Le chemin n'avait pas été très long pour Kyzen, qui demeurait déjà la ville de Tokyo. Il s'était fait déposer par un ami à lui, celui qu'il avait choisi pour prendre la tête du clan à sa place. Le jeune homme profitait du voyage pour lui donner les dernières directives à suivre, ainsi que des conseils plus personnels. Cette vie qu'il menait depuis son émancipation allait sans doute lui manquer, Kyzen imaginait que l'institut ressemblait à une sorte de monastère où il devrait se recueillir pour atteindre l'éveil... le master qui était venu jusqu'à lui ne s'était pas montré très clair, alors, bien que Kyzen était déterminé à trouver ses réponses, il ne pouvait s'empêcher de craindre le pire : l'ennui.

"Ils peuvent toujours crever, tu sais bien que je ne me sépare jamais de mes lames !"

Voilà ce qu'il avait répondu aux paroles de son ami. Celui-ci lui déconseillait d'entrer dans la nouvelle Terrae avec ses katanas, pointant du doigt le fait que l'on se baladait rarement armé dans les écoles, à moins qu'il ne s'agisse d'un dojo. Cependant, Kyzen n'était pas prêt à faire un tel sacrifice, si c'était réellement interdit il n'aurait qu'à demander une derrogation, et si ce n'était toujours pas possible, il les garderait quand même avec lui.

Le jeune homme était vêtu d'un large kimono noir portant le même symbole rouge sang que celui tatoué sur sa joue. Ses deux katanas étaient rangés dans leurs fourreaux, fixés au niveau de sa hanche droite. Prêt à partir, il récupéra son grand sac de voyage dans le coffre de la voiture. Kyzen avait l'habitude de sortir dans cette tenue, ne songeant pas un instant qu'il pouvait avoir l'air effrayant.

"Bon, c'est parti !"

Sans se retourner, Kyzen se dirigea vers le grand portail. Dos à son ami, il leva simplement une main pour lui dire au revoir, ne doutant pas qu'il le reverrait un jour. Le crissement des pneus indiquait que la dernière personne qui accrochait Kyzen à son passé venait de partir. C'est à cet instant précis que commençait son nouveau départ. Il traversa le portail sans se laisser intimider par son apparence de prison, et examina les alentours pour trouver son chemin.

Alors qu'il s'était décidé à marcher vers l'entrée du bâtiment le plus proche, une chose sortie de nulle part et agrippa son bras. Par réflexe, il le releva brusquement, bousculant la jeune femme. Il pouvait mieux la détailler à présent mais ne s'y attarda pas pour autant car, sous l'impulsion du moment, il s'écria :

"Mais d'où tu sors toi ?"

A vrai dire, elle venait de lui faire une sacrée frayeur. Le coeur de Kyzen battait à tout rompre, il ne comprenait pas comment l'étudiante avait fait pour débarquer ici, n'était-elle pas humaine ? Ses cheveux étaient anormalement blancs pour son âge, quant à ses yeux violets... après-tout, le jeune homme était mal placé pour juger de son apparence atypique, lui-même sortant de l'ordinaire.

Reprenant les éléments un par un pour tâcher de comprendre, Kyzen examina rapidement la situation.

*Une fille bizarre apparaît comme par magie... infirmerie... uniforme scolaire... bah, elle devrait pouvoir m'expliquer ce qu'on fait ici*

"T'inquiète pas pour ça, c'est qu'un tatouage ouais... et même si ça avait été une plaie ouverte, y'aurait rien eu d'alarmant. J'suis pas en sucre, d'accord ? D'ailleurs, désolé de t'avoir bousculé tout à l'heure, j'ai été surpris."

Comme la jeune-femme décidait de partir, Kyzen tenta de la retenir à sa manière :

"Bouge-pas, attends."

Il sortit tout naturellement un de ses katanas pour se gratter la nuque, réfléchissant à la façon dont il devait s'y prendre. Pour l'étudiante, c'était une chose habituelle apparemment de se téléporter où bon lui semble. Oui, parce qu'il était bien forcé de l'admettre, c'est ce qu'elle venait de faire non ? A moins qu'il ne soit devenu cinglé, Kyzen avait atterri dans un endroit vraiment spécial.

"T'es étudiante ici c'est ça ? J'suis nouveau, et la personne qui m'a contacté ne m'a pas dit grand-chose de cet endroit. Tu pourrais peut-être m'expliquer ?"

Il faisait de son mieux pour garder son sang-froid et ne pas avoir l'air trop paumé. Après tout, tous les étudiants de cette école étaient passés par là, il n'était pas le dernier et serait encore moins le dernier. Bien qu'il semblait tenter de paraître calme, Kyzen était particulièrement agité.

Lorsque la jeune femme agita ses petites mains devant-elle, effrayée, Kyzen leva un sourcil, l'air intérogateur. De quoi avait-elle peur ? Dès qu'il l'eut compris, Kyzen ne pu retenir un rire moqueur.

"Ne me dis pas que..." commença-t-il à dire, toujours amusé.

"Tu débarques ici en te téléportant et tu te laisses effrayer par un katana ?"

Après tout, avec sa capacité, l'étudiante devait pouvoir se volatiliser à tout moment, mais sur le coup de la frayeur... on ne pensait pas toujours aux solutions les plus simples. Kyzen observait la jeune femme encore plus agitée que lui, il semblait la rendre nerveuse, mais comment savoir si ce n'était pas tout simplement dans sa nature ? Le jeune homme accepta sans mal de remettre la lame dans son fourreau, il décida même d'aider l'étudiante à se détendre. Ayant totalement reprit son sérieux, il s'écria :

"T'en fais pas j'ai encore tué personne, personne qui ne le mérite pas. Ces armes servent uniquement à défendre mes idées et protéger ceux que j'ai envie de protéger. Ah, et aussi à me gratter la nuque quand ça me prend..."

Comme la jeune femme ne savait pas trop par où commencer dans ses explications, Kyzen tenta de se montrer plus précis, mais il avait un tas de questions qui défilaient dans son esprit :

"Bah, j'aimerais surtout savoir comment fonctionne cette école, qu'est ce qu'on y apprend ? Ah, et j'ai cru comprendre que c'était une sorte d'internat ici, tu penses que j'ai déjà ma chambre ? J'aimerais bien m'installer..."

Kyzen laissa tomber son sac de voyage sur le sol, provoquant un bruit sourd de fers qui s'entrechoquent. Même pour lui, c'était chiant de porter un truc aussi lourd. Soulagé d'un poids, il reprit la parole :

"Est ce que tout le monde se déplace comme toi ici ? Ou est ce que chacun cache des tours différents dans leur sac ?"

Après réflexion, l'endroit n'était peut-être pas très bien choisi pour se lancer dans de grandes discussions. Kyzen aurait bien proposé à l'étudiante d'aller se poser quelque part pour poursuivre leur conversation, mais il ne connaissait pas encore cet endroit.

"J'sais pas si t'as du temps devant toi, mais on peut peut-être bouger d'ici ? C'est déjà sympa de m'aider, rien ne t'y obliges. Au fait, moi c'est Kyzen"

Kyzen écoutait attentivement l'étudiante, celle-ci avait mal interprété ses paroles. En effet, elle avait compris qu'il n'avait jamais tué personne, alors que le jeune homme avait émit une petite subtilité dans ses mots - personne, ne l'ayant pas mérité - qu'importe, après tout cette jeune fille n'avait pas à le savoir. Elle l'aurait très probablement pris pour un assassin, chose qu'il n'était absolument pas. En plus, elle avait l'air d'enfin se détendre, Kyzen jugea qu'il valait mieux préserver ce malentendu.

*Foutage de gueule*

Voilà ce qu'il en pensait, qu'est-ce que c'était que cette manière de procéder ? Est-ce que le fait d'être nouveau le plaçait systématiquement aux bas fonds de leur échelle sociale ? Ou fallait-il le prendre pour un rite de passage, une étape à franchir avant d'aller plus loin ? Kyzen relevait le défi sans crainte, il ferait ce qu'il faut pour être initié au plus tôt. Remarquant l'air désolée de la jeune fille, Kyzen lui esquissa un large sourire, le regard plein de détermination.

"T'en fais pas pour ça, ça s'passera très bien pour moi ! Je ne compte pas m'éterniser dans les dortoirs... d'ailleurs, ça prend combien de temps de se faire initier en général ?"

Kyzen releva alors le sourire un peu crispé de la jeune femme. Bien qu'il semblait la mettre mal à l'aise, l'étudiante se forçait à se montrer serviable, et lui proposait son aide. C'était cool de sa part, mais ça ne plaisait pas au jeune homme pour autant. Il ne comprenait pas pourquoi elle agissait comme ça, si il l'inquiétait à ce point, elle n'avait qu'à le laisser se démerder tout seul. Il décida de jouer cartes sur tables :

"Ecoute, je ne vais pas te découper en morceaux si tu ne réponds pas à mes questions d'accord ? J'vois bien que j'te mets mal à l'aise même si je ne comprends pas vraiment pourquoi... alors si tu acceptes de me faire un peu confiance, j'veux bien qu'on aille aux dortoirs ouais, sinon je ne vais pas te retenir plus longtemps."

C'était tellement compliqué les filles, dans son clan de yakuzas, ils se parlaient entre hommes et ça s'passait toujours très simplement. Il y avait bien quelques femmes aussi mais elles étaient toutes des garçons manqués. Sans doute Kyzen se débrouillait-il mieux avec ces filles là, il ne connaissait pas l'art de la subtilité féminine mais qui sait, peut-être le développerait-il dans cet école.

"En tout cas, que tu le traduises par belle lune ou lumière d'espoir, tu portes un joli prénom Mitsuki-chan"

Kyzen ramassa son sac et cala la lanière sur son épaule, prêt à suivre Mitsuki ou passer son chemin. Tout dépendait du choix de la jeune femme.