- J'en ai assez!

Une flamme vint lécher le mur en face de moi. Une fois de plus, j'avais craqué et mon mur en faisait les frais. Nous étions le milieu de journée environ, et je tentai désespérément de ne pas penser ni à Ys, ni à Mitsuki, ni à la maladie. Si vous voulez mon avis, c'était impossible.
Je soupirai et plongeait ma tête dans mon oreiller avant d'y crier ma rage.

Pourquoi n'arrivai-je pas à aller le voir? Lui parler? Ce serait réglé. Ma guitare me narguait. Je n'avais jamais cessé de jouer, et pourtant! Les faits étaient là: J'en étais incapable.
Je soupirai et me levai dans l'optique d'aller me prendre une énième douche. J’adore me laver quand j'ai besoin de penser. Et oui, je fais partie de ces personnes qui réfléchissent mieux quand ils sont sous la douche!

Bref. Je me levais donc, et partie me doucher quand j'entendis des pas dans le couloir. Ils s'arrêtèrent devant ma porte. Euh...? J'attendais du monde? Non. Donc... Les pas avaient cessés et pourtant, aucun signe de vie. Décidant de ne pas m'y attarder, je préférai retourner à mes occupations, à savoir: Ma douche.
C'est alors que je captai un mouvement sur ma gauche. Quand je reconnus l'arrivant, j'eus des envies de meurtres. Mon regard vira foncé tandis que je fixai cet idiot.

"Toc toc...c'est moi!"

Pardon?! Il voulait mourir? Je serrai des poings, furieuse. Boooon... C'était peut-être pas le bon moment pour qu'il vienne me voir.
Je le fixai d'un œil mauvais, le regard presque noir. Si encore il avait toqué à la porte! Je me serai permise de la lui claquer au nez!

Honnêtement? On ne m'avait jamais vu aussi énervée. La douleur se lisait dans mes yeux. C'était toujours aussi vif, et cela faisait toujours aussi mal. Je lui avais raconté, je m'étais confiée et lui... Lui il me trahissait? Je ne savais pas comment réagir, tentant vainement de réprimer ma colère.

- Vas-t-en. Tout de suite.

Ma voix était sans appel. Je refusais de lui adresser la parole. Je ne voulais plus jamais le revoir. Pas après que je lui ai fais confiance. Si seulement la colère ne m'avait pas empêché de comprendre...

Forcement, sa réponse fut sans appel. Ys ne comprenait toujours pas pourquoi une telle réaction. Est ce que Joyce était tellement têtue au point de refuser une aide? Est ce ça la raison? Croisant des bras, il resta pourtant là, planter au milieux de sa chambre, la fixant d'un air incrédule. Sa démarche allait être plus compliquée qu'il ne l'avait imaginer. 

"Mouais... je me doutais que t'allais réagir comme ça..." 

Faut pas avoir Bac +5 pour le deviner. Mais ce n'était pour autant qu'il allait baisser les bras, hors de question de perdre encore quelqu'un. Alors, se moquant totalement si elle était fâchée ou non, à ses aises, Ys s'installa à son bureau. Oui il se permettait beaucoup de chose. 
Il avait pris des décisions difficiles auxquelles il s'en serait passer. Alors ce n'était pas le moment de reculer et Joyce n'allait en aucun cas mettre ses plans en l'air. Il avait déjà bien assez en tête. Cependant, il avait ce sourire narquois. Il était différent. Il n'était pas là pour rien, quitte à se coller Joyce à dos. Mais elle se plierait à ses exigences. Il fallait qu'elle comprenne. 

"Bon, tu veux bien me dire pourquoi tu refuse l'aide de Mitsu? Faudrait que t'arrêtes de faire ta tête de cochon!" 

Oui l'attaque avait toujours été le meilleur langage avec elle. Il fallait toujours la repousser dans ses retranchements pour qu'elle dise enfin ce qu'il n'allait pas, ce qui la ronger. Encore fallait il savoir se protéger, parce que pour sûr, elle allait lui répondre. C'est malheureux d'agir ainsi, mais il faut savoir s'y prendre avec certaines personnes. Et Dieu sait combien avec Joyce c'était pire qu'un duel de force. Autant dire qu'il était bien content d'être en repos aujourd'hui, au moins, il avait toute l'énergie requise pour affronter le dragon. 

"Mouais... je me doutais que t'allais réagir comme ça..."

Alors pourquoi être venu? Imbécile. Je le détestai. En fait non. Ça allait au delà. J'étais blessée et déçue. Je serrai les poings, furieuse. Il pouvait pas me foutre la paix non? Il tenait si peu à la vie?
Je me doutai bien que Mitsuki était venue le trouver pour lui avouer qu'elle m'avait tout avoué. Lui comme moi savions que c'était couru d'avance, elle ne savait pas mentir. Mitsuki était une bonne personne. Et je savais que sa réaction avait été dû au choc et non pas à de la méchanceté. Alors pourquoi lui en voulais-je? Ys, c'était compréhensible. Il m'avait privé d'un choix qui était mien. Mais elle? Je fermai les yeux pour les rouvrir au moment où si se dirigea vers mon bureau, s'y installant. Oh il a cru qu'il était chez lui là?

"Bon, tu veux bien me dire pourquoi tu refuse l'aide de Mitsu? Faudrait que t'arrêtes de faire ta tête de cochon!"

Je le regardai, ma colère me faisant voir rouge. Un éclair écarlate passa dans mes iris. J'étais furieuse qu'il ose venir jusque dans ma chambre pour me faire la morale alors qu'il n'en avait aucun droit. Frère ou non, il pouvait aller se faire voir! Il avait dépassé les limites.
Je ne voulais pas être méchante, mais je ne pouvais pas faire autrement. Il m'avait blessé. Il s'était permis de me prendre le seul choix que j'avais sur ma maladie. J'arrivai pas à le croire. Ys... Ys qui m'avait toujours encouragé, qui m'avait toujours poussé à aller au delà de mes limites, qui ne m'avait pas laissé tombé...

- Dégage! Je veux plus te voir! Sors de ma chambre vas-t-en!

Je criais. Je refusais de le voir. De l'entendre. Je refusais d'avoir un seul conseil de sa part, une seule remontrance. Pas maintenant. Pas après tout ce merdier dans lequel on s'était fourré. J'avais mes raisons. Je ne voulais pas d'aide. Je refusais d'être un fardeau. Je refusais que l'on agisse différemment avec moi. Ys aurait dû le savoir, le comprendre.

- Casses-toi! Laisse-moi tranquille!

Ouai. J'étais une vraie tornade quand je m'énervai. Et Ys allait en faire les frais. C'est con que je n'ai pas pensé à utiliser mon pouvoir ce jour-là. Sinon, il n'aurait pas eu d'autres choix que de m'écouter. Mais depuis quand Ys m'écoutait-il?

J'étais ivre de rage, et ivre de colère et de rancœur. Trahie. Ce mot résonnait dans ma tête comme une litanie répétée inlassablement. Je ne pouvais m'empêcher de croire qu'il m'avait trahie. Il m'avait enlevé le seul pouvoir que j'avais sur cette merde, celui de me confier à qui je le voulais et comme je le voulais. Oui je l'aurais dit à Mitsuki, et peut-être qu'en parlant avec eux, j'aurais demandé de l'aide certes. Mais j'aurais dû le faire moi et pas lui. Je lui en voulais énormément. C'était violent. Je n'avais jamais ressentie ça. Cette impression de naïveté mêlée à la rancœur et la douleur.

"Bon je sais. Tout ça, tout ce que tu dis, je sais. Mais tu te doute bien que je ne vais pas partir. Alors quand t'auras finis d'évacuer tout ça, dis moi alors... Dis moi ce qui ne va pas vraiment..."

Si un regard pouvait tuer, Ys serait mort à l'instant où mes yeux se posèrent sur lui. Il ne criait pas, et ne semblait pas vouloir m'écouter. Il était aussi borné que moi de toutes manières, alors à quoi bon?
J'étais furieuse. Furieusement blessée. Je le considérai comme mon frère alors c'était d'autant plus douloureux que je l'appréciais vraiment.

"Je pense pas que se soit à cause des entraînements... il y autre chose n'est ce pas?"

Et il avait le culot de me demander ce qui n'allait pas en plus de ça?! Sérieusement?! J'enrageais. Si j'avais eu la moindre chance d'atteindre mon objectif, je l'aurais étranglé. Vraiment.
Je m'assis sur le lit, toujours aussi furieuse. Je devais avoué tout de même qu'il avait raison. Nous devions mettre les choses au clair. Quitte à se perdre de vu, autant faire cela dans les règles non?

- Tu m'as trahis. Tu t'es permis d'aller raconter à Mitsuki ce que j'ai mis des mois à avouer sans que ça te gène! Sans penser une seule putain de seconde à ce que cela pouvait représenter pour moi! Tu m'as enlevé mon droit le plus absolu! T'avais pas le droit!

Je criai, mais je m'en fichai. J'avais besoin d'exploser. De tout laisser sortir. Ma rage, ma colère, ma douleur. Pas seulement contre lui mais aussi contre tout le reste. Je ne voyais plus Liam, Mitsuki et moi ne nous parlions plus, Misao était inquiet, j'étais malade et potentiellement condamnée, mon ami me trahissait! Comment ne pas craquer? Comment ne pas s'effondrer?

- Tu n'avais en aucun cas le droit de le dire à Mitsuki. C'était mon choix! Je te l'ai dis je ne l'avais avoué qu'à Liam et toi et ça m'avait coûté! Oui elle avait le droit de savoir mais pas comme ça! A cause de ça je lui parle même plus putain! De quel droit tu t'es permis de faire ça?!

J'avais crié. Je ne pleurai pas. J'avais trop mal pour ça. J'en étais fière de pouvoir retenir mes larmes. Au fond de moi pourtant, je savais que ce n'était pas que pour ça que je lui en voulais. Oui j'étais trahie et blessée. Oui je lui en voulais pour ça, et Dieu seul sait combien. Mais je lui en voulais aussi de sacrifier ses entraînements pour moi. Parce qu'il aurait beau le nier, je savais à quel point il les affectionnait. Tout comme Mitsuki. Je voyais clair dans son jeu, il s'était beaucoup (beaucoup!) attaché à la master. Et il avait tout arrêté pour moi, alors que je lui avais dis que tant que rien n'évoluait j'étais tranquille. Sinon, c'était finit, out. Donc de toutes les manières il n'y avait rien à faire... Pourquoi tenter?

- Putain mais pourquoi t'as fais ça Ys?! Je croyais que t'étais mon ami!

Non il n'était pas mon ami. Il était mon frère. Et c'est pour ça qu'il l'avait fait. Si seulement je l'avais comprit plus tôt...

La voilà, la raison, celle qui te pousse à perdre pied. 
Sans jamais brancher, attentif à chaque détails, Ys écoute enfin ce que Joyce avait à lui dire. Il n'avait autrefois jamais été ainsi. Oh bien sûr, il lui était arrivé de demander à l'un de ses amis les plus proches, du moins si on pouvait le dire, ce qu'il n'allait pas. Mais il n'écoutait jamais vraiment, une bière et voilà, t'as plus de raison d'être triste. C'était sa façon d'être: présent sans l'être. Mais depuis son arrivée à Terrae, des choses avaient bien changées, des choses lui avaient échappées. Et aujourd'hui, il se pose, il écoute comme l'aurait fait un véritable ami. Il s'était montrer patient. 
Joyce lui en voulait bien plus qu'il ne l'aurait pensé. Tout s'expliquer, il lui avait volé ce droit. C'est vrai, il n'aurait pas du. Ce n'était pas à lui de le faire.


Dans le fond, quand on y pense vraiment, cette raison n'est pas si valable que ça. Après tout, il ne s'était pas amusé à le crier sur les toits. Ce n'était que Mitsuki, l'une de ses rares amies. Ce n'était pas si grave que ça. Mais cette maladie l'a bouffé tellement au point de la rendre aveugle. En somme, le Tonnerre voyait là ce qu'on qualifierait d'un "pétage de plomb". Pas de chance, ça tombe sur lui. S'appuyant sur la table, il ne la quittait pas du regard alors qu'elle prit le temps de s’asseoir, elle ne fuyait pas. 
Ce n'est pas grand chose, ce n'est q'un détail, mais il en dit long. Baissant le regard au sol, Ys eut comme un sentiment d'amertume, un regret. Aider les autres, vouloir le faire, ce n'était peut être pas son fort, un peu gauche, il aurait du continuer son chemin en solitaire. Mais ça, il ne savait plus s'y prendre. Quand Joyce n'émit plus un son, reprenant son souffle, le garçon ne lui répondit pas de suite, cherchant un instant comment s'y prendre, comment résoudre une enfant en colère. 

"T'as raison..."

D'un murmure il brisa ce silence pesant. Oui il admettait, il n'y avait rien de mal à admettre. De temps en temps, il faut savoir reconnaître. Parfois, il faut savoir le faire, c'est ce qui nous rend d'abord "grand". 

"T'aurai du être la première à le faire... mais je l'ai fait, et même si tu refuses de l'admettre... je l'ai fait pour ton bien." 

Relevant son regard sur son ami, il n'avait plus qu'à jouer carte sur table. Rares sont les fois où ces deux jeunes gens parlent à coeur ouvert, ne jouent plus, ne mentent plus. Et désagréablement, les souvenirs de cette soirée remontent, pour ne jamais oublier. 

"Je sais que tu as dis que cette maladie s'était stagné... mais combien de temps? A l'allure où tu as décidé de m'en parler, j'ai pensé qu'il aurait mieux de te soulager de ce fardeau..." 

Si seulement elle pouvait cesser de penser qu'elle était seule, qu'elle n'avait plus besoin de se battre seule. Elle ne serait plus jamais seule. Alors de temps à autre, laisses les autres portaient ce fardeau, pour toi, que tu respires un peu... Se levant, Ys vint calmement s’asseoir aux côtés de la jeune femme, ni trop près, ni trop loin. 

"Tu as tellement peur que tu donnes du terrain à ça..." 

Jusqu'à maintenant, son rôle de grand frère avait été simple. Jouer avec elle, l'aider à s'améliorer, à s'ouvrir... tout ça, ce ne sont que les bases. Le vrai travail est maintenant, avec ce choix qu'il avait pris, avec ce qu'il se passe actuellement. 

"Tu sais, quand... quand je suis revenu ce soir, après que tu me l'ai dis... j'avais compris à quel point tu comptais pour moi... Alors, détestes moi autant que tu veux, mais je t'en prie, entraînes toi avec Mitsuki, fais le... Je suis plus que persuadé que ça va marcher." 

Posant son regard de braise sur la jeune fille, les craintes du garçon n'étaient pas de perdre cette amitié, bien qu'il n'en serait pas fier, mais que cette dernière n'écoute pas de se laisser une chance de vaincre son pire ennemi.

"T'as raison..."

Sérieux? Il avait que ça à me dire? Mon regard virait au noir. J'étais vraiment en colère. Pétrifiée par la rancœur, je n'arrivai pas à lui dire tout ce que j'avais sur le cœur. Je ne voulais pas le blesser, bien que lui l'ait fais.
Je savais que dans cette histoire, il n'avait pensé qu'à mon bien, mais honnêtement, sur le coups, ce n'était pas flagrant, bien au contraire.

"T'aurai du être la première à le faire... mais je l'ai fait, et même si tu refuses de l'admettre... je l'ai fait pour ton bien."

Au fond de moi je le savais. Mais je refusais de le croire. Parce que cela impliqué bien trop de chose que je n'étais pas prête à prendre en compte. Oui je n'étais plus seule. Mais ça faisait trop mal pour être acceptée. Idiot hein? Ça aurait dû me rendre heureuse pourtant. Mais non. La possibilité qu'un jour je puisse les faire souffrir prenait le pas sur le bonheur de les voir sourire à mes côtés.
Nous étions à un tournant. Soit cette soirée ce finissait en même temps que notre amitié. Soit on arrivait à en parler, et pourquoi pas, se pardonner ou tout du moins à l'accepter.
Je soupirai, tentant vainement de lutter contre ma colère suffocante.

"Je sais que tu as dis que cette maladie s'était stagné... mais combien de temps? A l'allure où tu as décidé de m'en parler, j'ai pensé qu'il aurait mieux de te soulager de ce fardeau..."

Je lui jetai un regard incendiaire. Il y avait pensé sérieux? Autant ne pas le faire. Quelques instants après, j'entendis les pas de Ys se rapprocher, jusqu'à ce que le lit s'affaisse un peu plus sous son poids. Il n'était ni trop près, ni trop loin. Il était là c'était tout.

"Tu as tellement peur que tu donnes du terrain à ça..."

Dire que j'avais peur était un doux euphémisme. J'étais pétrifiée de terreur face à tout ça. Je n'avais pas les épaules pour supporter ça. Je ne pouvais pas me contenter du pronostique. Je ne voulais pas juste me voir tomber. Mais que pouvais-je faire d'autres? Je pouvais me battre autant que je le voulais, jamais je ne cesserai de m'écrouler. C'était trop dur. Trop douloureux.

"Tu sais, quand... quand je suis revenu ce soir, après que tu me l'ai dis... j'avais compris à quel point tu comptais pour moi... Alors, détestes moi autant que tu veux, mais je t'en prie, entraînes toi avec Mitsuki, fais le... Je suis plus que persuadé que ça va marcher."

J'avais mal. Parce que je savais qu'il était sincère. Il était rare pour nous deux de l'être l'un avec l'autre. Nous étions pas à l'aise avec ça. Peut-être parce que l'on se ressemblait. Mais comment pouvais-je lui en vouloir autant, pour quelque chose d'aussi futile? Je me haïssais autant que je lui en voulais.
De rage, j'attrapai mon coussin et le posant sur mes genoux, je me mis à hurler toute ma colère dedans. Probablement avais-je besoin de craquer. Probablement n'avais-je pas envie que cela soit contre Ys. Probablement en avais-je marre tout simplement.
Je criais à m'en briser la voix jusqu'à ce que je n'ai plus de souffle. Ys tenait à moi je le savais. Et je tenais probablement autant à lui. Alors pourquoi n'arrivai-je pas à accepter la réalité? Je me redressai, plongeant mon regard douloureux dans le sien.

- Pourquoi vous êtes là...? Pourquoi je ne suis plus toute seule...? C'était tellement plus simple! Tellement moins douloureux!

Je m'arrêtai un instant, tentant de remettre mes idées en place.

- Tu as cessé tes entraînements, et tu dis que c'était pour me permettre de m'en sortir, mais tu n'en ai même pas certains. Ce ne sont que des hypothèses. Quand à savoir si c'est pour moi, n'en tires pas tu des avantages? Je ne t'ai jamais demandé de sacrifier ton bonheur pour moi. Encore moins tes entraînements. Alors pourquoi t'as fais ça? C'est quoi la vraie raison?

Je voulais l'entendre. Je voulais comprendre. Je voulais tout gâcher aussi, visiblement.

Plongé dans son regard triste, Ys adressa à son amie un sourire doux et rempli de compassion. La bonne question! Pourquoi? Pourquoi s'être attaché? Pourquoi ne pas avoir continuer sa route seul?! Et dire qu'il n'avait pas lui même les réponses, alors qu'il se posait les mêmes questions. Ah oui combien il était plus simple de rester en solitaire, de ne jamais se préoccuper des autres, être tout simplement intouchable... C'est à s'en poser des questions. 
C'était comme se trahir et pourtant, ce n'était pas si mal. L'être humain n'est pas fait pour vivre seul, même avec un sale caractère, on finit toujours par trouver un semblable. Et parmi ces nœuds, Joyce était son semblable. Alors oui, c'était peut être pas plus mal, d'avoir baisser sa garde, de s'entourer... Même si parfois ils se prennent la tête, se tirent dans les pattes, ce n'est sans aucun regret. 
Alors oui, Ys pouvait comprendre ce que ressentait sa petite soeur. 

"Ça doit être dans l'air de Terrae... " 

Joyce semblait s'apaiser, un peu, doucement. Le volcan semblait avoir exploser et enfin le calme revenait. Son petit coeur s'était ouvert et elle pouvait enfin s'exprimer sans avoir honte. Même si ce n'était pas dans leur principe, depuis plusieurs mois, Joyce et Ys avaient appris à partager, à s'ouvrir, sans avoir honte. Comme sur une ligne, ils se retrouvaient, ils couraient ensemble. Et parce qu'ils se connaissaient si bien, que Joyce posa des questions de plus en plus gênantes, au point de deviner les attentions du garçon. 
Chose à laquelle, il s'en serait contenter, inutile de remuer le couteau. Soupirant, Ys croisa des doigts et prit son courage à deux mains. Plus aucun mensonge. 

"Je te promet, et c'est la pure vérité, qu'avant toute chose, c'était pour ton bien... On a rien à perdre après tout et je ne te laisserai pas te battre toute seule. Et ensuite... oui, je l'ai fait aussi pour... pour m'éloigner de Mitsuki mais ça, ça n'a rien avoir. C'est autre chose et on s’en fout." 

Posant son regard sur son amie, Ys reprit aussitôt, plus sincère qu'il ne l'aurait jamais été durant toute sa jeunesse: 

"Ma priorité c'est toi. J'ai longuement réfléchi comment t'aider, et je ne vois pas ce qu'il peut y avoir de mieux. Si on fait bien les comptes, les médecins ne peuvent rien faire mais Terrae... après tout, c'est bien ici que tout a commencer, qu'on a commencé à changer... "

Lui adressant un doux sourire, Ys voyait là la personne qu'il n'aurait pas souhaiter perdre aussi bêtement. Même si Joyce lui tenait tête, lui hurler dessus, l'enverrait balader, il serait toujours là, à revenir inlassablement. 

"Et je trouve que tu as bien changée depuis notre rencontre. Elle est loin la Joyce des sous sols..."

Allez viens, on avance tous les deux, on lutte ensemble même si ça fait mal...

"Tu me pardonnes?" Lui demanda t'il tout en lui adressant une poignée de main. 

"Ça doit être dans l'air de Terrae... "

J'en aurai souris dans d'autres circonstances. Ys avait toujours la remarque qu'il fallait quand tout allait mal. Celle qui vous montrez que par delà les malheurs, rien n'avait changé. Oui il m'avait blessé. Oui il m'avait fais du mal. Mais nous étions toujours aussi semblables, et c'était bien pour cela que je peinais à lui en vouloir.
Il soupira face à mes questions. Il fallait que je sache. Je ne pouvais pas lui pardonner sans comprendre. Impossible. C'était trop douloureux.

"Je te promet, et c'est la pure vérité, qu'avant toute chose, c'était pour ton bien... On a rien à perdre après tout et je ne te laisserai pas te battre toute seule. Et ensuite... oui, je l'ai fait aussi pour... pour m'éloigner de Mitsuki mais ça, ça n'a rien avoir. C'est autre chose et on s’en fout."

Non je ne m'en fichai pas, mais c'était un sujet presque tabou pour lui, et je respectai cela. Jusqu'à quel pour je ne sais, mais je ne pouvais pas le forcer. Et c'est à cette réflexion que je compris qu'il était sincère. Ys, par delà nos coups de gueules et nos piques incessantes, c'était beaucoup ouverts à moi ces derniers mois. Tout comme moi envers lui. Nous étions bien plus proches qu'autre fois, et nul doute que nous voulions l'être encore longtemps.  
Il me fixa alors, sincère et je ne pus détourner le regard.

"Ma priorité c'est toi. J'ai longuement réfléchi comment t'aider, et je ne vois pas ce qu'il peut y avoir de mieux. Si on fait bien les comptes, les médecins ne peuvent rien faire mais Terrae... après tout, c'est bien ici que tout a commencer, qu'on a commencé à changer... "

Oui on avait changé. Tous. Il me sourit doucement, et je vis bien qu'il partageait mon sentiment: Nous ne voulions pas nous perdre. Ni maintenant ni plus tard. Ça me fît mal au cœur. "Ma priorité c'est toi". La dernière fois que j'avais entendu ces mots, c'est moi qui venait de les prononcer, à Vincent. C'était les mots qu'un frère prononce à sa sœur quand il voit que tout va mal et que tout s'écroule. C'était les mots que j'avais employé pour mon petit frère suite à la mort de notre père.

"Et je trouve que tu as bien changée depuis notre rencontre. Elle est loin la Joyce des sous sols..."

Lui aussi avait bien changé. Plus ouvert, plus sincère même, Ys ne se rendait pas compte du pas qu'il avait fait depuis que je le connaissais. Chaque jour il s'ouvrait un peu plus aux autres, acceptant même de raconter un bout de qui il était à quelques privilégiés dont j'avais la chance de faire parti. La chance... Et j'allais tout foutre en l'air? Parce qu'il avait pensé à mon bien? Parce qu'il voulait... m'aider? Je n'étais qu'une idiote. Bien que je reste blessée, je ne pouvais tout envoyer balader sur un coups de tête.

"Tu me pardonnes?"

D'aussi loin que je me souviennes, c'était la première fois qu'Ys me demandai pardon. Il avait comprit je crois, que son geste, même si cela partait d'une bonne intention, m'avait blessé.
Comment ne pas lui pardonner? Certes je n'oublierai pas, et peut-être y réfléchirai-je à deux fois avant de lui confier mes résultats. Non pas par manque de confiance, mais bien par peur. Si une nouvelle pareille avait pu faire craquer Ys au point qu'il en parle avec une amie, alors imaginez deux secondes que les résultats soient mauvais?
Il m'adressa une poignet de main, que je fixai. Mais je ne voulais pas ça. J'avais besoin de plus. Ça faisait des jours que je pleurai à cause de tout ce foutoir que mes révélations avaient foutu dans ma vie. J'avais besoin de mon frère.
Sans lui demander son avis, j'ai entouré son cou de mes bras et je me suis blottis contre lui. Oui je sais. Moi qui fait un câlin à Ys c'est carrément bizarre. Mais parfois, c'est juste ce dont on a besoin. D'un repère. Une personne ou un instant qui nous permet de rester dans la réalité sans s'effondrer. Une personne qui représente notre pilier. Ys était le mien. Presque un frère, un protecteur. Certes chiant et absolument imbuvable par moment, mais je l'aimais comme ça.
Alors ouai, je me suis permise de lui quémander une étreinte. Parce que j'avais juste besoin de pouvoir me reposer sur quelqu'un un instant. Juste un instant. Le temps de reprendre des forces pour reprendre la lutte.

- Ne me fait plus jamais ça...

Ma voix était un murmure emplie de douleur. Je ne pouvais pas oublier. Oui je lui pardonnai, mais je ne pouvais pas oublier la douleur. Par pour le moment. Plus tard. Pour l'instant, je voulais juste le croire quand il me disait que je n'étais plus seule.

Oui, la Joyce des sous sols état désormais très loin. Jamais la jeune femme n'aurait agi ainsi. Déjà dans un premier temps, elle ne serait pas restée là à écouter. Non, elle se serait levée, elle aurait continuer à hurler, à envoyer balader quiconque se trouver sur son chemin pour ensuite partir, et si elle avait pu donner deux trois coups au passage, elle ne s'en serait pas privée. 
Oui, elle avait belle et bien changée. Joyce était restée à entendre, à comprendre, calmement, patiente, et surtout, elle avait pardonné. Secrètement, sans jamais l'avouer, Ys était fier. Fier de sa soeur et de ce qu'elle devenait chaque jour, un peu plus. C'est pourquoi elle devait continuer à se battre, à vivre, surtout que maintenant elle avait découvert ce qu'il y avait de plus beau dans ce monde, ou du moins, elle l'avait retrouvé. 


Peut être qu'un jour, même s'il s'agit d'une pente glissante, le jeune homme se permettrait d'en savoir un peu plus sur son ancienne vie, mieux connaitre qui elle était. Mais bien sûr, cette fois, ça serait avec sa permission. Après tout, ils avaient appris à marcher ensemble alors un jour, il saurait pour mieux comprendre. Pour l'heure, même s'il en fit rien, plus étonné qu'autre chose, mais surtout, soulagé, Ys savoura cette étreinte si peu familière. Encore une fois, Joyce avait grandi, elle avait changé. Autrefois, ils auraient qualifié ce geste de faiblesse, d'inimaginable, pourtant, il y avait là toute la sage et la grandeur de l'âme. Et il garderait cet instant précieusement, reconnaissant que ce jour là, Joyce l'aurait pardonné, lui qui craignait la perdre... 

"D'accord, je te promet."

Se permettant de fermer les yeux, Ys sentit son coeur plus léger. Soulagé, lui qui avait une peur au ventre sans vouloir l'admettre, il savait qu'il ne partait victorieux mais il ressentait là toute la légèreté. De toute manière, il n'aurait jamais abandonné, et chaque jour de la semaine, il aurait harceler la jeune femme pour obtenir ce pardon si incroyablement impensable.


Rendant cette étreinte, on pouvait dire que ces deux personnes, qui pouvaient se haïr comme s'apprécier, avaient su déposer les armes pour ne jamais se perdre. Plus jamais, il ne la blesserait, que se soit pour son bien ou pas. Il viendrait toujours lui demander son accord, car c'est aussi ça se faire confiance. Au moins, bien plus heureux qu'il ne l'aurait imaginé, il était soulagé de ne jamais perdre sa petite soeur. 


Cette relation unique, qui l'aurait crus, qu'un jour, il puisse trouver quelqu'un d'aussi semblable. C'est aussi grâce à elle qu'il s'était intégrer, qu'il avait décidé de rester à Terrae? Joyce faisait parti de l'une de ses rares personnes, qui ne peuvent même pas se compter sur les doigts d'une main, à qui il tenait, avec qui il voulait partager sa vie. Et plus que jamais, un peu plus chaque fois qu'ils s'ouvrent, ils avaient avancer, une grande étape de gagner. 

"Mais toi tu me promet de faire ces entraînements et à la lettre! Sinon je doublerais d'efforts pour te pourrir tes journées!" 

Parce que leur relation était unique qu'elle n'avait qu'une façon de fonctionner. Aussitôt Ys le rappela en chamaillant avec son amie, sa tendre et jeune amie. Parce que la voir sourire l'importait, son bien être passait bien avant le sien.

Je sentis peu à peu Ys me serrer contre lui. Visiblement, nous étions tous les deux heureux que cette conversation n'ait pas viré au cauchemar. Je me blottie contre lui, savourant juste la chaleur d'une étreinte réconfortante. Elle était loin notre rencontre. Ce que nous étions alors n'étaient plus. Nous devenions chaque jours qui nous étions. J'adore cette phrase. Devenir qui nous sommes. C'est tellement vrai. Tellement juste.

J'en avais assez de pleurer. Assez de lâcher prise. je voulais être forte. Je voulais sourire, pour montrer que non, je n'avais pas abandonné. Jamais. Je voulais pouvoir être heureuse et montrer que j'allais bien. Comme je leur avais affirmé. Je ne leur avais pas menti. Jamais.
C'était un instant précieux. De l'un de ceux que l'on garde pour les moments rudes. De ceux que l'on veut ne pas lâcher. Pour que nos larmes cessent de couler. Pour que notre sourires renaisse encore et toujours. Pour que notre force trouve le chemin jusqu'à notre volonté. Pour que notre bonheur éclat au grand jour. Pour que l'on ne se contente pas de survivre, mais que l'on morde la vie à pleine dent. Pour que jamais on ne regrette d'avoir manqué de temps.

"D'accord, je te promet."

J'ai souris contre lui, sans répondre. Je savais qu'il tiendrait parole. Pour lui comme pour moi, la possibilité de se perdre n'était pas envisageable. Il était mon frère. Jamais je ne le laisserai filer, quitte à le harceler.
J'ai soupiré contre lui, juste heureuse de ne pas le perdre. Juste heureuse de savoir qu'il avait comprit. Juste heureuse de savoir qu'il était là, peut importe combien la situation pouvait être douloureuse.
Ys était probablement la personne la plus proche de moi. Il me connaissait mieux que personne, parce que nous étions semblables. Et parce que nous étions semblables, je savais que je pourrai toujours le déranger si le besoin s'en faisait ressentir. Bon OK. Si je venais lui parler de Liam, je me ferai foutre à la porte, mais je vous assure que pour le reste, il serait là.

Un jour peut-être, nous apprendrions à connaître ces années que nous n'avons pas partagées. Peut-être arriverai-je un jour à lui avouer ce que j'avais fais et le pourquoi de ma solitude. Peut-être arriverait-il à me confier la raison de la sienne. Peut-être pas après tout. Le passé était passé. Mais je voulais comprendre. Je voulais savoir. Je voulais le connaître.

"Mais toi tu me promet de faire ces entraînements et à la lettre! Sinon je doublerais d'efforts pour te pourrir tes journées!"

J'ai ris j'ai doucement réfléchie. Mitsuki et moi étions toujours en froid. Je devrai aller la voir. Il était idiot de s'en vouloir pour ça.
Il m'arrivait rarement de me montrer si proche du garçon. Nous étions plutôt de vrais chien et chat. De véritables frère et sœur. Mais parfois, il suffit d'être honnête. D'être vrai.

- Je te le promets. Mais à une seule condition: N'oublie pas que Mitsuki a besoin de toi autant que tu as besoin d'elle. S'il te plait.

Je ne voulais pas enfoncer le clou. Mais je les connaissais tous les deux. Et Ys s'éloignait. Et je voyais que Mitsu le vivait mal.
Il m'avait taquiné, me rappelant que nous étions pas nous-mêmes si nous ne le faisions pas. Mais avant de redevenir aussi farouches, je voulais quand même mettre les choses au clair.

- Ys? Merci.

Je ne disais pas merci pour le fait qu'il l'ait dis à Mitsuki. Je lui disais merci pour tout. Et surtout, je lui disais merci de m'avoir offert une famille.
Les médecins m'avaient dis qu'ils me restaient dix ans a tout cassé si la maladie été amené à évoluer. Et si je déjouai les prévisions? Si je vivais plus longtemps? Si je mourrai de vieillesse? Ys ne le vit probablement pas, mais un sourire se glissa sur mon visage. J'allais vivre. Je m'en fis la promesse. En fait non. Je nous fis la promesse. A Misao. A Mitsuki. A Liam. A Ys. Et à moi.
Je m'écartai enfin de lui et je souris. Nous avions changé. Nous n'étions plus aussi seul, ni aussi mal qu'autrefois. Nous avions grandis, même Ys. Nous avions appris.

- Je vais recontacter Mitsuki. Je vais devenir plus forte, comme ça, tu pourras plus rien me faire! Je serai trop puissante pour toi feu-follet.

Le surnom n'avait pas changé depuis la première fois. Pourquoi? Comment avions-nous pu tisser un lien aussi fort? Pourquoi avions-nous droit à une seconde chance? Pourquoi ne pas la saisir?

- Tu veux rester un peu?

J'eus un sourire tendre aux lèvres, lui proposant de parler encore un peu. Musique bien entendu. Oui j'avais séché les répèt' et j'allais visiblement me faire taper sur les doigts. Mais honnêtement, je n'avais pas envie de lui dire au revoir tout de suite.

Joyce était l'une de ces rares personnes qui pouvait faire trembler la terre sous les pieds du garçon. 
Il y a bien longtemps, personne n'avait pu atteindre un tel niveau. Le garçon n'avait jamais ressentir de craintes ou que qu'il puisse s'en rapprocher. Un véritable solitaire dans l'âme, il était même plus facile de faire plier les autres. Désormais, tout ça, tout ce qu'il avait été resterait dans l'oubli. 
Désormais, il avait retrouver chez elle une partie de lui. Il voulait lui faire gagner du temps, l'aider, qu'elle puisse garder le sourire. 


Combien de fois l'avait-il vu sourire? Non, pas ce sourire où on rit, où on se moque, où on est narquois, non, ce véritable sourire. Aussi loin qu'il puisse s'en souvenir, il n'avait que si rarement vu ce sourire. Et pourtant elle devait le garder constamment. Alors promis, il ferait en sorte que ça arrive, quitte à rester sur ses gardes, ne plus jamais la décevoir. 
Ce soir, il vit la chance qu'elle lui avait offerte en lui tendant les bras. Et dire qu'il n'avait jamais eu de soeur ou de frère. Fils unique, mise à part sa défunte mère, il n'avait aucun lien familiale. Aujourd'hui, il avait trouver un soeur, voire même, une jumelle. Quelle ironie! 


Il ne saurait dire combien de temps ils gardaient cette position, surement un temps court qui semblait dépasser l'espace temps. Parce que oui, il était si rare que ça puisse arriver, qu'il était vrai. Mais on ne change pas vraiment les gens. Joyce lui promit de tenir parole, de poursuivre ce qu'il idéalisait pour elle. Mais il devait faire à son tour des efforts, vis à vis de Mitsu. Une chose qui fit grimacer immédiatement le garçon, voire même soupirer. Il aurait aimé dire "On verra", mais il se contenta de garder le silence, évitant de remuer le couteau. Et puis ils venaient d'éviter une guerre, il n'allait pas la déclencher aussi bêtement. Parce que cette histoire, celle là, elle était pas prête de se résoudre. Et oui, Ys avait aussi bien besoin de cours sur les relations, mais aussi, sur l'honnêteté avec soit même. 


Se redressant soudainement, cette histoire avec Mitsuki fut immédiatement balayer quand son amie prononça ces mots: "Merci". C'était la deuxième fois qu'elle lui disait, mais si elle pouvait se douter combien il lui en était autant reconnaissant, elle qui le rendait vivant. Entre chamailles et provocations, Ys aimait partagé de son temps avec elle. C'était comme si cette relation le rendait vivant. Partage entre fous rires et secousses, combien il aurait triste que tout ça disparaisse. Mais il avait deviner au travers de ces paroles, que Joyce ne baisserait jamais les bras, elle tiendrait debout, en guerrière. D'un fin sourire, ils se comprirent. Inutile d'user de la parole pour des jumeaux. 

"Trop puissante? Mais arrêtes, tu pourras jamais me vaincre à un combat de fer! Tu crois parler à qui là, gamine?!" 

Ces instants là, ils ne se volent pas, ils se savourent. Ils restent graver dans le temps et les mémoires. Sans relever, Ys préféra jouer avec sa soeur, gardant ces minutes comme le plus cadeau, le plus précieux. Et ça ne s'explique pas, il n'y a pas de mots. Ca se vit. 

"Bien sûr, je comptais pas partir.... Mais je voulais te montrer un truc."

Se relevant, Ys lui adressa un large sourire tout en lui tendant la main.

"J'avais préparé ça. Après tout, je me suis dis qu'il n'y avait pas de raison que tu sois la seule à faire des efforts." 

Pas d’exercices, pas d'entraînements. Il ne s'agit pas de ce type d'effort, mais celui dont ils apprenaient tout doucement à partager. Lorsqu'il sentit la main de son amie, aussitôt ils se téléportèrent ailleurs, dans la salle de musique de Terrae. A cette heure ci, il n'y avait personne et ainsi ils avaient pour eux, en toute intimité, la salle et ses instruments. Prenant une profonde respiration, Ys n'aurait jamais montré à quiconque ce qu'il allait faire découvrir à Joyce. Parce qu'un rockeur n'a pas de coeur, il était hors de questions de lever le voile. Mais il existe ces personnes à qui on peut s'ouvrir, sans conditions. 

"J'ai longuement réfléchis pour ta chanson et j'ai répété, assez souvent en fait... " 

Oui, chaque soir où il rentrait du travail, il passait par là pour s’entraîner, pour trouver le rythme, celui qui désignait le mieux Joyce, qui elle était, ses humeurs, et surtout, tout ce qu'éprouve cette chanson. Il n'y a pas plusieurs chansons, juste celle là, celle qui l'hantait, celle qu'elle exerçait sans relâche afin de se l’approprier mieux que jamais. Levant d'un coup le long drap, Ys dévoila le fameux piano qui dormait.

 "Je me suis dis que tu devais plus être la seule à faire des efforts..." 

Du piano, jouer du piano... Ys savait depuis gamin comment s'y prendre. C'était d'ailleurs le premier instrument avec lequel il avait découvert l'art de la musique. L'instrument préféré de sa mère... Mais quand il a fallu s’endurcir le coeur, quand il a fallu se créer un masque, il fallait jouer autre chose, quelque chose d’inaccessible. Et adieu le piano, toi et tes faiblesses.
Peut être un peu honteux comme un garçon de quatre ans, il osa tout de même s'ouvrir, dévoilant l'un de ses secrets, être quitte avec son amie, sa façon à lui de dire "merci" pour ne pas abandonner. 

"Trop puissante? Mais arrêtes, tu pourras jamais me vaincre à un combat de fer! Tu crois parler à qui là, gamine?!"

J'ai ris, sincère. Nos disputes me manquaient lorsque je ne le voyais pas durant quelques temps. C'est fou hein? Mais j'avais besoin de ça. De ces instants volés à la vie et savourer par mon bonheur.

- Mtsssss tu verras va! Mitsuki va faire preuve de solidarité féminine et je vais te rattraper! Je serai passée master avant même que tu n'es essayer de le faire!

Je souris avec grand plaisir, savourant ce moment. Je ne voulais plus jamais me disputer avec lui. C'était bien trop douloureux. Je préférai rire et me chamailler avec lui. C'était tellement plus... nous.

"Bien sûr, je comptais pas partir.... Mais je voulais te montrer un truc."

Il me tendit la main, souriant. Confiante, c'est en le regardant que j'ai glissé ma petite main dans la sienne, très grande.

"J'avais préparé ça. Après tout, je me suis dis qu'il n'y avait pas de raison que tu sois la seule à faire des efforts."

Nous disparûmes presque aussitôt, pour réapparaître dans la salle de musique. Le silence régnait. Personne. Ys prit une profonde inspiration. Que voulait-il donc me montrer ici?
Encore assez perturbé par ma première téléportation, je restai immobile un instant. Il disait que je ne devais pas être la seule à faire des efforts. Qu'entendait-il par là?
S'avançant vers un piano couvert d'un drap, il resta silencieux un instant. Puis il releva le drap, dévoilant un bien bel instrument. Mais... Ys jouant du piano? Il me faisait marcher? Je l'avais toujours connu avec une guitare dans les mains. Bien que j'avais vite saisit qu'Ys, par delà son apparence de mauvais garçon rockeur et intouchable, était un cœur tendre, j'avais du mal à l'imaginer jouant d'un instrument aussi classique et doux que celui là.

"J'ai longuement réfléchis pour ta chanson et j'ai répété, assez souvent en fait... "

Première nouvelle. Je restai silencieuse, ne voulant pas l'interrompre dans sa réflexion. C'est quand je le vis prendre son temps que je compris à quel point cet instrument était important pour lui. Non pas l'instrument, mais ce qu'il représentait. Je fus touchée qu'il veuille me faire partager cela, moi, sa petite sœur.

"Je me suis dis que tu devais plus être la seule à faire des efforts..."

Ne plus être la seule à faire des efforts hein? L'avais-je été un jour? Ne comprenait-il pas qu'il en faisait bien plus que moi en restant ainsi à mes côtés? Le serait-il toujours? Je vins doucement m'accouder au piano, attendant patiemment qu'il se décide.
Je restai muette. Et les premières notes, craintives tout d'abord, se sont fait entendre. C'est à ce moment là que j'ai compris: Ys me dévoilait qui il était.
C'était particulier comme moment. On dit parfois que la musique rapproche. Je ne peux qu'approuver. Parce qu'à cet instant, j'ai compris qui était mon ami: Un être brisé par la vie et qui avait su se protéger par la suite des malheurs. Un être trahis par l'existence choisissant aujourd'hui et maintenant de faire suffisamment confiance pour se montrer tel qu'il était vraiment. Je me reconnus en lui, une fois de plus. Cesserions-nous un jour d'être semblable?
Comme il l'avait fait le jour où je m'étais confiée, je le laissai partir loin dans ses souvenirs, retraçant seul ce que voulait dire cet instant. C'était important pour lui. Et plus que tout, j'étais heureuse qu'il est voulu me montrer cette part de lui que je ne faisais que soupçonner. J'étais heureuse d'avoir sa confiance.
La musique rapproche les gens. Je le savais depuis toujours. Mais ce n'était qu'à présent que je comprenais à quel point elle en était capable.