Le chien sur la tête, Senri continuait d'avancer. Tournant parfois, en suivant les instructions du canidé.

- En fait, quand tu woof, je dois tourner direct ou à la prochaine intersection?

Il posait la question, parce qu'il venait d'entendre un woof, et s'était donc tourné vers une porte, qu'il avait ouvert.

- Parce que ça, c'est pas la cafet, quoi.

Effectivement, c'était plutôt un placard à balais. Il prit l'absence de réponse pour une réponse et referma la porte en continuant de marcher tranquillement. Suivant les indications du chien.

- C'est fou comme tout ce ressemble dans cette hôpital, même les noms des portes. Ca fait deux fois qu'on passe par la A22, ça veut dire que y a deux A22, mais ça doit être trop chiant, parce que du coup, quand les gens parle de la A22, comment ils savent laquelle c'est ??? Trop bizarre cette histoire.

Il bailla de manière sonore. C'est que de toute cette activité physique l'avait un peu fatigué, et ils avaient manqué la soupe du coup.

- Par contre, j'espère que tu vas pas me faire pipi dessus, hein. Il parait que les chiens ça contrôle pas trop, ou alors tellement qu'ils peuvent faire pipi quand ils veulent. c'est super fort. Mais du coup, est-ce qu'ils ont toujours envie de faire un peu pipi, au cas où ?

Je vais les défoncer. Non mais, vraiment, je vais les défoncer tous les deux.

J’allais au boulot pour… enfin à l’hôpital, mais pas au boulot, enfin, vous voyez… Pas pour voir si je pouvais me rendre utile ou quoi. J’étais juste dans mon bureau pour récupérer des trucs, enfin, regarder des trucs, quoi. Avant d’aller faire des courses, pour mon alibi. Sinon c’est moi qui vais me faire défoncer en rentrant.

Tout ça pour dire : je les ai vus de loin, ces deux abrutis. Le regard sombre, j’ai d’abord voulu m’élancer pour leur éviter une mort douloureuse, mais ils ont malheureusement survécu par eux-mêmes.

Inspiration longue.

J’imagine que ça montre leur créativité.

Expiration très, très longue.

Je les observe faire du rappel. Gueuler. Sauter de la fenêtre. Atterrir dans une bulle d’eau.

Mais quelle bande d’abrutis. Je ne sais même plus quoi dire pendant que je regarde Senri nager… comme… comme…

Je suis fatiguée. La flotte se colore de rouge… “On va se faire griller, mec” c’est fait. C’est bon. C’est fait.

Je rentre dans l’hôpital, l’air sombre, et agresse la secrétaire d’accueil :

—Ils sont dans quelles chambres, Senri et Erik ??
—Euh… Bonjour Aoi…
—Quelles chambres ???
—La 38-
—… Ils sont dans la même chambre ?
—Oui …?
—… Trouve-leur une autre chambre. S’il te plaît.
—… Il s’est passé un truc ?
—Ils ont sauté par la fenêtre, si je les vois je les défonce.
—T'es pas censée être en ar-- non tu sais quoi, c'est pas grave-

De toute façon, je l'ai pas écoutée ; je suis repartie comme une furie vers les escaliers, mes oreilles bourdonnant à cause de mes acouphènes pas encore entièrement passés. Je monte jusqu’à l’étage que j’ai identifié… ils ont dû sauter jusqu’à l’étage du dessous, mais quelle bande de crétins. Je suis en train de les insulter dans ma tête pendant tout le temps où je scanne le bâtiment à la recherche de l’énergie d’Erik, que j’ai côtoyé plus que Senri… Putain si Aaron était pas à peine sorti du coma, je serais allé le défoncer pour qu’il se souvienne de prendre ses responsabilités envers son élève complètement neuneu. Mais QUI les a mis ensemble en fait ?

Et là, je les vois. Enfin, je vois Senri qui goutte à cause de ses blessures rouvertes et la flotte — qu’il étale partout — et un chien dans ses bras.

J’avance vers eux, et croise les bras en les fixant d’un regard noir.

—Non mais vous croyez que vous foutez quoi, là ?!

Cette vision digne d'un cauchemar. Je l'ai senti, d'abord. Un vrai petit sensitif. C'est fou. Cette odeur acide, presque aigre, de colère. Aoi. En civil. Les bras croisés. Merde. Merde merde merde merde merde merde merde merde. Nan là c'est chaud. Putain. Vraiment. Il est trop con Senri. À gueuler comme ça putain. Bordel.

Woof-

Putain. Bah oui. Heureusement que j'ai pas envie de pisser. Sinon ça aurait été la douche pour le Sensitif. J'essaie de descendre péniblement du crâne luisant et doit me rendre à l'évidence que je peux pas, avec une patte en moins. Que ça dépend de la volonté de Senri qui me prend en otage. Heureusement, Aoi lui demande de me lâcher et je peux reprendre forme humaine, les yeux baissés devant la Master.

"Bonjour Amazaki-Sensei. Je savais pas que vous aviez déjà repris le travail. On cherchait la cantine pour manger un morceau, Amazaki-Sensei. J'espère que vous allez bien Amazaki-Sensei."

Y a plus de Aoi qui tienne hein. Vraiment. Même si t'as insisté longtemps, pendant la mission et même l'autre jour, quand on a débriefé. Mais avec ce regard noir, et l'aura de Master. Vraiment. Je peux pas. Putain j'croyais c'était un rêve moi c'était trop con pour être vrai. Peut-être que je rêve encore... Je me pince le bras, et ça me tire une grimace de douleur. Putain. C'était pas le bras à pincer ça fait mal. Et. C'est vraiment, vraiment pas un rêve du coup hein ??

- AH Aoi ! Bonjour ! Ça gaze ?

Senri avait répondu cela, en ne captant absolument pas la tension présente dans ce petit couloir. Il fallait dire que son pouvoir de sensitif était très occupé à envoyer de l'adrénaline à son corps pour qu'il continue de fonction. Il déposa Erik qui se retransforma et se confondit en excuse.

- Wah, on dirait moi quand je parle à Aaron.

Ce qu'il ne savait pas, c'est qu'il allait bientôt en des termes beaucoup plus respectueux à la Master quand il aurait compris pourquoi elle était là. Mais pour le moment, ce n'était pas le cas.

- Ouais, grave, on a besoin de protéiné, surtout moi, Erik il a dit j'avais perdu du muscles, vous aussi vous trouvez ??

Et il contracta ses biceps, tout en les observant attentivement.

- Pff, il dit n'importe quoi vous avez rien perdu...

POURQUOI TU PARLES A TES MUSCLES ?? TU EN AS PAS MARRE D’ÊTRE UN CLICHE DE GO MUSCU.

- Bref, vous savez où est la cafet ? On la trouve pas. Et vous saviez que y avait deux salle A22 ???

Woof. Woof ta mère, Erik. Je lui lance un regard perçant, mais mon regard l’est encore plus quand il se pose sur Senri. Non, ça gaze pas.

—Pose-le, j’articule avec exaspération, au bord de l’implosion.

Erik finit par terre… Se retransforme… et s’excuse en baissant les yeux et en me faisant du Amazaki-sensei, là. Je croise les bras et le toise, un peu contrariée, mais encore plus contrariée par Senri qui l’ouvre pour me comparer à son crétin de prof qui est encore à moitié HS et ne peut donc pas gérer ses frasques. Ma voix est encore rauque à cause des blessures engendrées par la mission, mais aussi assombrie par la colère que je ressens. C'est ma voix de daronne, ça.

—Je n’ai pas encore repris le travail, je suis en arrêt mais j’avais besoin d’un- on s’en fiche. La cantine est au rez-de-chaussée, je sais pas ce que vous espérez trouver ici. Vous ne pouvez pas sortir par les portes, comme des humains normaux ? Senri c’est habituel, mais toi Erik, j’espérais mieux.

Puis j’avance vers Senri, poings sur les hanches, après qu’il ait fini de faire “pouetpouet” à ses muscles là. J’comprends rien à ce qu’il dit avec sa double salle A22, vraiment, et si vous saviez comme j’en ai rien à faire.

—Quant à toi ! Qu’est-ce qui te prend d’encore faire du bordel alors qu’on t’a déjà changé de chambre ! Tu sautes par la fenêtre ? Tu veux te tuer ? Aaron et nos compagnons de mission sont encore alités, et toi tu t’amuses à mettre ta vie en danger ? Mais à quoi tu penses Senri, bon sang ? je m’énerve réellement.

Puis je soupire pour faire redescendre la pression et leur fais signe de me suivre, sèche.

—Je te change tes pansements et je vous montre la cafète. Et après vous me ferez le plaisir d’aller dans deux chambres séparées, et si on vous revoit faire du bordel, une seule fois, je demande à ce qu’on vous administre un calmant.

J'suis effaré. Par le comportement de Senri. Non parce que je comprends le comportement et la réaction d'Aoi-Sensei. On a merdé. Mmmhhhh. Merde hein. Même pendant la mission quand j'ai cité Ken le Survivant putain elle était pas autant en colère. J'ai déçu Aoi putain. Normal en même temps pourquoi j'ai sauté par cette fenêtre hein ?? Je réponds rien du tout, penaud. J'peux même pas me justifier, ou dire que je pensais que c'était un rêve. Genre ça change rien au fait que j'ai merdé, alors je garde simplement la tête haute du mieux que je peux, en essayant de pas fuir le regard de la Master. Si je pouvais disparaître putain. Merde Senri on a merdé et pourquoi tu t'en rends pas compte hein ??

"Amazaki-Sensei euh. J'suis pas certain pour le calmant vous savez, j'ai cru que c'était un rêve moi au début j'aimerais bien éviter d'être encore dans un état second et- Du coup je pensais pas aux conséquences parce que je pensais qu'il y en aurait pas. Que c'était pas possible d'être comme Senri dans la vraie vie et- Je jette un œil au Sensitif -Laissez le dans ma chambre je promets qu'il- qu'on sera calme. Et je veux imposer ça à personne d'autre."

J'ai murmuré la dernière phrase à l'adresse de la Master mais putain qu'est ce que j'ai honte de moi...

Les yeux de Senri s'écarquillèrent de bonheur quand elle leur donna la position de la cantine. Trop chouette ! Il donna un petit coup de coude à Erik suivit d'un regard plein de fierté. Mais à la remarque d'Aoi sur les portes, il arqua un sourcil.

- Mais, si on était passé par les portes, tout le monde nous aurait vu !

Par contre, au "Senri c'est habituel", le garçon fut un peu piqué. Ce qui était troublant qu'il ne réalise pas qu'il était toujours dans les mauvais coup et que c'était souvent de son fait. Néanmoins, ça rentra un peu plus dans son crâne quand Aoi fit la démonstration de son énervement. Son torse se gonfla, comme s'il allait répliquer mais à la mention d'Aaron, il se tut. Baissant la tête, il énonça quelques mots, penaud.

- Mais, on est descendu en rappel...

ET QUEL RAPPEL SENRI CONNECTE TES NEURONES A LA FIN. Elle était, cependant, toujours d'accord pour leur montrer la cafet. Et ça, c'était vraiment chouette. IL récupéra sa bonne humeur et se mit à suivre joyeusement la Master - aucune constance ce garçon. Bon, si le calmant, le changement de chambre, c'était dans un coin de sa tête, mais c'est pas comme si il n'avait pas l'habitude.

Par contre, la réponse d'Erik...

- Vous savez, je vous entends, hein quand vous dîtes que je suis pas réel et tout. Mais sinon, pardon madame, je ferais moins de bruit pour pas réveiller les blessés.

Si seulement, il n'y avait que ce problème.

- Par contre, j'ai entendu les infirmière dirent qu'on pouvait pas me donner des calmant à nouveau.

HRP : ptn j’suis désolée pour le retard



Erik parle, et je lui envoie mon regard le plus noir. Heureusement, Senri raconte une nouvelle dinguerie qui m’oblige à le fusiller du regard plus fort encore. C’est un concours en fait, ils cherchent à savoir en combien de temps je vais perdre mon calme ? Pas besoin de le mesurer : c’est instantané. Un “Senri, ferme-la.” menace de m’échapper, mais je me contiens uniquement parce que sinon je sais que je vais lui hurler dessus.

—J’en ai rien à faire de tes explications. Si tu veux aller à la cafétéria, tu y vas ou tu demandes qu'on t'y accompagne, comme toute personne dotée d'un peu de jugeote.

C’est paradoxal de ne pas vouloir d'explication, vu que je n’ai fait que leur poser des questions, mais écoutez. Je me contente de faire volte-face et leur indiquer de me suivre. Il est vrai que laisser Erik en charge de Senri, c’est peut-être le meilleur moyen de ne l’imposer à personne, mais surtout, je ne sais plus quoi faire d’eux. Voir Senri à l’hôpital, ça me fait toujours sortir de mes gonds depuis sa période de Téléporteur nul qui se fracassait dans les murs. Et depuis, il continue à se blesser, mais je sais plus comment faire pour le calmer moi !!

—On verra, Erik. Vous êtes des adultes, pas de gros bébés ; vous êtes censé savoir vous tenir. Et Senri, c’est pas la question de faire du bruit, tu peux te tuer en passant par les fenêtre, je ne veux plus jamais te voir faire ça. Et- comment ça on peut pas te donner de calmants ? je gronde.

Avant d’ouvrir vénèrement la porte de mon bureau, plus loin dans le dédale de couloirs, pour chercher des pansements dans la trousse à pharmacie.

—Assis.

Avec du recul, j’imagine que j’aurai honte de la manière dont je leur ai parlé, mais écoutez. Hein. Voilà. Bon. Moins je dis de mots, moins y a de chance que je les insulte.