La blague de Loup est drôle principalement à cause de la réaction de Rat... Vraiment, elle ne saura jamais quoi faire ou quoi penser de ses garçons ; d'un moment à l'autre, c'est du pire au meilleur. Mais au moins, l'ambiance est plus détendue. Ça ne l'aide pas à mieux choisir ses produits par contre... Aussi quand Rat intervient, il lui faut un long moment avant de comprendre ce qu'il lui demande... Il veut s'installer à sa place dans son appartement. C'est une proposition très raisonnable à la façon dont il le présente ; après tout Rat était leur meilleur atout au niveau organisation. Mais elle connaissait son collègue, et s'il y a une chose à laquelle il tenait par dessus tout, peut-être même plus que ses sabres et ses épées, c'était ses frères. :

-Mais... et les triplés ?

Il la regarda, sans expression, pesant ses mots avant de répondre. :

-Ils sont grands maintenant, ils passent le bac cette année. Ça fait longtemps qu'ils n'ont plus besoin de moi.

On ne pouvait la lui faire à l'envers, à Justine. Surtout lui. Toute la peine qu'il ne montrait pas était contenue dans ses mots. Si elle avait toujours eu la sensation de ne pas pouvoir servir à grand chose aux gens qu'elle aimait, Rat avait défini toute sa personne sur ça, sur ses capacités à protéger ses petits frères du besoin et être un grand frère pour ceux qui n'en avait pas. Les triplés étaient grands, et bientôt, il n'y aurait plus de gang. Elle se détourna pour reposer les bocaux, fermer son sac... et s'empressa d'aller le prendre dans ses bras. Il ne réagit qu'à peine, il lui fallut un petit moment pour répondre à sa tendresse et glisser ses doigts dans ses cheveux. :

-Ça va aller Vipère. Arrête de t'inquiéter pour moi.

-Jamais.

Elle se recula pour attraper sa chemise, le forcer à se pencher pour embrasser ses lèvres. Comme souvent, elle ne se sentait pas pleurer et il dut le lui signaler, tout en essuyer ses larmes avec ses longs doigts fins et abîmés. :

-Loup. Je suis prête à partir.

Sans un regard pour ce lieu maudit où elle avait grandi, juste un câlin de son ami que sa main quitta pour en rejoindre un autre...

Nicolas mit un long moment avant de se souvenir que, oui, Rat avait trois petits frères. Des triplés. Il l'avait dévoilé aux capos du gang après la guerre contre les Vikings mais il était si secret que ça lui était complétement sorti de la tête. Il a du mal à comprendre pourquoi ça intéresse Vipère, mais vu sa réaction, ça avait l'air autant important pour elle que pour lui. Ça sent le chagrin bien avant qu'elle ne se mette à pleurer en tout cas et quelque part, ça lui fait du mal de les séparer. Mais il ne pouvait pas la laisser là. Et il se doutait que Rat ne voudrait pas le suivre, avec le travail colossal qu'il veut entreprendre après leur départ.

Elle est prête à partir... Nicolas hésite un instant. Il caresse la joue de Vipère brièvement avant de tendre sa main à Rat. Ils se fixent sans rien dire mais il finit par se saisir de son avant-bras, comme ils le faisaient souvent quand ils se relayaient pour les rondes. Nicolas l'attire d'un coup à lui, se servant de son autre bras pour saisir ses épaules, pour l'empêcher de reculer. :

-Reste en vie. Rat d'égoût.

-Prends soin d'elle. Sale clébard.

Ils se séparent et Nicolas reprend son manteau de cuir, fouille sa poche pour prendre le cristal téléporteur d'une main, prenant celle de Vipère de l'autre. Elle fit un dernier signe à Rat et puis il disparurent...

...De l'autre côté de la planète, il faisait jour. Ce n'était pas loin d'être le déjeuner, mais ils avaient encore le temps de discuter de formalité. :

-Alors. Avant toute chose, il faut que je te dise que Terrae fait paaas trop dans les histoires de gang, de prostitution, tout ça... Il faut que tu passes un entretien avec un psy aussi mais ne t'inquiètes pas ça va bien se passer... Ah ! Et évite d'embrasser les gens aussi... moi compris... ...Vipère tu suis ?

Non, elle suit pas. Elle est en train de regarder autour d'elle, visage blanc éclatant au soleil.

Justine n'entendit pas leur au revoir, mais elle se contenta d'être ravie de voir qu'ils étaient arriver à se toucher sans se donner des coups. Le temps qu'ils se séparent, elle frotta ses joues pour vérifier qu'elle ne pleurait plus et observa Loup sortir une pierre étrange de son manteau... Elle ne posa pas de question, mais sut d'instinct qu'il tenait là leur moyen de partir. Elle fit un dernier signe à Rat, en espérant de tout son cœur que tout se passerait bien pour lui, même si elle avait peu d'espoir, et puis soudain...

...Il faisait jour. Elle regarda autour d'elle. Ils se tenaient devant ce qu'il avait tout l'air d'un hôpital. Il y avait quelques personnes qui se promenaient et personne ne fut choqué par leur apparition. Il faisait jour. Loup commença à lui parler mais elle n'écoutait pas. Le monde avait des couleurs... Il n'y avait pas d'odeurs nauséabondes d'usine ou de décomposition. Et surtout, il faisait jour. :

-Loup !... Il fait jour !

Nicolas la regarde, déconfit. Et puis il se rappela que Justine n'avait jamais quitté le village, que niveau dépaysement, c'était quand même pas mal et qu'elle venait de se faire téléporter au Japon sans vraiment le réaliser... Patient il revint vers elle et prit sa main pour la rassurer et la guider. :

-Oui. Y'a quelques heures de décalage horaire entre la France et le Japon. T'inquiètes pas je t'expliquerai.

Il fit quelques pas en direction de l'hôpital avant de demander sérieusement. :

-Tu-... Tu sais que la Terre est ronde hein ?

Regard vide. :

-NON MAIS- Je demandais au cas où ! ...Désolé.