Un sourire étire mes lèvres en coin alors qu'il me reprend. Euh, il s'emballe un peu le gosse, là, nan ? J'veux bien discuter pouvoirs et tout, mais moi aussi je sors de cours, pitié, mon cerveau, essaie d'être sympa avec, quoi. Bon, d'accord, j'ai donné qu'une heure de cours, mais il est dix-sept heures et je suis crevé. Si j'avais été anglais, j'aurais p'tetre pu dire "Hey, c'est le tea time, foutez-moi la paix !" mais malheureusement je viens du pays des gros. Quel bonheur.

Doucement, je m'étire en l'écoutant blablater pendant trois mille ans. J'enregistre quelques trucs au passage, essaie de pouvoir rebondir dessus, mais son débit est tellement rapide et ses idées tellement condensées que j'ai un peu de mal à le suivre. C'est bien un p'tit tonnerre, finalement, m'amusé-je soudain. Lorsqu'il s'arrête de causer, je rigole et me mets dos à la rambarde, fixant les volutes de fumée qui s'évaporent peu à peu dans l'air, en suivant la course du vent.

— Je parlais des champs magnétiques en général quand je disais que j'arrivais pas à les contrôler, en fait, je reprends doucement. Parce que les autres champs magnétiques font aussi partie de notre pouvoir, une fois master, c'est pas seulement les champs électro-mag, même si c'est eux qui me mènent le plus la vie dure. Peut-être parce que j'ai plus de réceptivité à ce niveau-là, mais c'est pas parce que je suis sensitif, c'est parce que je suis tonnerre. Un téléporteur peut faire la même chose au final.

Puis je souris en coin tapote doucement mon doigt contre le métal de la barrière, essaie de me souvenir de ce qu'il disait sur les champs magnétiques et tout ça.

— Perturber et intercepter des flux d'information, c'est pas si compliqué quand on a l'habitude, je rajoute. Mais faut réussir à se trouver à proximité de l'émetteur ou du récepteur sinon c'pas possible. Par contre évite de trop rentrer dans les réflexions scientifiques, je te jure que tu vas finir par te griller le cerveau !

J'ai un rire léger, glisse mes mains dans mes poches. J'l'observe claquer des doigts et comprends qu'il essaie de faire une étincelle. Je ressors la mienne de ma poche et la tend vers lui.

— Pour créer des étincelles, faut se concentrer sur ton énergie. Tu sais créer de l'électricité statique, mais il suffit pas de vouloir créer quelque chose, il faut aussi le visualiser. Tu prends cette énergie, tu essaies de la modeler, comme si t'étais un sculpteur. Ou un peintre, comme tu veux. Tu l'imagines, tu rajoutes de la lumière… et pouf ça brille, ajouté-je en sentant grésiller quelques filaments au creux de ma paume.

On discute un peu, et je finis par relever les yeux vers lui, une moue tordant légèrement ma bouche. Je sens sa méfiance, et même si elle est justifiée, j'ai toujours un peu de mal à la comprendre. Peut-être parce que j'ai été touché de très près par ces histoires, que j'ai vu le danger se rapprocher de plus en plus…

— Non, bien sûr que non. C'est juste qu'avant, c'était un peu trop compliqué, du coup fallait faire un choix. Des mecs voulaient nous découper vivants, soit disant pour la science, et ils ont réussi à le faire sur certains d'entre nous.

J'ai un sourire désabusé. Repense au code barre dans mon dos, et me décide de ne pas m'attarder dessus. Je continue à l'adresse de Nico, un peu parce que j'ai pas de réelles raisons de le lui cacher, que c'est un secret pour personne ici. Les choses plus personnelles me dérangent pas non plus, ça peut pas me faire de mal, alors honnêtement…

— Forcément, ça implique des tas de choses. Limitation des sorties en extérieur, et toujours accompagnées d'un Master. Pas beaucoup de Masters à Terrae, donc nécessité pour ceux qui étaient là de s'en tenir à leur rôle de protection. Les dernières années ont été mouvementées, j'aurais pu partir mais j'en ai pas vraiment eu l'occaz. Ça impliquerait aussi de retourner aux US pendant un moment, et j'en ai pas spécialement envie non plus.

Doucement, néanmoins, mon visage s'adoucit alors que je repense aux quelques élèves qui ont demandé à reprendre leurs études à l'étranger, à certains de nos Masters qui allaient à la fac de Tokyo. On est tellement tranquilles maintenant, je crois. Ça fait du bien de souffler, de se dire qu'on a peut-être une chance de vivre comme tout le monde. Les portes ouvertes sur le monde, sans peur de se faire massacrer dès qu'on met le nez dehors.

— C'qui m'en empêche, c'est surtout que j'suis arrivé là y a huit ans, et que tout s'est accéléré subitement… maintenant j'vais sur mes vingt-sept piges, et j'ai pas vraiment la force d'aller sur les bancs de la fac comme certains élèves ou Masters le font. Peut-être que je pourrais, mais c'est pas une bonne idée. J'ai de quoi m'occuper, maintenant, je crois.

Cette dernière phrase s'accompagne d'un froncement de sourcil. Je jette ma clope par terre et l'éteins sous ma semelle.

— Enfin m'occuper c'est un bien grand mot. Disons que les occupations me sont tombées dessus et que c'est bien comme ça aussi.

Le truc c'est qu'avant, je passais des heures à tracer les laboratoires, à essayer de retrouver les élèves avant eux ; maintenant, on a plus de course à la montre quand on va chercher un élève, on fait les choses tranquillement, on monte les dossiers sans se prendre la tête, et tout se passe bien. Trop bien. J'ai peut-être tort de m'inquiéter, mais c'est un peu trop beau comme situation.

— T'as envie d'aller boire un café, ou un truc comme ça ? Plutôt que de discuter dehors dans le froid, j'argumente. Sauf si t'as autre chose à faire, hein.

Nico parle beaucoup, Nico s'éparpille trop. Nico, qu'il le veuille ou non, reste une pile électrique. Mais quand on lui explique, il devient une statue. En fait, s'il pouvait sortir son carnet et écrire tout ce que lui raconte M'sieur Williams, il le ferai. Au lieu de ça, il se concentre, bien décidé à retenir tout ça. D'autres idées s'ajoutèrent dans sa tête, des choses qu'il lui faudra tester... Peut-être avec Huo s'il a le temps. Carburateur à fond, il comprit tout aussi rapidement qu'il abusait un peu. Merde, mais de quoi je parle sans déconner ?! Il fixa un instant Aaron en train de s'adosser à la rambarde. Il était tout de même bien courageux de supporter un élève même après les cours... Surtout si cet élève c'est Nicolas, il faut le dire. :

-Désolé de t'embêter avec ça... Je sais que je suis très curieux...

Bien plus curieux par son côté électrique que sensitif... Mais ça, ça pourrait éventuellement changer s'il y met un peu de bonne volonté. Le prof tend alors sa main, il a un geste de recul parasite mais la regarde tout de même, n'ayant plus aucune crainte dans ses traits. Avec ce qu'ils avaient partagé plus tôt, la seule chose qui gênait Nicolas c'était d'éventuellement avoir un contact auquel il ne s'attendrait pas... Mais c'est tout. L'idée que cet homme porte la main sur lui avait disparu.

Une fois de plus il l'écouta attentivement sans lâcher la main des yeux. Énergie, visualiser, modeler, lumière... Ok. Il lui montra même un petit exemple de ce que ça devait donner... Nicolas regarda alors sa propre main... C'est dur de s'imaginer en train de maîtriser un élément qui ne devrait pas tenir dans le creux de notre main. Voyant que ça ne fonctionnait pas, il porta la cigarette à sa bouche pour avoir ses deux mains de libre, les frotta l'une contre l'autre autant pour repousser le froid que pour se donner un peu de courage et reprit la même position. Faisons autrement... Énergie, lumière, concentrer... Trois petites gerbes naquirent avant de s'éteindre subitement. ...C'était quelque chose.

Mais il ne s'arrêta pas là. Il claqua des doigts, une petite lumière jaillit, le faisant doucement sourire... Puis il claqua ses mains l'une contre l'autre, et en les écartant des filaments d'électricité naquirent avant de s'éteindre brutalement... Il pouvait pas faire grand chose actuellement, mais ça l'amusait déjà beaucoup. Il faudrait qu'il s’entraîne un petit peu chaque jour, pour faire durer la présence des petits éclairs un peu plus longtemps. Pour la première fois depuis son passage à Initié, il songeait que c'était peut-être pas si mal d'avoir des pouvoirs.

Le prof semble bien vouloir répondre à sa question un peu osée, il l'admettait. Ce n'était qu'un môme, on donnait pas droit aux gosses de se plaindre du système et c'est pour une raison... Avant, c'était compliqué. Ainsi ce qu'avait appris Aria par rapport aux scientifiques était vrai... Ils voulaient les charcuter, sans doute pour comprendre comment ils fonctionnaient de l'intérieur, comment se protéger d'eux aussi, Nicolas en était certain... Ce pourquoi Aaron ne s'était pas lancé dans les études... Un rapport avec le code barre ? La brûlure ?... Oh putain. Nicolas avait peur d'avoir encore extrapolé et d'avoir fait un lien bien sombre entre tout ça. Il ferma les paupières et baissa la tête vers le sol, regrettant d'avoir posé la question.

Mais il en retenait d'autres... Aux paroles du prof, ça paraît être un temps révolu, mais était-ce vraiment le cas ? Qu'avaient-ils fait pour enfin être tranquille ?... Et s'ils étaient réellement en paix, combien de temps cela allait durer avant que les Hommes retrouvent leur caractère méfiant, voir haineux, envers tout ce qui leur est différent ?... Nicolas releva la tête en soupirant... Il en connaissait un rayon à ce sujet, et il avait peur, d'après ses expériences passées, que Terrae soit bien plus fragile qu'il n'y paraisse.

Il coupe alors qu'il a finit sa cigarette, le tabac au sol, le mégot dans sa poche. Une habitude. Pas qu'il s'inquiétait pour l'environnement ou la planète, non. Juste qu'au collège, une fois, il avait été puni et avait du ramasser tous les mégots de la cour pour les jeter... C'est pas l'activité la plus hygiénique qui soit. Et puis on peut tomber sur des mégots de toute sorte... des frais comme des ancêtres... Vous ne voulez pas savoir à quoi ressemble les ancêtres. :

-Oui, un café ça me va... Par contre j'te suis. Je connais pas de... bars ou... d'autres trucs ici. A part la forêt ou le parc pour courir...

Il voulait changer de sujet... Quelque chose de moins lourd que les soucis de Terrae ou un passé trop chargé... Les mains dans les poches, il songea à la légère chaleur qu'avait diffusé l'électricité de ses mains. :

-Question bête. Le feu ça brûle, l'eau ça mouille, bon... Mais un Tonnerre peut-il maîtriser de l'électricité diffusée par un autre Tonnerre ou bien celle qu'on trouve "naturellement" ?... ou il se brûle je suppose ?... Enfin, le coup de foudre quoi... ...Et promis c'est ma dernière question à ce propos.

Il lui offre même un sourire, pour l'encourager... et s'excuser proprement de l'embêter avec ça.

C'est sympa d'échanger comme ça. On parle beaucoup, et au final, le temps passe rapidement ; il est curieux et inventif, même s'il pose beaucoup de questions qui n'ont pas forcément grand-chose à voir. Quand je lui montre comment faire, il suit le mouvement des yeux, semble se concentrer pour visualiser l'énergie dans ma main. En attendant, je m'appuie contre la rambarde pour l'observer faire, curieux de voir s'il y parviendra de cette manière. La lumière apparaît, d'abord pâle puis plus intense lorsque filaments s'accrochent à ses deux mains.

Je lui souris, plutôt content de voir qu'il ait essayé au moins. Ca prouve qu'il a envie ; et je pense pas qu'il ait trop de problèmes, à l'avenir. Ca viendra avec le temps, pour son don de sensitif aussi. Faut pas trop se presser au début, je pense, ça sert à rien... Après on se retrouve à faire de la merde et à contrôler son pouvoir comme on contrôle un troll. (C'est à dire pas très bien, si vous voulez mon avis.)

Cette question des pouvoirs est plutôt laissée de côté lorsqu'on enchaîne. Terrae, avant, les scientifiques... J'essaie d'en parler comme si ce n'était rien, et dans un sens, c'est derrière moi, maintenant. Malgré tout, il y a toujours la peur de se faire à nouveau prendre pour cible. Honnêtement, j'ai pu survivre à ça quelques années, mais si ça recommence, je vais pas faire de vieux os. Alors autant que possible, j'essaie d'être honnête, de me dire que c'est une période révolue. C'est important aussi.

Pas de réponse de sa part. Son attitude me confirme qu'il semble faire quelques liens, et je hausse les épaules. Inutile de s'y attarder. J'ai répondu à ses questions, c'est le plus important. Y a rien d'autre à ajouter. Mes inquiétudes ne concernent que moi, et si danger il y a, on est encore là pour se battre. Avec de nouvelles recrues, en plus.

J'acquiesce un peu :

— Si tu veux, on va chez moi, j'ai un appart' en ville et du bon café. Comme ça on sera posés et on aura pas le bruit autour. Ni les gens et leurs problèmes.

Comprendre par là : les gens et leurs sentiments. Un sourire en coin.

— Si tu veux j'te montrerai où sont les bars et cafés, ils sont sympa. Après ça dépend si t'aimes bien faire la fête ou juste te poser, j'argumente.

Enfin, je m'étire en baillant alors qu'on se dirige vers le village. Coup de barre.

Un sourire en coin répond à la mimique désolée et encourageante du gamin.

— C'est bon ça me gêne pas, no stress. Sinon, ouais, il peut maîtriser n'importe quelle énergie électrique. Pour l'énergie que tu trouves dans la nature, c'est à dire des piles ou une prise électrique, ou celle qui circule dans des câbles, tu devrais pouvoir la contrôler dès que t'arriveras à contrôler ta propre énergie. C'est pas compliqué.

Je marque une pause, joue avec mon zippo un moment le temps de réfléchir.

— Sinon, ça dépend. La brûlure n'interviendra que si tu n'as pas assez d'énergie pour contrôler celle que tu empruntes, puisque tu finis par te l'approprier. Comme le feu ne brûle pas son propriétaire ; mais ça ne l'empêche pas de se brûler s'il ne contrôle pas la flamme.

On traverse la cour, et j'observe autour de moi en resserrant ma veste autour de moi.

— Pour ce qui est de l'énergie de quelqu'un d'autre… Ce sera douloureux si c'est quelqu'un de ton niveau ou d'un niveau plus élevé, mais tu peux te l'approprier tant que ton corps allié à tes pouvoirs de contrôlent supportent la décharge. Quand je me suis battu contre Mitsuki, à son passage à Master, elle a tenté de s'approprier certaines de mes attaques électriques. La souffrance a été indéniable, les dégâts physiques aussi, mais l'énergie avait intégré son corps. C'est une question de mental, de puissance et de capacité de stockage on va dire. Si tu donnes une charge trop importante à une ampoule, elle pète. C'est pareil.

Enfin, je désigne le ciel qui s'assombrit avec un sourire en coin.

— De ce côté-là... Une fois Master, on peut faire créer un orage. Et faire tomber la foudre. Ca demande de la concentration et énormément d'énergie mais c'est au final pas plus compliqué que de chercher à faire un canon de Gauss. Ca demande juste un peu d'ingéniosité. Mais faut pas vouloir courir un marathon après !

… J'ai pas répondu à sa question, là, si ?

— Bon, par contre, le coup de foudre, ça fait très mal, je râle. Même quand tu utilises l'énergie accumulée. Du coup vaut mieux directement la faire tomber sur ta cible, c'est mieux pour ta santé. Enfin, quand t'es tonnerre, y a vachement de trucs à pas faire si tu veux garder la forme, quand même...

... Ouais, pas mal, vraiment pas mal. J'vais éviter de lui donner des idées...

L'appart' du prof...

...

...Ben pourquoi pas ? C'était pas bête en plus ; un bar c'est blindé de peuple. Des gens qui ressentent la joie d'être entourés d'amis, qui apprécient la chaleur d'un chocolat, qui trépignent d'impatience en attendant leurs boissons. Un appartement, tous les deux seuls, tranquillité d'esprit... J'approuve. Il rend le sourire au grand Sieur Williams... Bien sûr qu'il savait que Nico était pas prêt pour le bain de foule, et du coup la raison de l'invitation était claire. Promis, un jour, il sera sortable. Mais avant, il fallait qu'il prenne l'habitude, une personne à la fois.

Quand à la suite, ouh la la... Ouh la laaa... Une rapide grimace se peint sur son visage. Sortir. Faire la fête ou se poser ; bref se détendre. Dehors. C'est pas une chose impossible puisqu'il peut le faire, mais en pleine nuit, sans aucun bruit pour perturber le silence. :

-Je... euuuh... pfff... Dépit. Je sors pas.

Voilà. Paf. Point à la ligne. Mon p'tit Ronron, si je vais à ton appart' après les cours, c'est qu'il y a moyen que j'ai pas de vie sociale. Pourquoi essayer de développer plus quand il n'y a pas grand chose à dire de base ? Surtout qu'Aaron raconte pas de la merde ensuite...

Canon de Gauss, électricité, énergies,... C'était le bordel en fait. Enfin le bordel, ça devait paraître clair pour ceux qui savaient de quoi il s'agissait. Nico allait devoir lire pleins de livres et bourriner son crâne de nouvelles choses et d'autres informations... Peut-être même que ça l'aiderait à oublier des choses, à avancer plus facilement. Et qu'un coup de foudre fasse mal, maintenant qu'il l'entendait de la bouche du prof, il trouvait la question débile et plutôt évidente... Comme quoi il pouvait poser des questions techniques et se montrer complètement stupide.

S'il allait faire des tests ?... Bien sûr ! Plus on est jeune, plus on est stupide, et il ne dérogeait pas à la règle. Mais tout seul, dans son coin,... à son tout pitit niveau. Il avait pleins d'idées stupides à expérimenter, pas besoin d'aller les chercher loin, ni d'avoir d'aide. Comme chaque fois qu'il avait du débrider un scooter : les premières fois au pif -au risque de perdre le sien, de pif-, et puis à force de défaire et refaire des pots d'échappements, on finit par deviner comment c'est foutu à l'intérieur et pis voilà... Comment faire croire à tout un village qu'on est un super garagiste et gagner quelques euros durant l'été.

Il est plongé dans ses pensées. D'abord parce qu'il a du mal à trouver un sujet de conversation, ensuite parce qu'il est parti très loin dans ses délires avec les pouvoirs, en enchaînant les schémas, les calculs et surtout, surtout les théories les plus folles dans sa petite tête. Si bien qu'il ne sait plus trop où il met les pieds ; s'il se concentrait, il pourrait peut-être se repérer, mais après les émotions fortes après le cours, la tension retombait… Il se sentait calme, un peu comme en paix. Plongé en lui et en ses nouvelles possibilités qui s'offraient à lui…

Du coup ils étaient arrivés trop vite, pour lui, juste devant une porte que lui tenait le prof. Il resta deux secondes immobile, fixant la porte, puis le prof, et de nouveau la porte. Ça fait quoi ? Ça fait quoi d'être invité quelque part sans être terrifié par ce qu'il peut se cacher derrière l'entrée ? Ça fait quoi d'être invité à prendre un café ? Un café ! Boisson chaude à base d'eau filtrée à travers des grains de caféine lyophilisés bordel de merde… Il en ferait un pamphlet, pour la gloire, pour du putain de café. Et un prof de maths lui en offrait un…

…

Il eut un grand sourire avant de passer le pas de la porte sans une once d'inquiétude.

Visiblement, il a l'air partant pour un petit café ; par contre, il a pas l'air ultra motivé par le reste. Pas de picole dans un bar ? Bon, ok, il a l'air plutôt jeune, maiiiiis... À son âge, tous les gosses font de la merde ! Même moi je picolais à cet âge-là ! Enfin. J'admets que je suis pas vraiment une référence dans le domaine. Trop de déception. Mon visage se tord en une moue boudeuse, et je hausse les épaules. C’est pas parce qu’il sort pas encore qu’il peut pas le faire par la suite, hein ! Moi j’veux bien l’accompagner ! Bon, ok, j’avoue, c’est chelou, mais c’est clairement pas la première fois que j’me mêle aux élèves pour faire la fiesta. C’est des restes du temps où j’étais tout jeune Master encore. En même temps, devenir « prof » à vingt ou vingt-et-un ans, ça craint un peu, tout le monde nous vouvoie, c’est berk. Alors c’est mieux quand on se mêle aux élèves, hein. Sinon, autant rester seul toute sa vie !

Bon, par la suite, j’admets que je parle pas mal, et ça occupe une partie du trajet jusqu’à l’institut. Déjà que c’est un peu long d’y marcher, alors si en plus on est plongés dans le plus parfait des silences, ça risque de ne pas trop le faire. Puis mine de rien, y a plein de choses à dire à ce niveau-là ; on peut faire tellement de trucs avec l’électricité et le magnétisme. Alors en mêlant les deux, ahah. J’vous raconte même pas le moment classe… Et il n’y a pas que ça. Le moment de découvrir sa Greffe, aussi, c’est… enfin, c’est grisant. C’est découvrir une partie de soi. Une partie de soi qu’on redécouvre, plutôt… Le Rêve, aussi. Tous ces souvenirs, ces images, ces sensations réalistes… Revivre ce qu’on a déjà vécu. Hm. Il vaut mieux ne pas y penser, je crois. Ni penser aux dégâts qu’ils peuvent faire. Et après on se demande pourquoi on dit qu’il vaut mieux apprendre à les contrôler… C’est même pas pour les faire chier, c’est juste qu’imaginez si personne ne contrôlait son don ? Ce serait une hécatombe. Et peut-être que les scientifiques n’auraient pas tort de… Bref. Bref… Pourquoi on parle de trucs comme ça tout le temps, au juste ?

Enfin voilà, changeons de sujet. Tous les deux, on se perd un peu trop dans nos pensées, je crois, et je me sens obligé de rallumer une clope sur le chemin, pour m’occuper un peu les mains. Le geste machinal, le claquement du briquet. On ne tarde pas à arriver à mon appart’ et je grimpe les marches tranquillement, en cherchant mes clés dans mes poches. Enfin, j’ouvre la porte et le gosse a l’air totalement euphorique. Ça fait du bien de voir et sentir sa bonne humeur, comme ça.

— Tu peux mettre tes chaussures dans l’entrée si tu veux, sinon tu peux les garder. Tu fais comme tu le sens, je lui dis en enlevant mes pompes pour les ranger dans l’entrée. Moi ça me gêne pas.

J’accroche aussi ma veste et m’étire en baillant jusqu’au salon.

— Café du coup ? Tu le préfères fort ou léger ? l’interrogé-je en me baissant pour grattouiller la tête de mon chat-robot, qui s’approche de moi en miaulant de sa voix synthétisée. Oh, coucou toi, comment tu vas ? Blobby est toujours vivant, ça va, tu le martyrises pas trop ?

Un regard vers l’aquarium m’annonce qu’en effet, tout a l’air ok du côté de mon poisson-chéri. Tiens faudrait que je songe à lui redonner à manger aussi… J’attrape la boîte de nourriture pour poisson et en saupoudre dans l’aquarium. Coucou mon chériiiii. Moi aussi je t’aime ! Mais oui ! Gouzi gouzi gouzi.

Enfin, je me dirige vers la cuisine pour allumer ma machine à café et sors des tasses en attendant qu’il me réponde. Je m’attrape une part de tarte que j’ai fait la veille, la met sur une assiette et la lui montre en m’appuyant contre l’encadrement de la porte entre le salon et la cuisine.

— Faim ? Moi j’ai la dalle.

Une fois dans l'entrée, le prof lui dit qu'il a le choix... Mais par politesse, alors qu'il le voit retirer ses propres pompes, Nicolas enlève ses rangers. Défaire et refaire ses lacets à longueur de journée, une autre de ses spécialités. Il suit les mouvements de son aînée, retirant son cuir pour l'accrocher, restant près de la porte et posant ses yeux partout... Yeux qui se posent sur l'étrange mécanique qu'Aaron grattouille avant qu'il ne puisse répondre à sa question. C'est... un chat ? Un chat-robot. Drôlement réel. Et qui miaule en plus. Décidément, les téléphones, les photos, les chats... Putain mais y'a quoi de pas électroniques dans ce siècle ?! Mais curieux, et pas effrayé pour un sou, il s'accroupit devant... l'animal ?... et présente sa main ouverte, comme il l'aurait fait pour un être de chair. Le robot hésite, cligne des yeux et se frotte à Nicolas... Le gosse glousse avant d'enfin pouvoir aligner deux mots. :

-Euh... Café fort oui. Sans lait et sans sucre.

S'il avait mis un temps fou à apprécier le goût de cette boisson quand il était petit -vu qu'il n'avait pas assez de sous pour se permettre de mettre de quoi l'adoucir dedans-, maintenant, il ne pouvait plus le boire que de cette manière. Il caresse une dernière fois le chat de la technologie de la mort qui tue avant de pénétrer le salon... pour voir le prof gagater devant un aquarium. Ahah, c'est l'arche de Noé ici ! Et puis Nicolas plisse les paupières.

Hé mais... c'pas un poisson ? C'est quoi ?! Une méduse ? Un bonnet de bain rose ?... Un méga chewing-gum ??!!! Nicolas marche au ralenti, et s'accroupit avec la lenteur d'un cerf aux aguets. Si ce "Blobby" était toujours vivant, il n'avait aucune idée de comment Aaron l'avait constaté. Nico n'était même pas certain de faire correctement face à l'animal. Il se ratatine tellement pour pouvoir mieux l'observer que son menton rencontre la table... Même l'appel de la nourriture ne l'en sort pas -incroyable n'est-ce pas ?!- ! Nicolas est simplement là, le regard rivé sur ce Blobby qui réveille en lui sa fascination pour le monde animal... :

-Mais... mais... IL EST TROP COOL ! C'est Blobby c'est ça ?! Oh coucou Blobby !!! s'exclame-t-il tout joyeux en secouant sa main pour le saluer. C'est quoi ? Un poisson ? Un mammifère marin ?! On le trouve à l'état sauvage ? Est-ce qu'il fait des bulles ?! OUI J'AI FAIM ! Putain ! Il ne s'ennuie pas tout seul ? OH ! C'est pour ça le chat-robot ! C'est trop GÉNIAL !!!

Il se releva et fit le tour de la table où trônait le blobfish. C'est juste... incroyable ! Il y a tellement d'animaux sur cette planète. Il sautilla ensuite vers la cuisine où se trouvait le prof et le café. :

-Mais où vous avez pu trouver un animal pareil ?!

Les yeux scintillants, il fixait Aaron en attendant sagement ses réponses... Décidément, il avait pas fini de l'embêter avec sa curiosité.

Fort, ok ok, ça marche. Je me suis chargé de le mettre en route avant de lui proposer à bouffer, et pendant que la machine laisse couler le café dans le mug que je lui ai sorti, j'm'occupe de préparer le mien. Juste mettre un mini fond d'extrait de noisette dans le fond, ça donne un petit goût sympathique ; j'me demande si je vais lui en proposer aussi. Il a l'air de pas aimer les cafés aromatisés et tout ça, mais ça coûte rien de d'mander. Alors que j'le rejoins dans le salon, il commence à péter son câble devant Blobby et j'ouvre la bouche, stupéfait. Mais... MAIS.... QUELQU'UN D'AUTRE AIMERAIT DONC BLOBBY SUR CETTE TERRE ??

Je m'approche en sautillant, tout heureux et fais coucou à mon chéri à travers son bocal géant.

— Ouaiiis grave qu'il fait des bulles ! Mais euh, là il doit être fatigué. Ça arrive de temps en temps. Parfois. Quand il s'étouffe avec sa bouffe, aussi. Il avale souvent de travers, le pauvre. Héhé. Il est beau mon Blob, hein ?! Piu dit que c'est le sien, mais je suis pas d'accord, il est dans mon appart', donc c'est mon poisson ! Parce que oui, c'est bien un poisson. Même si on dirait pas.

Ce faisant, j'attrape Termicator et le lui fous sous le nez :

— Lui c'est Termicator, il a pas de sexe, c'est un chat-robot, ouais. Il est là pour lui tenir compagnie quand je suis pas là. Et euh. Pour me tenir compagnie quand Sophie est pas là non plus, mais c'est un détail. C'est un cadeau d'une de mes amies pour Noël ! Il marche avec un cristal d'électricité. Du coup, il comprend touuut c'qu'on lui dit ! Il est génial ! Mais dis jamais ça à Mitsu, après elle va croire que je commence à aimer les chats, et je déteste vraiment les chats.

Seems logic.

Enfin, je m'arrête net et l'observe, rigole un peu nerveusement.

— Où ? euuuh. euuuuuh. Comment dire ? On a fait un bad trip, on s'est réveillés, et pouf il était dans la baignoire ! Bon, j'suppose qu'il doit venir du zoo qu'on a visité pendant la nuit à ce moment-là mais-... Mais tu as vraiment pas besoin de savoir ça, j't'assure.

... Bref. Je lui tends sa part de tarte en toussotant pour reprendre contenance.

— Tiens, c'est une tarte aux pêches. Dis-moi si t'aimes. J'vais te chercher une cuillère. Un peu d'extrait de noisette dans ton café ?

Puis je retourne dans la cuisine pour me faire couler le mien, ramener une assiette pour moi, deux cuillères, sa tasse dans l'autre main, et la bouteille d'extrait de noisette sous le bras. J'aime la noisette ok... Ca fait pas de moi un écureuil pour autant !

— Et v'la ! T'sais, ça m'étonne un peu, habituellement les gens ont peur de Blobby, ou ils le trouvent moche. Bon, il est moche, mais il est beau à l'intérieur, ça compte aussi ça !

Qu'on vienne pas dire que j'suis un mec superficiel après ça, tssk.

C'est donc bel et bien un poisson... Wouah... Un poisson qui avale de travers et qui fait des bulles. Et Termicator qui apparaît d'un coup dans son champs de vision, porté par le prof. Termicator... La blague est trop bonne pour ne pas lâcher un gloussement. Il gratouille le semblant d'animal avant qu'Aaron ne le relâche... D'ailleurs, il sort des tas de noms si rapidement qu'il n'en retient pas la moitié. Il retient juste qu'en vérité, il n'aime pas les chats. D'où le chat robot... Ça devait avoir du sens quelque part. Et faire marcher un robot avec un cristal d'électricité... Mentalement, il choppa toutes les idées qui venaient de naître avant de les tasser dans un tiroir pour plus tard. On avait dit fini les questions sur les pouvoirs !... et puis Blobby est plus intéressant. Et de loin !

Retrouver un gros machin tout mou dans sa baignoire sans pouvoir l'expliquer. Bon. C'était... bizarre ? Enfin si, il l'expliquait, mais avec un terme que Nicolas ne connaissait pas. :

-C'est quoi un "bad trip" ?

Il savait très bien ce que c'était au fond, il en avait vu plein. Jamais expérimenté par contre... et le terme qui lui était inconnu. Il n'était pas si... innocent.

Il mordit sa lèvre à l'arrivée de la tarte... Du manger. Il était très simple de faire plaisir à Nicolas ; de la nourriture ou de la musique. Les deux en même temps ?... Faudra essayer un jour. A peine il a l'assiette dans les mains qu'il s'empare du morceau pour croquer dedans... quand le prof lui annonce qu'il va chercher une cuiller... Merde. ANNULEZ LA MISSION ! Il rouvre la bouche et repose délicatement la part de tarte à sa place... Et les économies d'eau ?! Pour une cuiller certes, mais c'est qu'une tarte. C'est meilleur avec les doigts ! :

-Euh... Non merci...

Il n'avait aucune idée du goût que pouvait avoir un café noisette, mais il avait pas envie d'essayer... Il attendit sagement que son prof revienne, s'empara de la cuiller et dégusta sa tarte... Trop bon. Quand Nicolas avait piqué beaucoup trop de fruits dans les jardins, et qu'il ne pouvait pas les manger plus vite sans risquer qu'ils ne pourrissent, il faisait des tartes qu'il mettait au congélateur pour en avoir même en hiver. Elles n'étaient pas aussi bonnes que celles des pâtisseries, tellement brillantes qu'elle paraissent laquées, ou que celles qui sortaient tout juste du four. Mais c'était un de ses rares plaisirs... Et cette tarte au pêche lui rappela ce bon souvenir. :

-C'est super bon m'sieur.

Que les gens trouvent Blobby moche ne l'étonna pas... Les gens. Ils ne voient que ce qui est devant... ...Pas qu'il fallait avoir des yeux derrière la tête pour trouver Blobby beau. Mais ils étaient tout simplement incapable de reconnaître derrière une grosse masse rose faisant des bulles de manière occasionnelle, la beauté de ce monde. La Terre leur avait offert un spécimen étrange certes, mais avec des habitudes et un façon de vivre particulière. Une vie, un cœur qui bat. Comme eux, comme ces abrutis de gens... Peut-être qu'eux aussi avaient une forme de beauté derrière leur vision étroite ?... Nicolas étouffa sa colère. :

-Moi je l'aime bien comme il est Blobby.

Entre espèces menacées, on se comprend.

Ahahah. Ce qu'est un bad trip ? Je sais pas si c'est une très bonne idée de lui dire, tiens. Il a pas l'air d'être pur et innocent comme mec, mais dans le doute, j'préfère prévenir. Roh et puis au pire, je peux ignorer la question, faire comme si elle avait jamais existé hein ? Voilà, ce serait plus simple, personne m'en voudrait, ça irait très bien comme ça. Puis, ça m'évitera de me cramer comme étant un gros dépravé. Pas que ce ne soit pas le cas, mais je tiens à dire que je me suis vachement calmé depuis la mort de Destan. J'imagine que finir inconscient sur le sol, avec Ipiu qui nettoie ma pisse et ma gerbe puis qui me lave tranquillement dans la baignoire a été suffisamment traumatisant pour que je ne retente plus l'expérience de "finir saoul" avant un moment. Putain, j'ai vraiment déconné cette année. Entre le bad trip, ça... Enfin bon. N'en parlons pluuus.

— Euh. Disons qu'on a mélangé des substances illicites avec du thé, et qu'on s'est retrouvés à nager avec les poissons dans un zoo... J'ai même un selfie avec une autruche !

... Oui, j'en suis fier, elle était super sympa cette autruche en plus. Enfin je suppose, vu le nombre de photos que j'ai retrouvées sur mon téléphone par la suite. J'ai du en prendre au moins une trentaine, je sais pas comment c'est possible de faire autant de têtes différentes avec... un seul modèle. Bon, c'est moche une autruche, mais pareil, c'est tout dans le cœur !

Bon, allez, tout en discutant, je dépose tout mon fatras au salon et m'installe sur mon canap' tranquillement ; je me mets en tailleur, prends mon assiette et ma cuillère et mange goulument, comme si j'avais rien avalé depuis perpette. Quand j'me rends compte que j'ai oublié mon café, je m'excuse auprès de Nicolas et m'en vais le chercher. Ahhh, ma tasse, que dis-je, mon BOL de café ! Ça fait du bien après avoir taffé. Même si j'admets que j'ai pas spécialement des horaires abominables...

— Oh merci, content que ça te plaise. J'avais encore des pêches alors plutôt que de les jeter j'ai préféré faire une tarte.

Puis j'continue à babiller, en lui disant à quel point je suis content qu'il aime Blobby ! Parce que le pauvre, c'est une bestiole mal-aimée. Le pire c'est que c'est pas de sa faute. J'souris en coin doucement, amusé.

— J'crois que c'est une bonne mascotte... On se sent tous un peu comme ça, à un moment donné... Un peu moches, comme des monstres, des trucs un peu à côté de la plaque. Mais on est tous capables de survivre avec fierté. C'est ça l'plus important.

J'fais un coucou content (type gueule de smiley qui sourit) à Blobby et tapote le siège pour que Termicator nous rejoigne sur le canap. Quand il se pose sur le canap, je le grattouille derrière l'oreille.

— Sans ces bestioles j'imagine que je me serais senti un peu seul cette année, je souris. Depuis qu'elles sont là ça va un peu mieux.

Puis maintenant, j'ai Gae, aussi.

— Enfin bon, on s'en fiche. Me laisse pas parler autant, sérieux ! je râle. J'ai vraiment l'impression de monopoliser la conversation, c'est dérangeant.

A l'explication que M'sieur Williams donne du "bad trip" et de son expérience à ce sujet, peut-être que Nicolas aurait du prendre une moue outrée. Peut-être ouais... songe-t-il en sirotant son café, sans lâcher le prof des yeux. Mais il en avait bien vu déjà, et il en avait ramassé aussi des gens comme ça... C'était parfois drôle, très souvent triste. C'est grâce à cela qu'il s'était dit, déjà tout petit, qu'il ne toucherait pas à la drogue. Mais il savait que parfois il valait mieux en rire, tant qu'il n'y avait pas mort d'homme et pas d’addiction. Du moins il le supposait, au vu de la gêne d'Aaron. Il n'a pas connu de camé qui n'assumait pas de l'être en tout cas... Alors il souriait aux aventures de son sacré prof de maths. On passe tous par certaines épreuves de la vie de différentes manières. Et Aaron avait décidé de faire du "space tea" et d'aller faire un selfie avec une autruche... Pourquoi pas hein ? :

-Là où j'ai grandi, on appelle ça la Zone B.

"B" pour "bad"... En fait, maintenant qu'il le disait, il aurait pu le deviner. Ahah, sacripant.

Aaron se met en tailleur sur le canapé... C'est ce mouvement qui lui fait se rendre compte qu'il est assis dedans... Bon rien d'exceptionnel pour vous hein, mais pour lui, c'était sa première fois. Comme sa mère occupait souvent le clic-clac, puis plus tard, le lit face à la télé, il faisait ses devoirs sur la chaise de la cuisine ou par terre, non loin de sa mère et du carton retourné qui leur servait de table basse de fortune. Même enfant il ne s'asseyait pas dedans. Il tapota un coussin qui se trouvait là comme pour attester de l'authenticité de ce qu'il était en train de vivre... Et puis il inspecte de nouveau le reste de l'appartement, cette fois non pas pour vérifier qu'il y avait un assassin ou un ninja caché quelque part, mais pour constater ce que c'est. Pour de vrai. Une maison où l'on se sent bien quoi. Chaleureux. :

-C'est bien les tartes quand on a pas des kilos de fruits en trop. approuve-t-il tout en continuant de fouiller les lieux. Sinon, il y a les confitures aussi. Si on les conserve dans les bons pots, on peut les garder pendant plusieurs années.

Ou les revendre à ceux dont on a volé les fruits... Mais chut, ça, c'est mon secret. Il avait apprécié l'ironie de la situation en constatant que Madame Gigandet adoooorait les compotes de pommes qu'elle lui achetait... Alors qu'elle avait un véritable verger dans son jardin. Hé. Il n'y a pas de petites économies. Et si on peut en faire tout en se vengeant un petit peu...

L'émotion que dégage Aaron alors qu'il parle de ses animaux est apaisante. Il le ressent complet, heureux. Ça le faisait sourire. Il avait du en voir des choses lui aussi, vivre des moments qu'il aurait préféré oublier à jamais, et pourtant il était là. Il était vivant. Il était heureux. Le bonheur s'était penché sur lui en se disant qu'il était peut-être temps qu'il y goûte un peu... C'est sans doute pour cette raison que Nicolas a arrêté de faire attention à l'endroit où il se trouvait, faire attention à ce qu'il devait cacher,... et de parler. :

-Ah pardon ! J'étais content pour vous... toi !

Il gratouille sa cicatrice tout en fixant Termicator. Il a un soupir qui s'échappe de lui. :

-Je crois que je voulais un chien.

Il se surprend lui-même quand il le dit à haute voix. Un chien, ça fait parti de ces choses qu'il aurait aimé avoir mais qu'il cachait, même à lui, afin de ne pas devenir envieux ou de souffrir de l'incapacité à avoir des passions. Comme la musique, dont il ne pouvait pas se passer une journée, le bricolage qui tenait ses mains occupées à autre chose qu'à se battre et la course, qui lui évitait les insomnies. Alors oui, il croit qu'il voulait un chien. Car il n'était pas vraiment certain. :

-Je crois oui. En tout cas, j'aime beaucoup les animaux. Tous les animaux. Dans les fermes environnantes, j'allais traire les vaches et tondre les moutons. L'été dernier, j'ai aidé à nettoyer les box d'un club d'équitation le soir, après avoir travaillé la journée dans les champs.

Il avale difficilement sa salive. J'ai tué trois rottweilers lors d'un combat dans les bois quand j'avais douze ans aussi... S'il pouvait empêcher de tels souvenirs de refaire surface, il signerait de suite. Il prend une inspiration, boit une gorgée salvatrice de café. Il jette un coup d’œil à la cicatrice d'une morsure de chien à sa main gauche et fait abstraction en un battement de paupière et mord une dernière fois dans sa part de tarte. :

-Hm ! J'y pense ! Tu peux faire des glaces aussi quand t'as pleins de fruits !

Tonnerre, ou l'art de changer de sujet de conversation comme de chemise.

Ah, il sait ce que c'est. La "zone B" c'est ça ? Ouais, ouais, je vois... C'est pas très cool, s'ils en sont venus à nommer ça comme ça. En vrai, c'est pas très drôle. C'était même pas vraiment de la drogue, au final, mais ça a fait bobo au cerveau. Le truc c'est que j'avais déjà la tête comme une passoire à l'époque, alors franchement, après ça c'était encore pire. Au moins, je me serais bien amusé. C'est plus cool que de s'échapper de l'hôpital après avoir été plongé dans un simili coma pour finir par s'assommer contre un putain de poteau sauvage.

Ouais, un poteau c'est sauvage. En plus, j'ai jamais osé l'dire à Lud, mais il s'est foutu de ma gueule quand je me suis explosé dessus, ce bâtard.

Là, Nicolas regarde un peu autour de lui, genre "omg je suis dans une baraque trop de ouf" (oui je sais, mon appartement est génialement génial, mais c'est l'aquarium de Blobby qui le rend si magnifique et original et de toute manière... De toute manière, au moins, on sait qu'on s'est pas trompé de pièce hein). Et moi je parle, et je parle, et je paaaaaarle. Blblblbl. J'imite Blobby. En même temps, j'parle de mes bestioles, comment vous voulez que je sois pas content...

Un sourire en coin. J'appelle Termicator sur mes genoux et celui-ci vient en miaulant et réclamant des câlins. J'ai encore un léger frisson en entendant le son qu'il produit, mais au fond je m'y habitue. Mine de rien.

Un chien. J'lève les yeux vers lui et hausse un sourcil. Y a comme un malaise quand il dit ça, en battant des cils lentement et en fixant le robot comme s'il n'était pas là. Je ne fais pas la moue, mais seulement parce que je me retiens. Il ne tarde pas à changer de sujet et j'étire un large sourire. Je sais pas trop pourquoi il réagit comme ça, mais je crois pas que ce soit très utile de le lui demander. Ca servirait à rien.

— Oh mais oui, grave ! Des crèmes glacées et tout. Je sais plus comment on fait, par contre, faudra que je cherche sur le net...

Je réfléchis un peu. Hmmmm.

— Il doit me rester des fruits encore, genre des oranges, un peu de citron, quelques pêches qui ont survécu à la tarte...

Un sourire amusé, cette fois. Oh, je sais, je sais ! Je me lève et vais chercher mon laptop, que j'allume pour aller sur le net et taper rapidement sur le clavier.

— T'as envie d'en faire ? J'sais que c'est pas trop la saison, mais ça me plaît bien là !

Ouais j'ai des idées de merde. Mais c'est de sa faute, c'est lui qui en parlait en même temps. Comment il voulait que je réagisse ! Genre "Oh, chouette." et laisser un blanc interminable s'imposer ?! HINHIN. Que nenni. Ce serait mal me connaître.

Je me jette presque sur mes jambes pour me remettre debout et commence à m'agiter un peu. En vrai ça me plaît trop !!! J'espère juste que le mixeur ne nous tuera pas, cette fois.

— ... Euh t'es pas obligé de dire oui, hein. J'ai des lubies parfois. Genre. Bref.

Youpi.

Aaron attrape au vol sa diversion. Super ! Cool !... Parlons glace. Nicolas sourit... Lui, il n'a pas besoin de l'internet pour se souvenir, tout est gravé dans sa tête. Il mâchouille son dernier morceau de tarte en le voyant énumérer les fruits qu'il a chez lui. Orange et citron. C'est cool les agrumes. C'est tout acide et sucré à la fois, il aime ça. Même si son chouchou parmi les fruits, ça restera la fraise à tout jamais. Il voit Aaron partir, revenir avec un ordinateur riquiqui par rapport à tous ceux qu'il a pu voir jusque là et taper frénétiquement sur les touches... alors qu'il propose de faire de la glace. Nicolas s'étouffe et récupère son souffle après avoir bu une gorgée de café pour libérer sa gorge. Pas la saison ?! Pas la saison qu'il dit. Il rit. Punaise, il est tombé sur un sacré prof de maths quand même.

Pourtant, il n'a rien contre. Il toussote, songe que ça fait longtemps qu'il n'a pas cuisiné... Et puis il adore ça, au final, faire quelque chose de ses mains pour le goûter, comprendre qu'on a réussi ou bien faire plaisir aux autres. Il regarde Aaron, puis l'ordinateur... Il se lève doucement en lâchant un soupir amusé. :

-T'inquiètes, ça me plaît. Mais on va le faire, précise-t-il en tapotant doucement l'ordinateur, à ma manière... Donc pas besoin de l'internet. Aller ! Fais-moi voir tes fruits !

A ne pas sortir de son contexte, bande de cochons. Il va dans la cuisine où il y passe un petit temps juste pour admirer... Punaise, il est équipé. Nicolas avait eu l'habitude de réduire en purée ses fruits au marteau et au pilon. A l'ancienne ouais. Et j'vous garantis que ça a pas mal contribué à lui muscler les bras au bout de trois kilos de pommes pour faire de la compote. Il examine les fruits devant lui, comme un pro, soupèse les oranges et les citrons, palpe leurs peaux et les sent pour vérifier leur maturation. On sent le gosse qui est habitué à faire ses courses. :

-On va prendre les oranges... Il n'y a pas assez de pêches pour en faire assez.

Il écarte les citrons... parce que... Euh... C'est meilleur l'été la glace au citron. Aussi parce qu'il sentait que les oranges étaient un peu plus mûres, donc elle seront parfaites pour du sorbet. Nicolas remonte ses manches, tape dans ses mains l'air conquérant et s'appuie sur le plan de travail. :

-Alors... Dans l'ordre : as-tu du sucre glace ? Des œufs ? Veux-tu des morceaux d'agrumes confits avec ? Ton mixeur est plongeant ou pas ? Est-ce que tu veux une jolie présentation ?

Tout ça avec le sourire. Il pouvait bien dire non, Nicolas était le roi de la débrouille et sa recette n'était pas immuable... Par contre, il était toujours certain du résultat.

Glace. Glaaaaaaace. Bordel j'ai faim. Je salive. Bon, le gosse s'étouffe à moitié, je crois que je viens de le traumatiser. Bon, ok, je sais que c'est une fin d'aprem super bizarre, mais si on pouvait juste se dire que je suis pas son prof, c'est cool non ? Nan mais parce que, je suis le prof de tout le monde, là, techniquement, sauf les quelques adultes qu'il y a et les Masters. Ok, ça fait du monde, mais j'vais pas m'empêcher de causer aux gens simplement parce qu'ils ont dix ans de moins que moi.

... Je suis putain de vieux...

En fait, j'ai rien dit ; passé le moment de surprise, il a l'air assez emballé, d'un coup. 'fin, j'dis pas qu'il saute sur ses jambes d'un seul coup, mais bon... Vous avez compris le message. Malgré moi, j'étire un sourire en coin. Pas besoin de "l'internet" ? Ahah... Trop marrant.

— Hmm, ok ça marche, j'te fais confiance pour ça ! j'ajoute en sautant sur mes jambes, tout en me dirigeant jusqu'à la cuisine.

Ce faisant, je prends ma corbeille de fruits pour la lui montrer et laisse seulement les oranges sur le plan de travail. Un sourire en coin et un sourcil levé.

— Euh... Trop de questions d'un coup, là. Le sucre glace j'ai, les oeufs aussi, même si j'ai un peu mal à capter pourquoi on met des oeufs dedans... Ca se fait, sérieux ? Je savais pas !

Puis je m'étire, plonge la tête dans le frigo pour en sortir les oeufs, et dans un placard pour le sucre.

— Les fruits confits c'est pas trop mon truc, j'suis plus dégustation de glace devant le canap' après une rupture, je souris en coin.

Je blague, je blague. T'façon c'est pas comme si ça allait mal entre Gae et moi !... ... Pas vrai ?! Omg mais non, que j'commence pas avec ça !

— Et, euh... C'était quoi les autres ? Le mixeur ? Ben, j'ai ça, je fais en désignant une des machines. Sinon j'ai effectivement un mixeur plongeant, si ça t'arrange mieux que la centrifugeuse. Et franchement, la présentation, je m'en fiche, ça va nos estomacs ou au congélo de toute manière…

Hop, on rassemble tout, le mixeur, un saladier éventuellement, un couteau, histoire de faire l'entaille pour ensuite peler les oranges. J'ai les ongles trop courts pour réussir à les ouvrir comme ça… Je remonte mes manches.

— Allez, au boulot, montre-moi comment tu fais ça !

Il rit doucement quand Aaron lui dit qu'il pose trop de questions à la fois. Ah ça, ce devait être un truc de Tonnerre parce que lui aussi, il pouvait en poser plein d'un coup ! Peut-être qu'ils ne s'en rendaient pas compte... Le charme Tonnerre que voulez-vous ?... :

-Les œufs aident à ce que la matière soit plus légère. C'est aussi pour ça que j'utilise du sucre glace. Ca reste sucré, mais comme c'est moins lourd, on peut en manger plein sans en être bourré !

Des astuces comme ça, il en avait plein. Ça aide de cuisiner depuis ses sept ans. Il a eut laaaargement le temps d'expérimenter des choses niveau cuisine... Par contre, il a besoin de temps pour s'habituer aux autres choses de la vie... Comme les expressions par exemple ; là, Aaron dit qu'il est du genre à regarder la télé tout en mangeant de la glace après une rupture. Nico a un léger temps de réflexion, se disant qu'il a déjà vu ça quelque part et claque des doigts quand enfin il se souvient. :

-Ah ouais comme dans les films romantiques !... Je savais pas que ça se faisait vraiment.

Il se moque pas hein. Il n'en savait réellement, fichtrement et indubitablement RIEN. En même temps, vous voyez Nico en couple ? Non hein. Bah voilà la question est réglée.

Il hausse les sourcils ne pouvant se retenir de lâcher un "wouaaaah" devant la machine que son prof lui présente... C'est une centrifugeuse... Une vraie ! Qui tourne et tout ! Il n'avait jamais vu un instrument de ce genre, il n'avait que le mixeur plongeant pour faire des soupes... et des sorbets aussi du coup. Et pour battre les œufs, il n'avait que la force de ses bras et beaucoup de courage. :

-Je sais pas m'en servir... avoue-t-il. Mais tu me diras du coup !

Il remonte lui aussi ses manches et s'empare d'un couteau pour couper en deux des oranges. :

-Bon ! D'abord, il faut récupérer le jus d'une douzaine d'oranges, retirer pépins et pulpes et mélanger avec... hm... 100 ou 150 grammes de sucre. Je fais de visu généralement.

Son geste est précis quand il découpe les oranges... Ses couteaux n'étaient pas aussi bien affûtés, surtout parce qu'ils étaient vieux, pourtant il a des mouvements de connaisseurs. Doigts pliés pour ne pas se couper, la façon dont il plonge le couteau dans la chair du fruit, c'est presque calculé. :

-T'aimes cuisiner aussi ?... T'as tellement d'instruments, je pourrais pas en nommer la moitié ! C'est un peu... la cuisine parfaite que tu as pour travailler là !

Sans rire. Ce serait dommage autant d'outils et de plans de travail pour finalement faire des pâtes tous les jours.

HRP : Spécial dédicace à ma colocataire, ma cuisinière d'amour, qui m'a sauvé la vie en me donnant sa recette (oui parce que le talent de Nicolas pour la cuisine ne vient pas de moi)(il doit tenir ça de sa mère *tousse*).

Putain, on est vraiment en train de parler de glace, j'hallucine… Enfin, en même temps, vu le sourire de dix kilomètres que je me tape, je crois que c'est une bonne chose au final. J'apprends des trucs aussi, faut pas croire. Du coup, j'attrape un petit carnet de recettes déjà partiellement rempli pour noter "Glace façon Nico". En bas de la page, je note : "/!\ Oeuf & sucre glace => matière + légère." Puis je rigole quand Nico tilte sur les films romantiques.

— Nan je blaguais, en fait. Mais j'avoue que dans les moments de déprime c'est bien d'avoir un truc pour se goinfrer. Genre, je sais pas, n'importe quoi... Je suis pas très chocolat, du coup j'me rabats sur de la glace. Ou alors je refais la déco de mon appart. Ouuu alors j'adopte un animal… enfin, c'est eux qui m'adoptent en général, c'est pas ma faute !

Puis un rire, à nouveau. Nan, franchement, des moments de déprime, j'en ai plus tant que ça. Là, c'est surtout tranquille, puis... 'fin, même si avec ce qu'il s'est passé récemment avec Piu j'ai un peu de mal, je suis heureux que tout se passe bien pour tout le monde. Même elle a l'air d'aller mieux. Quant à Gae, par rapport à son frère... il cauchemarde souvent, mais à deux on surmonte mieux tout ça. Même si je sais qu'il veut pas trop m'en parler. Un jour, p'tetre qu'il sera capable de parler des souvenirs avec son frère comme j'le fais en parlant de Diana, comme si elle était toujours là... Mais bon, on sait tous que c'est plus le cas, hein.

Allez, retournons à nos machines. Je souris en coin et finis par rire :

— T'inquiète je te montrerai, c'est pas bien compliqué. Tu allumes ici, et tu tournes cette commande pour actionner le mixeur.

Sans attendre, je sors deux planches à découper et m'attèle à la découpe des oranges en sifflotant.

— Ouaip, j'adore ça. J'pourrais faire ça toute la journée, malheureusement j'suis prof de maths. J'devrais p'tetre ouvrir un restau et laisser tomber pour les gosses, parce que bon… C'est pas que j'me sens pas aidé, mais un peu quand même ! ris-je. Du coup j'ai pas mal investi dans ces conneries de robots et tout ça… Enfin, après, j'ai pas mal de tune de côté, ahah...

Mais ça, faut pas trop expliquer comment ça s'est retrouvé là, hein… Bon, ok, je suis pas fier pour tout, mais tant pis. C'est pas comme si on était réellement inclus dans la mondialisation ici. (Puis j'en connais un que ça dérange encore moins, n'est-ce pas, cadavre ambulant ? #Houston)

— Qu'est-ce que t'aimes le plus faire, en général ? Perso j'aime bien faire des trucs du monde un peu, j'ai bien appris la cuisine japonaise depuis que je suis arrivé ici - enfin ça fait perpette du coup - mais bon... C'est pas c'que je préfère. J'aime la cuisine italienne. Ça tombe bien, Gae est italien !

J'aime les italiens.

Les restaurants, hein.

Evidemment. Les restaurants. héhéhé.