La nuit venait de tomber sur la fête foraine. La fraîcheur était au rendez-vous et les attractions commençaient à fermer une à une. Pourtant de nombreuses lumières restaient encore allumées, car il restait encore une animation à voir ce soir. Un spectacle n'allait pas tarder à commencer et une petite foule s'était déjà rassemblé devant la scène !

Étonnamment Bito jouait dans cette pièce, il n'avait pas beaucoup d'expérience dans le théâtre, mais il avait été le seul à s'être proposé comme "grand méchant"  de l'histoire. Mais pourquoi u soudain attrait pour le monde du spectacle? Eh bien tout simplement pour se remplir les poches... Ce n'est pas tout ça, mais les rencards avec Nana n'étaient pas gratuits. De vrais pompes à frique ces meufs!

Bref, le spectacle se déroulait plutôt bien jusqu'à ce que la personne qui devait jouer le héros nous fasse une crise de stresse et ne tombe dans les pommes avant de monter sur scène...

- Eh merde comment on va faire sans c'te con maintenant? Gueulais-je derrière le rideau de la scène.

- J'en sais rien moi..! Improvise! Répondit l'un de mes collègue.

- Keuwa? J'ai pas signé pour...

Et sans comprendre ni pourquoi ni comment, quelqu'un me poussa hors du rideau pour que je me retrouve seul sur scène. J'étais maintenant face à ce public qui attendait avec impatience. Mais que pouvais-je faire seul dans une scène où j'étais sensé me battre contre le héros?

- Par Neptune, il n'y plus de rhum sur ce navire! On dirait nous allons devoir piller quelques magasins camarades. Muahaha!

Pour l'instant je m'en tenait au texte, sauf que c'était maintenant au Héro de faire irruption sur scène. Mais le Héro étant toujours dans les vapes, je n'eus donc pas d'autres choix que de m'en prendre à un parfait inconnu. Et malheureusement le sort s'acharna sur ce type qui se trouvait seul derrière la foule.

- Oh mais ne serait-ce pas James Mortecouille !? Fis-je en pointant du doigt l'inconnu. Amène toi espèce de vermine! Ou c'est moi qui vais venir te chercher!

Brandissant mon épée, je me préparais déjà à lui courir après. Il n'était pas question que je fasse cette scène tout seul!

Bref,
Il était temps que je range cet air désespéré et que j’enchaîne, car le public restait silencieux mais lui aussi commençait à se poser des questions. Ils attendaient la suite, ça se voyait! Mais je me devais d'expliquer en toute discrétion ce qu'il se passait à "Cervelle de limace".
Passant alors mon bras au derrière ses épaules, j'entourais ensuite son cou et fis semblant de l'étrangler pour ne trop faire attendre la foule.

- Ecoute moi, l'homme qui réfléchit plus vite que son cul. Chuchotais-je.  Si tu joue un peu le jeu en te prenant pour un pirate qui se bat contre son plus grand rival, je m'arrangerais pour que tu ai un accès gratuit au stand de sucrerie jusqu'à la fin de l'été.

C'est sur ces mots que je relâchai mon étreinte sur lui et le poussait contre la foule qui l'empêcha de tomber lamentablement sur le cul.

- Alors Mortecouille. Repris-je avec ma voix grave de pirate. On a trop forcé sur le rhum?

Dégainant une seconde lame, je lançais celle-ci pour qu'elle aille se planter non loin de son entrejambe. Quoi de plus effrayant qu'une lame qui menace vos bijoux de famille?

- Bats toi espèce d'ivrogne!

C'est ainsi que le publique se mit à l'encourager en l'appelant par son fabuleux nom d'acteur: Mortecouille.

Qui l'eut cru! L'homme limace était devenu tout à coup un génie de l'improvisation.
Que c'était-il passé dans sa petite tête? Est-ce la tonne de sucreries qui l'attendait en récompense qui l'avait motivé comme ça?

Trêve de cogitation, profitons-en avant qu'il ne change d'avis.
Bito secoua légèrement la tête pour se remettre dans son rôle. C'est alors, qu'il voulu mettre un peu plus de piquant dans cette scène épique: Il décida d'engager le duel au milieu des spectateurs. Il traversa  donc  la foule qui se sépara à son passage, créant un long couloir pour les deux jeunes acteurs.

- Plutôt manger de la fiante que de perdre contre toi saligaud! Moi, Rackham Black, je jure de te faire mordre la poussière! En garde raclure!

Fronçant faussement les sourcils, je fonçais droit vers le jeune homme. Ainsi, une fois près de lui, je levai mon arme prêt à lui donner un coup de lame droit sur son crâne. J'espérais juste qu'en plus d'être bon acteur, il aurait de bons réflexes...
Cependant tout cela ne se passa pas comme prévu, au moment où j'allais faire un pas de plus et l'attaquer, mon pied se posa sur un détritus qui me fit perdre l'équilibre. Cette foutue canette de soda n'avait rien à foutre sur mon passage!
Bref, j'allais totalement m'écraser sur lui si il ne bougeait pas de là.

Après m'être lamentablement vautré au milieu de la foule, je relevais la tête tout en jetant un regard quelque peu contrarié à mon "Mortecouille" préféré.
Il venait de me traiter de limace!? Non mais sérieux, c'est le monde à l'envers.

- Je vais t'en foutre des limaces moi... Grommelais-je tout bas pour que personne ne m'entende râler.

Ce mec avait eu de bons réflexes, que ce soit pour m'esquiver ou d'improviser en faisant passer mon personnage pour un ivrogne. Ce qui allait justifier à merveille ma chute ridicule. En même temps il fallait être bête pour ne pas savoir que le rhum faisait partie du quotidien d'un Pirate.
Une fois debout, je tapotais mon costume pour y retirer la poussière. Puis c'est dans un grand mouvement de splendeur je brandis à nouveau mon sabre en sa direction...
Quelle classe je vous jure.

- Même avec 4 litre de rhum dans le sang, je te ferais la peau James!

C'est après cette réplique que je m'élançai vers lui pour enchaîner une salve de coups d'épées. Bien sûr, je ne m'étais pas retenu dans mon élan, mes coups étaient rapide et puissant, car après tout la limace m'avait bien montré qu'elle n'était pas aussi molle que ça.
...

Et pour pimenter le tout j'allais lui offrir un second round mais cette fois ci avec non pas une mais deux épées... Le jeune homme allait-il s'en sortir sous cette pluie de coups avec pour seule arme une barre de métal?

Le jeune homme aux cheveux blancs semblait bien encaisser le choc. Cependant une petite toux suspecte vint à se montrer milieu de la bataille. Curieux de le voir tousser sans raison, je levai un sourcil d'un air interrogateur. Le faisait-il pour son personnage ou était-il malade? Il jouait tellement bien la comédie que je n'arrivait plus à discerner le personnage du comédien.

Pourtant l'acteur ne montrait aucun signe de faiblesse et il était même aller jusqu'à me faire perdre l'une de mes épées grâce à une parade bien placée. Souriant face à cette performance, ce mec avait réussi à tenir en haleine pas mal de spectateurs.

- Hoho, tu t'en sors mieux que je le pensais vieil ivrogne! Dis-je en baissant mon arme. Mais je ne vais pas être le seul à perdre une arme ce soir.

Brusquement je tapais du pied, une planche du faux-parquet se souleva, percuta son arme et la fit virevolter dans les airs...
J'avais remarqué cette planche pendant que nous nous battions, à chaque fois que l'on posait le pied dessus, elle s'enfonçait légèrement dans le sol. Donc il m'avait suffit d'un bon coup de talon dessus pour que l'autre l'extrémité  de la planche se soulève et frappe en plein dans son arme.
Posant alors ma lame sous sa gorge je lui dis:

- Alors on fait moins le malin..!

Quand tout à coup...
La barre de fer qui s'était envoler dans les airs vint à percuter la colonne qui maintenait tout l'éclairage de la scène. Ce truc n'allait pas tarder à s’effondrer sur nous...

- On dirait que je viens de faire sauter ma paye... Fis-je sur un ton totalement perplexe même si le danger s'approchait rapidement.

Le gars aux cheveux blancs avait réagit au quart de tour, tandis que moi je me demandais encore comment cette colonne avait pu péter aussi facilement... Le responsable avait dû fixer tout ça comme un con, c'était la seule raison possible. Ce qui voulais dire que cette saloperie menaçait de nous tomber sur la gueule depuis le début.

- Tsss... Il va m'entendre ce Responsable. Lâchais-je toujours aussi calme.

En même temps, il n'y avait pas de quoi paniquer... Enfin je crois, il fallait juste que je me presse de diriger les spectateurs vers la sortie pendant que l'autre joue les héros.
Certaines personnes avaient déjà fuient, mais d'autres étaient encore là à croire que cela faisait partie du spectacle.
Alors je leur gueulai un bon coup dessus pour qu'ils se tirent de là.

- Bougez vos cul de là si vous voulez pas crever!

Les spectateurs restant ayant compris que ce n'était pas des effets spéciaux, ils s'enfuirent en courant, quand à moi, je couru dans l'autre sens pour aller aider l'albinos et le gosse qui n'avait toujours pas bougé tellement il était paralysé par la peur. Le mec à la tignasse blanche qui n'avait pas l'air de gérer très bien son pouvoir, d'où ce débris qu'il n'avait pas pu arrêter et qui lui avait défoncé l’œil,  n'était pas loin de ses limites, mais la situation ne me priva pas d'une pointe d'ironie.

- Ça va, c'est pas trop léger mec?

Prenant d'abord le gosse sur mon épaule comme un vulgaire sac à patate, je m'approchais tout près du héros en herbe et attrapai sa tête sous mon aisselle. Oui, ça avait dû un peu le surprendre, lui qui était déjà bien concentré à maintenir cette colonne.

- Ça risque de vous retourner un peu l'estomac la première fois.

Je parlais bien sûr de mon pouvoir de téléportation, car en un rien de temps nous nous retrouvâmes sur le toit d'un stand de friandise. De là, nous pouvions admirer la colonne qui s'écrasait un peu plus loin.

Mâchouillant le faux cigare que j'avais au coin de la bouche, je continuai de fixer les ruines de la scène tout en écoutant tout ce que me disait l'albinos. Il était vrai que cette colonne était beaucoup trop fragile, un seul coup de barre de fer suffit à faire s'écrouler 1 tonne d'acier. J'avais un petit doute sur la cause de ce carnage.

Qui sait... Dit-je en faisant mine de réfléchir. C'est peut-être du sabotage. Si ça se trouve, quelqu'un avait envie de nous voir là-dessous. Mais t'as pas une tête à avoir beaucoup d'ennemis toi.

N'en pouvant plus de parler avec ce cigare en plastique qui allait bientôt me donner une crampe à la mâchoire, je le crachai par terre comme... comme l'aurait fait un pirate tiens. D'ailleurs il était temps que je retire ce chapeau et ce cache-œil de pirate qui m'encombraient.

- Tu ne m'dois rien, tu m'as déjà bien aidé en remplaçant l'autre bouffon qui s'est évanoui juste avant d'entrer sur scène. D'ailleurs je dois t'avouer que tu t'es vachement bien débrouillé.

Sur ce compliment je m'occupai de faire descendre le petit gars du toit pour enfin m'occuper d'un détail qui m'intriguais: son œil. Sa blessure n'était pas négligeable, elle passait carrément au sur la paupière. Et pour être raisonnable, ça avait vraiment une sale gueule de loin avec tout ce sang.

- Tu peux arrêter de me vouvoyer tu sais. Dis-je sur un ton amusé. Et appelle moi "Bito", c'est mon prénom... Et tu devrais aussi faire un tour à l'hosto car tu t'es fait une putain de balafre sur l’œil mon pote.

Le petit génie de l'improvisation s'appelait donc Haru. Et il me faisait déjà perdre patience car:
- D'une il était persuadé d'avoir une dette envers moi,
- De deux il restait de marbre face à cette monstrueuse blessure sur sa gueule.
Mon regard quelque peu exaspéré se posa sur lui, puis je me téléportai derrière lui pour le choper une nouvelle sous mon bras fois et frotter mon poing sur son crâne.

- Tu va te bouger ou quoi!? J'ai pas envie d'avoir un type en train de se vider de son sang sur le dos!

Bon d'accord. Calmons-nous. Ce n'était peut-être pas la meilleur façon de le secouer, mais je ne supportais pas longtemps la vue du sang. Ça me stressait, surtout que je me sentais un peu coupable dans cette histoire. Si je ne l'avais pas obliger à jouer dans la pièce, il n'aurait  jamais eu cet accident.
Relâchant alors mon étreinte sur lui, je fis ensuite un bond pour descendre du toit du stand de barbe-à-papa. Il était temps que je bouge d'ici, pour faire quelques vérifications.

Bref, sabotage ou pas, je dois en avoir le cœur net. Car si s'en est un, il doit surement rester des traces... Dis-je sur un air peu rassuré.

J'espérait vraiment qu'il s'agisse seulement d'une erreur de la part du responsable, car si ça se trouve quelqu'un voulait discrètement faire la peau à l'un de nous deux. Et comment voulez-vous dormir tranquillement en sachant ça?
Fourrant mes mains dans mes poches je fis demi-tour vers la scène... Mais je me stoppai après quelque pas.

- Ah oui j'allais oublié.

Je sorti une carte de ma poche et la lui lança avec un petite sourire en coin.

- Avec ça tu as le droit de bouffer un peu de tout gratuitement. C'est l'avantage quand on travail ici. Profites en bien Haru.