Cela faisait environ trois jours maintenant que j'avais quitté l'hôpital. Du moins je pense... c'est difficile d'avoir la notion du temps lorsque l'on ne voit plus, les repères ne sont plus les mêmes. Pourtant, alors que j'appréhendais ma sortie, les premiers instants furent étrangement faciles. Ryu avait été là, il m'avait aidé à retourner dans ma chambre tout en discutant, pour ne pas me laisser plonger dans des pensées moroses. Il m'avait dit qu'il ferait son possible pour que je n'ai pas besoin de grandement m'adapter. Il avait pris des dispositions avec mademoiselle Honda, que j'avais rapidement croisé. Je leur avais souris, autant que possible, leur assurant que tout irait bien. Je ne sais pas s'ils m'avaient cru, cela me manque déjà de ne plus pouvoir contempler leurs visages... On ne le penserait pas comme ça mais un visage c'est vraiment important, je veux dire que on ne remarque pas de suite à quel point voir l'autre est essentiel. On le remarque trop tard... Maintenant que je ne peux plus contempler aucun visage, je me sens seul, démuni...
Du coup, lorsque des personnes que je connais me parle, j'imagine leur visage dans mon esprit, tel que je m'en souviens, Cela m'aide à ne pas être triste, à et à me dire que je parle vraiment à quelqu'un, et non juste à une voix dans le noir...

Le noir... J'ai eu le temps de m'y habituer depuis l'hôpital. Mais malgré tout, il y a toujours cette peur irraisonnée au fond de moi. Auparavant, je râlais car je ne pouvais voir que la lumière de la lune, pouvant juste imaginer celle du soleil. Or maintenant, je dois imaginer même la lumière lunaire, tel que je m'en rappelle... Et je ne croyais que cela pouvait me rendre aussi triste. Du noir partout, sans jamais aucune lumière.
Lorsque Ryu et la directrice partirent, et que je restai seul, je m'affalai sur mon lit et je pleurai, longtemps, très longtemps. Je ne pouvais pas à l'hôpital, il y avait trop de monde. Maintenant que j'étais seul, je pouvais exprimé toutes mes émotions. Les larmes apaisaient mon coeur et allégeaient mon esprit. Puis ils étaient revenus, avaient installés différents réveils et repères pour que je en sois pas trop perdu, bien que je leur ai dis que c'était inutile. Ryu l'avait bien compris d'ailleurs, et il commençais à m'apprendre les bases de l'énergie, comment la ressentir et un tas d'autres choses... J'avais encore du mal à reconnaître les énergies autre que celles des airs, encore plus à dire à qui elles appartenaient personnellement mais je commençais à me débrouiller... Ressentir les particules d'airs faisaient le reste. C'était comme si je voyais pour de bon. Sauf que l'air et les énergies ne me donnent ni les couleurs, ni les sourires, ni les détails d'un objet...

Absorbé par mon exercice, je ne sentis pas immédiatement que quelqu'un approchait de ma chambre. Lorsque ce fut le cas, je me redressai sur mon lit, et entendis frapper presque aussitôt. Je ne reconnaissais pas l'énergie bien sur, mais je pouvais sentir qu'elle était plutôt forte, un peu comme la mienne. Avec mille précaution, je descendis de mon lit et, m'aidant des particules d'air pour sentir tout autour de moi, me dirigeait vers la porte sans trop d'hésitation. Je m'étais habitué à la disposition de ma chambre depuis, c'était même la première chose que j'avais fait, la prochaine étape serait l'institut lui-même...
Je posai mes deux mains sur la porte, avant d'en descendre une vers la poignée, avec appréhension. Je ne savais pas qui c'était mais c'était surement une personne que je connais, mais qui n'était pas au courant de mon état... J'avais peur de sa réaction et surtout, je ne voulais créer une gêne non désirée.
Je soufflai un bon coup et ouvrit la porte en douceur. J'étais en tenue décontractée, un simple jogging avec un T-shirt blanc, les yeux fermés, légèrement penchés vers le bas.

-Bonjour!

Mon ton était assez enjoué, comme à mon habitude. Bien. La suite en revanche me demanda un peu plus de courage.

-Excusez-moi mais... qui est là ?, demandais-je avec hésitation.

Je maudis de nouveau mon mal, incapable de voir la réaction de Ys. que n'aurais-je pas donné pour être sensitif ou télépathe à ce moment précis... Cela me mettait très mal à l'aise, n'ayant aucune des émotions par lesquelles il passait, s'il allait réagir comme Misao ou comme Ryu, si seulement il allait réagir. Mais au ton de sa voix, je devinais qu'il était pris au dépourvu, qu'il ne tarderait surement pas à comprendre. La suite me donna d'ailleurs raison. je sentis les particules d'air s'agiter devant mon visage. Un sourire naquit sur mes lèvres. C'est bien son style ça...

-Je suis content de te revoir Ys! Je commençais à croire que tu m'avais oublié, dis-je sur le ton de la plaisanterie, tentant d'alléger l'atmosphère.

Pourtant je ne pus pas feindre longtemps. Il n'était pas au courant, c'était normal qu'il se pose des questions, normal que j'y réponde également. Une boule commença à se former dans mon ventre, alors que je cherchais les mots pour le décrire. Finalement, je gagnais un peu de temps, en ouvrant la porte plus largement

-Tu ne veux pas entrer ? Ce sera mieux pour discuter je pense, proposais-je.

Le laissant passer, je me dirigeais vers mon lit, l'air ambiant me donnant sa localisation précise, ce qui m'empêcha de le percuter. Je m'assis lentement, l'invitant à faire de même. Je restai d'abord silencieux, cherchant une façon plus correcte qu'une autre d'aborder la réponse qu'il attendait. Mais rien ne me venait. Je compris alors qu'il n'y avait pas de manière meilleure qu'une autre pour annoncer ce que je me préparais à lui annoncer. Pourtant, j'aurais tant aimer l'épargner au mieux. En façade je gardais mon sourire, mais à l'intérieur, j'avais mal... pour lui. Je me souvenais bien de Ys, c'était un homme sensible et je craignais de lui faire de la peine en mettant des mots sur ce qu'il surement déjà deviné.

-Je... Tu te rappelles de ma maladie ? Celle dont je t'ai parlé dans les bois. Ce que je ne t'ai pas expliqué c'est qu'elle est dégénérative. Mon corps continue à perdre de la vigueur jusqu'à ce que... Enfin, il continue à perdre de l'efficacité, repris-je aussitôt.

D'un geste désinvolte, je montrais ensuite mes yeux clos.

-Ce n'est qu'une conséquence de ma maladie qui progresse.

Je n'avais pas besoin d'être sensitif à ce moment-là pour sentir que l'atmosphère devenait pesante, trop lourde à supporter. Je le revoyais depuis le première fois depuis longtemps, je ne voulais pas que la tristesse assombrisse nos retrouvailles. Ce n'est pas comme ça que je voulais que ça se passe. Je ne voulais pas que les gens soient tristes.
Je posais une main apaisante sur son épaule, après un premier échec, et lui transmit toute la force que j'avais.

-Ne sois pas triste d'accord ? Car moi je ne le suis pas!

Ce n'était pas particulièrement vrai, comme lorsque je l'avais dis à Misao, mais il n'avait pas besoin de le savoir. Ce n'était pas entièrement faux non plus. Même s'il y avait des conséquences inimaginables, dont je ne connaissais pas encore l'étendue, pour l'instant, ma situation n'était pas dramatique. Je m'adaptais... autant que possible.

-Parlons de toi plutôt tiens! Ton énergie a l'air bien plus forte que la dernière fois... Tu es passé étoile non ?

Je repris la conversation d'un ton badin et enjoué, réellement curieux de savoir ce qui lui était arrivé depuis. Son récit serait toujours plus intéressant que le mien.

-D'ailleurs, comment a réagi la fille à qui tu devais donner ton cadeau ? Tu sais, le pendentif avec de la poussière d'étoile je crois ...

Ce silence était pesant. Dans un premier temps, c'était moi qui avais mené l'entretien, j'étais seul à parler, mais même une fois que j'eus raconté ce qui s'était passé... Il ne parlait pas, toujours pas. Et moi j'attendais, appréhendant de toutes mes forces le résultat de ses cogitations. Je ne montrai aucun signe d'impatience cependant, j'attendais qu'il ait fini de digérer ce que je venais de lui apprendre. Ys était un garçon bien, très bien même, cela m'avait frappé lors de notre première rencontre, même si lui ne se voyais pas comme tel. Je savais donc que sous son crâne, derrière ce silence, une véritable tornade devait rugir. Elle ne tarderait surement pas à sortir...
L'attente ne fut pas si longue. Il se leva, je sentis le mouvement du lit, ainsi que le frottement de ses vêtements, continu... Il marchait, je sentais les vibrations de se spas. Etre aveugle rend vraiment les autres sens plus développer. Percevoir l'air et les vibrations est bien plus aisé. Toutefois, je n'avais pas le coeur à me réjouir. J'étais triste au contraire. Pas pour moi bien sur, mais pour lui. Sa réaction me laissait penser que je l'avais vexé, peut-être blessé

-Ys... Tu m'en veux? demandais-je d'un ton hésitant

Alors il éclata. pour de bon cette fois-ci. Je l'écoutai tranquillement, ne l'interrompant pas car je savais qu'il avait besoin d'extérioriser tout ça. C'était ce qui lui ferait du bien, et il avait raison. Je conservais tout d'abord un visage neutre, puis un sourire naquit peu à peu sur mon visage. Je voyais son visage dans ma tête, j'imaginais bien à quoi il pouvait ressembler maintenant. Je n'intervenais toujours pas.
Soudain, je sentis un poids s'affaissait à mes pieds, tandis que des mains prenaient les miennes, les serrant fort, comme pour me transmettre la force que je venais de lui donner un instant plus tôt. Spontanément, je serrais ses mains en retour mais lorsque je l'entendis parler, mon coeur se fendit. Je tressaillis légèrement, comme pris de frissons, et secouai automatiquement la tête. Pourquoi disait-il cela ? Pourquoi s'en voulait-il ? Mes mains remontèrent à tâtons le long de ses mains, jusqu'à son visage, que je pris entre mes mains. Alors, comme un parent le fait avec son enfant, je lui caressais doucement les cheveux pour l'apaiser, reprenant un sourire bien plus sincère cette fois-ci.

-Tu n'aurais rien pu changer Ys.

Je glissai alors doucement de mon lit, atterrissant à terre sur mes genoux pour me mettre face à lui. L'air me dirigeait comme il fallait, si bien que j'étais à la bonne hauteur, bien qu'il soit plus grand que moi. Mes mains glissèrent sur ses épaules, que je pressais légèrement.

-Mademoiselle Honda et Ryu font de merveilleuses choses pour moi. Mais il y a des moments où il est impossible d'intervenir. On ne peut pas changer le destin ou le cours de la vie.

Mon coeur commençait enfin à se réparer, au fur et à mesure que je le rassurais. J'essayais de me convaincre que je pouvais l'apaiser, que je pouvais atténuer sa tristesse. Mais je savais qu'il serait dur à convaincre, comme je savais que j'en étais capable. Je le pris alors dans mes bras, transférant en quelque sorte mes ultimes forces dans cette étreinte, une ultime tentative de l'apaiser.

-Ton amitié est et sera toujours précieuse à mes yeux. Alors je t'en supplie... ne t'en veux. Et fais-moi confiance! suppliais-je presque

J'étais capable de surmonter cela, et j'avais aussi besoin qu'il m'en croit capable si je voulais réussir. Je voulais régler le problème tout seul, c'est comme ça que j'ai toujours voulu faire. Mais suite aux visites de l'hôpital, et là maintenant, dans cette chambre, je comprenais plus que jamais à quel point avoir du soutien pouvait rendre fort et déterminé. Ys avait cette force en lui, et une manière bien à lui de la transmettre. Ce dont il ne se doutait pas mais c'est que, même s'il était loin, je gardai son souvenir, son visage en tête. Je savais qu'il était là. Je n'en avais jamais douté.
Je me relevai enfin, l’entraînant avec moi pour le remettre sur ses pieds. Pas question que je reste plus longtemps à genoux, ce n'est ultra agréable comme position. Surtout, je comptais bien faire en sorte qu'il se déride plus que ça. je voulais retrouver le Ys dont je me souviens, ce Ys si drôle et un peu perdu dans sa tête qui m'avait tant plu.

-Je sais que les étoilisations sont un peu dures... Au moins maintenant tu es encore plus puissant! J'ai hâte de voir ce que ça va donner, dis-je avec enthousiasme.

Je ne relevais le verbe devenu impossible dorénavant. je me comprenais. Il y avait bien des manières de voir, et je m'y appliquerais. J'eus un mouvement de surprise en entendant le nom de la jeune fille à qui il devait offrir le pendentif.

-Oh c'est de Mitsuki dont tu parlais ? Je l'ai rencontré à la bibliothèque. Elle... te ressemble beaucoup par certains aspects maintenant que j'y pense, dis-je en réfléchissant, un petit sourire aux lèvres.

Je ne relevais pas non plus le fait qu'il pensait que je ne m'en souviendrais pas. J'ai une bonne mémoire, je n'oublie pas ce genre de détails. Peut-être parce que je pensais aussi que c'était pour sa petite amie, mais qu'il ne voulait rien dire.
Sa remarque suivante me tirant un léger rougissement, pendant que je faisais semblant de tousser pour dissiper ma gêne.

-Oh tu aurais pu l'oublier ça... Et puis il n'y a pas de mal à aimer le chocolat! me défendis-je aussitôt!

On dirait que la tempête de pensées qui agitait son esprit se calmer peu à peu. Il bougeait beaucoup moins, je ne sentais plus son corps tressaillir aussi souvent. Peut-être avais-je réussi à le calmer un petit peu. Mais je savais, au fond de moi, que c'était loin d'être le cas, et que malgré les apparences qu'il pourrait m'offrir, il y aurait toujours ces sentiments intérieurs qui le tortureraient. Et cela me faisait mal, vraiment. Même si c'était faux, même si je pouvais sentir que quelque chose de ne passait pas, je voulais quand même qu'il essaie... au moins de faire semblant. Cela peut sembler idiot mais les illusions, parfois, aident à se rassurer. En ce moment même, après tout ce qui s'était passé, j'avais besoin d'illusion. J'avais envie de me sentir normal à nouveau, comme si mon nouvel état ne changeait pas la vie de quelqu'un d'autre. Et s'il y a bien une personne capable de surmonter ça pour quelqu'un d'autre, c'est bien Ys. Sa générosité est tout à son honneur. Il aura surement du mal au début, comme maintenant, mais au fur et à mesure, je ferai tout mon possible pour le mettre à l'aise. C'est aussi mon rôle d'ami.
Ses paroles me tirèrent un joli sourire, et sur mon visage, un air attendri se peignit. Je me souvenais de ce moment où il avait créer une boule de lumière semblable au soleil pour me donner l'impression de le contempler à nouveau. C'est aussi à ce moment précis que j'ai compris combien c'était quelqu'un de bien, que n'importe qui d'un peu censé voudrait garder auprès de soi.

-Je n'en doute pas Ys... Et tu seras capable de faire des choses encore plus merveilleuses bientôt, affirmais-je avec certitude.

Mes statistiques sur lui et Mitsuki semblèrent exciter sa curiosité. Avec un petit rire, je me rassis à nouveau, fatigué de me tenir debout, avant de répondre.

-Non ce n'est pas seulement ça. Vous avez cette même façon d'agir, à la fois directe et pleine de bonne volonté, maladroite mais amusante, expliquais-je en souriant.

Je restai silencieux un petit moment, reprenant mon souffle et en profitant pour affiner ma perception, pour mieux savoir me repérer, et surtout, le repérer lui.

-Vous vous êtes bien trouver!

Alors que je pensais que, peut-être, il laisserait tomber le souvenir gênant ( cela prouve que je ne le connais pas aussi bien que ça), il me relança dessus au contraire, en se moquant de moi. Je lâcher un rire sincère, ne pouvant toutefois m'empêcher de rougir. Ce n'était pas sympa de rappeler ce moment! Mais en même temps, cela ne m'avait pas paru spontané de donner du chocolat à un sanglier sur le coup... Peut-être que mon estomac avait parlé en premier, qui sait ?

-Oh je suis sûr qu'il n'est pas rancunier, et plus sympa que toi, na! dis-je en lui tirant la langue.

J'avais repéré sa positon, qui n'avait pas changé d'ailleurs, de façon à lui tirer la langue vraiment à lui, et non au vide. Cela sembla attiser sa curiosité d'ailleurs. Il me posa finalement la question qui paraissait le turlupiner. Peut-être était-ce ça qui le dérangeait depuis tout à l'heure... Je ne savais pas, en revanche, j'espérais que ma réponse n'allait pas le rendre encore plus triste. Pourtant, je ne pouvais me résoudre à mentir. Je n'en avais pas envie. Pas à lui.

-Cela va faire... Un peu moins d'un mois je crois... La nouvelle s'est su tard car j'avais demandé aux médecins de ne rien dire jusqu'à ce que... je sois prêt.

Je ne savais pas si j'avais pris la bonne décision mais ce qui est sûr, c'est que je ne la regrettais pas. Ce temps passé seul, j'ne avais eu besoin. Je ne voulais pas que quelqu'un que je connaisse me voit pleurer, me voit dans cet état où j'étais au fond du gouffre... Je voulais rassembler mes forces, être prêt à affronter le monde et le regard des autres. Pas seulement pour eux, mais aussi pour moi. C'était égoïste, mais je sentais que j'en avais besoin.

-Tu sais Ys, je me rends compte que j'ai une chance incroyable d'être air guérisseur... Ressentir les particules d'air me permet de repérer les obstacles, ce qu'il y a autour de moi et comment me diriger tandis que mon don de guérisseur me fait ressentir plus facilement les énergies des gens, comme ça je sais quand il y a du monde autour du moi, racontais-je d'un ton nostalgique.

Bon bien sur, ma technique n'était pas encore parfaite, loin d'être au point. Mais je m'améliorai de jour en jour, étant donné que je pratiquai en permanence. Je ne me sentais pas encore prêt à sortir de ma chambre vagabonder dans l'institut, mais j'aimais parfois élargir mon esprit pour ressentir les courants d'air dans l'établissement, qui me faisaient voyager plus surement que n'importe quel véhicule.

L'atmosphère, auparavant pesante voire difficilement respirable, commençait peu à peu à s'alléger. Mes efforts semblaient porter quelques fruits, et je ne pus m'empêcher de sourire suite à la remarque d'Ys et du ton presque joyeux de sa voix. je retrouvais enfin les intonations dont je me souvenais. Si au fond de moi je m'en voulais encore de lui a voir gâché sa journée, je laissais cela justement au fond de moi pour ne pas la lui ternir encore plus. Je ne l'avais pas vu depuis longtemps et je ne voulais que ce soit sous le signe de la tristesse.

-Eh bien je ne vois pas pourquoi tu sembles si surpris. La couleur de tes cheveux jouent pas mal aussi...

Cliché classique des clowns aux cheveux de feu. Je laissais toutefois un petit rire m'échapper, pour bien qu'il comprenne que je plaisantais même si je n'avais aucun doute à ce sujet. Il commençait à me connaître mine de rien, tout comme moi je commençais à le cerner de plus en plus.
Mon "diagnostic" de sa situation avec Mitsuki parut déclencher chez lui une sorte de gène, que je perçus mal. Un grand sourire naquit sur mes lèvres, et je feignit un air choqué en l'entendant parler.

-Ta maîtresse ??? Elle n'est pas la seule et unique ?? Oh Ys..., fis-je d'un ton faussement déçu.

Je gardais malgré un air guilleret, démentant mes paroles. Pour honnête, je ne savais pas ce qu'il se passait entre eux ou même s'il se passait quelque chose. Ce n'était pas mes affaires mais je voulais juste leur bonheur à tout deux. S'il le trouve avec Mitsuki alors pourquoi pas ? Mais peut-être a t-il une autre fille dans sa vie... ?

-Il n'y a donc personne qui fait battre ton coeur ? demandais-je avec douceur, amusé.

Bon je m'aventurais sur un terrain glissant, mais je voulais vraiment savoir quelque part. Maintenant que je ne pouvais plus voir... Je ne pouvais plus me fier aux expressions ou aux gestes, que je perçois toujours difficilement actuellement. J'avais besoin que les gens me parlent, qu'ils soient là, par peur de rester seul dans ces ténèbres qui m'ont envahis.
Quand il me proposa de sortir, je ne pus retenir un frisson. Je me maîtrisais aussitôt, mais la bavure était déjà faite. Je n'avais pas essayé de sortir de ma chambre depuis que j'y étais retourné. Je voyageais dans ma tête, imaginant à quoi le dehors pouvait ressembler. Mais chaque fois que je tentais de sortir comme à mon habitude, une peur irrépressible me tiraillait l'estomac, cette peur de ne plus rien reconnaître, de me rendre compte que... j'étais bel et bien devenu un fardeau.

-Je n'ai... pas encore tenté... j'ai peur de me perdre, balbutiais-je, surement un peu pale.

Pas seulement de me perdre, mais de ne pas avancer surtout. De rester bloqué des heures dans un couloir, en m'imaginant avoir pourtant parcouru des kilomètres. Toutefois, sa proposition me tentait. J'étais passé d'une chambre d'hopital à une autre, j'étouffais, j'avais envie de sentir un air frais sur mon visage, je regrettais même de ne pas trembler de froid tard dans la nuit.
Après un bref silence, je lui rendis un mince sourire, ayant pris ma décision.

-Mais si tu es là, ça devrait aller.

Je me levais, un peu chancelant au début puis me diriger vers le porte-manteau de ma porte. J'en décrochais une veste mi-épaisse, avec l'approche de l'été, les nuits deviennent plus chaudes. Je l'enfilais, mal assuré, peinant un peu au début. Mais je voulais à tout prix me débrouiller seul, je devais apprendre... Il y a des choses pour lesquelles mes dons seront inutiles. Ayant fini de m'habiller, je posais la main sur la poignée et l'ouvrit.

-Je te fais confiance. On y va ? demandais-je en me tournant vers lui.


Hrp : Sorry du retard!!! ( Partiels de mon coeur)

Peu à peu les deux jeunes gens avaient retrouvés un comportement des plus normales comme si n'avait brusqué leur retrouvaille. Du moins, en apparence, car intérieurement, ils ne pouvaient se mentir. Et devoir faire un effort pour passer au delà de cette barrière, n'a jamais été des choses les plus aisées pour Ys. En revanche, de nature déjà forte, Mathéo, lui, réussissait même à faire de l'humour. Les gens de Terrae savent apporter ce qui vous manque, et Mathéo est un expert dans cet art.

Relevant un sourcil lorsque son ami fit référence à sa "maîtresse", Ys s'apprêta à se laisser emporter, à la fois gêné et choqué par ces propos, quand il se rendit compte que ce dernier se moquait bien de lui. Exaspéré, Ys baissa des bras tout en sifflant entre ses dents:

"T'as perdu la vue mais pas ton humour!"

Evidemment, il n'y avait rien de méchant. Ne fallait il pas rire de ce que l'on a plutôt que d'en pleurer? Et puis c'était sa manière aussi de passer outre tout en emmenant son ami avec lui. Du moins, bien que ce reproche lui donna un léger frisson, il laissa échapper un petit rire amusé.

"T'es grave! On peut pas parler sérieusement avec toi! Petit pervers!"

Cela fesait du bien, cela donnait l'impression que tout allait dans le meilleur des mondes. Une impression... Ne serait ce qu'ils savaient encore en rire. Enfin jusqu'à Mathéo posa une question cette fois plus sérieusement. Cette question était toute bête mais de la manière dont elle était demandée et avec la douceur légendaire de Mathéo, Ys se tut soudainement, le regard dans le vide. Quel idiot de demander ça! Il avait vraiment le don de démunir les gens de leurs armes. Se répétant à lui même cette question, Ys eut un léger sourire mystérieux. Redressant son regard sur son ami, Ys apprécia d'être seul pour camoufler cet instant gênant.

"Attends une minute! Tu crois pouvoir tout savoir et ne rien dire?! Si tu m'en disais un peu plus, après tout, je ne sais pas grand chose! Alors?"

En quelques sorte, c'était aussi une ruse pour se couvrir de choses incompréhensibles, de choses que l'on craint, de choses affligeantes. Mais après tout, Ys n'en plut, n'en savait rien sur son ami. Bon si, certaines choses, mais dans sa profondeur, dans son intimité, c'était flou. Et puis, comment pouvoir devenir une personne aussi pure qu'il ne l'ait si on ne sait pas ce qui a pu le rendre ainsi. Tandis qu'Ys voulait en savoir plus sur ses mystères, ce fut surtout le comportement du jeune homme, sa réaction, lorsque le Tonnerre lui proposa de sortir qui l'interpella. Mathéo semblait hésitant, il se confia même d'avoir peur de se perdre. Sur le moment, Ys pencha la tête légèrement sur le côté, intrigué. Lui, il ne pouvait deviner un dixième de sa douleur ni encore moins des circonstances que cela apportaient. Cependant, Mathéo ne se laissa pas abattre et se leva pour se s'habiller. Tant bien qu'avec difficulté, Ys resta en arrière pour le voir dans son action. Et d'un geste fluide et discret, il aida rapidement son ami à tenir la manche de sa veste pour qu'il y glisse son bras. Mathéo n'avait pu le sentir, c'était peut être de la triche, mais ce n'était pas une raison pour ne pas l'aider. Au moins, à sa manière, peut être maladroite, Ys ferait ce qu'il pourrait pour lui.

"Tu peux me tenir le bras si tu veux? Je reste près de toi."

Passant sur le côté pour se tenir à l'extérieur de la pièce, Ys patienta après une réponse. Même si Mathéo semblait effrayé à l'idée de devoir marcher dans le noir, Ys pouvait voir dans son regard toute sa détermination à continuer à avancer. Lui tendant sa main, affleurant légèrement son épaule pour lui indiquer sa position, il reprit d'une voix posée:

"Tu dois pas avoir peur de te perdre dans un endroit que tu connais."

HRP> (Partiels de mon coeur?! Quelle ironie! x) ) Pas de soucis ;)

Le rire que je contenais suite à mes insinuations pris l'allure d'une grimace lorsqu'il me traita de pervers. Comment ça pervers ? Pourquoi vicieux tant qu'on y est ? C'était une remarque tout ce qu'il y a de plus innocent. Et qui avait atteint sa cible on dirait, il était toujours aussi facile de le faire tourner en bourrique. Même sans le voir, c'était simple à deviner au ton de sa voix. Je pouvais presque entendre les battements de son coeur s'emballer. Il était toujours aussi rigolo.

-Défends-toi tant que tu veux, c'est toi qui a commencé!

Bon ce n'est pas très mature comme réplique mais c'est le mieux dont je dispose pour l'instant. C'est moi qui ai poussé la blague après donc à moi d'assumer ce qu'il m'envoie à la figure, mais pas sans me défendre.
Il exprima alors le désir d'en savoir plus sur moi. Je fis une légère grimace. Il est gentil de vouloir en savoir plus à mon sujet, sauf qu'il n'y a vraiment rien à raconter. Je ne suis pas vraiment le genre de garçon auquel il arrive des trucs cool qu'il peut raconter. ma vie se résume à me promener et attendre que le temps passe. Enfin, se résumait plutôt... Maintenant même me promener devient difficile.

-Très bien. Ça parait juste...

En même temps il a raison, je ne lui raconte pas grand chose sur moi alors que je connais quelques détails de sa vie à lui. enfin, maintenant que j'y pense, pas tant que ça en fait. Il ne m'avait pas raconté beaucoup.

-Demande-moi ce que tu veux savoir. Et en échange, tu répondras aussi à mes questions, d'accord ? , proposais-je avec un grand sourire.

Je ne voyais pas son visage, même si je devinais qu'il était juste à côté de moi, mais sur le moment, j'aurais bien aimé pouvoir.
Le couloir était frais malgré la chaleur qu'il faisait ces derniers jours. Cela faisait du bien. Mais j'avais tout de même peur. Il me disait de ne pas avoir peur d'un endroit que je connaissais mais il ne comprenais pas vraiment. Aveugle, même un lieu parfaitement connu devient un mystère pour vous. Je ne le suis que depuis quelques temps, je n'ai pas les réflexes des autres qui mémorisent tout par leur toucher ou leur ouïe. Pour moi, ce couloir est une gigantesque étendue de ténèbres, je ne sais pas quand il faut tourner, à quelle distance se trouve le mur. Plus rien n'existe pour moi.

-Je compte sur toi Ys, murmurais-je en resserrant ma prise sur son bras.

Je sors alors un petit appareil de ma poche. Il est rectangulaire, avec un compteur coloré comme sur les machines à vapeur qui indique la chaleur ou le froid. Une aiguille change de place et indique une tranche de cette jauge selon le taux d'UV de la pièce. Maintenant, je ne peux plus m'ne servir... Il va pouvoir m'aider. Je lui met l'appareil dans la main que je parviens à attraper en premier.

-C'est une sorte de baromètre pour les UVs. Avant de rentrer dans une pièce, met l'appareil à l'intérieur de celle-ci et regard où l'aiguille se place. Si elle va dans le rouge où à la limite du rouge, c'est que le taux d'UV est trop fort pour moi. Compris ?

Pour le coup, je comprends ce que veut dire l'expression " remettre sa vie entre les mains de quelqu'un". Mais j'étais sûr qu'Ys avait compris combien c'était important. Moi, je en pouvais plus le faire.
Mais je ne comptais pas rester inactif non plus. Je semblais me raccrocher uniquement mais pendant ce temps, je sondais l'espace grâce au particules d'air, de façon à connaître les dimensions de l'endroit et pour savoir quand il y avait un carrefour où un mur. Je commençais juste à m'entraîner avec cette technique, je n'étais pas au point. Heureusement que Ys était là.

Ys parlait peu, il était entièrement concentré sur sa tâche et je sentais la tension qui habitait son corps. La peur de mal faire ? De me mettre en danger ? qui sait... Je n'osais pas lui demander et encore moins le rassurer car je craignais que mes paroles n'aient l'effet inverse. Ys semble assez impulsif, ce serait dommage de le perturber davantage. Face à tout ça, un petit sourire s'accrochait à mes lèvres. Je n'étais pas le moins du monde inquiet, je savais qu'il ferait les choses bien et comme il faut. Je me laissais porter, essayant d'ignorer cette sensation qui me broyait l'estomac, cette impression de n'être qu'un boulet que l'on devait traîner. Pourtant, quiconque nous aurait vu aurait pu se faire la même réflexion, et il aurait eu raison. Mais je m'efforçais de conserver mon sourire, ne voulant pas qu'il de vine mon trouble.
Quelques minutes plus tard, nous étions sorti. Je sentis avec douceur le vent nocturne sur mon visage, et respirait avec délectation l'air pur du dehors. Comme il m'avait manqué! Restait enfermé ainsi dans un hôpital avait été pour moi le comble du cloisonnement, c'était à rendre fou! J'avais même l'impression que l'odeur de renfermé de leur draps c'était agrippé à moi. Je m'asseyais tranquillement sur le banc, puis sentis l'odeur de cigarette. Mon sourire s'accentua. Ys devait réellement avoir besoin de se détendre ma parole.

-Tu as été parfait! Tu vois? Je suis encore entier, dis-je en secouant mon corps comme preuve à l'appui.

Je n'avais toutefois pas oublié l'arrangement que nous avions convenu. Lui parler de moi pour qu'il me parle de lui. Je n'aimais pas trop parler de moi, ma vie n'étais pas intéressante du tout car se limitait pour la plupart du temps à un endroit. Mais puisque c'était promis....

-Je ne me souviens plus trop ce que je t'ai déjà raconté sur moi alors je vais faire un résumé global, tu n'auras qu'à me demander ce que tu veux ensuite! Mais je te préviens, ma vie est très ennuyeuse, elle se cantonnait aux quatres murs de ma chambre en général.

Bon le moment de se lancer est là... que puis-je lui dire ?

- Je suis né à Montignac, dans un petit village français, dans le sud-ouest. Mes parents tenaient une pâtisserie-confiserie, de quoi ravir un enfant comme moi! Malgré ma condition je ne me suis jamais senti vraiment seul, Mes parents s'occupaient tout le temps de moi, parfois trop d'ailleurs. Et puis il y avait ma soeur...

Je pris une profonde respiration à ce moment du récit, avant de poursuivre.

-Tu me fais un peu penser à elle, elle cherchait toujours à me pousser vers l'avant, à sortir. Elle était très... directe. Elle bousculait un peu mes parents parce qu'il me couvait trop. C'est avec elle que je suis sorti la première fois pour aller à un festival. C'est avec elle que j'ai vu le jour pour le première fois aussi! A l'époque j'avais ma combinaison spéciale, que je refusais de porter. Je me sentais bête avec, j'attirais tous les regards. Alors avec un ami à elle, il se sont habillé en power rangers, un peu comme moi, pour que je me sentes moins seul. Ben crois-le ou non, c'était le plus beau jour de ma vie!

J'étais enthousiasmé à l'évocation de se souvenir. Je n'en avais jamais parlé à quiconque et en parler maintenant me faisait beaucoup de bien. C'était vraiment le plus beau jour de ma vie. Et c'était également une des rares occasions où j'évoquais ma soeur.

-Puis elle a eu un accident... et j'ai atterri à Terrae.

Je reniflai tout d'abord, m'attendant à pleurer. Mais à ma grande surprise, je restai suffisamment serein. Je n'aurais jamais cru en être capable... Un petit sourire s'épanouit peu à peu sur mes lèvres et je me tournai vers Ys, sentant sa présence grâce aux particules d'air et à l'odeur de la cigarette.

-A toi maintenant! J'ai fait ma part du marché!


Hrp Pardon pardon pardon. Je m'affale par terre pour te supplier <3

Nerveusement, Ys se contenta de répondre d'un grognement aux paroles de son ami. Oui d'accord, il était entier et heureux encore!! Bah il faut croire que d'avoir la vie des autres ses mains, enfin surtout celles de ses amis celles des autres on s’en fout, ça avait tendance à le rendre nerveux. Néanmoins, il avait réussi et pouvait ainsi se rabattre sur une cigarette pour calmer ses angoisses. Enfin pour l'instant tout va bien, il faut savoir qu'un moment donné, il y aura aussi le retour...
Et contre toute attente, Mathéo répondit aux attentes du jeune homme. C'est qu'il jouait le jeu le garçon! Il faut dire que même Ys avait oublier cet sorte de pacte. Oui, l'idée de guider Mathéo lui avait retourné la tête. Et pourtant, c'était avec plaisir qu'il écoutait son ami raconter une partie de sa vie. Néanmoins un ensemble. Ys afficha un large sourire quand ce dernier lui rappela l’anecdote où sa soeur et son ami s'étaient vêtus d'un vêtement égal au sien.


"Oui je m'en souviens de ça... Tu me l'avais raconté."


Il se souvenait du regard illuminé du garçon, tout comme maintenant quand il le citait. Cette soeur devait être formidable. Mathéo avait pourtant eu une enfance heureuse, assez pour ne pas ressentir le vide. Malgré tout, le sort en avait décidé autrement. Et doucement le sourire du téléporteur s'effaça quand son ami annonça l'accident. Ainsi son vide à lui, c'était ça, la perte de sa soeur. Fixant son ami silencieusement, Ys ne sut trouver les mots mais contre toute attente, Mathéo gardait ce visage illuminé. Quelque chose qui rassura le jeune homme. Baissant son regard au sol, Ys fut tiré de ses songes quand son voisin lui retourna la question. Relevant aussitôt son regard, Ys fut très hésitant, cherchant ses mots.


"Euh.. ben, j'ai pas grand chose à dire... Disons que... c'est pas très intéressant..."


Puis sentant le regard de son ami se posait sur lui, surprit par cet instinct, Ys se mordit les ongles à la recherche du début. Mathéo avait effectivement respecter sa part du marché. Il ne pouvait pas le trahir. Alors il tenta...