Un soupir de soulagement manque de m’échapper devant son sourire. Mon dieu il a compris, c’est formidable. Pendant un instant, je m’imaginais encore me débattre à essayer de lui faire comprendre désespérément mes pensées. Mais non, tout va bien. Tout va bien, maintenant. Se dire ça a quelque chose de terriblement perturbant, mais c’est vrai ; autant ne plus se mentir. Je n’ai plus envie de me cacher toute ma vie dans l’attente, à espérer que ces sentiments stupides passent leur chemin. Honnêtement, maintenant, je m’en fiche. Si ça doit mal se passer, ça se passera mal. Mais je refuse de me dire que je regretterai ce moment encore une fois. Je refuse de me dire que je douterai toute ma vie. Tant pis, parfois, il faut prendre des décisions, qu’elles soient mauvaises ou pas. Prendre le risque. Et là, quel risque y a-t-il, au fond ? Je n’ai pas grand-chose à perdre. À part, peut-être, son amitié.
Il serre ma main dans la sienne et je lui rends son sourire en acquiesçant à ses paroles. Un peu de temps, oui. Peut-être plus à moi qu’à lui, mais je m’adapterai. Parce que je tiens suffisamment à lui pour avoir envie de rester à ses côtés. Doucement, il me tire vers lui pour me faire approcher, m’attrapant par la taille. Mes joues prennent une teinte rouge soutenue. Hé, non, il le fait exprès là, pas vrai ? Pas les genoux, c’est super embarrassant. J’ai un regard furtif autour de nous ; personne… Zut, je peux même pas prétexter ça, c’est vraiment injuste.
M’apprêtant à répliquer que non, c’est bon, finalement, je n’avais pas spécialement envie de le voir là maintenant, Huo dépose doucement ses lèvre sur les miennes. Baiser furtif et doux, qui me tire une moue boudeuse. Je lui pince doucement le nez et détourne le regard.

– N’en profite pas trop, je grommelle, embarrassée.

Avant de déposer un baiser au coin de ses lèvres. Un sourire léger aux lèvres. C’est étrange comme sensation. Doucement, je pose ma joue sur son épaule, apaisée.

– Disons que je ne pensais pas que ça tournerait comme ça… C’est assez perturbant.

J’ai l’impression de nager en pleine illusion. Peut-être que c’est juste un mauvais tour, au final ? Vous nous imaginez, nous, il y a un an ? On se tapait dessus. Et là, maintenant… Je suis Master. Lui Etoile. Et on est… oh mon dieu. C’est tellement, tellement, teeeellement perturbant. Pour de vrai !
Puis, j’ai un sourire enjoué. Me lève de ses genoux d’un bond en ayant trouvé la parade, sans lui laisser le temps de répliquer, et lui attrape la main pour le tirer doucement.

– Viens ! On se balade ! J’ai pas envie de rester là. Alleeez. S'te plaît.

Bon, d’accord, je sur-réagis un peu, mais c’est surtout parce que c’est super embarrassant. Et que même si ça me fait très plaisir – je suis heureuse, je vous jure ! – j’ai pas envie de tomber dans le trop niais. Désolée Huo, hein, c’est vraiment pas que je t’aime pas, mais la fontaine, le parc, seuls et tout et tout, c’est beaucoup trop d’un seul coup pour mon pauvre petit cœur. Il ne faut pas trop m’en demander d’un bloc, non plus…

Bon, trop, c’est trop. Je fais un bond et me mets sur mes jambes, un grand sourire aux lèvres, mais un peu stressée. On dirait que je suis montée sur ressort, je crois… Mais bon, tant pis, il faut que je bouge, sinon ça ne va pas le faire. D’autant que là, on faisait quoi ? On était assis sur le rebord d’un bassin, et… Sur le rebord d’un bassin. Sérieusement. Si j’y repense encore je vais devenir rouge écrevisse – et c’est pas tellement que je n’apprécie pas le fait de ressembler à un crustacé, mais, à vrai dire, l’idée ne m’enchante tout de même pas spécialement. Je l’entraîne néanmoins à ma suite, sans lâcher sa main, en essayant de me concentrer sur autre chose. Du style… Le ciel ! Il est joli le ciel. Il fait beau ! Et chaud ! Et y a un peu de vent ! Non, j’essaie pas du tout d’éviter de penser à la tomate sur patte que je traîne derrière moi comme un prisonnier en fuite traîne un boulet à sa cheville, c’est faux. C’est pas aussi simple pour moi, je vous ferais dire ! Autant pour les autres ça peut être normal, autant moi, je suis du genre à m’évanouir pour un rien, alors laissez-moi tranquille !
Je roule des yeux en l’entendant parler – et en priant pour qu’il ne l’ait pas remarqué, tout de même, je n’ai pas envie de le vexer. Un jour, je lui ferai passer l’envie de m’appeler comme ça, vous allez voir. En plus, vous voyez le manque de décision ? Qu’on se dise plus qui est le sexe fort après, hein ! Hum. Désolée c’est nerveux. J’essaie de garder mon calme mais c’est un peu difficile.

- Pourquoi, t’es triste de plus passer autant de temps à les sécher et les coiffer ? Quoique tu me diras, avec la tonne de gel que tu dois te mettre dans les cheveux pour que ça tienne... je pouffe de rire en me tournant vers lui, étirant un sourire en coin malgré moi.

Puis je toussote un peu, lui fait un sourire désolé. Comme je deviens méchante en fait… (Je devrais dire honnête, mais bon, là, c’est sûr qu’il se vexerait !)

- C’est une vraie question ? Une vraie de vraie ? Enfin, tu attends une réponse honnête ou une réponse qui te ferait plaisir ?

Non parce qu’en fait, rien que de l’imaginer avec sa tresse, ça me donne envie de la recouper… Et ce n’est pas de la mauvaise foi ! C’est juste… Je sais pas. Ça lui allait pas !

Je lève un sourcil circonspect. Sérieusement ? Il ose me dire qu’il en met pas ? C’est pas un peu l’hôpital qui se fout de la charité ? C’est comme s’il disait que Paris Hilton mettait pas de fond de teint… J’ai un peu de mal à le croire, là. Vraiment. C’est pas méchant, hein, faut pas m’en vouloir, mais c’est un fait : ses cheveux ne peuvent décemment pas tenir comme ça sans mettre du gel. Et c’est pas une tare ! Qu’il assume juste. Je ne lui en voudrai pas. Pas pour ça en tout cas !
En revanche, je fais la moue lorsqu’il dit vouloir une véritable réponse. Mais pourquoi il demande, aussi ? C’est quoi son but, hein ? S’il a envie qu’on s’engueule, c’est la bonne chose à faire ! J’vous jure, franchement… C’est quoi ces allusions ? Comme il en parle, on dirait que j’ai fait exprès de lui couper les cheveux… Un accident, c’était un accident ! Et puis bon, il va pas chipoter pour quelques petites mèches, non ..? Bon, non, d’accord. C’était une tresse entière, mais bon, voilà…

- Mais j’ai rien avec les cheveux longs, je grommelle en gonflant les joues. Et puis j’ai pas fait exprès, t’abuses !

Je lui tire la langue en riant un peu.

- Mais c’est vrai que je préfère comme ça. Ça me perturberait que tu aies les cheveux plus longs que moi…

Un nouveau rire m’échappe et je lève les yeux vers lui, un sourire mutin aux lèvres. Je sais qu’il ne se vexera pas. Enfin bon, je lui dirai pas, mais je le préfère avec les cheveux courts. Les cheveux longs, ça faisait trop… trop. Même s’il a une tête de racaille, comme ça. Faut dire que vu comme il se comporte, parfois... Je repense furtivement à Noël, et à son altercation avec Allen. À chaque fois que je l’imagine, j’ai envie de rouler des yeux d’un air désespéré. Qu’est-ce que ça peut être arrogant un gars, n’empêche…

- Et puis tes cheveux sont très bien comme ça, allez, je souris en coin en effleurant une mèche. Arrête ta psychose dessus, c’est pas bon pour ton teint.

Des gens se promènent dans le parc, et j’ai de plus en plus l’impression de me faire observer de haut en bas, là, c’est affreux…

- Enfin bon… Sinon, à part tes cheveux, tout va bien pour toi ? je toussote un peu. Avec Jun, tout ça, ça va ? Pas de souci particulier ?

Un sourire en coin se dessine sur mes lèvres. Un peu amusée, je le regarde essayer de se justifier. C’est vrai que vu la longueur de ses cheveux, il a dû les laisser pousser pendant longtemps. Il devrait me remercier, après tout… M’enfin, j’avoue que s’il m’avait fait la même chose, je le lui aurais fait regretter… Et assez amèrement, je crois bien ! Ça aurait pu être drôle cela dit. J’ai jamais testé les cheveux, courts, tiens… Ce pourrait être à essayer. Quoique je suis pas sûre que ça m’aille. Faudrait voir… C’est la question existentielle de la journée, là, c’est ça ?

- Mais non, dis pas ça, je ris un peu. Même si c’est vrai que ça fait pas vraiment sa sainteté, là…

Puis je roule des yeux. Pas faire de psychose ? Et puis quoi encore ? C’est lui qui parle tout le temps de ses cheveux. S’il a pas remarqué qu’il était complètement gaga de ses cheveux, c’est que c’est grave, non ? Je veux dire, à ce point-là... Une fille, je veux bien – mais un gars, c’est un peu… non, je ne dirai pas tiré par les cheveux, la blague serait stupide, mais c’est pas grave.
Je n’ajoute rien sur le sujet et préfère enchaîner sur autre chose, en espérant qu’il me parle un peu de lui. Qu’il dise quelques trucs, comme ça, sans que j’aie l’impression de lui forcer la main. C’est un peu ça, d’habitude, j’ai l’impression. On ne se parle pas trop, on se contente de prendre vaguement des nouvelles, de plaisanter, se taquiner. En revanche, je sais qu’il est au courant de certaines choses à mon propos. Il m’a plus ou moins laissé entendre… d’autres choses, lui aussi. Mais est-ce que ça suffit pour dire que je sais qui il est ?
Pourtant, je suis bien avec lui. Je me sens de meilleure humeur, et un poids s’est envolé de ma poitrine depuis tout à l’heure. Comme si pouvoir lui dire ce que je ressentais m’avait aidé à mieux… extérioriser ? Mieux comprendre ? C’est aussi rassurant de savoir qu’on ne se trompait pas. (Enfin, je crois que je ne me trompe pas. Oh et puis zut… Trop compliqué.)
J’ai un nouveau sourire, plus doux, lorsqu’il me parle de Jun. J’avoue ne pas avoir compris quel type de relations ils ont déjà pu avoir, mais ça me semble un peu plus clair maintenant. C’est un peu perturbant, c’est vrai. Mais bon, c’est comme ça. Je n’ai pas trop l’habitude, c’est tout… Et puis, si tout le monde est content comme ça, je ne vois pas de quoi je peux me plaindre !

- C’est vrai ? Je suis contente pour lui alors, je souris largement. J’aimerais bien savoir comment il est. Tu l’as déjà rencontré ? Son petit ami, hein, je précise finalement avec un rire.

Eh ben, il a pas l'air très ravi que son meilleur ami ait trouvé quelqu'un... D'après ce que j'ai compris, il est très attaché à lui. Très, trop ? C'est pas que je suis jalouse, mais j'avoue que ça me fait tout bizarre comme ça... Enfin après, ça ne m'étonne même pas vraiment. Huo a l'air d'être quelqu'un d'extrêmement possessif. Il suffit de se rappeler comment ça s'est passé, à Noël avec Allen, pour se dire que oui, effectivement, ce type est un peu brut de décoffrage. Vous me direz, rien qu'en le regardant... Mais bon, c'est mal de juger les gens sur leur apparence ! Même si c'est souvent vrai...
Je ne réponds rien mais me contente de lever les yeux au ciel. C'est son meilleur ami et il ne connaît même pas le nom de son petit ami ? Eh ben, on en a du chemin à faire, hein.
Cependant, lorsqu'il enchaîne sur un sujet un peu plus sensible, j'ai un sourire à mi chemin entre l'embarras et la nervosité. Sérieusement, ils pourraient au moins faire semblant de s'apprécier quand ils sont pas l'un en face de l'autre, c'est pas la chose la plus compliquée au monde !

- Allen ? Ah, Allen ! (Comme si j'en connaissais des milliers, hein...) Ahah ! Mais ouiii, ça va. Il se porte comme un charme.

Mis à part le fait qu'il a très envie de faire un massacre dès que Mitsuki mentionne le nom d'Huo (j'ai l'impression qu'elle le fait plus pour l'embêter lui que moi, d'ailleurs) tout va bien. Je le sens un peu déprimé aussi, en ce moment. À l'ouest... Mais quand je m'inquiète, il me dit que ça va. C'est pas pour autant que je vais le croire, hein...

- Il essaie de toutes ses forces de convaincre Mitsuki de pas nous emmener en safari en Afrique, je ris doucement. Mais elle est plus forte que lui, et son regard assassin de gosse hyperactive est trop persuasif pour qu'il ose refuser...

Un rire m'échappe à cette pensée. C'est vrai que Mitsuki est vraiment hyperactive. Moi je trouve ça adorable ; Allen trouve ça flippant...

- Enfin bon ! J'avoue que ça ne me tentait pas vraiment, les moustiques, et tout ça... je conclus avec un sourire amusé. Mais je crois qu'on est bien partis pour passer nos vacances là-bas... Maintenant qu'on est Masters toutes les deux.

Ce qui me fait tout aussi bizarre, au passage...

Faussement outrée, je me tourne vers lui en gonflant une joue. C’est censé vouloir dire quoi, ça, qu’il ne me voit pas essayer de surprendre un animal ? Je sais pas être assez discrète pour surprendre quelqu’un ? Ca se voit qu’il ne m’a pas encore vue arriver dans le dos des gens ! Et puis… au pire, Allen atténuera le bruit que je fais. Voilà. Comme ça, on trouvera une utilité à ses pouvoirs ! (Comme je suis méchante…) Mais bon, le ventilateur, c’est moi. Je régulerai la température de l’air autour de nous, ça nous évitera peut-être de mourir de chaud… Oh et je sais ! Allen et moi, on sera les détecteurs de moustiques ! Dès qu’on en entend un s’approcher, on prévient Mitsuki, et gzip ! Raquette électrique. Oh ouiiii ce sera parfait parfait parfait ! Finalement je veux bien aller le faire, ce safari. (En plus, si on a la flemme de rentrer en marchant, Mitsuki nous téléportera ; si c’est pas merveilleux comme pouvoir !)
Hum. Autant en profiter au maximum, non ?
Doucement, je roule des yeux.

- Oh, ça va. On sait se débrouiller de toute manière… Enfin Mitsuki sait se débrouiller, Allen sait parler anglais, et moi je survivrai ! je rajoute avec un grand sourire, préférant éviter la question des pouvoirs.

Puis j’éclate de rire. Il va me prendre pour un boulet maintenant, tiens… Enfin, ça, ça doit déjà être fait depuis un moment maintenant.

- Ce n’est pas que ça fait bizarre de se le dire, c’est que ça fait bizarre de s’en rendre compte, je finis tout de même par ajouter lorsqu’il reprend au sujet des Masters. Quand je vois tous les autres, j’ai du mal à croire qu’on est du même niveau, tu sais. Ils ont quelque chose d’autre en eux, j’ai l’impression.

Un léger sourire étire mes lèvres.

- Enfin. Mitsuki me dit parfois qu’on l’a aussi. Mais qu’on ne s’en rend pas compte. Elle aussi est parfois dans l’indécision… ça me rassure un peu de me dire que je suis pas la seule. Même si ça me rend triste quand elle se dénigre.

Peut-être que la seule chose qui nous manque encore, c’est l’expérience. La foi… Et le temps de se faire une place.

Une moue boudeuse se glisse sur mes lèvres et je hausse simplement les épaules lorsqu’il me dit que moi aussi j’ai cette chose spéciale en moi. Ça me donnerait presque envie de rire, j’étais certaine qu’il allait répondre quelque chose comme ça. Mais ce n’est pas aussi simple – on est différents, bien entendu, mais en même temps, nous ne sommes pas comme eux. Pas encore, tout du moins, je crois. C’est quelque chose qui ne s’acquiert pas tout de suite, selon moi. Ce n’est pas « aussi simple » que la masterisation. C’est quelque chose d’autre, qui doit venir un peu plus tard. Je suis prête à attendre, de toute manière. Je n’ai même pas encore vingt ans – ça me fait bizarre de me dire que j’y serais l’an prochain. Mais quand on a passé son combat de master, je crois qu’on est prêts à tout après ! Même si c’est très perturbant. Et que franchement, j’ai pas envie d’être adulte non plus.
Le pire, dans tout ça, c’est qu’on ne m’a même pas laissé le choix ! Je suis sûre que si j’avais dit que je voulais pas le faire, ils auraient trouvé le moyen pour m’y obliger tout de même… Cette bande de sadiques, vous avez vu ?!
Un sourire en coin se glisse sur mes lèvres.

- Différente ? Différente en quoi ? je le taquine avec un rire.

Je sais bien en quoi je suis différente, mais le fait que même lui le remarque me fait… plaisir, en un sens. Oui, bon, chut, voilà.
Puis j’éclate de rire.

- La ‘princesse’ folle qui a coupé ta maaagnifique tresse tu veux dire ? je continue en effleurant ses cheveux en bataille, près de sa nuque. Je ne sais pas si je dois prendre ça pour un compliment, Huo-kun.

Je lui tire doucement la langue et continuer à avancer en sautillant avec légèreté. Tiens, je devrais passer à l’hôpital avant de rentrer, tout à l’heure… Histoire de discuter un peu de mes horaires, et tout ça.

- Dis, tu devais faire quelque chose après ? j’hésite un peu. Je suis venue à l’improviste alors je t’ai peut-être interrompu…