Après un passage rapide pour voir ma sœur, qui s'ennuyait ferme dans sa chambre, je retournais dans la mienne, me changeais. Je délaissais exceptionnellement mes pantalons de toile noirs et gris et mes T-shirts usés pour une tenue achetée la veille dans un magasin. Elle de constituais d'une chemise bleue marine, d'une sorte de foulard à attacher au cou comme dans l'ancien temps, lui aussi bleu marine, d'une belle veste blanche, éclatante de propreté (ce qui était rarissime chez moi) et d'un pantalon noir. Je me lançais un regard dans la glace et entrepris de me coiffer. dur dur pour quelqu'un qui avait l'habitude de se couper les cheveux au couteau. Enfin, après un long moment, je parvins au même résultat que lorsque j'étais sorti de chez le coiffeur avec Akira. J'espérais qu'Anya aimerait ma nouvelle coupe. Je me dirigeais vers le seul placard qui ornait ma chambre. Celle-ci était plus proche de celle d'un moine que de celle d'un étudiant. On pouvait y voir un lit, une commode et une armoire. Très sobre. Je sortis la pair de mocassins brun foncé et les enfilais, savourant encore une fois le confort de ces drôles de chaussures. Enfin, je pris mes clés et mon téléphone que je glissais dans mes poches.En fermant la porte de la chambre, je priais fort pour qu'Anastasya soit encore disponible.
Il était 18h30 et j'avais peur qu'elle ne soit déjà partie pour le bal de noël. Je sortis de ma chambre et partit vers celle d'Anya que j'avais repérée plus tôt dans la journée.

Arrivé devant, je pris une grande inspiration et expirais. Puis je toquais. Il me sembla entendre des sanglots étouffés, mais peut-être avais-je rêvé. En tout cas, je l'espérais. Je déteste voir les gens pleurer, et encore plus Anya ! D'ailleurs, le fait que ça me fasse encore plus mal pour Anya était assez perturbant car ça avait un goût de déjà vu. Je devais confirmer si c'était bien ça ou si c'était un autre sentiment.

J'entendis des pas. Ils s'arrêtèrent, puis reprirent. La porte finit par s'ouvrir. Anastasya apparut, semblant ne pas me reconnaître. Normal vu ma tenue et ma coiffure. Enfin.

Je remarquais tout de suite que quelque chose n'allait pas. Elle portait des habits de tout les jours, avait les cheveux un peu en pagaille (malgré un coiffage express avant d'ouvrir la porte, je devinais) et surtout elle avait les yeux rouges. Elle avait pleuré. Mon inquiétude monta d'un cran. Pourtant elle me sourit.

Kyle ! Bonsoir ! Tu es magnifique dis donc !

Son entrain forcé accrut mon inquiétude. J'esquissais à peine un sourire, trop tendu. Mon inquiétude devait transparaître dans mon visage. Je le savais. La mâchoire crispée, le regard planté dans celui de la jeune femme, je devais paraître plus tendu. Mes yeux changeaient de couleur au gré de mes sentiments. Ils devaient avoir considérablement foncé.
Avec une nonchalance feinte, je posais ma main sur l'encadrement de la porte, histoire qu'elle ne me la referme pas au nez. Je me penchais légèrement vers elle, rapprochant mon visage du sien. Elle avait pleuré et venait à peine de s'arrêter. Je me forçais à me calmer puis constatais d'une voix contenue :

Tu as pleuré. Et pas qu'un peu. Il faut que tu m'explique... Je n'aime pas te voir comme ça. Je venais pour autre chose mais ça peut attendre, largement. - je soupirais - Je t'aime énormément, Anastasya, alors je voudrais que tu me parles de tes chagrins, que je t'aide à passer au-delà.

Je me redressais et enlevais ma main de l'encadrement. Dans mes yeux elle pouvait lire l'inquiétude qui était sur le point de se transformer en une sorte de panique. Je bouillonnais à l'intérieur de moi-même. Mes émotions, sentiments, tout se mélangeait. Colère. Doute. Compassion. Inquiétude. Amour, je m'en rendais aussi compte, de plus en plus. J'avais envie de la serrer dans mes bras, qu'elle oublie ses soucis. Qu'elle sourie à nouveau, et pour toujours. Et j'allais tout faire pour.

Je vis Anastasya rougir d'un coup quand je lui affirais que je l'aimais énormément. Me rendant compte de ce que je venais de dire, je rougis à mon tour, ne sachant plus où me mettre.
Anya se reprit plus vite que moi : elle toussota, baissa les yeux et je l'entendis souffler un coup avant de relever la tête vers moi. Quelque chose avait changé dans son regard. Elle avait même un petit sourire aux lèvres. Je préférais déjà ça.

Ne t'en fais pas Kyle, ça va mieux. J'ai eu mon père au téléphone, il est en cure en ce moment et il a eu une crise de manque... Il est très violant dans ces moments-là, et j'ai du mal à le supporter, d'où les larmes... Je m'inquiète pour lui, j'espère qu'il ira bientôt mieux.

Mon expression se décomposa puis je me repris. Elle aussi avait une vie difficile et elle ne me disait pas tout, je le sentais. Elle semblait ne pas vouloir en ajouter, alors je n'allais pas insister. Je ne suis pas un bourrin ! Si ? Comment ça "si" ? Mais je vous en...kikine !
Je me souvins de ce qu'elle avait fait lorsque j'avais tout avoué et m'apprêtais à la prendre à mon tour dans mes bras. Je fis un pas vers elle... et fut coupé dans mon élan lorsqu'elle reprit la parole, changeant de sujet.

Mais pourquoi venais-tu me voir toi ?

Je stoppais net en me souvenant de la raison primaire de ma visite. Machine arrière toute !! Ne sachant à nouveau plus où me mettre, je me balançais d'un pied sur l'autre. Je triturais mon foulard, qui finit de travers, comme à chaque fois que je me retrouvais avec quelque chose autours du cou, et prit une grande inspiration.

Euuh... Bah... En fait... C' soir, c'est Noël et, euh, y'a un bal qu'est donné, euh, et c't'aux gars d'inviter les filles, euh...

J'avais commencé fort et ma voix avait faiblit au fur et à mesure de mes mots, mon accent reprenant le dessus, je mangeais les mots. Ce fut d'une toute petite vois que je terminais :

T'voudrais pas v'nir avec moi au bal..?

Je devais avoir l'air fin, avec mon habit un peu froissé, les cheveux coiffés et les joues rouges d'embarras...

À ma demande, Anya rougit comme une pivoine. Elle était mignonne quand elle rougissait ! Puis elle se recula et me claqua la porte au nez. Je restais tout déconfit. Qu'avais-je fait de mal..? Elle avait déjà quelqu'un ? C'est ça ! Elle devait avoir quelqu'un. Ou alors... Je repensais à son père au téléphone. Elle n'avais pas envie d'y aller. Et j'avais fit une bourde. Je me mis à marcher en long et en large. Devais-je re-toquer pour m'excuser ? La laisser ? Non, je devais m'excuser, c'est la moindre des choses. Non, la laisser c'est mieux, j'ai fait une bêtise après tout. Mais non, je devais m'excuser. Complètement perdu, je pris ma tête dans mes mains.

Mais je fais quoi ?!

J'avais presque crié et un résident passant par là fit un bond de côté. Je m'empressais de m'excuser en m'inclinant bien bas, honteux. Alors que j'étais incliné, la porte d'Anya se rouvrit et j'entendis sa voix un peu désolée :

Désolée ! Je voulais savoir si j'avais de quoi m'habiller et visiblement... Oui ! Rentre, le temps que je finisse de me préparer !

Je terminais de m'excuser bien bas auprès du résident puis rentrais dans la chambre d'Anya. Elle me fit signe de m'asseoir sur le lit et j'obtempérais sans protester. J'espérais qu'elle ne m'ait pas entendu dans le couloir. J'en étais encore tout bizarre.
Je me tenais donc droit sur le lit, n'osant pas prendre plus de place que ce que je prenais déjà. Je regardais Anya de dos qui s'affairait à sa coiffeuse. Sa silhouette fine et élancée convenait parfaitement à sa robe. Elle était ravissante. Je sentis mes joues s'embraser, tout gêné que j'étais de penser pareille chose. Elle devait sûrement déjà être prise. Une si jolie femme, quand même ! Et puis qui voudrait d'un feu casse-cou, grognon et bagarreur comme pas deux ? Personne ! J'ouvris la bouche pour parler, mais ne trouvais rien à dire de plus intelligent que :

Tu es très belle dans cette robe.

Je refermais mon caquet aussi sec en me rendant compte de l'idiotie que j'avais dite. Je suis décidément bien stupide ce soir...

Je regardais autours de moi, discret comme une souris. Anya répondit à mon compliment et je ne pus m'empêcher de rougir à nouveau. La chambre d'Anya était plutôt petite. Les murs avaient été peints et elle était meublée seulement d'un lit, d'une armoire et d'un bureau en plus de la coiffeuse. Malgré le mobilier modeste, elle semblait plus coquette et plus confortable que la mienne. Il faudrait que je peigne les murs au moins. Parce que bon, quand on se retrouve avec des murs blancs et un lit en fer, une commode et une table en bois foncé... Ça fait un peu prison.

Je commençais donc à réfléchir à quelle couleur serait bien pour ma chambre, regardant Anya s'affairer attablée à sa coiffeuse. Hmm... Bleu ? Ou rouge ? Peut-être vert ? Ou un joli gris ?

Anya clippa des sortes de rajouts à ses cheveux, qui prirent pour le coup un bon 1O cm de long. Je remarquais que ça lui allait très bien. Même si je la voyais que de dos.

Bon, bleu ou gris ? Ou alors un rouge orangé ? Ah que c'est dur de choisir.

Elle finit de se maquiller et se retourna. Mon cerveau eut un petit raté. Elle était encore plus jolie que d'habitude. Anya brillait dans sa belle robe, ses cheveux tombaient en une cascade foncée sur ses épaules et elle avait une démarche presque princière. Elle se planta devant moi et me détailla d'un regard vif. Sans que je ne puisse réagir, elle rajusta mon foulard et je rougis en me retrouvant aussi près d'elle. Elle se redressa et je vis qu'elle aussi avait rougit. Bon, j'étais pas le seul. Elle se recula.

Je suis prête pour aller au bal avec toi Kyle. Enfin... Si tu veux toujours m'accompagner...

Je dû faire une drôle de tête. J'étais à la fois ravi qu'elle accepte, mais aussi émerveillé par sa tenue et enfin j'étais surpris qu'elle me demande si je voulais toujours l'accompagner. Je me levais et pris ses mains dans un geste enthousiaste.

Bien sûr que je veux toujours t'accompagner !

Puis je me rendis compte de mon geste et retirais mes mains en rougissant pire qu'une tomate. Je ne savais à nouveau plus où me mettre. Je commençais à me tordre les mains.

Désolé. Je suis un peu excité d'y aller, mais je vais me calmer. Fais pas attention à moi !

Oh là là, je vais à un bal ! Avec Anastasya ! Pour Noël ! Et c'est décidé, ce sera bleu-gris ! Mes pensées faisaient des nœuds impossibles à démêler. J'étais comme un enfant qu'on emmène à sa première fête.

Mon excitation la fit rire et je ne pus réprimer un sourire. Je préférais la voir rire que pleurer ! Elle avait caché son rire en mettant sa main devant sa bouche. Gracieuse et distinguée sans être hautaine. J'adore. Elle était vraiment adorable et elle ressemblais à un ange dans sa robe. Ne lui manquait que les ailes blanches et douces. Sa robe lui allait à merveille, elle était constituée d'une robe avec une jupe longue et bouffante et d'un corset pourpre. Le tout était en harmonie avec sa silhouette fine et gracile. J'adore bis. Et ce sourire... Charmant. Mais enfin, à quoi je pense moi..?

Je comprends Kyle, moi aussi j'ai hâte d'aller à ce bal ! On est partis, allez, sinon on sera en retard !

Je devais être resté tout droit et bouche ouverte parce qu'elle glissa son bras à mon coude et m'entraîna avec elle hors de la chambre pour aller au bal. Je me sentais tout chose avec Anya à mon bras et pourtant j'étais empli d'une joie un peu trop débordante d'y aller avec elle. Bref, c'est dans un état d'agitation totale que je pénétrais dans la salle de bal. Celle-ci était tant emplie de sons, d'odeurs et surtout de couleurs que marquais un temps d'hésitation avant de m'avancer. Je regardais de partout, la musique m'emplissait les oreilles et les odeurs me désarçonnaient. Toute cette confusion ne me réussit pas car j'eus un moment d'absence, comme un petit black-out. Je vacillais et portais une main à ma tête, tentant de ne pas me faire submerger par toutes ses sensations. J'entendis vaguement Anya me parler sans comprendre ce qu'elle me disait. Je tentais de me reprendre et secouais la tête. Les lumières m'aveuglaient. Sans m'en rendre compte je m'étais arrêté et serrais avec force la main d'Anastasya. M'en rendant compte, je dé-serrais ma prise et respirais un coup, ce qui me valu une nouvelle sensation de tournis. Je secouais à nouveau la tête, histoire de la dissiper et laissais Anya me guider là où elle voulait.

Je me laissais guider par Anya lorsque la faible odeur de nourriture grandit. Je compris qu'elle me guidait vers le buffet. Je la laissais faire et finit par trouver une place assise. Je m'assis et secouais à nouveau la tête. Tout tournait autours de moi, tout était flou. Je restais assis tandis que je vis furtivement Anya s'avancer vers le buffet. Elle revint vers moi et me tendis quelque chose.

Tiens, mange un peu pour faire passer ton vertige, on verra pour la suite, d'accord ?

Je hochais vaguement la tête. Ses paroles avaient résonné comme en écho. Je pris ce qu'elle me tendait et croquais dedans. La saveur épicée et chaude sur chocolat me ramena un peu à la terre ferme et je terminais de manger le muffin au chocolat. Les points blancs et noirs arrêtèrent de danser devant mes yeux. Je commençais à me sentir mieux et à m'habituer à tous ces bruits. Je relevais les yeux et tombais sur le visage souriant d'Anya. Je rougis instantanément. Elle avait dû s'inquiéter, quel idiot j'avais été de me laisser submerger ainsi ! Je passais une main dans mes cheveux, oubliant que je m'étais coiffé et que faire ça dressait mes cheveux blancs dans tous les sens.

Excuse-moi, j'ai dû te faire peur. Je vais mieux maintenant. Merci de m'avoir aidé. En fait, je me suis laissé submerger par tous les sons, odeurs, couleurs, lumières, ect... Ça m'a filé le vertige. J'ai pas l'habitude de me trouver dans des endroits comme ça. Mais maintenant ça va mieux !

Je lui souris, reconnaissant tandis que la musique se fit plus lente, sur un rythme de valse. Je me levais alors, ayant recouvré tous mes moyens, et fis une révérence en baisant légèrement la main d'Anya.

Si ma Dame veut bien se permettre... M'accorderez-vous cette danse..?

Sur ces paroles, je la pris doucement par la taille et l'emmenais danser. Il fallait que la soirée soit magique pour elle, qu'elle oublie tout et se focalise sur le moment présent. Qu'elle soit heureuse.