Lorsque la Tonnerre posa sa tête sur l'épaule du jeune homme. Nathanaël frissonna. Cependant, il savait que c'était certainement par lassitude. Elle n'avait pas envie de parler de ce qui la tracassait et ses paroles ne vinrent que confirmer ce que le Terre savait déjà, au fond de lui. Au moins, elle savait qu'il était là pour elle et cela lui suffisait. Elle n'était pas encore prête et il ne la brusquerait pas. Il se contenta donc d'abord de hocher la tête et passa doucement une main dans les cheveux de son amie. Une douce caresse pour éloigner les soucis.

D'accord. Ne t'en fais pas, je ne t'en parlerai plus. C'est promis.

Oui, il attendrait, simplement. Ce n'était pas la première fois qu'il le faisait et cela ne serait sans doute pas la dernière. Il lui laisserait le temps qu'il faut, pour autant qu'elle ne sombre pas trop. S'il voyait son état trop se détériorer, le Titan reviendrait probablement sur ses paroles, mais ce n'était pas encore le cas et cela n'arriverait peut-être jamais, alors il ne servait à rien de l'envisager pour le moment. Une chose était certaine, il ne la laisserait plus tomber, plus jamais, il en avait fait le serment.

Ipiu enchaîna en lui expliquant ce qu'était le film Zootopie, ou plutôt le dessin animé. Le Terre n'en avait jamais entendu parler et le résumé qu'en fit son amie le laissa perplexe, mais pourquoi pas ? Les dessins animés avaient l'avantage d'avoir très souvent deux niveaux de lecture : une histoire simple pour les enfants et quelque chose de plus complexe pour les adultes. Il se demanda quel genre de moral allait être transmise. Nathanaël sourit devant ce qui semblait être une imitation de la dénommée Ariana qu'il n'avait, malheureusement, pas la chance de connaître.

Très bien, c'est parti pour Zootopie alors.

Il avait lâché un petit rire face à la réflexion de la Sensitive. L'avion fut à nouveau secoué, entraînant son lot de petits cris étouffés et de murmures.

C'est vrai que si ça continue comme ça, on pourra difficilement se remettre aux échecs...

Nathanaël sourit. Il aurait pu demander à son amie si elle pouvait faire quelque chose contre l'orage qu'ils traversaient, mais n'en fit rien. Il n'était pas certain qu'une Étoile ait les capacités de dissiper ou d'amoindrir la tension dans les nuages et puis, et c'était le plus important, il savait qu'elle n'aimait pas trop jouer avec ses pouvoirs. L'orage ne semblait pas être très violent, mais il pensait aux gens apeurés. Au lieu de cela, il vint simplement poser avec douceur sa tête sur celle d'Ipiu, toujours appuyée contre son épaule. Cela finirait bien par passer et le calme reviendrait de lui-même dans l'avion. Le Terre profita une nouvelle fois du doux parfum des cheveux de son amie, fermant les yeux un instant, puis observa, heureux, les doigts de la jeune femme s'activer sur son portable pour lancer le film. Il ne réalisait pas encore pleinement qu'il allait passer le reste du week-end seul avec elle, mais comptait bien profiter de chaque instant, car, comme toujours lorsqu'il voyait la Sensitive, ce voyage allait passer bien trop vite à son goût.

« Tu sais, je ne veux pas te retirer la liberté de t’exprimer, si ça doit te bloquer, si tu dois te retenir pour ça, j’en parlerais… Je ne veux plus rien te cacher. »

Tu es trop important pour que j’érige des murs entre nous Nathanaël. Si cela te bloque, si tu te forces pour ne pas aborder le sujet, alors ça ne va pas. Je veux fuir, je veux profiter du temps ensemble, mais… Si c’est pour que tu te retiennes avec moi, ça ne va pas ! Tu comprends, même si je n’en ai pas envie mais je le ferais. Tu es plus important que ça. Oui j’ai décidé de dire ça, et de ne pas trop y penser.
Je suis nulle, particulièrement quand je suis avec toi. Tu as remarqué ? Avec les autres, je peux faire semblant, mais toi tu comptes, et ton avis compte. Alors j’peux pas te mentir ou te tenir à l’écart, sinon on ne serait pas amis.

Je te passe un écouteur, et c'est drôle parce qu'au final on les met sur nos oreilles opposées pour pas changer de position. On est bien câlés. Je bouge l'écran pour que tu vois aussi bien que moi, mieux que moi en fait. J'ai l'habitude de faire plusieurs choses en regardant des films, donc si l'image est pas nette c'est pas grave.
Les gens sont terrifiés par l’orage, et quelque part c’est drôle. Drôle parce qu’on doit passer pour un gentil couple d’étrangers, les japonais n’entretenant que rarement une telle proximité quand ils ne sont pas en couple ça serait logique. Un couple d’ailleurs assez chou à leurs yeux vu qu’on n’est pas indécents... En réalité on serait tellement plus dangereux que ces quelques perturbations météo... C’est ironique, mais en même temps agréable. Je n’aimerais pas être regardée comme un monstre, ce serait… désagréable. Je pourrais essayer d’amoindrir l’orage, je pense que Nathou est arrivé à la même conclusion, mais… je prends en compte tout le matériel électronique à bord et j’me sens pas les couilles de bidouiller l’électricité à vingt mille pieds d’altitude. Trop de paramètres imprévisibles, et trop de gens dans les paramètres prévisibles…
J’pourrais essayer de calmer les plus virulents d’entre eux avec l’autre pan de mon pouvoir, mais j’aime pas modifier les sentiments des gens… Et puis ils sont trop loin de toute manière, même si j’leur envoyais une vague d’apaisement elle se perdrait sans doute en route. Bref, et si on profitait du film ?

J’dois avouer que j’rentre rapidement dans le film et que j’me surprend à rire comme une idiote aux bêtises du renard. Il est pas croyable, et la lapine… Elle va pas laisser tomber ci ? Non, mais non c’est un Disn…

« HAHAHAHA sérieusement ? »

Okay, j’vois où voulait en venir Ariana, c’est cool comme film ! Un club de naturiste pour animaux, mais il fallait y penser. C’est juste terriblement GENIAL. Drôle, et ils montrent ça à des enfants ? Non mais non… Mais. C’est cool. Juste cool. Le film passe rapidement, il vraiment chouette. Il se finit trop vite, et la réalité repprend le dessus...

Nathanaël sourit en réponse à ce que son amie lui avait dit. Elle était... adorable. Elle n'aimerait probablement pas entendre ce mot dans sa bouche, c'était pourquoi il ne le prononcerait pas, mais cela ne l'empêchait pas de le penser. Il était touché par ses mots, par sa gentillesse et son envie de ne plus rien lui cacher. S'il avait dû exprimer ce qu'il ressentait à cet instant, les mots lui auraient manqué, tant l'émotion était puissante et riche. Impossible à décrire, elle devait être vécue pour être comprise. Il se contenta donc de réfléchir quelques secondes avant de répondre, certain de ce qu'il voulait et de ce dont il avait besoin.

Je te remercie Ipiu et je tiens à te rassurer, cela ne me pose pas de problème, pas pour le moment en tout cas. Je te promets de te reposer la question, si j'en ressens le besoin. Je te fais confiance et si tu me dis que tu m'en parleras, plus tard, alors je te crois. Je ne veux pas te gâcher ton week-end et cela ne gâchera pas le mien. Tu as l'air d'aller bien, cela me suffit pour le moment.

Il s'était exprimé avec tendresse et douceur et son sourire s'était entendu dans le son de sa voix. La Sensitive lui avait ensuite passé un écouteur, une fois le film prêt. Aucun d'eux n'avait changé de position, toujours appuyé l'un contre l'autre. Cela convenait parfaitement au Terre, trop heureux pour oser même penser à l'éventualité de bouger.

Il s'était alors concentré sur le film. Le personnage principal fut rapidement présenté et son envie de vivre son rêve, de transcender ce que la société semblait avoir choisi pour elle, l'intéressa particulièrement. Un autre aspect du film le passionna, le fait d'utiliser des animaux pour faire ressortir des traits de caractères ou une position sociale par exemple. Cela lui fit bien évidemment penser à des œuvres telles que « Les Fables de La Fontaine » ou « The Blue lenses » de Daphnée Du Maurier, pour ne citer que ces deux-là. Le dessin animé était divertissant, drôle ou touchant par moment et le Terre estima qu'il exploitait assez bien l'aspect animalier, même si, bien entendu, cela aurait pu être plus approfondi, mais ce n'était pas son but. En bref, il appréciait.

Au-delà du film en lui-même, Nathanaël était aussi heureux d'entendre son amie rire avec tant de sincérité. Lui-même ne laissait souvent s'échapper qu'un simple sourire ou un petit pouffement face aux blagues et autres drôleries présentées dans le dessin animé, mais cela ne l'empêchait pas de passer un bon moment, au contraire. Il fallait dire qu'il était rare de le voir rire aux éclats devant un film... ou même d'une manière générale, en fait, à bien y réfléchir. Il souriait beaucoup, trop peut-être, et laissait parfois s'échapper un petit rire, mais guère plus.

Le film se termina sans qu'il n'ait senti le temps passer. Il y avait, évidemment, des critiques à faire, mais il ne prendrait pas la peine d'y réfléchir, pas pour le moment en tout cas. Non, il était trop bien, trop heureux pour vouloir gâcher ce plaisir. Un signal sonore retentit et le symbole indiquant aux passagers que leur ceinture devait être attaché s'éteint. Nathanaël n'avait même pas remarqué que l'orage était passé, trop concentré sur le film. Les hôtesses de l'air recommencèrent à servir les gens, poussant un chariot avec des boissons. Lorsque le tour des jeunes gens arriva, il se décida à demander un verre d'eau. Quitte à le renverser, autant choisir quelque chose qui ne tâche pas et ne colle pas. Il en profita d'ailleurs pour vérifier l'état de son pull. Il avait eu le temps de presque entièrement sécher pendant le film, mais une jolie marque restait bien visible. Il espérait que cela partirait au lavage. Le Terre chassa rapidement le vêtement de ses pensées pour ne pas se laisser gagner par la mauvaise humeur.

Est-ce que tu aimerais refaire une partie d'échec, maintenant que l'orage est passé ? Ou peut-être préfères-tu te reposer un peu ? On doit encore avoir une bonne heure avant le déjeuner et comme on a dû se lever tôt ce matin...

Le Titan sourit et laissa sa phrase en suspens. Il s'était redressé, un peu à contre cœur, lorsqu'on leur avait servi les boissons. Lui-même n'était pas fatigué, mais il n'empêcherait pas son amie de fermer les yeux si elle le souhaitait.

Par contre, avant cela, il va falloir que je t'embête...

Il sourit, un peu gêné. Il fallait qu'il se lève.

Faut avouer qu’il y a pas mal de choses entre nous qui ont une durée de péremption, on n’est plus à ça près hein ? Un jour faudra qu’on sorte tous ces produits avariés du frigo pour assainir notre relation. Trop de non-dits, trop de plus tard… Mais je suis celle à qui profite le crime, alors je ne vais pas me plaindre hein ? Juste je crains le jour où on devra tout se dire, le jour où Nathou ne voudra plus attendre, ne pourra plus attendre. Enfin, nous partons en week-end. Profitons plutôt que de se prendre la tête. Il a raison, je vais bien, je suis avec mon meilleur ami sur le chemin de territoires inconnus, que demander de plus !

Le film est sympathique, plus que sympathique même bien tourné, avec des retournements de situation, des quiproquos, des jeux de mots, plusieurs niveaux de lecture… Tout ce qu’il faut pour rigoler et passer un bon moment ! Nath ne rit pas à gorge déployé, ce n’est pas dans son tempérament. Je sais que ce n’est pas pour autant qu’il s’ennuie, je commence à le connaitre quand même, il a une certaine retenue qui est assez mignonne en fait je devrais lui faire remarquer un jour pour voir comment il réagit ! Je ne pense pas que ça le perturberait de trop, il n’est pas du genre à rougir pour si peu… Hm, je n’arrive pas à me figurer sa réaction, ce qui rend l’idée de le chahuter un peu toujours intéressante.

J’ai pas vu le temps passer, déjà les hôtesses nous propose à nouveau à boire, sagement nous demandons tous deux de l’eau. Moi pour ne pas paniquer et dire la première chose qui me passe par la tête, lui pour éviter les nouveaux incidents je présume. J’espère qu’il a prévu un autre pull, j’en ai un de rechange… Mais si avant je pense qu’il n’aurait eu aucun mal à rentrer dans mes fringues en les distordant un peu… Je pense plus que ce soit possible… HEY MAIS QUAND T’AS GRANDIT COMME CA ? Et POURQUOI JE NE M’EN SUIS PAS RENDUE COMPTE ? Nathou non vraiment restes un adorable adolescent toute ta vie veux-tu ? Préserve mon petit cœur de vieille en devenir ! Bon j’avais remarqué avant que tu avais commencé à prendre du muscle grâce à ton travail de jardinier, mais ça a été progressif, j’avais pas capté que c’était à ce point… J’vais bouder dans ma tête d’accord ?

Hm, il a pas tord par contre, on pourrait se reposer avant d’arriver comme ça on partirait à fond les ballons dès qu’on arriverait et pourrait profiter pleinement… Ou alors on serait courbaturés et on irait se recoucher à l’arrivée. Ouai ce plan est pas si génial que ça en fait.

« Hm, échecs ? »

Me déranger ? Pourquoi il veut me déranger… Ah. Oh ! D’accord Ipiu tu es officiellement une crétine ! Je finis d’une traite mon verre d’eau et me redresse sur le siège, me poussant contre le dossier en appuyant sur l’accoudoir.

« Passe je t’en prie ! »

Je ne peux pas faire grand-chose de plus tu me diras, j’peux ni me lever pour te faciliter l’accès, ni plaquer mes guiboles contre le siège. Je suis inutile et tu vas devoir te débrouiller désolée, mais bon tu savais à quoi tu t’engageais en partant avec moi hein ?

Il passe tant bien que mal et j’me retrouve seule… Et puisque je suis seule j’peux regarder par le hublot gnéhéhéhé ! Je me tracte à la force des bras (en galérant pas mal faut l’avouer) jusqu’à la fenêtre… Mais c’est vachement moins beau maintenant, tout est gris les nuages sont remontés, ils ne sont plus au-dessus de nous. Tant pis, maintenant but du jeu retourner à ma place avec que Nath revienne… Bon il est là. Trop tard.

« Désolée je te rends ta place ! »

Allez marche arrière on rembobine, on fait la technique de l’orang-outang où on porte tout sur les bras. Ou…

« Attends ça te va si je la garde ? Ce sera plus simple non ? »

Oui j’viens de m’en rentre compte. On ne juge pas, j’suis tonnerre c’est normal que j’ai un esprit bordélique. Je redresse le plateau d’échecs et nous enchainons les parties, petit à petit il se met à gagner plus de parties que moi… On va dire qu’il s’améliore, je refuse de croire que je fatigue. On va bientôt arriver de toute manière, alors je dois être en forme. Il me tarde de descendre me dégourdir les jamb… Ok bon j’ai rien dit, il me tard de retrouver le plancher des vaches. Je suis un ruminant vous savez, je rumine des idées noires à base de fraternité et de passé oublié depuis un moment. Meuh.

« Alors question essentielle : vu que ça se rapproche, qu’elle est la première chose que l’on fait en arrivant ? »

Ipiu choisit les échecs et le Terre afficha un sourire radieux. Si elle avait voulu dormir, il l'aurait laissé, évidemment, puisque c'était lui qui l'avait proposé, mais il était heureux qu'elle ait choisi l'autre option. Après sa requête, il l'observa silencieusement faire de la place autant qu'elle le pouvait et parvint à s'extraire de sa place sans trop de mal. Il y avait quelques avantages à être grand.

Son objectif n'était pas très loin de leur siège. Nathanaël eut cependant le temps de se dégourdir les jambes en attendant que la place se libère, mais il ne fut pas bien long et revint rapidement auprès de son amie qui, entre temps, s'était déplacée vers la fenêtre.  Il aurait aimé l'observer un instant sans se faire remarquer, mais elle perçut tout de suite sa présence. Après une brève hésitation, la Tonnerre lui proposa de garder cette place, idée à laquelle il acquiesça sans la moindre réticence. Être près de la fenêtre n'était pas très important pour lui et il avait remarqué que la Sensitive appréciait y jeter un coup d’œil de temps à autre. Il regretta juste le fait qu'elle n'aurait plus à se pencher vers lui pour le faire, mais il chassa cette idée stupide de son esprit.

Les deux jeunes gens commencèrent alors à enchaîner les parties. L'Anglais  s'amusa à analyser la manière de jouer de son amie, les choix qu'elle faisait en fonction de telle ou telle configuration sur le plateau de jeu, essayant progressivement d'anticiper les déplacements qu'elle adopterait pour ses pièces. Il se mit alors à prendre gentiment l'avantage sur Ipiu. Il ne savait pas s'il avait simplement de la chance dans ses décisions ou s'il parvenait réellement à comprendre et deviner les stratégies de son amie, mais cela lui importait peu. Il s'amusait beaucoup et appréciait particulièrement l'exercice qu'il imposait à son cerveau. Il voyait cette activité comme un défi et c'était exaltant. La Tonnerre était un adversaire de choix.

Nathanaël fut ainsi surpris lorsqu'on leur annonça que l'heure de l'atterrissage approchait. Alors que le pilote entreprenait les manœuvres nécessaires, son amie lui demanda ce qu'il souhaitait faire en arrivant. Il prit le temps de réfléchir avant de répondre, passant en revu les différentes options qui s'offraient à eux. Il ne pensa pas un instant à lui répondre quelque chose pour la taquiner, comme par exemple de passer le contrôle de sécurité ou aller chercher les bagages... Non, il resta sérieux et concentré.

Je pense que le plus confortable serait d'aller à l'hôtel pour poser nos bagages.

Cette proposition semblait en effet plutôt raisonnable. Pourtant, une autre idée lui traversa l'esprit.

Avant de quitter l'aéroport, j'aimerais cependant changer quelques yens. Et je vais essayer de trouver un plan de la ville, cela peut toujours être utile.

Le Terre offrit un doux sourire à la jeune femme.

Est-ce que tu penses à autre chose ?

Avant que l'Étoile ne puisse répondre, le pilote prit la parole pour annoncer qu'ils arrivaient à Singapour, qu'il était 13h, heure locale, puisqu'il y avait une heure de décalage entre le Japon et Singapour, que la température au sol était de 29°C et que le ciel était nuageux.

J'espère que tu as prévu des vêtements chauds. Cela va nous changer des dix degrés qu'il faisait ce matin à Tokyo.

Il lâcha un tout petit rire et aida la Sensitive à ranger le jeu d'échec. Une fois l'avion posé, quelques personnes se mirent à applaudir, mais cela n'était plus vraiment d'usage. Il était devenu tellement commun de prendre l'avion que cette tradition s'était gentiment perdue et c'était bien dommage, mais Nathanaël n'en eut pas conscience, ayant pris l'avion pour la première lors de sa venue à Terrae.

Je ne sais pas si vous vous rendez compte du compliqué de la chose. Une tonnerre qui joue aux échecs. C’est la merde puissance dix, déjà parce qu’on réfléchit rarement à long terme. On réagit instinctivement. Aux échecs c’est pas la meilleure des tactiques. Alors faut que j’me dise « hey pose toi, réfléchi… » mais du coup c’est vachement moins drôle, et plus prévisible. Déjà parce que j’ai lu tellement de compte rendus de parties que j’ai l’impression de toujours me rapprocher d’un genre ou d’un autre quand je réfléchis aux échecs. Donc au bout d’un moment j’arrête et je joue ce qui me vient. Le temps passe vite quand on s’amuse.

Je m’attendais à des réponses plus ou moins évidentes, aller chercher les affaires, aller pisser un coup, peut-être en des termes plus politiquement corrects, je ne le nie pas. Ensuite aller à l’hôtel, peut-être passer dans un bureau de change… Mais je me dis que ce serait trop logique de commencer ainsi, trop propre… Trop impersonnel ?

J’aimerais qu’on fasse quelque-chose d’unique, peut-être d’illogique, mais quelque-chose dont on se rappelle toute notre vie. Seulement je n’ai pas d’idée subite ou subtile à lui proposer et lui non plus. Ce qui est bien c’est que j’ai dix minutes pour trouver quelque chose. Je vais essayer de ne pas me concentrer dessus pour que ce soit spontané.

Si tu n’as pas suivi mon monologue interne ce n’est guère mon problème mon grand, tu découvriras en même temps que moi je suis certaine l’idée qui me traversera l’esprit. Je souris presque énigmatiquement, sans doute que j’ai l’air d’une gamine qui cherche une connerie à faire… D’après Aaron j’ai souvent cette expression quand je réfléchis… NON ON NE PENSE PAS A AARON.

Les gens applaudissent, je lève les yeux au ciel, si l’aile de l’avion avait été en feu, là j’aurais applaudi se poser étant devenu un exploit.

« En France un humoriste se moque des gens qui applaudissent quand l’avion atterrit, en disant que ce n’est absolument pas rassurant. Je crois que je le rejoins. »

Et puis on en parle de la conformation sociale ? C’est pas parce qu’ils applaudissent tous qu’on doit le faire aussi, passer pour des chieurs ne me dérange pas outre mesure. Nous attendons que tout le monde soit descendu de l’avion avant de pouvoir à notre tour descendre. Le fauteuil de la compagnie est pourrave, j’ai grand hâte de retrouver mon mien. J’ai le cul fragile voyez-vous… ok je ne sens plus mon cul, mais c’était drôle dit comme ça.

« COMMENT CA MON FAUTEUIL N’ARRIVERA QUE DANS TROIS JOURS ? VOUS DECONNEZ ? » je gueule en anglais, ce qui rend cette phrase bien moins polie j’en ai peur.

Non mais il ne faut pas déconner quand même. Comment ça pas dans le bon vol ? Comment ça mon fauteuil est en Russie actuellement ??? MAIS WHAT ? Et je fais comment moi ?

« Je suis là pour deux jours je lévite pour profiter de mon week-end où VOUS ME FOURNISSEZ UN FAUTEUIL ? »

Ça commence BIEN. Nath reste calme, hmm. HM. Okay on va tenter un truc. Il est plus calme que moi… peut-être qu’il réussira à demander plus gentiment que moi. Je lui glisse :

« Tu fais le gentil flic et moi le méchant ? »

Nathanaël avait ri à la réflexion de la Tonnerre. Elle n'avait pas tout à fait tort... enfin l'humoriste n'avait pas tout à fait tort. Ils laissèrent les passagers descendre tranquillement de l'avion, avant de faire de même. Puis, ils entreprirent les démarches pour passer l'immigration. Remplir le formulaire n'était pas bien compliqué, même si certaines informations n'étaient pas des plus claires. Une fois le contrôle passé, les deux amis se dirigèrent vers le hall où ils pourraient récupérer leur bagage et ce fut à ce moment-là que le drame se produisit...

Le Terre observa Ipiu s'énerver contre l'homme qui leur avait annoncé la nouvelle et qu'il vit se refermer comme une huître face à l'agression qu'il subissait. Le Titan se mit à réfléchir à toute vitesse. S'ils voulaient récupérer le fauteuil de la jeune femme, il leur faudrait attendre au minimum probablement jusqu'au lendemain matin et ce serait gâcher leur week-end. La Sensitive l'interrompit soudain dans ses réflexions. Il hocha la tête, peu convaincu que son intervention change quelque chose à la situation.

Excusez-nous, mais vous devez comprendre que sans fauteuil, mon amie ne peut pas se déplacer et, comme elle vous l'a indiqué, nous ne sommes ici que pour deux jours. Nous nous réjouissions de découvrir votre ville et serions vraiment déçus de devoir rester à l'aéroport, faute de pouvoir nous déplacer. N'y a-t-il donc vraiment aucune solution à envisager ?

Son air doux et  posé calmèrent instantanément son interlocuteur, bien qu'il continue à jeter des coups d’œil suspicieux à l'Étoile.

S'il vous plaît. C'est vraiment important pour nous.

Contre toute attente, il leur demanda de patienter un instant et s'éloigna, sans les informer de ce qu'il comptait faire. Nathanaël espérait qu'il irait demander de l'aide à un de ses collègues ou peut-être même qu'il organiserait la location d'un fauteuil pour le week-end ? Cette hypothèse semblait bien trop belle pour être vraie, alors il arrêta d'imaginer ce qui allait peut-être se produire. Ils verraient bien le résultat de leur démarche. En attendant, l'Anglais récupéra leurs valises placées en soute, qui, elles, étaient bien arrivées et tournaient inlassablement sur la tapis roulant.

Au pire des cas, on cherche une adresse et on va nous-même louer un fauteuil pour le week-end. Je suis certain qu'on doit pouvoir trouver un magasin ou quelque chose.

Il sourit à Ipiu, avec un air un peu désolé sur le visage. Il n'y pouvait rien, bien entendu, mais tout ceci était bien gênant. L'attente se prolongea encore et encore. Le Titan en vint même à douter que l'homme reviendra, imaginant que ce dernier n'avait trouvé que cette idée comme parade pour se débarrasser d'eux. Alors qu'il s'apprêtait à faire part de ses craintes à la Sensitive, il aperçut l'individu revenir vers eux. Il leur annonça, après avoir rapidement masqué sa surprise, probablement de voir les deux amis l'attendre encore patiemment, que, s'ils le souhaitaient, la jeune femme pourrait garder le fauteuil actuel pour le week-end et que, le cas échéant, ils devraient le suivre pour remplir les papiers nécessaires. Estimant que ce n'était pas à lui de prendre cette décision, l'Anglais se tourna tout naturellement vers Ipiu, attendant sa réaction.

Ne pas se déplacer… Doux euphémisme, je suis une plante verte si j’ai pas de chaise roulante. On peut venir m’arroser deux fois par jour, m’apporter de la nourriture, faut me changer, etc, etc. En fait je suis pas une plante verte, je suis un putain de bébé si j’ai pas ma chaise roulante. C’est grave la merde. Déjà là j’ai pas mon porte personne pour faire les transitions fauteuil/lit/toilette/ect. Faut que j’arrête d’utiliser etc… Enfin vous avez compris le concept, sans Nathou j’pourrais pas partir en voyage seule, il me faut quelqu’un pour me porter… Ou du moins s’asseoir sur une chaise pendant que je l’appuis dessus pour faire mais déplacements. J’ai de la chance d’être encore jeune, bien portante et costaude. Je sais que dans trente cinquante ans, ce ne sera plus possible et que je serais complètement dépendante.

Sauf que c’est pas censé arriver aujourd’hui. JE NE VAIS PAS IMPOSER CA A NATH. J’vous jure que s’ils ne me fournissent pas de fauteuil j’leur fait payer le billet retour. Je suis presque certaine qu’ils voudront éviter un procès (ok en vrai j’aurais grave la flemme) ou genre un billet doux sur leur net expliquant la mésaventure et la façon dont ils l’ont réglée. Après tout la communauté bien-pensante d’internet est prompte à se lever contre les injustices faites aux handicapés dans mon style. Un peu de mauvaise publicité c’est toujours sympa pour une compagnie aérienne.

« Tu as raison, mais j’aimerais qu’on n’ait pas à engendrer de frais pour un fauteuil, c’est plus cher qu’il n’y parait… Je préfère autant mettre mes soux dans un bon resto ! »

Oui les fauteuils pour qu’ils soient un minimum confortables ça dépassent facilement le millier d’euros, leur location même ponctuelle coute cher. Je ne parle même pas des fauteuils électriques dont la location est quasi équivalente à celle d’une voiture de luxe… Conseil les amis, soyez intelligents, conduisez prudemment parce qu’une fois dans un fauteuil c’est la merde à tous les étages… Surtout que si ce n’est pas un tiers qui vous percute, il n’y a personne d’autre que vous pour assumer les factures… Sérieux j’irais finir ma vie en France, au moins la sécurité sociale aide dans ce genre de dépenses.

L’homme revient après bien trente minutes d’attente. GENRE TRENTE GROSSES MINUTES (comme ma… planète). Il a pris son temps. Je suis certaine qu’il l’a fait EXPRES pour qu’on n’ait pas envie de le suivre et de remplir plus de papiers. On a pas de temps à perdre… En fait il m’aurait moins saoulé j’aurais peut-être réfléchi plus calmement et je lui aurais juste donné très envie de nous aider, mais j’ai été tellement surprise par l’incompétence de la compagnie et leur manière de dire « OSEF » que j’ai juste ragé.

En tous les cas, j’ai pas la moindre envie de perdre plus de temps dans l’aéroport… Et de toute manière mon royal fessier ne se retrouvera pas couvert d’escarres pour un week-end sur une chaise peu adaptée. Aussitôt décidés, aussitôt sortis de l’aéroport…

« ENFIN ! »

Sauf qu’à peine sortis on se retrouves assaillis par plein de monde. La foule et dense, et trouver un taxi peu aisé. On finit tout de même par réussir à en prendre un. Je soupire, heureuse de m’être enfin dégagée de la foule d’aisselles en sueur. Je m’y attendais pas vraiment, mais bon je saurais faire avec. Je regarde par la fenêtre en lançant toutes les trois secondes : Oh regarde cette statu/plante, ce magasin, bref cette chose qui est assez particulière pour être différente de ce qu’on connait. C’est juste nouveau, ‘fin je suis déjà passée à Singapour mais jamais plus vingt-quatre, le temps d’une escale, d’une rencontre brève, mais pas avec un ami. Ça change tout, et je suis trop heureuse d’être là avec lui.

Nous arrivons rapidement (malgré les embouteillages…). La chambre d’hôtel aurait pu être pas mal… S’il y avait eu deux lits jumeaux au lieu de lits superposés. J’dois avouer que j’ai un peu bagaré au téléphone pour qu’on n’ait pas une chambre double tout court. Du coup on a une chambre pour enfants comme en attestent la décoration et les instructions…

« J’prends le lit du bas ? »

Nathanaël suivit son amie, sentant inconsciemment que sa présence calmait la tension palpable entre elle et le délégué de la compagnie. Les démarches administratives furent  effectuées le plus rapidement possible et, après avoir fendu la foule comme ils avaient pu, les deux jeunes gens s'étaient trouvés un taxi et avaient enfin quitté l'aéroport. Le Terre avait passé le trajet partagé entre l'observation du paysage, des rues à travers la vitre du véhicule et la contemplation du visage de la Sensitive, de sa joie. Il ne put s'empêcher de sourire avec tendresse et bienveillance.

Une fois dans la chambre d'hôtel... assez... intéressante, il fallait l'avouer, l'Anglais souffla un peu. Il sourit lorsqu'il entendit la réflexion d'Ipiu.

Tu ne souhaites pas en profiter pour muscler ces petits bras ?

Il lâcha un tout petit rire. Le Titan se permettait rarement de faire des blagues, ne se considérant pas comme quelqu'un de particulièrement drôle, mais il était simplement heureux d'être là, avec son amie et c'était sa manière de l'exprimer. Il continua de s'installer, notant qu'il devrait faire attention au plafond bas lorsqu'il irait se coucher (parce qu'il ne l'avait pas préciser, mais il était évident qu'il prendrait le lit du haut...), puis Nathanaël consulta les dépliants qu'il avait récoltés à l'aéroport et à la réception de l'hôtel. Il était satisfait d'avoir trouvé un plan de la ville, un du quartier dans lequel se trouvait leur hébergement et un du métro, même s'il n'était pas certain qu'ils utiliseraient ce dernier. Le Terre avait aussi trouvé des coupons de réduction pour certaines attractions de la ville.

Bon, juste pour faire un peu le point... à quelle heure est-ce qu'on doit aller à l'aquarium demain et à quelle heure est notre avion ?

Sans quitter la carte des yeux, il enchaîna.

Pour aujourd'hui, on peut aller se balader un peu dans le quartier. Je vois qu'il y a un temple hindou proche d'ici. Je ne sais pas si c'est un lieu qu'on peut visiter, mais ce serait déjà intéressant à voir. Après, on pourra aussi gentiment aller manger, si tu as faim. Je suis certain qu'il est aisé de trouver un restaurant sympa... à moins que tu aies envie de faire autre chose.

Nathanaël fit une brève pause, continuant à scruter le document.

Je suis désolé, mais je devrais aller acheter un short de bain demain. Je n'avais pas prévu de me baigner.

Il releva la tête pour accrocher son regard à celui d'Ipiu et lui lança un sourire un peu gêné.

Je lui tire la langue, il faut bien rester dans l’ambiance du lieu ! J’dois avouer que j’aime particulièrement la présence des dinosaures sur les murs. C’est joli ? étrange mais joli. J’dois avouer que parler de mes petits bras c’est assez vexant pour que j’lui tire la langue deux fois quand même. C’est la dernière partie de mon anatomie encore musclée, ainsi que certains de mes muscles dorsaux j’imagine, mas ça je ne peux pas les voir… Mes jambes par contre, bref osef.

Hm, j’crois pas qu’il y ai un fondement archéologique à la décoration de cette chambre… ça doit juste sortir d’un dessin animé. Mais j’aime beaucoup la lampe de bureau avec une sorte de gigantoraptor en mosaïque multicolore.

« Alors on a rendez-vous à l’aquarium à 10h, notre vol part lui à 21h49, on est larges j’pense. »

Enfin, même si on restait trois heures dans l’eau et pas trente minutes on resterait larges. Juste on va rentrer complètement claqués et on va bien dormir dans l’avion ce coup-ci. Ce qui en soit ne me dérange pas, j’aime bien dormir, ça repose.

« Bonne idée, et au pire si on ne peut pas visiter on marchera au hasard des rues, ça sera toujours cool ! »

Je suis certaine après notre tour en taxi qu’il y a des choses à découvrir à chaque coin de rue ici, du coup même si on ne visite pas un lieu particulier, tant qu’on visite, ça peut le faire.

J’y avais pensé qu’il n’aurait pas de slip de bain, et en temps normal j’serais allée en chiper un chez Aaron (pour m’éviter la discussion du « non mais c’était pas la peine de me l’offrir, et bla et bla et bla… ») mais j’avais pas envie de voir Aaron… Et pas envie de mettre encore plus la pression à Nath en lui rappelant que j’espérais qu’on partirait ensembles, donc j’en suis arrivée exactement à la même conclusion que lui, on trouverait sur place…

« J’pense que ça sera un peu cher si on l’achète directement sur place parce qu’il y aura sans doute des frais supplémentaires dus au logo de l’aquarium… Si on croise une boutique de sport on aura qu’à y faire un tour ! »

Perso ça ne me gène pas, puis faire du shopping c’est fréquent en voyage non ?

Nous partons donc à l’aventure dans des rues de Singapour avec pour premier objectif de notre périple le temple. L’entrée est déjà grandiose, mais en y prêtant attention on peut y voir une petite pancarte y pendre. Je lis la version anglaise, de la même façon que mon ami j’imagine.

« Karma de … »

Le temple est interdit aux visiteurs ce week-end pour cause de cérémonies religieuses. Euh… Lol ?

« Tant pis, on continue de marcher ? »

En même temps c’est pas comme si on avait le choix. On essaie les petites rues mais on finit par se rapprocher des artères principales, mon fauteuil ne passant pas sur les trottoirs trop petits. D’ailleurs mes prédictions étaient bonnes, on finit par tomber devant un magasin de sport :

« Allez viens ! » je lui dis en entrant dans la magasin… avant de me trouver confrontée à une volée de trois marches infranchissables. Une ça passe, deux j’ai une chance sur deux de me ramasser en faisant du deux roues… Trois j’peux pas.

Nathanaël nota dans un coin de son esprit les horaires communiqués par la Tonnerre. En effet, ils avaient de la marge et cela le réjouit. Ils auraient le temps de profiter pour visiter la ville sans devoir courir, même s'il fallait avouer qu'une journée ne leur permettrait pas de voir tout ce que Singapour avait à leur offrir. Ipiu acquiesça à sa proposition pour la soirée. Il se contenta de hocher la tête avec approbation lorsqu'elle lui parla d'un magasin de sport. Elle avait raison. Ce serait bien moins cher que dans la boutique de souvenir de l'aquarium.

Une fois prêts, les deux jeunes gens quittèrent leur chambre d'hôtel « dinosaurienne » et prirent la direction du temple... qui s'avéra être fermé aux visiteurs. Le Titan se contenta de suivre son amie, observant les bâtisses, parfois les personnes qu'ils croisaient. Il aperçut le magasin de sport en même temps que la Sensitive. Il fut surpris de la voir s'arrêter, avant de regarder devant elle et d'apercevoir les trois marches traîtresses. L'Anglais jeta un coup d’œil à Ipiu. Était-elle capable de se débrouiller seule ou devait-il lui proposer son aide ? Il la savait pleine de ressources, mais doutait de sa capacité à passer cet obstacle. Trois marches, c'était tout de même beaucoup.

Me permets-tu de t'aider ?

Pour une fois que sa force surhumaine lui servirait à quelque-chose de vraiment bien... Ne souhaitant cependant pas la vexer, Nathanaël attendit l'approbation de la Tonnerre avant de se placer à côté d'elle, de se concentrer et de la soulever doucement avec son fauteuil, comme si le tout n'avait pas pesé plus lourd qu'une plume. Il gravit les trois marches et la reposa. Un client du magasin le regardait avec surprise, se demandant comment il avait accompli cet exploit sans peine, mais il fit comme s'il ne l'avait pas remarqué. Le Terre aurait pu tirer le fauteuil marche après marche, mais il avait jugé que les à-coups n'auraient pas été très agréable pour Ipiu. Il prenait soin d'elle comme il pouvait.

Une fois bel et bien dans le magasin, l'Anglais parcourut les rayons pour trouver la section natation. Il ne souhaitait pas perdre du temps futilement. Comme il n'y avait aucun short de bain, il saisit le premier slip de bain qu'il trouva à sa taille, le seul restant d'ailleurs, mais prit tout de même soin de l'essayer, préférant être prudent puisqu'il se trouvait dans un autre pays, puis il partit le payer. Le jardinier se fit la réflexion que son nouvel achat conviendrait très bien pour leur visite à l'aquarium, avec ses dessins de poissons rouges sur fond vert. Heureusement qu'il n'avait pas peur du ridicule et que tout lui allait.

Nathanaël rejoignit son amie qui, après être restée un moment avec lui, était partie se promener dans le magasin.

J'ai fini. On peut y aller, si tu es prête.

Une fois sortie du magasin de la même manière qu'ils y étaient entrés, les deux jeunes gens recommencèrent à se balader. Ils se trouvaient dans un quartier très vivant et le Titan se doutait que se déplacer dans ces conditions ne devaient pas être très agréable pour Ipiu, mais il ne savait pas trop quoi faire pour arranger les choses.  Il semblait au jeune homme que la foule grossissait au fur et à mesure que le temps avançait, ralentissant leur progression. À une intersection, il aperçut une rue piétonne sur leur gauche. Au milieu de celle-ci se trouvaient une multitude de table, la plupart par ailleurs déjà bien remplie. Il fallait dire que cette rue aussi, était pleine de monde, mais tout de même moins que l'artère principale. Le rez-de-chaussez de chaque bâtiment était en fait un restaurant et il y avait un peu de tout, majoritairement de la cuisine asiatique : chinois, coréen, japonais, vietnamien, malaisien, ...

Tu as faim ? Est-ce que cela te dirait d'aller voir là-bas ? On devrait pouvoir y trouver quelque chose qui nous plaît.

Lui-même avait déjà senti son ventre gargouiller et il n'aurait pas été contre le fait de s'asseoir à quelque part pour manger, mais le Terre ne voulait pas non plus presser la Sensitive. Ils avaient du temps.

Mais on peut encore attendre et aller voir plus loin, si c'est trop tôt pour toi.

Il lui sourit avec douceur, comme à son habitude.

« Oui. »

J’aime pas avoir besoin d’aide, mais… Mais c’est con de répondre non quand j’peux pas faire quelque-chose par moi-même. Au début j’étais heureuse de la situation, heureuse de ne plus pouvoir être manipulée par le Centre, heureuse d’être un jouet cassé. Plus le temps passe moins je me sens heureuse de cette situation, je vois les limites qu’elle m’impose. Si je devais parler à quelqu’un d’autre je lui dirais que les seules limites que l’on ne peut franchir sont celles que l’on s’impose. Sauf que me dire ça à moi serait hypocrite, j’tiendrais plus jamais debout, je ne serais jamais plus totalement indépendante… Alors même si ça me saoule de demander de l’aide, d’accepter de l’aide, je le fais. Je ne veux pas me berner d’illusions.
Ce n’est plus comme lorsque nous nous sommes rencontrés, les choses ont changé. Nous avons changé. Aujourd’hui la seule raison que j’aurais de refuser ton aide serait un orgueil mal placé.

« Je crois que tu t'es fait une réputation de musclor... » je lui souffle en riant à moitié, voyant la mine déconfite d’un passant.

« Par contre… La prochaine fois prends moi dans tes bras pour me poser en haut des marches, puis porte le fauteuil ou fait au moins semblant de forcer un peu ? Je ne pense pas qu’on ait le droit d’attirer l’attention… »

J’dois pas avoir l’air bien lourde mais le fauteuil n’a pas l’air léger… à moins que ce ne soit l’inverse ? En tous les cas j’ai pas tellement envie qu’on nous pose des questions. Je sais que Terrae n’est plus un lieu secret et qu’on a entamé lentement un processus d’ouverture sur le monde… Mais tout de même, je préfère rester discrète.

Je sens qu’il préfère faire ses essayages seuls, du coup j’vais faire un tour au rayon escalade. Je suis curieuse de voir ce qu’il se fait de neuf, les technologies ont du bien évoluer depuis deux ans. Ou pas. Tant pis, Nath est rapidement de retour.

Comme on dit : allons-y, lets go, c’est parti mon ami. Les rues sont bondées, et j’ai de plus en plus de mal à avancer bien que la majorité des gens se décalent comme ils peuvent pour me laisser passer… Quand ils me voient. Beaucoup sont trop préoccupés par l’écran de leur smartphone. C’est une bonne idée que d’aller manger.

« Bonne idée. »

J’ai pas vraiment faim mais j’avoue qu’un petit break serait le bienvenu.

« Je te laisse choisir le restaurant cette fois-ci, la prochaine c’est moi d’accord ? »

Rien ne me déplait en soi je ne prends pas de risques et comme ça on aura un restaurant qui nous plait vraiment chacun notre tour. Malheureusement on attend une heure et quarante minutes entre notre commande et l’arrivée de nos plats, ce qui nous donne le temps de discuter de beaucoup de choses insignifiantes comme le motif de son nouveau maillot que je trouve plutôt chouette moi. La serveuse arrive paniquée et s’excuse de nous avoir oubliés. Elle nous dit que le restaurant va faire un geste commercial et que nous allons bénéficier d’une réduction de cinquante pour cent…

On passe le reste de la journée à nous balader en pieds et en métro. On arrive à rejoindre de grands parcs pour continuer à visiter sans être collés à des étrangers… Ce qui est plutôt appréciable. Malheureusement avant que nous ne nous décidions à rentrer il se met à pleuvoir comme vache que pisse et le temps que nous gagnions une station de métro nous sommes tous les deux trempés. En voyant une de mes boucles remonter comme un ressort après avoir libéré une grosse goutte d’eau j’me mets à rire.

« On a trop de chance… » je dis hilare.

Nathanaël ressentit une onde de joie le parcourir lorsque la Tonnerre accepta son aide. Il s'agissait peut-être de quelque chose de banal, mais pour lui, cela avait un sens bien plus profond, bien plus important. Il savait qu'elle n'aimait pas avoir besoin d'aide, pourtant, elle n'avait pas hésité un instant. Peut-être surinterprétait-il son approbation, mais il n'y pensa même pas. Le Titan lâcha un petit rire, puis se contenta d'acquiescer à la remarque de son amie. Son intention n'avait pas été d'attirer l'attention. Il fallait dire qu'il n'y avait même pas pensé. Il avait juste fait ce qu'il pensait le mieux pour la femme qu'il aimait, sans penser aux conséquences. Pourtant, il ne regrettait pas. Elle passerait toujours avant le reste.

Une fois sortis du magasin, les deux jeunes s'étaient promenés. Le Terre avait fini par voir une allée de restaurant. Ipiu apprécia l'idée de s'arrêter pour manger et lui proposa de choisir l'endroit cette fois-ci. Son choix se porta sur un restaurant malaisien presque plein. Le nombre de gens attablés était généralement une bonne indication sur la qualité de la nourriture. Malheureusement, le service, quant à lui, laissa à désirer. L'attente de leur commande fut longue, très longue. Ils passèrent le temps à discuter de tout et de rien. Nathanaël apprit notamment que la Sensitive appréciait son nouveau slip de bain et cela le fit sourire. Inconsciemment, il se mit lui aussi à l'aimer un peu plus. Lorsque la serveuse arriva enfin avec leur plat, il ne fit aucun commentaire, appréciant cependant le geste commercial.

Désolé, je n'ai pas fait le meilleur des choix... au moins, la nourriture est bonne. J'espère que tu aimes.

L'Anglais n'y pouvait rien, évidemment. Il ne pouvait pas savoir ce qui allait arriver, n'étant pas Voyant et n'étant jamais venu à cet endroit auparavant, mais il s'excusa tout de même auprès de son amie.

Le reste de la journée se passa agréablement bien. Le Terre savoura particulièrement les parcs, sentant fourmiller la nature autour de lui. Par moment, il laissait ses doigts glisser le long de l'écorce d'un arbre, captant son énergie vital. C'était beau. Il aurait aimé pouvoir partager ce qu'il ressentait avec Ipiu, mais savait cela impossible. Il se contentait alors d'afficher un grand sourire, signe visible de sa joie intense. Tout était parfait. Il avait cette conscience de profiter pleinement de chaque instant, chaque instant partagé avec la Tonnerre. Il lui parlait des plantes, comme s'il lui parlait de vieilles camarades dont il serait proche. En un sens, il lui parlait de la vie.

Seule la pluie vint ternir ce magnifique tableau et avant qu'il ne puisse se mettre à l'abri, ils furent tous deux trempés. S'il avait été seul, il aurait sans doute été légèrement de mauvaise humeur, avant de relativiser, mais comme Ipiu était là et qu'elle riait de la situation, aucune ombre ne vint obscurcir ses pensées. Il rit avec elle de leur malchance.

Oui, trop... On aura des choses à raconter comme ça. On pourra expliquer notre week-end épique à nos amis. Et puis, cela nous prépare pour demain...

Le Titan sourit largement à son allusion à leur visite de l'aquarium. Il avait laissé le « nos amis » sortir, plus par habitude qu'autre chose, mais il savait, ou du moins il se doutait, que la jeune femme ne pouvait être leurrée. Elle avait sans doute remarqué qu'il n'avait qu'elle comme amie proche. Commençant à réfléchir de manière pragmatique, l'Anglais chercha ce qu'il était mieux de faire dans leur situation. Ils étaient mouillés jusqu'aux os, mais la température de l'air restait élevée. Ils ne prendraient donc pas froid. Cependant, leurs vêtements collants n'étaient pas très agréables à porter.

Nous sommes à deux stations de métro de l'hôtel. Je pense qu'il serait préférable qu'on aille se changer. En plus, j'ai pensé à prendre un parapluie. On pourra ressortir après pour profiter de la soirée. Cela peut être agréable de se promener au bord de l'eau pour y voir se refléter les lumières de la ville. Qu'en penses-tu ?

Nathanaël espérait sincèrement que la pluie cesserait pour la soirée. Autrement, ils devraient peut-être envisager de ne pas ressortir ou alors de rester dans leur état actuel, puisqu'ils finiraient de toute manière à nouveau trempés. En attendant la réponse de son amie, il fit quelques pas, quittant l'abri de l'entrée de métro, et leva son regard vers le ciel. Les gouttes d'eau inondant son visage le gênaient un peu. Il cligna souvent des paupières, trouvant désagréable le contact de la pluie sur ses yeux. Certains passants l'observèrent, curieux de la vision étrange qu'il offrait, immobile sous ces trombes d'eau, nez tourné vers la voûte céleste. Les nuages étaient denses et sombres. Cela ne présageait rien de bon. Il n'avait pas consulté le bulletin météorologique avant de partir. Il se demanda donc si une tempête était en train de se préparer. L'Anglais passa alors sa main dans ses cheveux, réfléchissant à un endroit où ils pourraient se renseigner. Il revint finalement vers Ipiu, plus dégoulinant encore qu'avant, si cela était possible.

Et puis, si nous retournons à l'hôtel, on pourra demander des nouvelles de la météo...

Hrp:

« Pas la peine d’être désolée, c’est bon et puis on est en vacances, même si c’est bref. On n’est pas obligé de passer notre temps à courir partout, voir des choses nouvelles c’est un bonus, mais se reposer c’est cool aussi. »

Et puis tant qu’on papote moi ça me va, j’passe un bon moment. Un moment calme avec un ami, ça change des derniers jours. J’crois que j’avais besoin de ça, de cette coupure, j’me sens mieux pour l’instant. Est-ce que je fuis ? Peut-être, sans doute. J’ai l’impression de fuir les choses importantes parfois, de fuir les sentiments violents. Je sais pas encore me gérer… Mais j’apprends hein ? enfin j’essaie, mais c’est pas comme si j’avais un modèle de stabilité dans mes connaissances… LOL.

Le temps passe assez rapidement pour qu’on ne le sente pas défiler, Nath s’amuse je le sens et j’en suis heureuse. Je ne peux m’empêcher de rire de bon cœur, c’est vrai qu’on n’a pas besoin de mettre un pied dans la piscine pour être trempés, c’est plutôt cocasse.

« Tu es bon en apnée ? » je le charrie avant de retenir mon souffle pour ressortir sous la pluie le suivant.

Quitte à être trempée autant en profiter ! Et puis c’est drôle et il ne fait pas froid… Et puis même s’il faisait froid j’ai le droit de faire des choses débiles je suis une tonnerre, voilà. Vraiment faut que j’arrête de me justifier toujours de la même façon parce que je crains beaucoup quand j’fais ça. A m’entendre penser les tonnerres sont des dégénérés mentaux… J’dis pas qu’ils ne le sont pas, mais ils ne sont pas que ça… Je crois.

Je me retourne vers mon ami bien plus prévoyant que moi, on a pas l’air d’être très futés pour le coup, mais ça me va assez bien.

« Tu veux rire ? J’ai pris des sous-vêtements et des tee-shirts de rechange mais je pensais que cette jupe me ferait les deux jours… J’avais pas prévue de finir trempée… »

Comment je suis un boulet ? Non mais j’avais vraiment calculé et tout, j’pensais que ça suffirait il n’y avait pas réellement de raisons que je me charger de trucs en trop. Genre prendre un petit échiquier c’était bien plus utile qu’une jupe de plus. Ok je suis juste un boulet. J’aurais pu prévoir je sais pas, une avalanche de sauce bolognaise, un dégât des eaux aux WC… Mais non.

« Va y avoir de l’orage, mais j’ai pas la sensation que ce sera très violent, il y a un peu de tension dans l’air. »

Ouai je suis une tonnerre BADAS. Ou un gros paratonnerre ambulant, je sens vaguement l’orage approcher et l’air se charger d’électricité, avec l'habitude je peux dire qu'on va se tremper et voir quelques jolis éclairs...

« Dans tous les cas rentrons, au pire j’sortirais en chemise de nuit, même pas honte. »

Bon après ma chemise de nuit étant à la base une robe en coton ça le fait quoi… juste une robe en coton rose avec des arc-en-ciel et des licornes… ça sort de mon style usuel… Mais j’ai pas pu résister vous voyez, elle faisait tellement kitch, elle était tellement rose… Hum.

Mais bien sûr rien ne se passe comme il faut aujourd’hui, car le métro s’arrête entre deux stations et une voix nous parle au travers des hauts parleurs :

« Mesdames et messieurs, suite à un problème technique le métro est arrêté pour une durée indéterminée, nous mettons tout en œuvre pour que le service puisse reprendre dans des plus brefs délais. »

J’essaie de regarder Nathou dans le noir sans rire… Mais c’est dur.

« Je devais être dictateur dans une vie antérieure… »

Nathanaël rit aux dires de son amie. S'il avait été moins sérieux, peut-être aurait-il tenté l'apnée comme la Tonnerre, mais il se contenta de rire à nouveau. À sa réflexion sur le fait de retourner à l'hôtel, Ipiu lui apprit qu'elle n'avait pas vraiment de vêtements de rechanges. Il la fixa, un air désolé sur le visage. L'Anglais aurait dû se douter que la Tonnerre n'avait pas été aussi prévoyante que lui. En plus du pantalon et du pull tâchés de jus d'orange qu'il ne remettrait pas et qu'il avait rangé dans sa valise à l'hôtel, du pantalon et du T-shirt mouillés qu'il portait actuellement sur lui, le Titan avait pris soin emmener deux shorts longs jusqu'au genou dans sa valise et trois T-shirts. Il avait failli mettre l'un des shorts avec de sortir, mais comme les deux jeunes avaient décidé de visiter un temple, il avait préféré opter pour une tenue plus habillée. Et il avait encore un pull de rechange au cas où. Alors oui, le Terre avait fait les choses en ordre...

Nathanaël lui offrit un sourire et écouta les propos de son amie sur la météo. Il fut assez impressionné. Il paraissait évident que les Tonnerres pouvaient ressentir l'électricité présente dans l'air, mais, tout de même, voir l'Étoile prédire le temps avait quelque chose de particulier.

Je peux te prêter un short si tu le souhaites. Il sera bien entendu trop grand pour toi, mais je suppose que c'est mieux que de rester mouillée tout le week-end. Je te laisse le choix, évidemment.

L'Anglais sentit un certain malaise à l'idée qu'Ipiu se promène en chemise de nuit pour le reste de leur voyage. Il ne savait pas à quoi ressemblait le vêtement alors il préféra ne faire aucun commentaire, mais avait préféré lui proposer une alternative. Elle choisirait ce qui lui convenait le mieux et, évidemment, il n'interférerait pas.

La station de métro était, il fallait s'y attendre, bondée ! Les deux amis se faufilèrent comme ils purent jusqu'au quai qui les intéressait, puis dans le wagon déjà bien plein. Heureusement qu'ils n'avaient que deux stations de métro à parcourir... deux stations...

Oui, c'est une évidence. Et je devais certainement en être un aussi. Rappelle-toi le jus d'orange dans l'avion. En plus, je me suis cogné le petit orteil en sortant de ma salle de bain ce matin... On fait une sacrée paire...

Le Titan avait entendu le rire dans la voix de la Sensitive et ce fut ce qui l'empêcha de maugréer contre le sort qui s'acharnait contre eux. Il décida donc plutôt d'en rire, comme elle. La Tonnerre avait le don de lui faire voir la situation d'une autre manière, de relativiser et il l'en remercia intérieurement.

Au moins, on est au sec.

Il essayait de voir les événements de manière positive. La plupart des gens présents dans la rame ne semblaient pas s'inquiéter pour le moment, nez baissé sur leur smartphone, écoutant de la musique, surfant sur internet ou jouant à de petits jeux pour passer le temps. L'obscurité n'était troublée que par tous ces petits écrans dégageant une lumière blanche, éclairant partiellement le visage de leur utilisateur. Le spectacle avait quelque chose d'un peu effrayant, il fallait l'avouer, mais Nathanaël n'était pas touché par l'atmosphère pesante qui s'installait, le silence, rarement brisé par le bruit d'un ongle sur le verre tactile ou un raclement de gorge. Il reporta son attention sur son amie. Il aurait aimé lui parler, discuter pour s'occuper, mais étrangement, aucune idée ne vint lui traverser l'esprit. Les minutes s'écoulèrent inlassablement et il perdit complètement la notion du temps.

Ce qui est rassurant, c'est que les gens n'ont pas trop l'air de s'inquiéter... mais j'espère tout de même que le problème technique va rapidement être résolu. Ce serait dommage de passer la soirée ici, dans le noir... enfin presque. Décidément, je ne comprendrai jamais cette mode...

Il chuchotait, comme pour ne pas déranger les autres usagers. Il fut interrompu dans sa dernière phrase par la lumière qui se ralluma. Pourtant, le métro resta immobile une bonne dizaine de minutes encore avant de reprendre sa route..

« Mesdames et messieurs, le problème technique a pu être réparé. Nous vous prions de nous excuser pour ce désagrément. »

Le Titan regarda son amie et sourit. Ils n'étaient finalement pas si maudits que cela. Une fois sortis du métro, ils se rendirent, sous la pluie toujours battante, rapidement à l'hôtel où le réceptionniste les accueillit plutôt froidement en voyant les flaques d'eau et la saleté qu'ils déposaient sur le sol impeccable du rez-de-chaussée. L'Anglais fut heureux d'arriver dans leur chambre. Il déplaça la chaise ptérodactyle, ou un dinosaure y ressemblant, et s'y assit. La table brachiosaure, contrairement au reptile du même nom, n'était pas bien grande. Les genoux du jeune homme la dépassaient d'une bonne dizaine de centimètres. Il fallait avouer que les chaises, non plus, n'étaient pas adaptées à sa taille.

Et maintenant, qu'est-ce qu'on fait ?

À cause de toutes leurs péripéties, la soirée était déjà entamée et les précipitations ne semblaient pas vouloir s'interrompre.