–Ah c’est vrai que les télépathes peuvent faire ça. Enfin je dis ça mais, ce n’est pas comme si je le savais, c’est encore nouveau pour moi tout ça. De ce que j’ai compris, elle m’a fait partager la sensation qu’elle a eu en utilisant son propre pouvoir. Et effectivement, c’est proche de ce que j’ai fait en tapant le sol, mais en plus fin, plus large, plus précis, plus subtil. Je crois voir – c’est le mot – ce qu’elle veut dire.
__–En vrai, j’aurais dû y penser plus tôt. Athéna a fait pareil que moi avec ses jambes et de la terre, c’est donc que fusionner avec son élément est quelque chose de concret, pas une simple image.
__–Les plantes ça me semblait évident parce que… je sais pas, c’est vivant ? Après vous me direz, je n’ai jamais ne serait-ce qu’essayer de ressentir ce que perçoivent mes plantes. Vous savez, percevoir par leurs capteurs la température, la chimie de l’air et du sol, la lumière, la gravité (indispensable pour pousser dans la bonne direction), ou encore les phéromones qu’elles dégagent.
__–Déjà il faudra que j’y réfléchisse. Et que j’extrapole avec la terre.
__–« Ouah. Puissant. »
__–Oui non parce que ça va bien de monologuer mais à un moment on a un humain en face, il faut lui répondre quand il parle.
__–« Je note aussi tes exercices pour manipuler de petits bouts, en vrai. Le dessin ça a jamais trop été mon truc mais eh, c’est pas ça qui est important après tout. »
__–T’as raison dit ça à quelqu’un qui peint et dessine. Non en fin je suis sûre qu’elle voit ce que je veux dire. Attendez, est-ce que moi je vois ce que je veux dire ? Je veux dire, je ne vais pas utiliser mes pouvoirs pour dessiner, ça ne m’intéresse pas vraiment ça. Je vais le faire hein, mais comme un exercice. Regardez, la maîtrise des plantes, j’ai un objectif extrêmement clair qui pousse sur ce qui reste de mon bras droit. La force, ça sert à tout, tout le temps. Mais la terre ?
__–Ou alors je réfléchis à tout ça depuis zéro et arrête de les voir comme des éléments séparés. Conne de moi, mon premier réflexe ça a été d’en utiliser deux combinés, ’faut que je me fasse confiance quand j’ai une bonne idée comme ça.
__–« Tiens comme j’ai ta main, je vais la garder encore un instant si tu veux bien. »
__–Parce que là j’ai une autre idée.
__–Ressentir par la terre, je ne vois pas encore tout à fait. Mais ressentir la terre, ça, à peu près. J’ai eu des facilités avec les plantes parce que je les considère comme des êtres vivants. Ne me demandez pas le raisonnement derrière, ça m’est juste semblé plus naturel. Et si je considérais la terre comme un être vivant ? Et ça fait quoi un être vivant ?
__–Ça bouge.
__–Bon là en l’occurrence ça vibre plutôt, c’est pas très subtil – ni très impressionnant, concrètement je n’arrive pas à faire trembler le sol sur plus de deux mètres –, mais c’est déjà pas mal.
__–Mais OH.
__–COMMENT J’AI PU NE PAS Y PENSER PLUS TÔT.
__–QU’EST-CE QUI VIBRE. HEIN.
__–Drum drum drum, drum dru-drum drum dru-drum, drum drum drum, drum dru-drum drum du-drum.
__–Les premières notes de la Marche impériale, le thème de Dark Vador, probablement une des musiques les plus connues du monde. Et celle qui m’est venue en premier parce qu’on peut la reproduire avec n’importe quoi. Y compris des séismes, du coup.
__–« Hé, je crois que je tiens un truc là. À part ta main, je veux dire. »

Luna a l'air de saisir très vite ce que veut lui faire comprendre Alice. En fait, l'Initiée est simplement en train de découvrir que ce qu'elle fait avec les plantes, elle peut le faire également avec la terre. Etre Terre de toute façon, c'était travailler énormément de terrain différents, les plantes, la terre, et plus tard, après plusieurs année Etoile, un peu petit la roche. C'était les Masters qui maitrisait cela le mieux.

Elle hoche la tête en souriant quand Luna sort de ses pensées pour la rejoindre.

« Dis-toi que tu peux faire autre chose que le dessin, mais l'idée c'est de maitriser le très grand, et le très petit. Tu peux aussi t'entraîner à modeler la terre comme tu en as envie, comme si tu faisais de la poterie, mais sans la toucher, en utilisant juste le matériel devant toi. Il y beaucoup de façon de faire et de choses à travailler, pour l'instant je ne te donne que des pistes, c'est toi qui évoluera avec ta propre maîtrise. »

Et puis Luna lui propose de garder sa main. Alice accepte et la regarde avec curiosité, en attendant de voir ce qu'elle va proposer. C'est toujours un vrai plaisir de voir les Initiés découvrir leurs capacités, ils ont des idées que les autres n'ont pas eu, commencent par des choses totalement différentes, c'est toujours fascinant. Luna se met à faire vibrer le sol de nouveau, ce n'est pas sur une surface immense mais c'est très bien pour l'instant. Et puis elle commence à poser un rythme.

Sans les notes, Alice met un peu plus de temps à reconnaître. C'est la Marche impériale. Un joli rire lui échappe, c'est vrai que c'est une idée !

« C'est une super idée ! Tu vas pouvoir t'entraîner sur ça aussi. Si tu veux je pourrais t'aider pour ce qui est du côté des notes. »

Alice se replonge dans le sol, envoie quelques ondes qu'elle limite, cherche le son rapidement. Elle n'était pas une pro de l'acoustique, mais suffisamment douée pour trouver les hauteurs facilement. Et elle reproduit le rythme avec des zones d'ondes plus restreintes ou plus large en fonction du son pour reproduire la musique en mélodie et en rythme pour Luna qui peut la percevoir, toujours en lui tenant la main, et elle se remet à rire. L'exercice lui plaît visiblement.

__–Le très grand et le très petit. Ouais. Ouais. En fait c’est évident. Je vois comment faire pousser un arbre et s’entortiller une tige autour d’une autre. Ouais. Non mais oui. À quel moment j’ai pu penser que ce ne serait pas exactement la même chose. Parce qu’on peut pas faire de musique avec des arbres. Ouais. Okay. C’est vrai. Sauf que c’est faux. N’importe qui ayant entendu le vent dans les branches et les feuilles le sait ça. Ouais. Non mais oui. En vrai heureusement qu’elle est là. Je suis restée bloquée sur des idées à la con mais comme elle le dit et me l’explique c’est, à la fois évident et j’ai limite honte de pas m’en être rendue compte toute seule, en même temps je me rappelle de quand j’étais à l’école – ça a pas duré longtemps du coup mes souvenirs sont plus intenses –, apprendre à lire c’était pareil. Jamais je pourrais expliquer à un gamin la lecture. T’apprends que tel signe égal tel son, tu prononces et voilà t’as ton mot. En fait, j’ai l’impression pour moi que, la magie s’explique okay, mais une explication simple suffit, à laquelle t’aurais jamais pensé toi, puis tu te démerdes. « Prononce les lettres à la suite. » Quel gamin se dirait ça de lui-même ? Mais une fois que tu lui dis c’est bon, après c’est plus que de la pratique. Ben moi c’est pareil. Il suffisait qu’Alice me dise un truc simple auquel j’aurais jamais pensé moi-même, puis c’est bon quoi.
__–Enfin je dis ça mais j’ai appris à lire un an après mes camarades donc prenez pas mes avis pour autre chose que ceux d’une teubée. Mais c’est parce que j’étais trop agitée comme gamine, aussi.
__–De la poterie sans toucher. Ouais. Ça connecte. Je comprends. C’est cohérent dans à la fois tout ce que Alice me dit et tout ce que j’ai déjà expérimenté.
__– Et wow, ça je pensais pas l’entendre un jour. Son rire déjà, un rire d’agréable surprise du moins – un rire pour se foutre de moi, en vrai ce serait la dernière personne au monde à le faire mais la possibilité que ça arrive ne parvient pas à tout à fait quitter mon connard de cerveau. Et aussi qu’elle ait l’air genre. Surprise. Qu’une initiée au pif lui montre un truc neuf. En vrai c’est beau la magie, si après x années tu peux toujours tomber sur un truc que t’avais jamais envisagé.
__–Alice s’amuse mais, bon, en vrai moi aussi, mais surtout j’analyse à mort. Je repère ce qu’elle fait avec tous mes sens. Enfin, vue, ouïe, toucher et, euh, ce qui fait qu’on perçoit le flux élémentaire, je sais pas. Ça, va va là. Ça, ça fait ça. Tel truc que j’entends égal tel mouvement de magie. Alors c’est mort je me mets pas au solfège (avec le temps qu’il m’a fallu pour apprendre un système de notation du son en symbole, si je me lance dans un second on va m’perdre) mais par contre. Je peux surfer sur les vagues.
__–Je laisse faire Alice. Elle s’amuse. C’est top. Je ferme les yeux. J’écoute, mais je n’écoute plus John Williams, j’écoute ce ver de terre. Cette colonie d’insecte. Ces racines. Ces pierres. Toutes les petites perturbations qu’Alice rencontre avec ses ondes ; ses vagues, que je capte avec elle, vu que je me cale sur ses mouvements pour les reproduire. De façon plus pataude, mais si vous voulez, elle produit le mouvement, je le suis. C’est comme profiter de l’aspiration de la voiture de devant pour avancer à sa vitesse. J’ai pas à réfléchir à autre chose, à me concentrer sur autre chose.
__–« Ouais. Merci. »
__–Pour trop de trucs tu m’excuseras de pas être plus précise.
__–« On remet ça quand tu veux. »

Alice sent bien que petit à petit, ça se débloque dans la tête de Luna, qu'elle avance et qu'elle réfléchit à sa manière, elle fait sien son propre pouvoir, et ça déclenche en Alice une douce joie. C'était formidable de voir l'évolution de celles et ceux qui apprennent l'étendue de leur pouvoir, les incroyables possilités de leur nouvelle vie quotidienne.

Et puis ses idées sont innovantes pour Alice aussi. C'était l'avantage de s'entraîner à plusieurs, avec tout le monde, parce que des nouvelles idées, il n'en manque pas. Et c'est toujours un plaisir à découvrir.

Et puis elles s'amusent, Alice surtout, Luna travaille aussi à comprendre tout ce qu'il se passe. Et ce n'est pas évident. Elle la suit, écoute, analyse, Alice sent sa présence, si on peut l'appeler ainsi, sonder en même temps qu'elle le sol autour d'elle. Elle est l'élan, Luna l'écho, et elles arrivent ensemble à faire sonner tout ça à peu près juste et en rythme.

« Avec plaisir. »

Alice n'a jamais eu besoin de précision pour ce genre de choses. Elle sourit simplement à Luna, et lui lâche la main doucement.

« On fait comme ça. J'espère que tu n'auras pas peur de venir me chercher, la prochaine fois. »

__–J’suis contente. Alice est contente. J’suis contente de la voir contente et, NON J’AI PAS ENVIE DE LA BAISER ON SE CALME. (C’est qu’il s’agirait de ne pas oublier qu’il y a une télépathe ici.) Ça vaudrait le coup qu’on se revoie régulièrement, en effet. Déjà, on se croisera au club jardinage, j’imagine.
__–La séance s’arrête. Je fais la liste dans mon cerveau de tous les trucs à expérimenter pour plus tard. La prochaine fois, je lui demanderai d’enregistrer, je vais devoir noter tout ça dès que je vais rentrer chez moi et avec une seule main sur téléphone, c’est chiant. Quoi, sur papier ? Ce serait pire, je suis encore en train de réapprendre à utiliser ma main gauche.
__–Elle lâche ma main.
__–« Ah, nan, t’inquiètes. »
__–Le début était effectivement un peu gênant, mais en fait, je la connais depuis, allez, quoi, une heure ? Mais déjà, je suis sûr d’une chose concernant Alice : elle est désarmante. Elle a même réussi à faire baisser sa garde à mon anxiété sociale qui fait qu’à croître de ses morts récemment. C’était un moment de calme et de paix dans un fleuve en crue de mal du pays, isolement, perte de tous les repères possibles et imaginables et de confiance en moi – comme quoi, il y en avait encore à paumer.
__–J’vais garder son adresse dans un coin de ma tête.
__–Je lui tends ma main – gauche –, on se tape dans la main.
__–« À la prochaine, ouaip. Merci pour tout. »
__–En vérité, je ne pensais pas dire ça un jour à quelqu’un. Je suis fille unique et c’est pas que j’aime pas mes parents, c’est que très vite qu’ils m’ont toujours moins apporté que ce que j’ai pu obtenir par mes propres moyens. Pareil pour mes proches. Se reposer sur les autres, c’était pas trop mon fort. Je me reposais sur mes muscles, ma moto, mon flingue. Eux ne pouvaient pas me trahir, ou alors ce serait de ma faute ; à cause de mes décisions ou de mon oubli de les entretenir. Ça ne m’est jamais vraiment venu à l’idée qu’un humain pouvait m’apporter autant. Des collègues, des camarades, des gens à qui tu délègues, oui. Mais pas des gens à qui tu peux aller demander de l’aide. À qui tu peux tire, en filigrane, « je suis coincée dans ma vie, sors-moi de là s’il te plaît ».
__–« Vraiment. »
__–Et à très bientôt.