Senri sentit le rouge lui monter aux joues quand Chou attrapa son bras. Il regarda le visage de son amie, à la fois concentré et... ailleurs ? C'était du moins l'impression de l'adolescent. En sentant les doigts de la jeune fille passer sur sa peau, un agréable frisson naquit derrière son crâne. C'était fascinant comme ce pouvoir lui allait et comme elle était...

Senri n'eut pas le temps de finir de penser qu'il fut tout bonnement emporté par Chou qui s'était soudainement transformé en boule d'enthousiasme.

L'adolescent réalisa bien vite que c'était par sa main qu'elle le tirait. Le rouge lui monta immédiatement aux joues alors qu'ils couraient à travers la forêt et qu'il lui était tout bonnement impossible de détacher son regard de l'Air. Mais, il n'était pas au bout de ses peines. Chou lâcha sa main, il put alors ralentir, et tandis qu'il faisait quelques pas, encore poussé par l'inertie de sa course, il releva la tête. Il vit Chou se tourner vers lui et lui dire de venir. Le vent faisant voler les fleurs derrière elle.

Senri avait déjà vu cette scène. Beaucoup de fois. Mais, cette fois-ci, c'était différent.

Puisque cette fois-ci, ce n'était pas un shojo, mais la réalité - oui il s'était brièvement mordu l'intérieur de la joue pour vérifier. Et c'était Chou qui s'était tourné vers lui, le figeant littéralement sur place et faisant louper à son cœur un battement. Il mit alors un bref instant à réaliser ce qui se passait. Les yeux rivés vers la jeune fille et le champs de fleurs qui s'étendaient derrière elle.

- Euuh, oui, je, j'arrive !

Il s'approcha, encore chamboulé par le fait d'être UN PERSONNAGE DE SHOJO. Et alors qu'il arrivait près d'elle, machinalement son index et son pouce attrapèrent la main de Chou.

- C'est vraiment joli. Et, euh. Je. Suis content d'être là. Avec toi.

Je sais pas trop ce qu'il se passe mais Chiri a l'air un peu à côté de ses pompes... Il est fatigué ? Peut-être. Déjà, je me demandais s'il avait pas fait une insolation plus tôt à force de courir sans se protéger mais maintenant je me demande si c'est pas juste qu'il fait beaucoup trop de sport... Je ne sais pas... Mais il a l'air de reprendre vie d'un coup avant de venir vers moi. J'en ai profité pour baisser la tête, voir la vie qui grouillait à mes pieds... J'ai repéré quelque chose et je l'ai ramassé.

Quand je me suis redressée, Senri était déjà face à moi. Il a pris ma main libre pour me dire que c'était joli... le champ, les fleurs, tout ça hein. J'pense... Et qu'il était content d'être là. Je lui envoie un grand sourire. :

-Moi aussi je suis contente que tu sois là.

Je sais pas s'il s'est fait semblant de s'intéresser aux insectes pour me faire plaisir, mais c'est mignon. J'ai jamais eu d'amis avec qui partager ça, à part mon frère -et Roda, évidemment. Ça me faisait tout bizarre, parler de mes passions comme ça, et qu'on m'écoute... Alice le fait bien sûr mais c'est comme ma grande sœur, c'est différent. Je crois que si j'avais pas rencontré Senri, j'aurais toujours été la personne que je ne suis pas... cachée dans mes vêtements trop grands, discrète, qui se laisse porter par le temps, les autres, la vie... J'avais tellement peur de souffrir mais il était là, et même des branches ne pouvaient pas m'atteindre, me griffer, parce que j'avais ses grands bras pour m'aider.

Je serre un peu ses doigts, je rougis en pensant à tout ça... Alors j'ouvre mon autre main. Sur ma paume trône une énorme tégénaire [trigger warning : c'est une grosse araignée des champs, brune, avec de longues pattes]. :

-Parce que je viens de trouver celle-là et-... t'as vu comment elle est trop mignonne ?! Avec ses belles tâches marrons, ses grosses pattes, ses yeux noirs,... Oh par contre la touche pas elle mord.

Alors pourquoi je la tiens ? J'ai l'habitude des morsures d'araignée. Ça fait un peu mal mais ça ne me fait pas réagir, si elle me mord je le relâcherais pour ne pas l'ennuyer. Pour l'instant, elle s'est montrée sage, et mignonne,... et adorable blblbl.

Le cœur de Senri loupa un battement quand Chou lui répondit une première fois. Il dût contenir la furieuse et très étrange envie d'étreindre son amie de toute ses forces. Il s'efforça de penser à autre chose en regardant le champs de fleur. Son regard s'arrêta sur Roda, ça devait être chouette pour elle aussi d'être dans un tel endroit. Grâce à ce rapide exercice de "J'arrête de penser à mes véritables sentiments car je n'ai pas le courage de les affronter", il put reposer son regard sur Chou.

C'est alors qu'elle ouvrit sa main et lui dévoila une grande araignée. Chou la qualifia de mignonne, et, aller savoir si c'était parce que l'adolescent était influencé par les mots de son amie ou non, mais, en réalité, c'est vrai que cette créature avait quelque chose de touchant. Son regard changea légèrement, quand Chou parla de la capacité de la créature à mordre.

- Euh, mais ce n'est pas dangereux pour toi ?! Elle est pas vénéneuse?

Il eut une petite moue ennuyée. Il n'aimait pas montrer qu'il était inquiet, mais avec elle, il avait vraiment du mal à s'en empêcher. Il tenta de penser à autre chose.

- Je me demande comment c'est la vie pour elle. C'est si petit.

Considération que Senri n'avait au grand jamais eut. Le contact avec Chou, le fait qu'elle lui parle de toute cette vie qui grouillait sous ses pieds, lui faisait prendre conscience de l'existence de toute cette population d'insecte. Il plia les genoux, pour se percher sur ses jambes, et commença à observer le sol, en plissant les yeux pour regarder toutes ces petites choses fourmiller et se débattre dans la jungle qu'était le champ de fleur.

- Je crois que je comprends un peu pourquoi tu aimes tant les insectes.

Chiri me demande si elle est vénéneuse. L'araignée. Pas moi, eheh. Je ris légèrement avant de lever mon index en faisant de mon mieux pour rester sérieuse. :

-Si un animal a du venin, on doit dire "venimeux" ! Ce sont plutôt les plantes qui sont vénéneuses, elles agissent par ingestion ou contact. et je tire la langue, yep, j'ai pas réussi à rester sérieuse. Et les tégénaires n'ont pas de venin... C'est leurs crochets qui font mal et certaines sont parfois trop petites pour mordre vraiment fort !... Y'a même une espèce qui ne mord pas du tout les humains, même si on l'embête.

Les tégénaires font souvent peur en France, c'est une des plus grosses araignées qu'on peut trouver naturellement et elles aiment entrer dans les maisons l'hiver. En vrai, c'est mieux de les chouchouter et de s'en faire des amies ; elles adorent manger les moustiques !... Celle qui est dans ma main -et qui peine à tenir à cause de ses longues pattes- a l'air un peu secouée d'avoir été soulevée de terre, mais elle ne bouge pas. Elle doit avoir un peu peur...

Chiri se demande comment elle vit, précisant qu'elle est si petite. J'ai un sourire peiné. La vie quand on est petit, c'est pas facile. J'offre ma deuxième main à l'araignée afin qu'elle puisse étendre ses pattes plus confortablement, en espérant que mes petites paumes lui suffisent. :

-Les araignées ont beau avoir huit yeux, elles ont une très mauvaise vue... elles ne perçoivent que les changements de lumière avec... Mais elles peuvent faire de la soie avec leur corps, plusieurs fils qui n'en forment qu'un pour le rendre hyper solide et-... leur venin peut faire du mal mais aussi guérir pleins de maladies ! Et-... certaines espèces sont des mamans féroces qui font tout pour leurs bébés... elles peuvent s'attaquer à des scorpions !...

Qu'est-ce que je voulais dire déjà ?.... AH OUI ! :

-Les petites bêtes, ça peut sembler fragile mais ça a survécu à tellement de choses ! Ça sait faire tellement de choses ! C'est pour ça que je les trouve belles... Elles sont pas de simples bestioles dans notre monde : on est des géants dans leur univers.

Je m'accroupis et tend les bras pour laisser la tégénaire s'en aller en l'encourageant avec mon pouce. Dès qu'elle put sentir la terre sous ses pattes, elle a détalé entre les fleurs. J'ai mis mes poings sur mes joues, Chiri se posant pas loin de moi. Il pense comprendre pourquoi j'aime les insectes... J'allais me tourner vers lui en lui lançant une petite pique, rien de méchant, ce genre de phrase moqueuse que je sors pour le faire réagir mais à la place, je me suis mise à rougir. Très fort. :

-Ah ! Hm. Bouge pas Chiri tu as... une coccinelle dans le cou... Je vais- J'vais la- ouais.

J'ai recalé mon chapeau de peur qu'il s'envole dans le vent et surtout pour mieux voir ce que je faisais. Je me suis approchée de mon ami comme je le faisais avec un animal craintif... même si c'était moi qui l'était. Je devais. Absolument. PAS. Penser à Victor Hugo. Non. Et pourquoi d'abord ? Y'a aucun lien. C'est juste une coccinelle qui s'est posé sur le cou de mon AMI. Il doit même pas connaître Victor Hugo d'abord... Pourquoi je panique comme ça ?!

Mes doigts frôlent la peau de Senri, j'essaie de les placer devant la coccinelle mais elle fuit dès qu'ils s'approchent de trop. Je souffle, avant d'inspirer et retenir ma respiration ; je suis toute proche de Senri. Encore. ...EUUUH. Il faut que je trouve un sujet de conversation. Vite ! :

-Tu sais en France, les coccinelles sont un symbole de chance... Quand elles se posent sur toi, elles vont t'apporter du bonheur bientôt.

...Nickel.

Quand Chou le reprit sur son mauvais usage des mots, il fronça les sourcils, pour lui il avait juste assemblé des Kanji ensembles et basta. Le français avait l'air vraiment compliqué comme langue, il ne pouvait s'empêcher de plaindre Chou. Ça devait être difficile de s'exprimer avec seulement une trentaine de lettres. Même s'ils y mettaient des trucs bizarres, sur leurs lettres. Comme des chapeaux. C'est sur la tête qu'on met les chapeaux, pas dans les mots !

Finalement, il continua d'écouter l'exposé de Chou. C'était assez fascinant et il ne put s'empêcher de trouver ça cool, de s'enrouler de fils pour se faire une armure ou de se bagarrer contre des scorpions. Il releva la tête vers Chou qui s'était également accroupit pour laisser partir l'araignée. Senri en profita pour lui poser la question qui taraudait son esprit de fan de shonen.

– Comment elles font pour se protéger avec des fils ?

Est-ce qu'il voulait reproduire la même chose avec ses éclairs ? Absolument. Seulement il n'eut pas davantage le temps de penser à cela, que Chou l'averti qu'il avait une coccinelle dans le cou. Il allait simplement poser sa main sur son cou pour la retirer mais du coin de l'oeil, il vit Chou approcher. Elle allait toucher son cou ?! Il sentit le rouge lui montait aux joues.

Pourquoi il avait si chaud d'un coup ? Et pour- Il sentit les doigts délicats de son AMIE, effleurer sa peau. Un frisson traversa son échine alors qu'il tournait la tête de l'autre côté. Vers Roda qui prenait un bain de soleil. Senri était cramoisie, mais ce n'était pas à cause du soleil. Les paroles de Chou le firent encore plus rougir. Mais il ne put empêcher sa bouche de formuler une réponse.

— J'avais déjà du bonheur avant qu'elle se pose sur mon cou.

Il se retint d'ajouter "parce que t'es là". En revanche, il ne put s'empêcher de songer au fait que Chou était un peu comme une coccinelle. Il l'imagina habillée en coccinelle, donc.

— HEM. Tu veux on avance un peu dans le champ ? Sinon on peut rester là aussi, moi ça me va tu sais, c'est bien, je suis bien là, haha, mais si tu veux on peut marcher un peu et peut-être que Roda veut jouer, je ne suis pas trop habitué aux ballades, donc euh... Je parle trop, non ?

Oui.

-Elles font des espèces de nids en forme de tube où elles se cachent dedans. L'intérieur est collant pour attraper des proies et l'extérieur et solide pour résister au vent et à la pluie. Selon les espèces, la soie est dix fois plus résistante que l'acier ! Je crois que c'est l'armée américaine qui fait des tests de gilets pare-balles... je hausse les épaules, pas intéressée par la guerre. Mais les grecs anciens utilisaient déjà la soie d'araignée pour faire des pansements.

Aujourd'hui, des chercheurs essaient de trouver un moyen de restaurer des organes avec, des ligaments, des muscles, des os même !... ...Ah. Je me suis laissée emporter encore. Zut... Il faut que je m'arrête là sinon j'allais lui faire un exposé dessus... Oui bon j'étais bien partie, c'est vrai...

Bref j'étais concentrée sur cette coccinelle récalcitrante et mes pensées que j'évitais soigneusement que Chiri me dit qu'il avait déjà du bonheur... Je m'immobilise, la coccinelle enfin posée sur mes doigts mais je ne recule pas tout de suite... :

-Ah. C'est- ben- Tant mieux hein ? C'est... double bonheur du coup. Ah ah. C'est chouette d'être heureux.

Oui, bravo Chrys, dans la famille des évidences je peux faire mieux mais j'ai un bon niveau là quand même. Je bouge enfin pour m'éloigner de Senri, la coccinelle au bout de mes doigts. Elle tournicote un peu avant de s'envoler, tourner autour de mon ami. Pendant un bref instant, j'ai cru qu'elle allait se reposer sur lui, mais elle est partie et je l'ai perdue de vue.

Chiri propose soudain qu'on se balade un peu plus loin. Je regarde Roda qui est complétement affalée dans les fleurs... Le soleil a l'air de lui faire du bien. Personnellement je risque de cramer si je reste trop longtemps immobile sans ombre... Je souris légérement. :

-Oui si tu veux... On en profitera pour trouver des ailes de papillons s'il y en a !

Senri finit par se résoudre à regarder à nouveau Chou, avec un sourire.

— Oui, ahah, c'est vrai que c'est chouette. Car, être heureux c'est positif ! Et... Fin, voilà.

C'était, sembl-t-il, un concours d'évidence qui se déroulait entre les deux adolescents. Senri se redressa en même temps que Chou essayant de faire disparaitre sa gêne en regardant un peu ailleurs. La coccinelle qu'avait récupéré Chou, s'envola vers lui. Il la regarda passer devant lui, sans trop savoir quoi dire ou faire. Inexplicablement, il avait toujours aussi chaud.

Enfin, non, c'était tout a fait explicable, on était en été ! Pas du tout a cause de ses sentiments amoureux envers son amie qu'il semblait s'efforcer de ne pas voir.

Il reposa son regard sur Chou avec un sourire. Il acquiesça vivement à la proposition de balade.

— Tu me montreras comment en trouver !!