Il a rougit et moi, je jubilai. J'adorais le voir comme ça, c'était trop drôle. Pourtant je comprenais pas, j'avais dis quoi?
Quand je lui ai avouer que je risquais de m'effondrer dés les premières notes, il a fait mine de se coudre la bouche. J'étais amie avec un barge c'était clair. Mais j'ai souris, un léger voile de tristesse passant dans mon regard.

Je serais muet comme une tombe, promesse de scout.

Il a sourit et je me sentais bien. Un peu comme si j'avais retrouvé une famille. Des amis. J'avais trouvé ce qu'un jour, un master m'avais promis si je l'accompagnais: Une famille. Elle était loin d'être parfaite, avouons le. J'avais pas beaucoup d'amis, mais ceux que j'avais, j'y tenais comme à ma propre vie. Je me battrais pour garder ça.

Bien, allons chercher cette partition. Je ne l'ai plus étant donné que je te l'ai redonnée !

Oui. Avec son numéro dessus, comme pour promettre des retrouvailles. Comme pour me dire "je suis là", et il l'avait été. Je lui ai tendu la main, un petit sourire aux lèvres. Pratique, nous étions au même étage tous les deux, suffisait juste d'aller de l'autre côté pour prendre ma partition. On y est allé et j'ai galérer à ouvrir ma porte, elle a toujours été rebelle. Un jour, j'en ferai un feu de cheminé de ce bout de bois! Le trajet fût bien silencieux. Ma chambre était bordélique, comme à son habitude.

- Oops. C'est un peu dérangé... Désolée!

C'était carrément un euphémisme. Mais j'avais récemment perdu un foulard, que je m'étais évertuée à trouver... Et voilà comme ça avait finit. J'avais toujours pas retrouver ce foulard.
J'ai tenter de pas massacrer mes affaires et j'ai un peu poussé... Un peu beaucoup, histoire de pouvoir mettre les pieds. Ma guitare était toujours posé sur mon lit, pauvre abandonné, à côté de ma partition. M'a fallut cinq secondes avant de pouvoir poser les yeux sur la feuille. Je l'ai attrapé d'un geste rageur et me suis tournée vers Liam.

- Bon... Trouvé. Au fait Liam, ça te dit toujours pour le groupe? Je sais pas quand l'autre crétin d'Ys rentre mais si t'es toujours partant, je lui parlerai de toi.

J'ai eu un sourire complice. Taquin et plein d'espoir.

Avec un sourire, Joyce me tendit sa main. Je la pris doucement et la suivit silencieusement vers sa chambre. Elle mit un certain temps à ouvrir la porte et je la regardais faire, hésitant à proposer mon aider. Finalement, la porte s'ouvrit sur une chambre quelque peu... en désordre. J'entrais en contemplant l'intérieur, stupéfait. Il y avait des vêtements un peu partout, avec d'autres objets. Eh bien ! Hero se ferait un plaisir de tout saccager. Heureusement qu'il dormait dans un coin de ma chambre ! Joyce poussa ses affaires :

Oops. C'est un peu dérangé... Désolée!

Je souris.

Pas de problème !

Je regarde autours de moi, en attendant qu'elle trouve la partition. Même son bureau est encombré... Des tonnes de papiers - ses cours ? -, des stylos, un rouleau de scotch, une chaussette... C'est effectivement un beau bazar. Je me demande comment elle s'y retrouve. Déjà, est-ce qu'elle s'y retrouve ?! Je remarque un bout d'étoffe qui dépasse de dessous de la porte de la salle de bain. Je le tire à moi et me retrouve avec un joli foulard dans les mains. Hésitant, je ne sais où le poser et finis par le garder en main, lorsque Joyce chope la feuille et sa guitare puis se tourne vers moi. Aïe, pris en flagrant délit de fouinage... Va-t-elle m'en vouloir ?

Bon... Trouvé. Au fait Liam, ça te dit toujours pour le groupe? Je sais pas quand l'autre crétin d'Ys rentre mais si t'es toujours partant, je lui parlerai de toi.

Le groupe ? Ys ? Il me faut un moment pour comprendre de quoi elle parle. Et soudain, un éclair de lucidité ! Aaaaah le groupe ! Je souris, répondant à celui de Joyce.

Bien sûr que je suis partant ! - je contemple le foulard - Euh, j'ai trouvé ça, je le pose où ?

Je vais pas le garder dans mes mains pour toujours !

Liam a dû halluciné en voyant l'état de ma chambre. Oui je suis bordélique et alors?! J'ai soupiré, à la recherche toujours de cette saleté de partition. Peut-être récupérer aussi ma guitare? Ouai aussi. Ça pourrait être pas mal.

Bien sûr que je suis partant ! Euh, j'ai trouvé ça, je le pose où ?

Je me tourne vers Liam et le découvre avec un foulard dans sa main. Mon foulard. Il est bleu nuit, simple, avec juste une inscription "Don't give up" en argenté. C'est maman qui me l'avait cousu cette inscription. J'étais pas bien grande mais depuis, ce foulard me suit. Qu'est-ce-qu'il faisait par terre? J'ai souris et me suis approchée. J'ai attrapé le foulard. Il était toujours aussi doux. Je portai peu de foulards car j'avais pas envie d'en perdre un ou pire, de les déchirer! Me connaissant, j'en étais capable.

- Passe je vais le... ranger? Je sais pas en faite. C'est tellement le bazar on dirait que ma chambre a subi la troisième guerre mondiale voir une attaque nucléaire.

J'ai rit doucement avant de ranger le foulard avec délicatesse dans un tiroir. En me tournant de nouveau vers Liam, je me suis malheureusement pris les pieds dans je ne sais quelle paire de bottines et je me suis étalée de tout mon long dans un petit cri de stupeur. Aïe. J'étais donc couchée à ses pieds, avec une douleur dans l'épaule et dans le genou. J'étais bonne pou quelques bleus. Liam devait bien rire! Mes boucles blondes me tombaient dans les yeux et je soupirai, sans chercher à me relever.

- OK. Faut que je range ma chambre. J'ai compris.

J'avais une moue désespérée au visage. Si maman avait vu l'état de ma chambre, elle m'aurait tuée, et aucun doute qu'à l'heure qu'il était, elle devait se retourner dans sa tombe! J'étais donc étalée au pied de Liam, une affreuse douleur à l'épaule et une envie de rentrer six pieds sous terre. C'était pas ma journée, je vous jure.

En voyant l'éclat dans ses yeux je comprends que Joyce tiens beaucoup à ce foulard. Je suis heureux qu'elle le retrouve. Je souris en lui tendant le foulard. Elle le prend doucement. Je suppose que ça doit être une partie de son passé parce qu'elle semble le tenir comme un trésor. Elle se tourne vers un tiroir :

Passe je vais le... ranger? Je sais pas en faite. C'est tellement le bazar on dirait que ma chambre a subi la troisième guerre mondiale voir une attaque nucléaire.

Je souris à sa comparaison. Bien trouvé ! J'observe le bazar de la chambre en tournant un peu sur moi-même dans le tout petit endroit que je me suis trouvé pour ne pas marcher sur les affaires éparpillées par terre. C'est alors que j'entends un gros boum et un cri et je me tourne vers le bruit. Plus de Joyce..? Ah si. Par terre. Aïe. Une foule d'émotions contraires passent dans mon cœur. Surprise, colère, rire et enfin, c'est l’inquiétude qui prend le dessus. Je m'accroupis alors que Joyce prend la parole :

OK. Faut que je range ma chambre. J'ai compris.

J'ai un petit rire nerveux et repousse les cheveux qui barrent le visage de Joyce :

Tu vas bien..? Tu ne t'es pas fait mal ?

Je l'aide à se redresser et à s'asseoir, inquiet.

Tu vas bien..? Tu ne t'es pas fait mal ?

Il avait l'air inquiet et ça m'a amusé. Il avait rit nerveusement, et je le comprenais, je venais littéralement de m'affaler devant lui comme une crotte. Oui trop de poésie en moi, je sais je sais.
Il m'a aidé à me redresser et à m'assoir, remettant mes mèches de cheveux en place. Je me massai l'épaule avec une grimace d'enfant. Quand je faisais cette tête, maman s'affolait toujours et me trouvait "à croquer".
En vérité j'avais juste l'air d'un écureuil d'après moi. Bon j'admets, pas trop moche l'écureuil. Modestie? Connait pas.
J'étais bonne pour quelques bleus. J'ai souris à Liam en le voyant s'inquiéter et lui ais ébouriffé la tête, malgré ses dreads. Facile!

- Eh! Je suis pas morte hein! Je me suis juste cassée la binette au milieu de ma chambre parfaitement rangée! De son vivant, maman m'a souvent hurlé dessus à cause de ça! J'ai perdu l'habitude de ranger!  

J'ouvris alors de grands yeux. Ma mère. Je n'en parlais jamais. Elle était morte et jamais au grand jamais depuis sa mort je n'avais prononcé son nom ou ce "maman". C'était la première fois. Et je me rendis compte que ça faisait du bien. Étrange hein? Mais en même temps... J'avais pas le droit d'en parler pas vrai? Si je le pouvais c'était parce que c'était pas douloureux, que j'oubliais... Je pouvais pas les oublier, j'avais pas le droit.
J'ai regardé Liam avant de me précipiter vers la salle de bain dont j'ai claqué la porte avec violence. Il a pas dû comprendre. Je me suis posés devant le lavabo, où j'inspirai avec difficulté. Maman...

- Comment...?

J'ai passé un peu d'eau sur mon visage et j'ai tenté de calmer mes émotions. Non... Calme toi Jo', calme toi!  
Une fois remise, soit cinq longues minutes plus tard, j'ai rouvert la porte, la tête un peu basse. J'ai alors parlé d'une fois d'où perçait la culpabilité.

- Désolée... T'as pas dû comprendre...

M'étant mis à sa hauteur, j'étais aussi à la portée de l'ébouriffage de dreads... Et ça ne rata pas. Sa main frotta mes cheveux bien "coiffés" et je ne pus m'empêcher de faire la moue. Je suis bon pour défaire toutes mes dreads et les refaire une par une... Je vais donc sûrement me retrouver avec des cheveux jusqu'en pas du dos. Pour un mec c'est pas classe. Je ne pus pourtant pas m'empêcher de me détendre et de sourire tout de suite après. J'adore vraiment trop cette fille. Elle me sourit et j'en oubliais tous mes petits tracas.

Eh! Je suis pas morte hein! Je me suis juste cassée la binette au milieu de ma chambre parfaitement rangée! De son vivant, maman m'a souvent hurlé dessus à cause de ça! J'ai perdu l'habitude de ranger!   m'assura-t-elle.

Elle eut un moment de surprise, sans que je comprenne pourquoi. J'inclinais la tête de côté. Le regard qu'elle me lança alors me fit froid dans le dos. Je frissonnais. Elle se leva soudain avant d'aller s'enfermer dans la salle de bain. Je restais interdit. Qu'avais-je donc dit, ou fait, pour qu'elle réagisse ainsi..? Peut-être que d'évoquer sa mère, apparemment décédée, l'avait replongée dans ses souvenirs. Je ne sais pas.

Mais je me redressais, le visage grave. Je pensais à la mienne, de mère. J'avais jamais eu du mal à penser à elle. Elle était morte trop tôt, mais je me souvenais pourtant de son sourire et de la couleur de sa peau. Chocolat au lait, c'est de ma mère que je tiens mon teint métissé. J'ai longtemps complexé dessus d'ailleurs, mais lorsqu'elle est morte, je me suis mis à le chérir. C'était son héritage, sa façon de me prouver que c'était elle qui m'avait mis au monde. J'entends Joyce se passer de l'eau sur le visage. Le cœur lourd, je l'attends. J'espère qu'elle va bien. Soudain la porte s'ouvrit. Elle sortit, la tête basse. Elle a l'air de se sentir coupable. Sa voix est douce lorsqu'elle prend la parole :

Désolée... T'as pas dû comprendre...

Je souris, rassurant :

Ce n'est pas grave. Comment te sens-tu ? (J'hésite) Tu veux qu'on laisse tomber la partition ? Qu'on fasse autre chose ? Ou bien que je te laisse tranquille ?

Ce n'est pas grave. Comment te sens-tu ?

Comment je me sentais? Pour tout avouer, aussi mal que possible. Wow pourquoi ça m'avait fait ça? Pourquoi je réagissais ainsi? J'ai secoué la tête, me retenant de m'effondrer par terre. Et merde! J'étais pas du genre à m'apitoyer sur mon sort mais là putain, c'était de l'abus!

Tu veux qu'on laisse tomber la partition ? Qu'on fasse autre chose ? Ou bien que je te laisse tranquille ?

Non!

Ma voix avait claquée, forte et presque désespérée. Je voulais pas qu'il parte, je voulais pas qu'il me laisse tranquille. J'avais relevé mes yeux vert sur lui, et il pu ainsi voir la douleur dans mes yeux. Mes poings étaient serré le long de mon corps et mes cheveux étaient encore une fois dans mes yeux.
J'ai fermé les paupières et j'ai soupiré.

S'il te plait... Reste...

Je me surprenais à supplier comme une gamine et franchement, je me suis haïs pour ça. Mais sur le moment, on y pense pas. Alors je me suis pris la tête entre les mains et je me suis laissée glisser au sol, accroupie. Besoin de réfléchir? Non. Besoin de me reprendre? Carrément.
Et puis j'ai un peu perdu l'équilibre et j'ai finis par choir sur le porte, les jambes tendu devant moi. J'avais l'air d'une enfant.
Sortez de ma tête! Mais non, la famille était toujours là, éternels fantômes d'une vie passée. J'en pouvais plus. C'était insupportable. J'avais la tête entre les mains, les yeux baissées. J'avais au choix, soit l'air d'une enfant, soit l'air d'un folle échappée d'un asile. Mais non, j'étais juste une échappée de l'orphelinat.
Aucune larme ne roulait sur mes joues. J'avais juste ce regard un peu perdu, un peu triste et désespéré. Celui que j'ai eu le jour où j'ai compris que j'étais seule. On m'avait abandonné. Que cela soit volontaire ou non, j'étais orpheline. Il ne me restait plus rien. Nada. Alors... Alors quand vous voyez qu'un gars comme Liam tiens à vous, ça fait tout drôle. Comme un baume au cœur. Et puis vous faîtes une évocation à votre passé et tout va mal. Parce que c'était pas voulu mais que vous en avait gros sur le cœur. Vous avez besoin d'évacuer mais vous savez pas faire. Je ne sais pas faire. Et soyons honnête, qui serait là pour m'écouter?

Elle ne répondit pas à ma question, secouant juste la tête. Ses boucles blondes retombèrent sur ses yeux. Elle semblait presque fragile, perdue et pas bien dans sa peau, alors je lui demandait ce qu'elle voulait que je fasse. Je lui proposais de la laisser, mais...

Non!

Je me tus. Elle semblait si mal que mon coeur se serra douloureusement. Alors, elle leva les yeux vers moi et je sentis sa douleur. Elle me parut très jeune d'un seul coup, retrouvant son âge réel. Elle me parut frêle, fragile et un peu désespérée. Je retrouvais la jeune fille en haut des gradins au bord du gouffre. Elle ferma ses beaux yeux verts. Et elle me supplia :

S'il te plait... Reste...

Je restais silencieux, l'observant. La tête entre les mains, elle se laissa glisser au sol. Je restais debout en face d'elle, la sentant comme s'éloigner. Et en la voyant ainsi, assise les jambes étendues, le dos contre la porte, j'eus mal. J'eus mal de la voir déchirée, si triste et si loin de moi. Quelque chose la hantait, quelque chose qui refusait de la laisser sourire, de la laisser libre. Quelque chose qu'il fallait qu'elle combatte, peut-être qu'elle accepte. Je voyais qu'il ne fallait pas qu'elle s'en débarrasse, juste que ça se modèle et que ce quelque chose douloureux devienne une petite partie d'elle, qui montrerait qu'elle a vécu, qui serait sa part de sagesse. Et moi je la regardais ainsi.

Soudain, mes jambes bougèrent seules, je m'avançais. Je m'accroupis et fit quelque chose que je n'avais jamais fait auparavant. Jamais, avec personne. Je posais mon front contre le sien. Un geste simple et pourtant qui voulait dire tant de choses. Pour moi c'était un geste associé à ma mère, un geste de consolation. Sentir son front contre le mien m'avait toujours rassuré, apaisé. Mais ici, ça voulait dire beaucoup plus. Ce contact, cette façon de m'approcher d'elle. Tout ça c'était une preuve d'affection silencieuse, parce que les mots ne servent à rien dans ces moments. Ça disait "je t'aime", "je suis là", "je veux partager ta peine".

Et par dessus tout, ça voulait dire "je veux t'écouter".

J'ai pas réagis plus que ça. J'étais juste là, la tête entre les mains, à tenter en vain d'oublier un instant seulement ma peine. C'était tellement dur! Tellement douloureux! Tellement injuste!
Depuis mes dix ans, j'avais dû me construire seule. J'ai plus jamais eut de figure de référence, de modèle. Vince était un gamin et maman se laissait couler. J'ai du être forte pour nous trois, si bien que jamais je n'ai flanché, gardant tout pour moi.
Et puis Vince et maman m'ont lâché et fin de l'histoire, je me suis retrouvé seule. Je n'ai pas pleuré. Je n'ai pas flanché. Je savais que si je perdais mes moyens, je n'arriverai jamais à me relever. Jamais. Alors j'ai affronté la maladie, puis l'orphelinat sans jamais m'effondrer.
Puis un soir, on est venu me chercher, comme tant d'autre, et j'ai tout quitté, car au final, rien ne me retenait. Ici non plus je n'avais pas craqué. Mais on arrive tous à notre maximum non? Il y a forcément un moment où tout ressurgit, ou tout nous détruit. A trop se taire, on finit par s'éteindre.

Et puis j'ai entendu Liam se déplacer et j'ai cru qu'il s'en allait. Mais non, très vite, je l'ai sentie près de moi et levant la tête, j'ai vu qu'il s'était accroupis à mes côtés. Il me regardait et sans que je ne comprenne bien, il a posé son front sur le mien, dans un geste rassurant.
Un instant, j'ai pas su comment réagir. Ce geste, je ne l'avais pas eut depuis Vince. Et c'était moi qui lui faisait ça, quand il allait pas bien. Quand il allait mal et qu'il n'arrivait pas à parler. Je compris tout de suite ce que Liam venait de faire.
C'était touchant et étonnant. Je n'avais jamais eut d'amis. Je n'avais plus de famille. Et voilà que Liam, malgré mes remarques, mes bêtises et mes gamineries... Wow. J'ai pas vraiment réagis puis j'ai fermé les yeux avant de lentement me décaler pour poser ma tête sur son épaule. Une unique larme m'a échappé sans que je l'ai décidé. Je craquais, ça y est. Les six années à porter le deuil silencieusement s'achevait enfin, et j'allais craquer.

J'ai tenté de prendre une inspiration mais j'avais la gorge noué par l'émotion. Liam... Pourquoi t'avais fait ça au juste? Sans que je ne m'en sois rendu compte, mes mains s'étaient resserrées sur le tee-shirt de mon ami. Je refoulai les sanglots qui étaient plus que présents. Et lentement, sans l'avoir décider, après bien des années de silence, me voilà qui allégeais mon fardeau. Je m'accordai enfin le droit de craquer. Le droit d'apaiser un instant ma douleur.

Elle sembla rester loin, très loin pendant quelques longs instants. Puis, doucement, lentement, elle se rapprocha. Elle ferma les yeux. Elle avait l'air très lasse, très seule, et très triste. J'avais envie de lui dire "je suis là, moi", qu'elle était pas toute seule, qu'ici elle pouvait se laisser aller. Mais j'avais peur de tout briser en parlant, et une boule me nouait la gorge. Depuis tout petit, j'avais détesté voir les autres pleurer, puis en grandissant j'ai découvert qu'il fallait mieux ça que de rester enfermé. Le chagrin est quelque chose de dangereux, une flamme vicieuse qui te brûle et finit par te consumer de l'intérieur jusqu'à ce qu'il ne reste que des cendres.

Et puis elle a posé sa tête sur mon épaule. C'est pas grand chose, juste un geste, silencieux, discret, mais il me réchauffa le coeur. Parce que je savais qu'elle était à nouveau là, tout près de moi. Elle avait fini par comprendre que je ne la jugerais pas si elle pleurait, si elle tempêtait, parce que j'aurais compris que c'était là sa façon de se soulager d'un fardeau pas encore assimilé, pas encore accepté. Elle me faisait confiance alors je tenterais de me montrer à la hauteur. Je posais ma tête contre la sienne. Je voulais qu'elle se laisse aller. Elle avait tout de la bombe à retardement qu'un humain devient lorsqu'il garde trop de choses trop lourdes pour lui.

Une larme roula alors sur sa joue et je sentis mon regard s'embuer. C'était une larme bien plus douloureuse qu'un torrent. Plus amère que le plus gros des chagrins. Plus rageuse que la plus grosse des crises. Et elle m'affecta plus que n'importe quelle façon de pleurer. Ce qu'elle pleurait, c'était un bonheur, une famille, un amour.
Ses mains se serrèrent sur mon haut. Je l'entourais de mes bras, un peu comme pour la protéger. Elle pouvait bien déchirer mon t-shirt, le tremper de larmes, peu m'importait, je voulais simplement qu'elle se sente mieux. Et qu'elle sourit à nouveau.

Liam posa sa tête contre la mienne, m'entourant de ses bras. Un gémissement m'a échappé et enfin, me sentant peut-être moins seule et sûrement protégée, j'ai craqué. Les chutes du Niagara à côté, c'est nada! Je vous promets.
J'ai pleuré, sangloté, j'en pouvais plus. J'étais humaine, et j'avais pas su retenir mon passé. Non tout était parti en live total, sans que jamais je ne puisse me raccroché à quoi que se soit. Vincent... Mon petit frère était mort sous mes yeux, en même temps que ma mère dans un fossé. Pourquoi avions nous eu envie d'une balade à cheval ce jour-là? C'était ma faute. C'est moi qui avait supplié ma mère. Ma faute. MA FAUTE PUTAIN! Ma mère, mon frère... Morts à cause de moi.

J'ai serré le tee-shirt de Liam à m'en blanchir les jointures des mains, souffrant comme jamais auparavant. Enfin... Presque jamais. Cette douleur, je l'avais ressentis le jour de mes dix ans. Ce jour-là, j'avais tout perdu. Mon père. Ma famille. Mon modèle... Ma vie tout entière s'est écroulée et personne n'a jamais arrêté le coupable.
Les larmes roulaient sur mes joues et les sanglots étaient là, bien que discrets. On aurait dit une enfant, mais je pouvais plus retenir ce que je ressentais. Alors je m'accrochais à ce qu'il me restait, à la seule chose de concrète dans ma vie: Liam.
Lui me serrait tendrement, avec protection et douceur, comme pour me prouver qu'il était là, qu'il ne bougerait pas.

Combien de fois me suis-je réveillée en proie à mes cauchemars, revoyant la chute interminable de ma famille dans ce fossé? Réentendant sans cesse le craquement des os brisés de mon frère et le cri interrompu par la mort de ma mère? Combien de fois avais-je rêvé qu'ils étaient là, et combien de fois me suis-je réveillée à Terrae, croyant à une blague?
Pourquoi moi? C'est une question que je me suis souvent posée à l'époque. C'est vrai, pourquoi le sort s'acharnait-il sur moi, qu'avais-je fais pour mériter ça?

Mon petit frère, je l'aimais plus que ma propre vie et si j'ai continué à vivre, c'était pour lui, car le connaissant, il n'aurait pas voulu que je me sente mal.
Si j'avais pu lui donner ciel et montagne, je l'aurais fais, mais d'un simple caprice d'enfant triste, j'avais fait de sa vie une nouvelle plutôt qu'un roman, trop tôt finie.

Enfin, après bien des minutes à pleurer, je me calmai, sans jamais lâcher Liam. J'avais besoin de pas me sentir seule, et sans mentir, je préférai être avec Liam plutôt qu'avec n'importe qui d'autre, car lui, je lui faisais confiance.
J'ai pleuré comme jamais de ma vie. Même quand papa est mort, je ne me rappelle pas avoir autant pleurer. Mais cela faisait six ans maintenant. Deux ans que j'étais orpheline. Un an que j'avais été placé en foyer. Il fallait que j'évacue.

Un bon point? Ce jour-là, j'avais pas de maquillage. Et là, c'est un cadeau des dieux, je vous promets!
Je suis restée un long moment muette, sans pleurer. J'avais trempé le haut de mon ami, et l'avais froissé entre mes mains, mais je n'arrivai pas à le lâcher. Je ne sais pas pourquoi, j'en étais incapable. Peut-être avais-je peur qu'il parte? Sûrement.

Ma faute. Mon fardeau. Personne n'avait jamais su les conditions de la mort de Vincent et maman. J'avais gardé ça pour moi. Mais si seulement j'avais fermé ma grande bouche, on en serait pas là! Je n'en serais pas là.
J'avais comme un étau m'enserrant le cœur, je pouvais plus bouger, plus parler. J'avais juste mal. J'avais juste besoin qu'on me dise que je n'étais pas seule. Que je ne le serais plus. Et que rien n'était de ma faute, même si c'était faux. Même si je n'y croirais pas. Liam devait avoir mes cheveux dans le visage mais il ne disait rien. Comme si ça lui était égal.

Lentement, j'ai lâché son haut, où j'y laissai les marques de mon passage. Entre les larmes et ma poigne, bonjour le résultat! J'ai essuyé de mes mains tremblante mes yeux et je l'ai fixé. Pourquoi être resté? J'étais quoi pour lui? Une bonne action? J'avais du mal à croire qu'il était mon ami. J'en avais jamais eu, c'était tout nouveau pour moi.
Je voyais pas comment le remercier, ni même comment me faire pardonner, et pour être honnête, je n'étais pas en état de réfléchir.

Alors j'ai fais comme je pouvais, la seule chose dont j'étais capable. J'ai passé mes bras autour de son cou et me suis blottit contre lui, comme un gamin après un cauchemar.
J'avais comme le besoin de sentir que j'étais pas abandonnée, pas seule au monde. La douleur m'enserrait la poitrine, impossible de l'en faire partir.

- Merci d'être resté... Et désolée pour ton tee-shirt.... Je voulais pas...

J'avais l'air pitoyable. Je faisais enfin mon âge. Je faisais mes seize ans. Je n'étais plus le jeune fille souriante et forte que Liam et les autres avaient rencontrés. Non. Ce jour-là, dans les bras de Liam, j'étais enfin celle que je cachais depuis tout ce temps: Une enfant à qui on aurait demandé de grandir trop vite. Une fille qui avait juste manquée trop longtemps d'amour, d'affection, et surtout, de vie.

Nous restâmes là, par terre au milieu de la chambre en désordre. Pendant un moment, un long moment, on entendit plus que les sanglots étouffés de ma protégée. J'avais beau savoir que c'était bon pour elle de pleurer, bon sang ce que ça fait mal de l'entendre aussi désespérée. Mal de comprendre ce qu'elle a pu vivre avec un tel poids dur ses frêles épaules. Elle n'a que 16 ans, bordel !! Toute cette douleur me dégoûte...

Je sens mon haut rapidement trempé de larmes, froissé par ses poings serrés. Mais petit à petit, après de longues minutes, ses poings se desserrent, les larmes ralentissent, les sanglots s'apaisent. Elle commence à se calmer. Et lorsqu'elle a finalement arrêté de pleurer, elle est restée silencieuse. J'ai respecté son silence, je me suis tu, la serrant simplement contre moi, la berçant, la cajolant pour lui montrer que j'étais là, pour lui apporter un minimum de réconfort.

Et puis finalement, elle a desserré totalement les mains de mon t-shirt, essuyé ses yeux rougis par les larmes. Et regardé mon t-shirt. Je n'y ai moi-même pas prêté le moindre regard, sachant parfaitement que je m'en fichais comme de ma première chaussette. Elle comptait plus pour moi. Elle a levé ses yeux vers moi et je plongeais les miens dans les siens, sans aucune gêne. Elle me regarda quelques instants comme ça. Je lui souris tout doucement, presque tendrement.

Elle faisait vraiment son âge à présent. Une jeune fille de 16 ans en manque d'amour, en manque de vie. Je ne savais que dire, mais elle m'épargna de prononcer le moindre mot. Pour toute conversation, elle passa ses bras autours de mon cou et se blottit contre moi. Instinctivement, je la serrais contre moi, mon nez dans ses cheveux. Tiens quelle drôle d'odeur... Agréable, comme un agrume, doux comme de la vanille.

Merci d'être resté... Et désolée pour ton tee-shirt.... Je voulais pas...

Je souris, le nez toujours dans ses cheveux. Puis je me suis un peu reculé et je l'ai regardé, le plus sérieusement du monde. Je ressentais une grande tendresse pour cette jeune fille trop forte pour son âge.

Ne t'occupe pas de mon t-shirt, d'accord ? Et si je suis resté c'est parce que je t'aime énormément et que je n'abandonne personne dans le besoin.

C'était la pure vérité et je voulais qu'elle sache...

Je suis là pour toi.

J'avais du mal à me reprendre, à me ressaisir, et pourtant, Liam semblait s'en foutre comme de l'an quarante.
Je l'ai sentis me serrer contre lui à chaque nouveau sanglot, comme pour me prouver qu'il était là. Et il l'était. Je ne crois pas que j'arriverai un jour à suffisamment le remercier pour tout ce qu'il a fait pour moi.

J'avais du mal à respirer, avec toutes ses larmes, j'avais l'impression maintenant d'être une véritable coquille vide.
Il m'a alors regardé et moi, idiote et peu fière de ma faiblesse, j'ai détourné le regard, ne supportant pas que l'on puisse me voir ainsi.

Ne t'occupe pas de mon t-shirt, d'accord ? Et si je suis resté c'est parce que je t'aime énormément et que je n'abandonne personne dans le besoin.

J'ai brusquement redressé la tête vers lui, étonnée et carrément sur le cul. J'ai rien dis, j'en étais incapable.
J'y croyais pas. Il pouvait pas me dire ça. Je le méritais pas moi. J'avais tué ma mère et mon frère. J'avais fait de ma vie un enfer et tout ceux qui m'approchaient finissaient par souffrir. Il avait pas à m'aimer. Ni même à m'apprécier. Il avait pas à être mon ami.

Je suis là pour toi.

"Je suis là pour toi". "Je suis là pour toi". J'avais comme l'impression que c'était une blague. J'en attendais le dénouement et il n'arrivait pas.
Liam me fixait toujours mais je pouvais à peine y croire. Là? Pour moi? Vraiment? Mes yeux brillaient, plein de larmes refoulées. Je croyais ne plus en avoir, ben c'était raté! J'ai ramené mes jambes contre moi, et j'ai posé ma tête dessus. Comme une enfant.
Non... Non Liam, non... Je voulais pas te faire souffrir.... Je voulais pas... Non...

Non... Non! Je veux pas Liam je veux pas! Tu vas souffrir comme eux!

Je disais ça sans le regarder. A m'entendre, on aurait pu croire que j'avais vécu bien pire que la vérité mais c'était ça pourtant. J'avais tué ma mère, j'avais assassiné mon frère pour un caprice. Mon père était mort le jour de mon anniversaire parce qu'au lieu d'être à l'hôpital pour les urgences occasionnelles, il était à la maison pour moi! Pour sa gamine!

Je veux pas... Tu peux pas...

Pour lui... Fallait pas qu'il m'apprécie. J'y avais cru, mais tout ceux qui m'approchent souffre. Tous, sans exception! J'avais voulu faire comme si de rien n'était, me faire des amis... Mais non. Non! J'avais pas le droit!
Pardon Liam... Pardon... Mais je faisais ça pour toi. Pour pas que t'es mal. J'avais eu tord. Je te demande pardon.

Joyce me contempla un moment, l'air d’osciller entre la surprise et les larmes. Je pensais pourtant que ce que je venais de dire tout haut était logique, même pensé tout bas... Alors elle a ramené ses jambes contre elle et s'est comme renfermée sur elle-même. Incrédule je la regarde sans savoir quoi faire. J'ai l'impression d'avoir dit quelque chose de choquant, de blessant presque. Par dessus tout, j'ai l'impression de me faire rejeter. Comme si j'avais heurté un mur de briques imaginaires...

Non... Non! Je veux pas Liam je veux pas! Tu vas souffrir comme eux!

Interloqué, je la dévisage mais elle ne me regarde pas. Les questions se bousculent dans ma tête. Souffrir ? De quoi ? Pourquoi ? Qui sont ces "eux" ? Pourtant aucun mot ne sortit de mes lèvres. Le choc semblait les avoir scellées. Je ne comprenais pas.

Je veux pas... Tu peux pas...

Je secouais la tête.

Comment ça..? Comment ça tu veux pas ?

Non, c'est pas ce que je voulais dire. Secoue-toi les puces Liam ! Je fronçais les sourcils et inspirais profondément :

Eh bien tant pis ! Moi je veux. Et je PEUX. Que tu le veuille ou non, je serais là, et je ne compte pas t'abandonner parce que je vais soit-délirant souffrir ou je ne sais quelle bêtise. Alors tu vas arrêter ça, Joyce. Je ne souffrirais pas, je sais me protéger, de toute façon.

Je m'adoucit et pris son menton dans ma main, lui relevant la tête.

Joyce... Tu sais d'où vient ton prénom ? Il vient de l'anglais "Joy". Et ça veut dire joie. Alors souris, d'accord ?

Comment ça..? Comment ça tu veux pas ?

Il avait l'air blessé. Perdu. Il comprenait pas. Et c'était normal. J'avais craqué sans une explication, et maintenant, je le repoussai de la même manière. Il avait le droit de ne pas comprendre. Le droit de m'en vouloir. Le droit de partir aussi. Mais non. C'était oublié qui il était.

Eh bien tant pis ! Moi je veux. Et je PEUX. Que tu le veuille ou non, je serais là, et je ne compte pas t'abandonner parce que je vais soit-délirant souffrir ou je ne sais quelle bêtise. Alors tu vas arrêter ça, Joyce. Je ne souffrirais pas, je sais me protéger, de toute façon.

Il avait l'air si... Déterminé! Si confiant! Presque déçu même. En fait, j'en sais trop rien, même maintenant. C'était étrange, il avait l'air de tenir à moi. Alors il a passer sa main sous mon menton, me forçant à le fixer, les yeux encore brillant de larme.

Joyce... Tu sais d'où vient ton prénom ? Il vient de l'anglais "Joy". Et ça veut dire joie. Alors souris, d'accord ?

La référence était tellement idiote qu'un frêle sourire s'est glissé sur mes lèvres. Il était pas bien grand, ni même bien joyeux, mais il était présent. C'est tout ce qui comptait.
Lentement, j'ai détourné le regard, essuyant d'un geste rageur les gouttes sur mes joues. Je n'aimais pas être ainsi, j'avais comme l'impression d'être faible.
J'ai soupiré et d'une voix bien basse, j'ai soufflé.

- Ils sont morts à cause de moi Liam. J'ai tué ma famille pour un caprice. Je ne veux juste pas que tu souffres comme eux. Je tiens trop à toi pour te faire du mal comme à eux.. Je veux pas que ça arrive une troisième fois. Je veux pas Liam...

La vérité, c'est que tout ça me faisait peur. Le perdre, lui? Non. Je ne pouvais laisser passer ça. J'avais trop peur. Je ne voulais plus jamais avoir ce sentiment d'abandon. Je ne voulais plus jamais souffrir  comme j'avais souffert. Mais plus que tout, je ne voulais plus faire souffrir comme j'avais fait souffrir.
J'ai plongé mon regard vert dans le sien et j'ai soupiré:

- J'ai peur de te perdre toi, comme je les ai perdu eux. J'ai peur de te faire souffrir. Je porte la poisse...