Sa main passe doucement sur ma joue et je relève les yeux vers lui, surprise par le contact soudain. Non pas qu'il m'ait effrayée, mais... j'ai simplement été un peu perturbée, durant un moment. Je ne m'y attendais tout bonnement pas, c'est tout. Rien de spécialement grave en soi. Avec un sourire, je glisse ma main sur la sienne et échange un regard amusé avec lui. Il se moque encore de moi, c'est ça ? Pourtant, c'est de sa faute. Il n'avait qu'à pas me dire que je suis un ange de cette manière. C'est trop pour mon pauvre cœur.

Moque-toi donc, tu n'aurais pas fait mieux que moi !

Lorsqu'il me demande une photo de moi, je mets un peu de temps à accepter. Son regard se fait plus insistant et je finis par céder, boudeuse, mais pas forcément à contrecœur. Si ça lui fait plaisir, j'imagine que ça me fera plaisir aussi. Même si l'idée de trôner dans l'un de ses albums comme celui qu'il vient de prendre ou sur sa table de nuit comme Jun me rend un peu mal à l'aise. Disons embarrassée, plutôt. Pour ne pas prendre cela du mauvais côté. L'attention est touchante, quelque part.

Il rit et dépose un baiser sur ma joue, qui ne reprendra visiblement pas sa couleur naturelle de suite. Avec le temps, je me rends de plus en plus compte d'à quel point il est tactile. Et fleur bleue. Sûrement autant que moi, et ça a le don de souvent me faire rire. On ne dirait pas quand on le voit, comme ça, mais il a des petites réactions, parfois, et qui sont tellement naturelles… je ne sais pas trop comment le décrire. C'est juste un sourire, un regard parfois, sa main sur ma joue ou dans mes cheveux.

- Juré, hein ?

Ce faisant, je me rapproche un peu plus pour mieux voir l'album, auquel j'ai à peine fait attention auparavant. Presque naturellement, je me cale contre lui avec son bras valide par-dessus mes épaules, et me charge de tourner lentement les pages de l'album, à mon rythme, pour prendre le temps de bien regarder toutes les photographies. Avec un sourire, et sans lever le nez de l'album, je lui réponds d'une voix douce :

- Bien sûr. On fera doucement pour que tu te remettes dedans petit à petit. Il faudra que tu reprennes le sport, aussi, à faible dose. La rééducation, c'est important.

Doucement, je fais la moue. Est-ce que j'ai vraiment l'air de ne pas lui faire confiance ? Tss, arrête de te moquer de moi ! Avec un sourire mutin, je me tourne légèrement vers lui pour lui pincer et tirer le nez. Puis, lui tirant la langue, j'ajoute en riant :

- Tu sais bien que oui, arrête de faire ta victime !

Oui, il fait sa victime, voilà. Il croit que je ne sais pas qu'il pense que je le martyrise ?! Ça se lit sur son visage, oui oui. Pourtant, cette idée me fait vivement rire. C'est vrai : je ne le martyrise pas vraiment, mais il est vrai qu'il se plie assez rapidement à ce que je souhaite. Aussi étonnant que cela paraisse. On pourrait croire qu'il est un peu rustre, quand on le voit de cette manière. Je le pensais aussi. Il se dit souvent égoïste ; pourtant, il ne l'est pas. Pas avec moi, en tout cas. Et quelque part, ça me fait plaisir. Vraiment plaisir, je veux dire. Mon sourire ne me quitte pas, alors que je me cale plus confortablement contre lui. Tss...

- J'espère bien, je souris en coin. Je n'ai pas envie de jouer à l'infirmière pendant des mois.

Doucement, j'effleure le plastique qui protège les photos et souris encore.

- Tu essaieras de ne pas me brûler vive, hein ? je plaisante.

Je dépose un baiser sur sa joue, amusée. Honnêtement je doute qu'il en soit capable. Incapable parce qu'il ne le pourrait pas, et surtout parce qu'il ne le voudrait pas. Quoique. Je suis certaine que si j'arrivais à le pousser un peu, il s'améliorerait encore. Il est fort. Juste un peu trop arrogant, parfois. Ce n'est pas pour rien qu'il est feu, hein, ne nous mentons pas. Mais je sais que s'il était mis en difficulté, une fois... ça lui donnerait envie de se dépasser. Au final, ce n'est pas une mauvaise chose que nous nous retrouvions parfois en salle d'entraînement. Il a quelque chose à dépasser. Même si je sais qu'il a toujours peur de me faire mal... (Et moi, en face, je ne suis pas vraiment mieux. C'est dur de ne pas y penser !)

Infirmière… privée ? L'idée, plutôt que de me faire rire, me tire un lourd rougissement que j'essaie d'atténuer avec une mimique faussement exaspérée. Enfin, faussement, je dis faussement, mais je le suis un peu aussi. Mais genre vraiment juste un peu, rien de terrifiant, juste de quoi me faire rouler des yeux et étirer un demi sourire amusé. Pour la peine, je le frapperais bien encore un peu, mais il me semble qu'il a bien assez mal comme ça pour que je n'en rajoute pas. Puis. J'imagine que je m'y habitue, petit à petit. Même si ça me gêne, ça ne peut pas ne pas être plaisant. Ce n'est pas comme s'il était absolument lourdingue, non plus. Un peu au début, puis il a eu l'air de croire que j'allais m'enfuir s'il continuait comme ça. Alors il s'est calmé, et c'était… juste doux. Quelques blagues de temps en temps, parce qu'on ne se refait pas. De toute manière, il ne me semble pas qu'il y ait jamais eu la moindre brusquerie entre nous, depuis l'année dernière. (Avant, ça ne compte pas…) Alors je me contente de rougir et sourire un peu, parce que… Parce que quoi ? Parce que malgré tout ce que je dis, je suis infiniment bien ici ?

- Tu me monopolises déjà, je souffle avec un rire.

Pas ces derniers temps, mais bon. On rattrapera tout ce temps qu'on a perdu, bêtement, à se fuir ou se faire la tête ? J'ai envie qu'on profite, qu'on soit juste bien, tous les deux, encore un petit peu, à rire et à plaisanter, à raconter des bêtises, se moquer l'un de l'autre, toi de ma naïveté et moi de ton côté un peu bourrin.

Alors je m'en moque encore un peu plus, en te disant que j'aimerais ne pas finir brûlée vive. Tu as un rire et ta tête s'appuie sur la mienne. Tu lâches ces quelques mots avec un naturel si évident que je ne peux m'empêcher de fermer les yeux, acquiesçant en silence. Je le sais.

Un silence passe, et finalement Huo reprend la parole, toujours sans bouger. Peut-être que dans une autre situation, je n'aurais pas agi de cette manière. Mais là, maintenant, je me sens bien. Et je n'ai pas envie de retourner dormir dans mon appartement vide, loin de tout le monde. Mes joues chauffent encore un peu, mais bon, ça, ce n'est même plus la peine de le préciser. Pourtant, je souris. Comme si je n'étais pas morte de gêne à cette idée.

- J'aimerais bien, oui. Ça ne te gêne pas ?

Cette dernière phrase est prononcée un peu plus timidement, alors que je rouvre les yeux. Je n'ose pas bouger de peur de le déloger. J'ai l'impression d'être une enfant. Mais ici, dans ses bras, c'est peut-être ce que je suis au final. Juste une enfant…

Il reste comme ça, sans bouger, et je me demande comment on va faire pour se motiver à aller dormir. Je n'ai pas envie de me détacher de lui pour le moment. C'est chaleureux et rassurant. Il est bien là, et pas ailleurs. Je crois que j'ai encore un peu peur de le voir s'en aller comme il l'a fait en début d'année. Je ne veux plus lui en vouloir comme je l'ai fait, je ne veux plus non plus m'inquiéter comme je l'ai fait. C'est mauvais pour mon cœur, et le pire, c'est qu'il le sait pertinemment. J'ai encore un peu de mal à comprendre ses raisons – toutes ces histoires de vengeance, toujours, ça me dépasse. Peut-être tout simplement parce que nous n'avons pas évolué dans le même monde. Au fond, je suis quoi ? Une fille normale, qui n'a pas eu trop de chance, comme la plupart des gens ici. Je n'ai pas vécu de grandes tragédies à grande échelle, dignes d'être racontée ici bas. Je suis juste… moi. Huo est tellement différent. Est-ce que c'est mal, bien ? Est-ce que c'est important ? Au fond, je ne sais pas trop. J'aimerais dire que je m'en fiche, mais je sais parfaitement que ce n'est pas le cas. Ce n'est pas pour autant que je lui dirai que je ne veux plus qu'on reste ensemble. C'est juste… je ne veux plus qu'il parte. Pas sans me prévenir. Cet abruti…

Je dépose un léger baiser sur sa joue et souris, embarrassée. Même s'il le propose, ça me paraît un peu insensé, loin des limites que j'ai toujours posées. C'est une demande innocente et je le sais, mais au fond, comment voulez-vous que je ne me sente pas intimidée ?

- Un grand t-shirt, alors, je lance avec un rire. Mais tu es tout maigre et tout petit, tu es sûr d'avoir ça ?

Je ris encore et blottis mon nez dans mon cou, alors que je m'attends à le voir râler. Je sens la vengeance venir, tiens. La taille, c'est un peu comme ses cheveux ; c'est un sujet à ne pas aborder en ces termes si on espère survivre. Enfin, survivre. Si on espère ne pas le voir bouder comme une fillette de cinq ans, plutôt ?

- Je plaisante, je rajoute tout de même, dans le doute, et avec un sourire aux lèvres. Ne me frappe pas, hein ?

Il oserait pas, de toute manière…

Un rire m'échappe lorsqu'Huo se plaint et me punit en me chatouillant. Je me tortille doucement pour ne pas risquer de lui faire mal. Insolente, moi ? Peut-être un tout petit peu. C'est vrai qu'au fur et à mesure que le temps passe, je me retrouve à changer un peu. Même si j'aimerais minimiser son influence sur moi lorsque j'y repense, sans doute par embarras, je sais qu'il m'a beaucoup permis d'évoluer. Je me retrouve taquine, plus ouverte, aussi. Il est moins difficile pour moi de tenir une conversation avec des gens que je ne connais pas, et même avec mes proches. Tout est plus simple. On aurait pu dire que mon passage à Master a beaucoup joué, mais au final, je ne pense pas qu'il n'y ait eu que cela. C'est vrai ; comment un passage à Master aurait pu me faire changer du tout au tout ? Il m'a permis de grandir, de dépasser certaines choses, mais n'est-ce pas parce que j'étais déjà prêtes à les dépasser auparavant ? Un sourire se glisse sur mes lèvres à cette pensée alors qu'Huo se lève en boitillant jusqu'à son armoire. Je me lève pour prendre le t-shirt qu'il me tend et lui fais un bisou sur la joue.

- Je ne profite pas, ce n'est pas mon genre.

Mon sourire tire un coin, plus pour cacher .

- Hum, je reviens rapidement, d'accord ?

Ce faisant, je disparais dans la salle-de-bain et me change rapidement. C'est embarrassant. Le t-shirt d'Huo n'est pas si grand que ça, et je soupire de désespoir en voyant qu'il ne me va même pas à mi-cuisse. Bon, on ne va pas se focaliser là-dessus, sinon on va jamais y arriver, hein. Pas vrai ? Une longue inspiration, une longue expiration, et je tripote mes cheveux pour les attacher en tresse avec un élastique perdu dans ma poche. Puis je ressors, embarrassée, et dépose mes vêtements sur la chaise de bureau que je remets à sa place. Un regard vers Huo m'indique qu'il ne s'est toujours pas changé. Ah… Je suis bête en fait.

- Euh. Besoin d'aide peut-être ?

J'essaie de ne pas rougir en m'asseyant sur le lit. Grumblr. Du calme. Zen. Hum.

Je résiste à mon avis de l'enlacer pour la prendre sur mes genoux quand elle me fait un bisou. Je me surprend à avoir des envies de câlins avec elle. Même des choses innocentes comme ça. Je crois qu'être amoureux me rend un peu con. Bah tant pis hein. C'est pas comme si c'était désagréable. Un peu frustrant des fois, mais pas foncièrement désagréable. J'acquiesce alors qu'elle disparaît dans la salle de bain pour se changer.

Bon, c'est là que ça va être compliqué. Je soupire en jetant un regard à ma cheville, enserrée dans mon attelle. Je ne sais pas si je la garde pour dormir. J'ai marché un peu aujourd'hui il vaut mieux que je la laisse je suppose. Je grimace et commence à enlever mon attelle d'épaule alors que Aoi sort de la salle de bain.

Bon... Ne la reluque pas Huo. Elle est assez mal à l'aise comme ça. Même si elle a des très jolis jambes. Je fais un effort conscient pour détourner les yeux et ne pas la fixer. Elle est un peu trop mignonne pour mon cerveau là. Et j'utilise ce mot parce que même dans ma tête la qualifier de sexy c'est un peu osé. Mais quand même... Elle est belle ma copine. J'acquiesce avec un petit rire un peu gêné.

-Je veux bien un coup de main oui. C'est moins facile de mettre un t-shirt avec l'attelle.

J'aurais préféré dormir torse nu mais je sens que ça le ferait pas. Puis bon pour une fois ça va pas me tuer. Je termine d'enlever mon attelle et déboutonne ma chemise d'une main avant de l'enlever. Je soupire en attrapant le haut de pyjama qu'elle m'aide à enfiler. Moment gênant. C'est pas pratique d'être à moitié handicapé. Je lui fait un petit sourire pour la remercier et enlève mon jean rapidement.

-Merci. D'habitude je dors plutôt torse nu et pour les chemises c'est plus simple à enfiler comme ça se boutonne.

Sourire gêné lorsque je ressors. J'essaie de ne pas faire attention au fait qu'Huo détourne délibérément les yeux pour ne pas me mettre mal à l'aise. Ce qui, disons-le franchement, me met d'autant plus mal à l'aise… Oui, j'ai utilisé cette expression deux fois en l'espace de deux phrases, c'est dire à quel point j'ai l'impression que ma tête va fondre à force de chauffer. Je m'installe à côté de lui et essaie de ne pas faire attention au fait qu'il vient vraiment de me demander de l'aide pour mettre son haut. Hum.

Cette fois, j'essaie de ne pas focaliser mon attention – sur rien, je ne focalise mon attention sur rien du tout, arrêtez de suivre mon regard j'ai déjà vu des hommes torses-nus d'accord, ça ne veut rien dire ça ne veut absolument rien dire je suis calme et oh bon sang mais pourquoi pourquoi pourquoi il faut que je sois obligée de fixer sa blessure comme ça ? Parce que c'est mieux que de détailler ses muscles, p'tetre ? La réponse est non, très cher cerveau. C'est non. N-O-N. Juste non.

Je prends une inspiration discrète en l'aidant à le mettre, priant pour ne pas lui faire mal à l'épaule. Mon visage se fait immédiatement plus concentré et j'utilise une petite dose de mon pouvoir pour l'anesthésier alors qu'il enfile la première manche, sur son bras blessé, puis la deuxième. Un sourire embarrassé. J'effleure sa joue et m'éloigne pour le laisser se mettre en boxer.

- Ne t'excuses pas, va.

Ce faisant, j'allume la petite lumière sur sa table de chevet et vais éteindre la plus grande, m'occupe de fermer les rideaux. Je reviens ensuite vers le lit et m'y glisse, attendant qu'il fasse de même. J'enlève une mèche de cheveux qui lui tombe devant les yeux et tente de reprendre contenance.

- Je peux éteindre ? je souffle.

Je n'attends que sa réponse pour finalement éteindre et me pelotonner sous les draps, espérant lui cacher au mieux mon embarras.

- Bonne nuit, Huo.

Je remarque qu'elle fixe un peu ma blessure à l'épaule et détourne rapidement les yeux. Hm... C'est vrai que je n'aurais pas forcément voulu qu'elle voit ça. Enfin pas comme si elle avait jamais vu de blessure non plus mais c'est une espèce de pudeur. Je n'aime juste pas qu'on regarde ce genre de chose. C'est comme les cicatrices. J'ai l'impression de m'exposer et je n'aime pas ça.

Je l'ai senti utiliser son pouvoir pour apaiser la douleur. C'est gentil à elle. Je commence à guérir doucement mais c'est toujours agréable. Je suis pas non plus du genre à me shooter aux anti douleurs en général mais un peu comme ça... Ouais ça fait du bien. La douleur je gère, c'est pas quelque chose qui me gêne spécialement. C'est juste que là le geste était plus tendre qu'autre chose et c'était bien agréable.

Je roule des yeux avec un sourire alors qu'elle me dit de ne pas m'excuser. Ce n'était pas des excuses. Mais bon je sais que ça la gênerais de dormir avec moi si je restais sans haut. Enfin je crois. Depuis qu'elle est Master j'ai remarqué qu'elle est plus à l'aise avec ces choses là. Pas encore au point que j'aimerais mais je trouve qu'il y a du progrès. Avant elle aurait jamais accepté de se montrer devant moi dans cette tenue.

Elle ferme les rideaux et éteint le plafonnier alors que je finis de me mettre en boxer maladroitement. Pas pratique avec l'attelle, je suis obligé de m'appuyer à l'armoire. Pas comme si je craignais de lui montrer mes fesses de toute façon. J'aime aussi me faire mater, mais bon je suis presque sur qu'elle regardera pas.

Je me glisse dans le lit contre elle et sourit doucement en lui volant un baiser. Je sens ses pieds pas loin des miens sous les couvertures. Ho puis merde, si ça la gêne elle me repoussera. Je me cale contre elle avec précaution pour ne pas trop bouger mon épaule et passe un bras sur sa taille.

-Bonne nuit Princesse.