À chaque fois que je m'entraîne, je me rappelle pourquoi j'avais arrêté et pourquoi c'est une mauvaise idée de le faire. Premièrement, je ne suis pas une combattante - à la base. Deuxièmement, je m'empate, alors forcément, c'est de plus en plus difficile de ce côté-là. Je n'ai pas le temps avec mes études, forcément, je fais moins de sport ! Non mais.

Huo, à côté, semble aussi un peu essoufflé. Je pense qu'un peu de cardio ne nous ferait pas de mal - et je pense bien à de la course à pieds, petits malins - je crois, vu la tête qu'on tire. Un rire m'échappe néanmoins. Pourquoi on a eu la même idée, subitement ? Un soupir de bonheur m'échappe alors qu'il commence à me masser et je le laisse faire un moment.

—Courir ça me semble bien, je souris. Les entraînements sans pouvoir, tu sais très bien comment ça va finir.

Pas de menace dedans, au contraire ; lui est bien plus rapide et fort que moi, alors si je prends pas mon seul atout (aka : mes pouvoirs), forcément, je vais avoir du mal. Puis, on risque surtout de rouler-bouler dans les fleurs et faire absolument tout sauf s'entraîner. Je nous connais, à force, hein.

—S'échauffer, c'est pour les faibles, je lâche avec un sourire amusé, avant de faire craquer ma nuque en grimaçant. Ourf... Faut juste qu'on fasse doucement, je crois.

Je lui souris et le remercie d'un bisou sur la joue.

—Ca va, toi ? Pas top de mal ?

Il s'entraîne plus régulièrement que moi, je pense qu'à ce compte-là, il doit certainement avoir moins de mal physiquement.

Un regard sur la salle m'apprend que les autres personnes présentes continuent à s'entraîner, même si j'ai aperçu quelques regards glissés dans notre direction. Pour le coup, j'ai juste envie de rester par terre et de ne plus bouger, c'est malin...

—Une idée pour la suite du programme, à part s'étaler par terre et attendre que la terre tourne ?

S'il me dit "On reprend l'entraînement" je m'enfuis en courant. Ca lui fera de l'entraînement, d'essayer de me rattraper !

Je souffle bruyamment et reprends une respiration plus lente et mesurée en terminant de masser la nuque de ma chérie. C'est dingue comme elle se fait des nœuds facilement. Enfin moi aussi un peu mais principalement sur mes anciennes blessures. Je souris en coin. Je serais pas contre faire un peu de courses. Ca me changera du punching-ball. Et effectivement je sais très bien comment ça finit les entraînements sans pouvoirs. Même si c'est pas forcément pour me déplaire.

Faut dire qu'en ce moment j'ai plus de partenaire d'entraînement donc forcément je suis moins régulier. C'est clair que c'est pas avec Hamilton que je vais m'amuser à ça. Déjà qu'elle a du mal avec le contact alors lui apprendre à se battre c'est nop.

— Je survivrai, je réponds en riant. J'ai fait plus violent.

Je lui rend son bisou et me lève en étirant mon dos, mains levées. J'ai un peu claqué mon niveau d'énergie mais je suis encore tout à fait valide.

— Bah je suis jamais contre m'étaler tu sais Princesse~

Je me moque gentiment et lui tire la langue. J'ai pas envie de retourner à la maison pour qu'on s'affale sur le canapé. Ce soir ouais mais là on a du temps devant nous, je veux en profiter.

— On pourrait aller faire un tour à Tokyo ? Sur le port ? C'est moi qui conduis.

Oui je veux voir la mer. C'est pas ma faute, j'ai vécu dans une ville portuaire presque toute ma vie. Ca me manque quand je vois pas la mer trop longtemps et le Lac est trop petit pour faire un bon substitut.

Haaah... C'est toujours un plaisir d'avoir un masseur à domicile. Mais c'est bien plus sympa avec un peu d'huile et allongée sur le matelas. Sans penser à quoi que ce soit de tendancieux, c'est tout de même vachement plus confortable. De mon côté, je me laisse docilement faire et esquisse un sourire, yeux fermés.

—Dixit celui qui voulait absolument sortir pour s'occuper parce qu'il en pouvait plus de rester enfermé, je m'amuse.

Huo n'est pas quelqu'un qui aime réellement rester sur place sans rien faire. C'est pas un sédentaire, même si je sais qu'il aime bien se poser de temps en temps. Mais bouger, tout ça... Il n'est pas vraiment hyperactif, mais il ne sait pas rester tranquille non plus ! Si les tonnerres sont plus du genre à sauter partout, lui serait plutôt du genre casse-cou... Mais du côté calme de la force. Il va pas vraiment s'exciter sur n'importe quoi...

Doucement, je lui dépose un bisou sur les lèvres lorsqu'il s'arrête et m'étire à nouveau, heureuse de pouvoir me mouvoir.

—Le port ? Oui, j'aime bien l'idée, je souris. Tu veux qu'on repasse à la maison chercher ton appareil photo ? Faut de toute manière qu'on aille chercher une clé de voiture.

Il faut dire que je n'ai toujours pas le permis (je peux voler, j'ai pas besoin du permis !!! perte de temps, sérieusement) et qu'on n'a pas vraiment de voiture à nous en comparaison à certaines personnes. Mais bon, on peut toujours en emprunter, c'est jamais un souci.

—On se met en route tout doucement ?

Je sais pas bien ce qu'on pourra faire sur le port, mais ça peut toujours être chouette de se balader un peu. Ca nous changera d'air. (Il sera bien plus pollué par contre, huhu. Je n'aime vraiment pas beaucoup Tokyo, mais on s'habitue... De toute manière j'y passe ma vie à cause de la fac. Heureusement qu'on filtre l'air ici.)

Je rigole doucement. Eh, j'y peux rien si j'aime pas rester trop longtemps sans rien faire. J'ai rien contre le mode larve sur le canapé parfois hein ! Mais le soir, après une grosse journée. Oui ça veut dire que les câlins crapuleux c'est le matin à la maison. Une fois sur deux le soir on est trop claqué pour ça, soit elle, soit moi mais bon. Tout ça pour dire que ouais j'aime bouger. Je suis pas encore un drogué à l'adrénaline mais j'aime bien faire du sport.

Oh ouais ! Mon appareil. Photos sur le port avec ma Princesse. Je veux. Quoi, comment ça, j'en ai déjà plein d'elle ? Mais on s'en fout ! C'est jamais les mêmes de toute façon. Puis je sais qu'elle aime bien essayer de me le piquer pour me prendre en photo des fois. J'acquiesce vigoureusement et lui prend la main pour sortir de la salle. On a dit doucement, Huo. Va pas te changer en hyperactif, ça c'est les Tonnerres.

— Tu sais que je suis toujours partant pour faire des photos !

Ca me rend heureux ? On repasse par la maison et je vais chercher mon appareil. Evidemment je l'ai encore laissé traîner sur le bureau et je mets bien dix minutes à retrouver la housse. Je devrais toujours le ranger dedans en fait ce serait plus simple que de la chercher.

— Bon j'suis prêt !

J'attrape la clé de la voiture qu'on emprunte habituellement en vérifiant que j'ai bien les papiers et mon permis. Nan parce que faut pas croire que les flics japonais font pas des délits de faciès. J'suis chinois ET roux. Je le sais. Je souris en coin à l'idée qu'on va voir la mer. C'est idiot mais c'est un truc qui suffit à me rendre enthousiaste. Si un jour on déménage hors de Terrae je voudrais une vue sur la mer. Ou en habiter pas loin. C'est un truc qui fait partie de mon identité, mon univers. Je peux pas vivre sans.

Ca y est, Huo est tout heureux maintenant. Il lui suffit de peu, parfois ; une promesse de sortie, son appareil et la mer. Je sais qu'il aimerait bien habiter près des côtes, mais malheureusement c'est un peu impossible pour le moment. Ce serait trop loin de Terrae, de la fac, de l'hôpital - moi, nous imposer un mode de vie ? nooon, jamais - et les trajets seraient cent fois trop long... En plus, on ne verrait plus personne. Et ça, je crois que lui comme moi ne sommes pas encore prêts à l'accepter. Nous nous relevons donc et sortons de l'institut en papotant tranquillement, après être passés chercher la clé de la voiture. On ne tarde pas à passer à l'appartement, où j'attrape pour ma part un petit livre au cas où et mes lunettes de soleil, puis à prendre la voiture et sortir de Terrae. Ca nous fait toujours du bien de sortir, même si ça bouchonne toujours en ville.

—Tu préfères aller au port, ou tu préfères faire un peu de route et aller plus loin ?

Plus on s'éloigne, plus on a de chance d'être tranquille de toute manière. Je sais aussi que le port industriel de Tokyo ne le dérange pas vraiment, mais la mer plus pure lui procure toujours beaucoup plus d'apaisement...

—Tu crois qu'on pourrait se refaire de petites vacances cet été, comme l'année dernière ? Juste quelques jours ? Pas forcément chez ma mère, hein. Ailleurs, justement. J'ai envie de voir du pays, un peu.

Un sourire s'étire sur mes lèvres.

—J'aimerais demander à Hideko l'autorisation d'aller faire quelques missions humanitaires aussi. Emmener quelques volontaires pour aider à mettre en place des installations... Les soigner un peu, les écouter... C'est important, ces choses-là. Enfin, elle était déjà d'accord, mais je n'ai pas eu le temps d'y penser cette année... Et je ne vais pas partir juste comme ça.

Je sautille pas. Je marche avec entrain voilà. Pas ma faute si c'est le genre de trucs qui me rend heureux. Un peu comme elle avec le violon ? Peut-être un peu différemment. D'ailleurs ça fait longtemps qu'elle n'a pas joué je crois. Plus le temps avec les cours et tout ça.

— Ca me gêne pas de conduire un peu pour sortir de la ville.

De toute façon qu'on aille au port ou plus loin on va se taper des bouchons, c'est obligé. Mais bon j'peux prendre sur moi et éviter d'insulter toutes les bagnoles qu'on va croiser en mandarin. Puis bon une vraie plage est toujours plus agréable pour une sortie.

Je me glisse derrière le volant de la voiture et ajuste mes contrôles et mon siège avant de démarrer pendant qu'Aoi s'installe. Des vacances quelques jours en été… Ouais je suis grave partant. Et son idée de partir faire de l'humanitaire. Je souris en coin, c'est tellement elle.

— J'aimerais bien une petite semaine de vacances ouais. On pourrait aller faire un tour plus au Nord ? Ou partir à l'étranger.

Je sors de l'institut en conduisant prudemment, un peu pensif. J'aime pas spécialement l'idée de la laisser partir toute seule dans un pays étranger pour une mission mais bon elle sait se débrouiller.

— Ca t'irait bien, de faire de l'humanitaire. J'pourrais prétexter une couverture médiatique pour Terrae et venir avec vous.

Je rigole doucement. Ce serait pas qu'un prétexte mais bon si on peut être ensemble je dis jamais non. Il faut bien rapporter ce qu'on fait de toute façon et moi ça me va d'aller voir du pays. Enfin tant qu'on se retrouve pas en zone de guerre non plus. Y a déjà assez à faire dans d'autres endroits pour pas se mettre volontairement en danger. On n'est pas des soldats après tout.

Un sourire m'échappe. Bon, alors nous allons à la plage aujourd'hui. Comment on a fait pour décider ça de manière aussi aléatoire et rapide ? C'est n'importe quoi, mais quelque part, ça me fait du bien de pouvoir me dire qu'on peut partir d'ici sur un coup de tête. Je mets donc mes lunettes de soleil et sourit en coin en m'appuyant contre la portière, observant par intermittence mon compagnon et la route. On papote tranquillement pendant qu'il conduit dans Tokyo.

—Pourquoi pas ? On pourrait rester sur l'île, sinon aller à Hokkaido... Les paysages sont beaux, et il y a des villes sympathiques à visiter apparemment. Mais ailleurs ça me va aussi. Tant qu'on change d'air, je rajoute.

Parce que rester trop longtemps dans Terrae a tendance à me rendre nerveuse. Pas forcément déprimée, mais je me sens enfermée. Ce qui ne veut pas dire que j'ai envie de partir... J'ai dépassé ce stade, je crois ? L'année dernière, c'était une passe. Et j'ai un peu pété les plombs, je suppose. Je sais que ça ne sert à rien d'y repenser encore et encore, mais je me sens encore mal parfois. Je n'ai toujours aucune nouvelle de Math, mais au fond, je me demande si c'est ce dont j'ai envie…

J'essaie de retenir un petit soupir, et lance un sourire à Huo. Retournons dans la discussion. Humanitaire, tout ça. J'acquiesce, mais je crois que je n'aurais pas forcément envie qu'il m'accompagne. C'est un peu égoïste, sûrement, mais c'est aussi un moyen pour moi de faire une pause. Et je préfère avoir une équipe utile composée d'un terre et d'un eau plutôt qu'un photographe tout le temps sur mes pieds. Les missions ne seraient pas longues, alors ça ne nous séparerait pas longtemps, ce n'est pas un mal de penser comme ça, pas vrai ...?

Non, non, pas la peine de partir comme ça. Nous verrons bien sur le coup de quel genre d'équipe nous aurons besoin, et ça peut être utile de médiatiser ce genre de missions. ... Mais je n'ai pas envie de voir mon visage placardé sur des photos avec "Coucou on fait des bonnes actions vous avez vu", c'est hors de question. J'ai pas envie de faire ça pour notre notoriété publique. Mais en même temps.... gnnn.

—Seulement si tu es sage, je réponds avec un demi sourire. Tu te sens tellement dépourvu de travail ces derniers temps pour me proposer de venir avec moi ?

Je le dis en me moquant, mais derrière il y a aussi une vraie question.

—Tu as pas mal de boulot avec les dernières arrivées de psychologues d'ailleurs, non ? Tu comptes retourner faire quelques missions politiques ? Ca fait un moment que tu n'es pas parti en tant qu'ambassadeur.

Franchement, si on m'avait dit il y a trois ans qu'Huo serait assimilé à un politicien une fois Master, j'aurais bien ri. Quand on connaît la tête brûlée, c'est pas évident...

—Il faut vraiment que je retravaille mon anglais, en parlant de ça ! je ris, en me souvenant d'à quel point je galérais aux US l'année dernière.

La voiture avance lentement et j'arrive enfin à nous sortir des bouchons en direction de la plage la plus proche. Ca me fait du bien, une journée posée avec Aoi où on peut discuter au calme, parler de nous. J'aime cette ambiance confortable. Je hausse les épaules.

— Honnêtement, tant qu'on est ensemble je m'en fiche un peu. C'est comme tu préfères.

En même temps ça me ferait pratiquer mon japonais. J'ai commencé à apprendre un peu les bases de l'oral à force d'écouter Aoi mais des cours sur l'écrit me feraient pas de mal non plus. Pour se diriger c'est un peu compliqué parfois. Puis même, pour mon boulot j'ai des contacts avec des journeaux japonais, l'anglais c'est bien mais ça peut avoir ses limites quand on est pas sur de la maîtrise total d'un côté comme de l'autre.

Je ris doucement. J'ai toujours du boulot, en vrai. Y a toujours un truc à couvrir ou un article à faire depuis qu'on a ouvert aux psy. Je me serais bien passé de devoir gérer ça mais bon y a Keitaro aussi même s'il s'occupe moins de l'aspect médias publics. Après si elle préfère être un peu tranquille aussi j'peux comprendre j'imagine ? Fin c'est clair que sur une mission humanitaire je servirais pas à grand chose.

— Je préfère rester sur Terrae en ce moment. C'est tendu depuis les psychologues alors je préfère m'occuper du journal avec Ipiu. J'imagine que je retournerais faire des missions diplomatiques quand ça se sera plus calmé.

Dire que c'est ça le normal maintenant… Des missions politiques. Xiao aurait tellement ri si on lui avait dit ça il y a cinq ans. Moi, qui suis incapable de tenir ma langue même si ma vie en dépend et je parle avec des diplomates et des journalistes. C'est surréel parfois.

— Tu voudras que je te fasses pratiquer ? J'aurais aussi besoin de me mettre au japonais sérieusement.

Et non je ne ferai pas cette blague. Je suis pas si prévisible.

— Tu sais que je refuse jamais un échange de langue.

Huo, tu sors.

Huo est un grand romantique dans l'âme, vous savez. À côté, je suis un peu comme une quiche à le regarder sans trop savoir ce qui lui passe par la tête les trois-quarts du temps, ou bien à rire dans ma tête pour ne pas le vexer. À ce niveau-là, on ne fonctionne pas du tout de la même manière. Les sentiments, je n'ai jamais compris comment ça fonctionnait. Et si je sais faire des efforts pour lui, je sais aussi qu'il aimerait que je sois un peu moins… hm. Terre à terre ? Pour une Air, c'est un peu ridicule mais c'est le cas, pourtant. Il fait beaucoup de concessions. Parfois, j'ai l'impression de ne pas en faire énormément pour lui. Je m'appuie dans le fond de mon siège et détourne un peu les yeux, mal à l'aise, lorsque je lui fais comprendre que rester tout le temps ensemble, même sur les missions, n'est pas forcément une excellente idée. Je me connais, et j'ai besoin d'espace ; le travail et les études me permettent d'en avoir un peu.

—Tu m'étonnes… je soupire, puis plisse le nez d'un air inquiet. Certaines personnes m'inquiètent. Il y a eu plusieurs remarques des psys au sujet d'incivilités à leur égard, et ça ne me plaît pas beaucoup… Ils ne font rien de mal !

Et même si je comprends les réticences de certains, je n'accepte pas qu'on sape ainsi leur travail. C'est assez difficile pour tout le monde, ils n'ont pas besoin d'en plus rendre les choses plus difficiles. S'il y a une montée de l'extrémisme anti-intervenants extérieurs, ça ne va clairement pas renvoyer une bonne image de nous, en plus de nous enfermer dans des dérives sectaires. Et on voit très bien ce que ça a donné, avec ces américains, l'année passée...

Un sourire arrive néanmoins à se glisser sur mes lèvres alors qu'il me propose de pratiquer. Je lui donne un petit coup sur la cuisse en retenant un rire.

—Tu sais bien que je ne suis jamais contre non plus~ En plus, je suis certaine que ça nous sera utile plus tard. Il faudrait que j'apprenne le mandarin, aussi… Enfin, quand j'aurai le temps.

Il vit quand même au Japon, et le mandarin... Bahhh, ça lui fera plaisir, je suppose ? Puis si on va en Chine, j'aimerais bien pouvoir m'en sortir toute seule sans qu'il ait à jouer les traducteurs, j'aurais déjà l'air assez ridicule comme ça.

—Mais l'anglais d'abord, je reprends en hochant la tête, l'air déterminée.

Ca fait un moment maintenant qu'on a fait entrer les psy à Terrae, enfin quelques mois. Pourtant j'ai l'impression qu'on arrivera jamais à dépasser ce climat hostile. Honnêtement je comprends la méfiance des gens par rapport à eux. Si on me mettait des anciens de la Triade sous le nez je réagirais surement pas mieux. Sauf qu'on a besoin de ces gens et qu'ils sont pas là sans de solides garanties de notre côté. Et je vois Misao, qui se fait du mal parce qu'il pense qu'il serait mieux si on le punissait. Moi ça me fait mal de me dire qu'il est surement pas dans cet état qu'à cause de lui-même.

— Faudra que j'en reparle avec Hideko. A propos de Misao aussi, je rajoute avec une mine sombre.

Se polariser dans les extrèmes ça amène jamais rien de bon. Et nous, on doit surtout pas se renfermer sur nous-même. Je sais que c'est aussi dangereux pour des novices et des initiés dehors mais il faut pas céder à la paranoïa. C'est le meilleur moyen de faire des erreurs.

Je ris doucement à ma blague pas drôle mais ça la fait sourire quand même. Je sais que je suis un peu lourd comme mec mais bon si elle hésitait à me frapper pour me faire taire ça se saurait.

— J'ai eu l'occasion de m'entraîner ces derniers temps avec l'anglais, je m'en sors mieux.

Pas que j'avais un mauvais niveau, quand on vit à Hong Kong c'est presque la deuxième langue officielle, mais ça fait jamais de mal. Puis si un jour je dois lui présenter ma mère… Enfin au moins elle pourra la comprendre un peu je suppose.

— Ca pourrait être fun, d'enlever les puces à la maison. Ca nous fera pratiquer, je rigole.

En soit, c'est pas forcément une mauvaise idée en fait. On parlera anglais au début et puis je sais pas… J'ai bien envie de la voir essayer de parler mandarin ? J'pense que ce sera assez drôle à entendre au début. Au moins autant que moi avec le japonais.

On arrive enfin à la plage et je gare la voiture dans un parking pas trop loin. Je verrouille la voiture une fois qu'on a récupéré les affaires. Il fait beau, pas trop de vent ni de vague, la mer reflète le ciel en scintillant. Je reste là un instant, les mains dans les poches. C'est étrange comme il y a que quand je suis comme ça que je me sens vraiment calme et serein je crois.

Visiblement, nous sommes sur la même longueur d'onde à ce sujet—au moins, c'est une bonne chose. Je lâche un soupir en m'appuyant contre le rebord de la fenêtre, un peu inquiète. Pourquoi à propos de Misao ? J'ai cru comprendre qu'ils étaient plutôt proche, mais peut-être qu'il sait des choses que je ne sais pas. Je décide de laisser le sujet de côté le temps que nous arrivions, préférant rebondir sur le sujet de notre apprentissage des langues. Un sourire s'étire sur mes lèvres—le niveau d'anglais d'Huo est toujours très bon, il n'a pas trop à s'en faire à ce niveau-là. Mais on ne progresse qu'en pratiquant malheureusement...

Lorsqu'il parle d'enlever les puces à la maison, j'ouvre grands les yeux et grimace un peu. Euh. Euh. Trouver une excuse, là, vite ?

—Aussi soudainement ? Comme ça ? Du jour au lendemain ?

Bon, ce n'est pas que j'ai peur, mais je suis vraiment très nulle en langues, ok. Je parle le français comme une vache espagnole et l'anglais, même si ça va mieux, c'est toujours pas ça. Et je sais pas vraiment si j'ai envie de discuter en une autre langue à la maison sachant que je passe mon temps à réviser mes cours à côté... Ahh, beaucoup trop perturbant ! Mais bon, si on ne commence pas, on n'y arrivera jamais...

—Bon. Je veux bien essayer. Mais il faudra être patient avec moi, tu sais que je suis nulle, je lâche en me mordillant la lèvre inférieure.

Heureusement, nous arrivons enfin et je peux sortir, toute heureuse de profiter de l'air marin. Je m'approche lentement d'Huo qui regarde la mer sans rien dire pour passer ma main dans son dos et appuyer ma joue sur son épaule. C'est calme. Mes yeux se ferment pour profiter davantage de la quiétude des lieux. Les mouettes, les vagues, le vent. L'odeur du soleil et du sable, de la mer.

Bon, assez profité. Soudainement, mais pas trop violemment tout de même, j'attrape la main d'Huo pour le tirer à ma suite, un grand sourire aux lèvres.

—Allez viens, on descend sur la plage !

On va avoir du sable plein les chaussures, mais honnêtement je m'en fiche.

—On aurait dû prendre des maillots, je ris.

Je ris doucement à sa réaction surprise. J'ai dit ça au conditionnel, eh. Je sais qu'elle est pas à l'aise avec l'anglais donc autant attendre qu'elle se sent e un peu mieux avec avant d'enlever les puces. Tant qu'on pratique ça va, y a pas de secret c'est comme tout. Puis avant de parler anglais entre nous, faudra bien que je lui redonne quelques bases je pense. L'essentiel c'est de parler, l'aisance vient au fur et à mesure. Après le vocabulaire bah ça s'apprend aussi mais bon.

— Peut-être pas tout le temps hein ! Mais si tu te sens d'essayer de temps en temps, ça te fera pratiquer.

Quand elle aura la motivation de s'y essayer. Son niveau d'anglais est déjà correct quand même. Quand on avait été aux US elle se débrouillait bien sans moi même si elle pouvait s'aider de sa puce pour comprendre ce qu'on lui disait.

— Tu n'est pas nulle, Princesse. Tu as juste besoin de t'exercer un peu. Puis bon mon niveau de japonais est proche des pâquerettes aussi tu sais.

Pour le moment, profiter de la mer. Profiter d'elle. Parce qu'on peut avoir ces petits moments rien qu'à nous et ça fait tellement de bien. Je la suis finalement avec un sourire et enlève mes chaussures et mes chaussettes que je prends d'une main avant de remonter un peu mon pantalon.

— J'aurais dû y penser. Au pire y a pas grand monde, on se baignera en sous-vêtements.

Je suis jamais très à l'aise à l'idée de me mettre torse nu devant des inconnus. Pour tout un tas de raisons qui vont de mes cicatrices à mon tatouage de clan. Un de ces jours j'irai refaire un tour chez un tatoueur pour le modifier.

— Aller, viens !

Je prend la main d'Aoi pour l’entraîner vers le bord des vagues, histoire de se mouiller les pieds. On verra pour se baigner après. J'inspire et expire lentement, remplissant mes poumons de cette odeur si particulière.

— C'est tellement bien.

Oui ben j'espère, pas tout le temps... Ce serait une vraie catastrophe, je comprendrais pas la moitié de ce qu'il me dit. Je fais la moue un instant mais finis par acquiescer. Parfois, pourquoi pas ; mais se faire de petites séances, et peut-être qu'avec le temps, ça deviendra plus naturel ? J'ai beaucoup de mal à m'exprimer en anglais, je ne me sens pas à l'aise - j'ai l'impression de me retrouver dans la peau de la jeune Aoi de seize ans, toute fraîchement arrivée de Kyoto. Bégayant. Bafouillant. Mal à l'aise, en somme. Incapable de parler, incapable de se faire comprendre, maladroite. J'ai un souvenir de mon voyage en France, où mes interlocuteurs tiquaient souvent quand je parlais anglais ou français. Ou se moquaient carrément.

Je plisse un peu le nez. Il n'arrivera pas à me convaincre, mais bon. Si j'arrive à réussir dans mes études, ça me convient.

—Oui mais le japonais, tu ne l'as jamais étudié, je boude. J'étudie l'anglais depuis le primaire et je ne sais toujours pas le parler correctement.

Peut-être que je bloque simplement. En tout cas, je ne suis pas du tout à l'aise...

Nous allons vers la plage et j'enlève mes chaussures à mon tour, bien contente d'être en pantacourt. Un gloussement m'échappe.

—En fait, je pense surtout que l'eau est trop fraîche pour ça. Ce qui expliquerait pourquoi il n'y a personne sur la plage... je fais d'un air songeur. Au pire, tu pourras toujours nous réchauffer.

Sans rien ajouter, je lui lance un sourire mutin et dépose mes chaussures sur le bord avec celles d'Huo. Main dans la sienne, je me laisse entraîner jusqu'aux vagues et me contracte un peu en serrant les orteils. Un rire m'échappe.

—Ahh, c'est froiid...

Mais c'est vrai que c'est tellement bien. Reposant. Apaisant. Je serre doucement ses doigts entre les miens et lui lance un sourire lumineux. Cette paix, ce calme... Malgré tout ce qu'on a vécu, tout ce qui était difficile, on est toujours là. Ensemble. Mon regard dévie sur ma main gauche et sur ma bague. Ca paraît tellement irréel.

Doucement, je lâche sa main et m'avance dans l'eau, jusqu'à la limite où se situe mon bas que j'ai relevé, donc un peu au dessus des genoux. Les vagues me secouent un peu.

—Bon, je crois que même si je le voulais, je n'irais pas plus loin dans l'eau…

Définitivement trop froide. Vous me direz, on peut se faire notre petite source d'eau chaude bien tranquillement si on veut maiiiis plus tard, hein ? Mes yeux se baissent vers l'eau et j'ai un nouveau sourire en voyant de tout petits poissons nager autour de mes pieds.

—Est-ce que tu aimes faire du bateau ? Je crois que je ne suis jamais montée dessus… Il paraît que c'est bien, mais qu'il ne faut pas avoir le mal de mer.

Je roule des yeux doucement. Parfois son manque de confiance en elle me désespère. Elle s'améliore hein ! Genre même beaucoup. Mais parfois y a certains trucs qui montrent bien que c'est pas encore ça. Puis bon normal d'avoir du mal. L'anglais est quand même pas une langue facile pour les asiatiques. Ils ont de la conjugaison et des pronoms personnels super variés et des possessifs bizarres. Enfin bon… Elle a beau dire je trouve qu'elle se débrouille très bien.

Je souris en coin alors qu'elle me suis vers le bord de l'eau. hHa bah ouais c'est froid… Faut dire que vu la saison, l'eau allait pas être à 25°. Mais bon comme ça il y a pas trop de monde, on est tranquille pour jouer un peu comme des gosses dans l'eau. Je le suit un peu plus dans la mer. C'est vrai qu'elle est froide quand même. Je m'amuse à enfoncer mes pieds dans le sable.

— Je te réchaufferai après~

Je pourrais réchauffer l'eau aussi mais bon après l'entraînement de tout à l'heure je pourrais pas faire ça sur un gros volume et le ressac disperserait ça tout de suite donc ce serait pas très malin.

— Du bateau à voile ? Non j'en ai jamais fait. Y en avait pas des masses à Kowloon. Je suis déjà monté sur des petits bateaux de pêche motorisés mais c'est tout.

Sur un paquebot de luxe une fois aussi. Pour y tuer quelqu'un. Je frémis et efface mentalement l'image de ma tête en me tournant vers elle.

— Mais bon même sur des bateau à moteur vaut mieux pas avoir le mal de mer ouais. Ou alors faut que la mer soit calme.

Genre pas tester de monter dessus quand il y a de la houle. Ou pas pendant les tempêtes estivales. On avait voulu tester avec les gars une fois, on avait vite laissé tomber. Je crois qu'avant je savais pas que les humains pouvaient devenir verts.

— Tu peux avoir le mal de mer, toi ? Avec ton pouvoir de guérisseuse ?

L'eau a beau être froide, j'arrive à vouloir plonger un peu plus loin pour profiter de la mer... Je dois être un peu folle ? La dernière fois que j'ai tenté la baignade à cette période de l'année - et encore, c'était plus au mois d'avril-mai non ? - c'est quand j'ai eu la bonne idée de me laisser tomber dans le lac et de faire une hypothermie. C'est aussi au même moment que j'ai découvert qu'Huo était un stalkeur et que les Feux étaient chaud bouillant <3 (sans jeu de mot sale, tout de même)

Je souffle un peu plus fort quand une vague me mouille encore au-dessus du genou, puis lance un sourire mutin à mon homme.

—Oh, tu sais bien que je suis toujours partante~

Pour me faire réchauffer, évidemment, Huo est une bouillotte formidable. Sinon, il peut toujours réchauffer l'eau en montant la température de son corps, mais en fait j'ai un peu peur que l'eau finisse par bouillir. Et je n'ai pas envie de finir par ressembler à une écrevisse bien cuite. Malgré tout, je rêve de pouvoir retourner à un onsen avec lui, comme celui que nous avons visité l'année dernière, à Kyoto.

Sans rien ajouter, je l'écoute me parler brièvement de Kowloon - jamais longtemps, comme d'habitude. Il a l'air perturbé un instant, aussi je préfère ne pas insister sur le sujet. Personne n'aime vraiment parler de son passé ; même si parfois, il y a de bons souvenirs dans le lot. Je pense que c'est aussi ce qui nous forge, de toute manière. On est un peu la somme de tous les événements que nous avons vécu...

Je m'approche doucement pour l'enlacer, mon menton sur son épaule.

—Hum, je ne sais pas. Sûrement, puisque j'arrive encore à attraper un rhume... Je serais même d'avis que ce serait pire ! Ou peut-être que mon oreille interne est en béton armé à force de supporter des vrilles dans les airs et ta conduite sportive~

Je lui lance un sourire mutin et dépose un baiser papillon sur ses lèvres. Il sait que je plaisante et que de mon côté, ce serait clairement pire... (Raison pour laquelle je ne fais pas mon permis ; voler oui, rouler no way.)