"T'as pas vraiment de chance..." Haha, non, j'en ai pas, et j'en ai rarement eu. Anya avait eu une petite grimace en voyant les marques. Ouaip, c'est pas joli à voir, c'est vrai, mais au moins j'avais désinfecté. En fait, les seuls animaux qui respectent (ou plutôt qui tolèrent) ma présence près d'eux sont les animaux réputés "dangereux", comme... les chiens dits "méchants", les animaux sauvages, genre les loups et les renards. Les serpents m'aiment bien aussi ! Bref. C'est pas glorieux. La jeune femme en face de moi est redoutable et ses mots filent droit et touchent fort ! La preuve :

C'est parce que les humains sont beaucoup moins sensibles que les animaux, je suis sûre que tu t'y prends comme une brute avec eux !

Je souris. Elle me connaissait mal, si elle me prenait pour une brute des animaux. Mais bon, disons que je m'y prend peut-être mal. J'admis donc ma pensée.

Je ne suis pas une brute avec les animaux, je les aime bien. De plus ils ne m'ont rien fait. Il est par contre possible que je m'y prenne comme un manche pour les approcher.

Je lui fit un sourire vainqueur. Je commençais à connaître la demoiselle en face de moi, du moins assez pour savoir qu'elle s'y attendait pas à ce que je réponde comme ça ! Ça t'en bouche un coin, hein ? Héhé, je suis un génie.

Lorsque je lui parlais de mon passé, je vis le léger froncement de sourcil de la part d'Anya. Oui, j'ai eu la vie dure, c'est vrai... Mais je le regrète pas, je me suis quand même éclaté (et je me suis fait éclater aussi mais passons) ! Sa question me dérouta quelque peu.

Je comprends mieux... Vous habitiez où, avec ta sœur ?

Je fis un sourire incertain. J'aurais pas dû dormir en cours de Géographie, moi. Je répondis donc, évasif.

Euh... Quelque part en Amérique Latine, le Brésil, je crois. Dans un ghetto, si tu vois le type. Mais j'ai toujours eu ma sœur pour me soutenir et je me sentais plutôt heureux, alors ne t'en fais pas !

Je revis comme un flash-back de moment joyeux puis j'arrivais au fameux jours. Ça me fit l'effet d'un mini décharge électrique et ma main remonta vivement pour toucher la cicatrice sur mon œil, par réflexe.

Anya sembla se perdre dans ses pensées, sombres pensées d'après son sourire qui se ternit et devint presque comme artificiel. La pauvre, je ne sais pas ce qu'il se passait dans sa vie, mais ça n'avait pas l'air d'être du gâteau. J'espérais simplement que ce n'était pas trop dur. Cependant, elle sortit de ses pensées et son sourire lumineux revint. Elle me proposa :

Si tu veux, je peux te montrer comment faire avec les chats ou les chevaux. Et si vraiment t'as du mal, prends de la nourriture avec toi, ça t'aidera.

Je pense qu'à ce moment-là, j'ai eu des étoiles dans les yeux. Je faillis me mettre à sautiller comme un enfant mais m'étais retenu au dernier moment, histoire d'éviter de faire tomber quoi que ce soit. J'avais plaisanté :

Haha, en espérant ne pas perdre mes doigts en donnant à manger à un animal !

je m'étais esclaffé. Maintenant, mes doigts frôlaient ma cicatrice pendant que le flash-back me faisait revivre la scène de l'émeute. Ce fut la voix d'Anya, tout près, qui me permit de revenir au présent. Je me rendis compte que je tremblais. Anya était près de moi et me fixait l'ai inquiet.

Kyle ? Ca va ?... Tu veux quelque chose à manger peut-être ?

Je vacillais un instant, relevais la tête et laissais retomber ma main. Je lui fis un sourire incertain, encore trop aux prises avec mes souvenirs. Quelle étrange sensation de se sentir vivant après de tels événements. Je répondis, une fois sûr que ma voix serait plus qu'un mince son rauque :

Ça va, ne t'inquiète pas. Ce n'était rien.

Je ne devais pas l'inquiéter outre mesure, elle avait assez à faire comme ça.

Anya sembla avoir peur que je tombe lorsque je vacillais. Elle attrapa fermement mon bras. Je rougit légèrement en la sentant me tenir. Je sentais la brume de mon cerveau se disperser doucement et je me sentais comme sortir d'une torpeur. Mes jambes étaient comme du coton et j'avais la tête lourde, une douleur lancinante parcourait ma cicatrice. Je portais à nouveau la main à celle-ci.

Tu es sûr ?... Peut-être que tu devrais t'assoir un peu en attendant que ça passe, proposai la jeune femme. Ah, et trop tard, je m'inquiète, mais ça c'est mon caractère...

Je lui lançais un regard. Elle semblait vraiment s'inquiéter. C'était bien la première fois que ça m'arrivait sans qu'il y ait quelque chose demandé en échange de l'aide. Je sentais une chaleur particulière monter en moi, comme si ça me faisait plaisir d'être bichonné comme ça. Déjà Anya tirait un tabouret vers moi et je m'y assis sagement, un peu comme un enfant. Elle avait le don d'apaiser l'espèce de colère bouillonnante qui grondait au fond de moi. Je pense qu'elle avait le droit de savoir d'où venait mon état. Je m'expliquais donc :

J'ai eu une sorte de flash-back où je revoyais les moments heureux mais un mauvais souvenir s'est incrusté et voilà pourquoi je suis comme ça maintenant. Mais je c'est pas ta faute, hein !

Je lui fis un sourire rassurant. Ma voix avait retrouvé son timbre grave et chaud et je reprenais mes esprits peu à peu. Les effets du flash-back disparaissent lentement. Seul mon teint pâlichon trahissait encore son passage dans les minutes précédentes. Je la taquinais en souriant profitant qu'elle soit près de moi, ronronnant doucement :

Je t'en parlerais mieux si tu es sage !

Pour finir je lui fis un clin d'œil presque aguicheur.

"D'accord... Pense que ce n'est qu'un souvenir, même douloureux. Ça ne peut plus te faire de mal maintenant". C'est fou à quel point certaines phrases peuvent vous apaiser. Celle-ci fit son effet immédiatement. Je me calmais et la douleur à mon œil se fit moins forte. Je poussais un vague soupir et lui sourit en hochant la tête.

Mais quand même, j'aurais pu éviter de te poser cette question, tu aurais peut-être pu ne pas te rappeler de ce genre de souvenirs...

J'éclatais de rire. Elle culpabilisait pour une question. Une pauvre question. pourtant c'était ma faute si ce flash-back s'était manifesté. Je répondis en souriant, rassurant :

Allons, ça ne fait rien, j'ai l'habitude ! Et puis, je suis de nouveau heureux alors tout ça n'a plus d'importance.

Lorsque je me mis à faire mon cinéma, elle rit en rougissant. Soudain, elle fut toute proche un sourire en coin sur ses lèvres. Aussi proche je pouvais détailler son visage, ses traits parfaits et ses beaux yeux. Elle était vraiment jolie. Je rougis légèrement. Mais à quoi je pense moi ?

Alors ce n'est pas tout de suite que j'aurais la suite de l'histoire, parce que je n'ai pas pour habitude d'être très sage... susurra-t-elle.

Je rougis encore plus tandis qu'elle se relevait et ébouriffait mes cheveux déjà en pétard. Je fermais les yeux un court instant, savourant cette main dans mes cheveux. J'avais pour habitude de les brosser chaque matin, il n'y avait donc aucune trace de nœud dans ma tignasse. Elle se mit à ranger ses affaires avant de faire un pas vers la porte.

Maintenant que tu as réparé ton réveil, ça te dit qu'on aille faire un tour dehors ? J'en ai marre d'être enfermée ici.

Je me levais. Posant une main sur son épaule, j'allais fourrer mon réveil rapiécé dans mon sac en répondant :

Bah, moi je suis pas contre, j'ai les jambes encore légèrement engourdies à cause du flash-back mais ça ira !

Je me dirigeais vers la porte et l'ouvrit, la tenant et lui faisant signe :

Après vous, mademoiselle.

Pour mes jambes, d'après la demoiselle, ça ira mieux après quelques pas. Euh, je vais la croire. Y'a qu'à tester après tout. Je la laissais passer, remarquant la grâce de sa courbette. Décidément cette fille a tout pour plaire. Hem. Allô la Terre ici Kyle ! Tu te souviens pas de Psychée ? Elle t'a lâché comme une chaussette ! Tu vas de nouveau donner ta confiance à une fille, juste comme ça ? Je me secouais et suivis Anya dans le couloir. Mon sens de l'orientation m'orienta directement vers la sortie malgré la pénombre.

En parlant de pénombre... Il est quelle heure ?! Je guidais Anastasya vers la sortie en lui prenant la main comme je l'aurais fait pour ma sœur.

Viens, c'est par là !

Mes jambes devinrent de nouveau solides après quelques pas et mes enjambées se firent plus chaloupées, mais toujours souple. Je retrouvais ma démarche naturelle. Je sortis au grand air. Le soleil descendait à l'horizon dans un beau dégradé du rose au orange et la température chutait rapidement. Heureusement j'avais mon pull, attaché sur mes hanches au cas où, mais pour le moment je me sentais bien, malgré la température basse. Je me tournais vers Anastasya, remarquant que je lui tenait toujours la main. Je la lâchais délicatement et dit, un peu gêné :

Hum... Que veux-tu faire ? Personnellement ça va mieux.

J'avais marché trop vite pour elle, oubliant ses talons. Je me sentais un peu coupable. Le froid était vif et lorsque je vis la jeune femme frissonner, je détachais mon pull de mes hanches et le lui passais sur les épaules.

Ne prend pas froid, dis-je doucement. Ce serait tellement dommage.

Je lui souris. Mouais, je crois que je suis irrattrapable. Je croisais son regard et cette drôle de chaleur revint en moi. J'avais envie de la faire sourire, de la protéger. Je plongeais mon regard dans le sien, et je m'y serais sûrement noyé si elle n'avais pas proposé :

Que dirais-tu de... Faire quelques parties à la salle d'arcade ? Ca pourrait être sympa non ?

La salle d'arcade ? Mais qui dit salle d'arcade, dit jeux vidéos ! Cette fille est... géniale ! Je lui fis un sourire lumineux :

Je pense bien ! Nous deux contre les IA ? On va faire une équipe du tonnerre !

Je lui pris à nouveau la main pour l'entraîner, plus lentement, vers la salle. Je dirigeais mon regard vers le soleil couchant et la lumière embrasa mes iris rouges comme deux flammes. Je gardais sa main dans la mienne comme un oiseau fragile ou quelque talisman précieux. Je restais à marcher à ses côtés et je pense que ce fut une des rares fois où je me sentis apaisé. La salle d'arcade se présenta devant nous et j'ouvris la porte à Anastasya. Il faisait bon à l'intérieur et la salle était vide à cette heure. Je sentais que nous allions passer un bon moment !

Lorsque je posais mon pull sur ses épaules encore chaud d'avoir été accroché contre moi, elle rougit et détourna le regard quelques secondes après qu'ils se soient croisés. Elle réarrangea des mèches rebelles. Je souris en la voyant légèrement rouge. Elle me remercia :

- Merci, c'est gentil... Tu n'as pas froid toi ?

Je souris et secouais la tête négativement. Moi, avoir froid à cette température, faut pas pousser mémé ! Je devais supporter bien pire dans le passé. Et comme j'avais ma sœur, elle récoltait tout ce qu'on avait de plus chaud. Je me retrouvais alors à grelotter souvent en manche courtes. Alors ce temps c'est la canicule limite pour moi. Anastasya avait rit en voyant ma réaction face à sa question. J'aimais son rire. Il sonnait comme un vent d'automne qui ébouriffe les cheveux, encore chaud de l'été passé.

Je soupirais et marchais devant pour l'abriter au moins un peu du vent qui commençait à souffler. Le soleil se couchait doucement en face de nous à l'horizon. Je sentais la petite main d'Anya dans ma paume large et calleuse, ses doigts froids recroquevillés au milieu. Je restais un peu en avant, cachant ainsi mon sourire paisible. J'aurais aimé que ce moment dure plus longtemps mais la salle d’arcade finit par se présenter devant nous et nous entrâmes

Une fois dans la salle d'arcade, Anya proposa :

- Alors, on a un jeu de danse où on peut jouer à un contre un, ou sinon on fait une équipe ! Les deux me vont, à toi de choisir

Un jeu de danse ? Ouh là, je mais me ridiculiser mais...

Allez, va pour la danse ! Je compte sur toi pour être indulgente parce que moi et la danse, ça fait deux, avec quelques zéros derrière !

Je lui souris gentiment, espérant qu'elle serait pas trop dure même si elle risque fort de me ratatiner comme un... une... Bref, me ratatiner.

La jeune femme sembla étonnée par mon choix. Je souris. Normal, un mec de mon âge, c'est censé être bourré de testostérone et vouloir jouer à des jeux genre "kill them all" ou autre truc où on tire sur tout ce qui bouge. Sauf que vu d'où je viens, je préfère largement un jeu de danse à un jeu de tire. La jeune femme me sourit et c'était parti !

Je la suivis jusqu'à la mini estrade que nous utiliserons pour danser. Les touches de couleurs différentes étaient apposées au sol, histoire de marcher dessus pour suivre les indication à l'écran. Oh là là je vais me ridiculiser. Littéralement. Je regardais Anastasya enlever ses chaussures. Elle semblait plus petite, plus fragile sans ses chaussures. J'avais envie de la prendre dans mes bras... What ? Wait, wait, wait. Je viens vraiment de penser ça ? Moi ? Le gros dur ? Ok, pas si dur que ça, on dirait bien. Troublé, je souris maladroitement à la jeune femme qui s'était retournée, pour voir si j'étais pas partit en courant, sûrement.

- On va commencer par un niveau facile, d'accord ?

Je hochais vigoureusement la tête de haut en bas. Ooooh oui, même niveau - 10 si ça existe ! J'enlevais moi aussi mes chaussures, une paire de basket de sport usées de couleur rouge foncé. J'avais recollé les semelle avec de la glu la semaine dernière. Mais je les aime tellement, ces baskets, je veux pas en changer. Bref. Je les enlevais et rejoignis Anastasya pour que le jeu commence. Elle faisait défiler les chansons, dont le nom ne me rappelait rien ou presque jusqu'à une certaine que je montrais du doigt :

- Ah je connais celle-ci !

Ma mine ravie se détériora en voyant la difficulté de la musique. Niveau très dur... Zut. Je soupirais :

- On va trouver autre chose, je te laisse faire.