Maman m'a un jour confié que c'est le passé qui construit la personne. Un être doué de méchanceté aurait peut-être subit des violences autrefois, tandis qu'un autre, bon, aura peut-être été bien traité. Cela peut aussi être l'inverse, bien sûr, les exceptions existent. Mais la psychologie montre une tendance à reproduire ce que l'on voit ou subit dans notre passé à des situations présentes.

Rien n'est évident. Se montrer tel que l'on est peut paraître assez banal pour certain, mais quand on a un passé lourd et une personnalité brisée, rien n'est plus dur que de l'assumer. Ys et moi n'en étions que des exemples parmi tant d'autres.

"Ce... ce n'étaient pas n'importe qui tes vieux. C'est bien que tu puisse t'en souvenir aussi clairement. Au moins, tu en gardes de bons souvenirs."

J'ai ris doucement. C'était brutal et très rentre dedans. Y avait pas de diplomatie, mais c'était sincère. Et au fond, je n'attendais que ça de mon grand frère. Plus les années passaient, plus je me rendais compte combien nous étions semblables, malgré notre écart d'âge. Ys et moi, si nous n'avions pas le même moule, avions la même fêlure, la même douleur.
Il me donna un conseil, avisé, en me proposant même de m'aider. Mais non. Peut-être une jour y retournerai-je. Mais je n'en ressentais ni l'envie ni la nécessité actuellement. Ma famille était ici, à Terrae. Là-bas, je n'avais plus rien.

A la suite de ma demande, je n'entendis progressivement plus les pas de mon ami et je remarquai qu'il s'était arrêté de marcher. Je me suis tournée vers lui, inquiète d'avoir pu le braquer.

"Un peu près comme toi je suppose... La colère."

La colère hein? Je connaissais ce sentiment par cœur. Cette haine tenace et vive qui vous maintien suffisamment en vie pour que vous vous demandiez ce que vous foutez là, et pourquoi vous n'avez pas le droit à ce putain de bonheur dont tout le monde parle.
Il a passé la main sur sa nuque et j'ai reconnu de la gêne dans son regard fuyant. Ys ne me regardait pas, et j'eus mal de penser que peut-être, il avait peur de me décevoir, ou pire, que je le juge.

"Peut être plus en fait. J'en voulais à la Terre entière. Tous, sans exception. Je voulais leurs morts plus que tout autre chose. Et tout ça, cette haine, est partie à cause d'un seul homme..."

Il n'a pas eu besoin de préciser. J'ai compris qu'il parlait de son père. Il a tout de même préciser, non sans une pointe d'ironie fausse. Nous avions finie de nous chamailler, nous étions vrais. Nous nous confrontions, nous et nos histoires, nous et nos passés.

- Ton étoilisation... C'était lui pas vrai?

J'avais compris que les étoilisations étaient déclenchées par des facteurs émotionnels trop puissants. Et je me rappelais parfaitement avoir vu Ys quelques jours à peine après la sienne. Il était à la fois brisé et fou de rage. J'avais eu du mal à le reconnaître. Il aurait pu me tuer là-bas, dans ce gymnase, mais j'étais restée. Parce que je me foutais bien de savoir qu'il pouvait me briser, m'abattre ou m'électrocuter. Je me fichai bien qu'il ait pu haïr le monde entier, je l'avais fais aussi!
Je connaissais Ys. Je savais qui il était, sous ses grands airs de rebelle. Il avait du cœur et il était protecteur (peut-être un peu trop parfois) avec ceux qu'il aimait. Ys s'était ouvert depuis qu'on se connaissait, et il n'avait jamais cessé d'apprendre à faire confiance.

- OK. Tu dis que t'as haïs le monde entier, que tu as voulu la mort de tout ce beau monde et leurs sourires radieux pas vrai? J'avais dix ans quand j'ai perdu mon père. Je l'adorais. Je partageais ma passion de la mécanique avec lui. Il a prit la route un soir de neige pour une urgence et il n'est jamais revenu. Mon frère avec cinq ans et j'ai dû assumer seule, ma mère étant trop touchée pour lever le petit doigts. On a vécu sur nos économies pendant quatre ans avant que je ne perde le reste de ma famille dans un stupide accident de cheval le jour de mon anniversaire.

J'ai fais une pause. J'énonçais des faits, tâchant de rester le plus distante possible. Mais j'avais de la colère dans la voix, même si ça s'était atténué. C'était la première fois que j'en parlais. Mais autant qu'Ys comprenne que jamais il n'aurait à être gêné de son histoire avec moi hein?

- Pendant ces quatre années, on m'a traité de folle et d'orpheline. Certains ont affirmé que si mon père était mort, c'était parce que je ne méritais pas son amour. Qu'il était mort pour ne plus avoir à s'occuper de moi. Que si ma mère était incapable de bouger, c'était uniquement parce qu'elle ne m'aimait pas suffisamment. Quand à Vincent... J'ai dû endosser le rôle de mère pour lui alors que j'étais encore qu'une môme. Je le suis toujours. Alors je sais ce que c'est que d'avoir la haine et l'envie d'arracher des sourires à toutes ces familles qui ont l'air si parfaites et si heureuses. Après tout, c'est injuste qu'eux aient le droit à ce bonheur qui nous est interdit pas vrai?

Je me suis rapprocher de lui et j'ai cherché son regard, juste en face de lui. C'était tout bête, mais je venais de livrer tout mon passé à Ys. Il savait maintenant qui j'avais été et qui j'étais. Il savait ce qui m'avait forgé, ce qui m'avait brisé. Il savait tout. J'avais finis par accorder ma pleine confiance. A lui, mon frère. Et bon sang ce que ça faisait du bien!

- On a le droit d'être en colère, surtout quand on a eu des vies aussi merdiques que celles de tout Terrae. Mais même si je ne sais pas tout... Je suis certaine que quoi qu'ait pu te faire ton père... Ta colère contre lui est justifiée. Après tout, t'es pas le genre à tenir rancune pour rien. Toi, tu fais chier les pauvres personnes qui arrivent encore
à te supporter, c'est tout.

Ramenons un peu de gaieté dans cet échange avec une petite pique....

Vous connaissez ce sentiment de paix? Je veux dire, celui qui vous donne l'impression d'être enfin libéré d'un poids énorme?
Ça faisait des années que je me battais seule. Des années que je luttais pour ne pas sombrer sous le poids des souvenirs et de la culpabilité. C'était la première fois que j'en parlais, que je déballais tout ainsi. Ça faisait bizarre. J'avais l'impression... Pas d'avoir fait mon deuil, mais au moins d'accepter qu'ils puissent avoir quitter ce monde.

Ys m'a semblé comprendre, sans juger. Quand son regard a croisé le miens, j'ai compris qu'il savait exactement de quoi je parlais. Il savait que je ne le jugerai jamais, pour quoi que ce soit. Pour la seule et bonne raison que nous étions les mêmes.

"Sérieusement... Tu as grandis rapidement. Trop rapidement."

C'était tout lui ça. Il ne me dirait jamais le genre de phrase complètement inutile du genre "ça a dû être dur" ou encore, pire "tu ne dois pas t'en vouloir pour tout ça". Non, il annonçait des faits en une phrase et on passait à autre chose. Du moins je pensais.
Au moins, il avait un petit sourire. Lentement, sa main est venue se poser sur ma tête, dans un geste fraternel de soutien. Il a posé son front contre le mien, et il a soufflé:

"Merci de me supporter..."

C'était la première fois que je le voyais si vulnérable. Il avait l'air d'un enfant. Un enfant ayant lui aussi, grandis beaucoup trop vite. Et l'espace d'une soirée, d'un instant, je me vis moi. Ys avait beau être plus âgé que moi, il avait exactement la même blessure qui lui barrait le cœur. Et comme moi, il avait apprit à vivre avec, à faire en sorte de sourire malgré elle.
J'avais envie de lui dire que je ne le supportais pas, que je ne l'avais jamais supporter. J'étais sa sœur bordel de merde! Jamais je n'aurai à le supporter, ça allait au delà de ça! J'étais là par choix et par envie, je voulais l'aider et le soutenir. Je l'aimais, même si je ne le lui dirais jamais.

Il s'est reculé, s'éloignant, comme pour trouver du courage. Le courage de se dévoiler. Je savais combien ça pouvait être dur pour lui, autant que ça l'avait été pour moi. Mais il avait eu besoin de savoir qu'il y avait des personnes pour le comprendre plutôt que pour l'apitoyer, et j'en faisais parti. J'en ferais toujours partis.

"Il... il avait laissé ma mère mourir sous la maladie. Il n'avait jamais rien fait pour la sauver. Il la battait... elle... elle était douce. Belle. Jamais elle n'aurait du mériter cette torture. Et moi je n'étais qu'un gamin incapable de quoique se soit..."

Mon Dieu... Je ne pourrai jamais ne serait-ce qu'imaginer l'incompréhension et la terreur que l'on peut ressentir face à ce genre de situation, quand on est enfant. J'avais eu une famille unie, une famille aimante. Je ne pourrai jamais savoir ce qu'il avait supporter, pendant bien trop longtemps.
Un père violent... Le mien était un héro alors je ne pouvais pas comprendre. Je ne pouvais que croire.

Il a croisé mon regard avant de se remettre en marche. Il n'en avait pas dit beaucoup, juste ce qu'il fallait pour comprendre.

"Je crois bien que la meilleure solution que j'ai pu trouver était d'oublier son visage. L'oublier pour avancer. Et la colère s'en est très bien chargée."

Je ne dirais rien qui puisse paraître inutile et sans intérêt, comme lui l'avait fais pour moi. A quoi bon lui dire ce qu'il savait déjà, à savoir qu'il n'aurait rien pu faire ou que sa mère préférerait le savoir en paix et heureux?

- Toi aussi tu as grandis beaucoup trop vite Ys. Et ton père a l'air d'être un bel enfoiré... Tu crois qu'il serait contre une visite de courtoisie de la part d'une feu en pétard revancharde?

Je voulais le faire rire un peu, lui dire que j'étais là, maintenant et pour le reste du temps qu'il me restait. Je voulais qu'il comprenne que je serai toujours là, même s'il me demandait l'impossible ou l'improbable, même si cela voulait dire défoncer la tronche de son géniteur.

- Ys? On peut oublier un visage, même une odeur et une voix. Mais on oublie jamais l'amour que l'on a pu ressentir, pas plus que la douleur ou la colère. Il faut juste avancer avec et ne pas les repousser. Tu peux en vouloir au monde entier pour ce qu'il s'est passé, c'est normal. Mais n'oublie pas que le monde ne s'arrêtera jamais de tourner... Et que nous, on est là... Ta deuxième famille. On est peut-être tous un peu défoncés et abîmés, mais on est présent.

Je nous avais identifier comme sa seconde famille sans savoir si j'en avais vraiment le droit. Mais Terrae m'avait offert ça et j'aimais à penser que je n'étais pas la seule à le croire. Et Ys était comme un frère pour moi, ça me semblait donc normal.
On s'est remit en marche lentement quand Ys a joué les curieux.

"Liam... Il sait quelque chose?"

Liam... Trois ans que je ne l'avais pas vu. C'était là encore une plaie à vif. J'ai soupiré doucement.

- Il sait que j'ai perdu toute ma famille et que j'ai quelque chose à voir avec ça. On était sorti en ballade à cheval pour que je me change les idées de toutes manière. Il l'a apprit il y a trois ans, pendant une crise. Mais non, je ne lui ai rien dis des brimades ni de la perte. T'es le seul à qui j'en ai parlé. T'es le seul à savoir pourquoi je suis ici.

Je me suis tue. Ouais. Ys était le seul. Peut-être le serait-il toujours qui sait? Je n'avais pas besoin que tous le sachent. Juste lui. Juste le seul pouvant comprendre. Et puis Liam n'était jamais revenue depuis l'hôpital alors...

- Mitsuki sait tout. Je me trompe? Tu ne peux rien lui cacher.

Les paroles de Joyce ont le mérite de tirer un sourire en coin chez le Tonnerre. Il n'aurait jamais douté vue le tempérament de feu de sa petite soeur. En revanche, ce qui l'amusa néanmoins, c'est que ce n'était pas la première fois qu'il entendait ces paroles. Mitsuki aussi, lui avait supposé mais cette fois là, ce fut plus sérieusement.
Personne ne devait entrer en contact avec cet homme. Si le Tonnerre était considéré comme dangereux selon d'anciennes victimes, alors son géniteur était le diable.

Si les premières paroles le fit doucement rire, les prochaines lui tira une grande surprise. De ses grands yeux, il observa un moment la blonde avant de reporter son attention sur l'horizon. Il ne dit rien, pour l'instant. Il est pensif. Et doucement, un sourire cette fois plus sincère se dessine.

"Ce doit être pour ça, qu'on s'entend bien, un peu près. Tu l'as très bien dis: on est tous un peu près défoncés ou abîmes."

Quelle magnifique comparaison! Ceci dit, elle avait raison, il s'agissait bien là de sa seconde famille. Ou bien même de sa "famille" tout court, contrairement à Joyce. Il n'avait jamais douté, et pour une fois dans sa vie, il existe un endroit où il se sentait bien. Où on l'attendait. Pour une fois, lui, qui pensait ne jamais rencontrer un tel lieu.
Ce ne sera pas la peine d'en rajouter. Pas plus que de préciser à sa petite soeur que lui aussi, il serait toujours là pour elle. Qu'elle était ici chez elle et combien il tenait à elle. Ils se comprennent par un simple regard. Là est la force de leur amitié.

Le soupir de la blonde décroche le sourire du garçon. Il avait été direct, comme toujours. Elle ne tournait pas autour du pot. Liam... était absent maintenant depuis trois ans. Il ne jugerait pas ce silence. Liam ne lui doit rien bien que le groupe ne joue plus, ce gars là n'a jamais été un fardeau. Ne pas se mêler des couples des autres, c'était qu'Ys se tenait le mieux à respecter. Enfin, du moins, il tentait en vain.
Mais en ce concerne Joyce, la voir aussi seule et mélancolique, rendait le rouquin agacé. Il tentait au mieux de lui rendre visite, d'occuper ses esprits. Mais on ne remplace pas le grand amour. En revanche, il espère tous les jours que Liam revienne...

"C'était durant ton étoilisation aussi? Cette soirée où..."

S'interrompant, Ys préféra ne pas aller au bout de sa phrase, bien qu'il en ait trop dit. il se souvenait parfaitement de cette soirée où Joyce était venu dans sa chambre, trouver sa compagnie. Cette soirée où elle lui avait avoué pour sa maladie, qu'elle et Liam avaient aussi tourner au vinaigre manquant même de brûler le pauvre garçon. Cette "crise"... était-elle la raison qui provoqua son étoilisation?
Malgré tout, il tenait compte d'être le seul à savoir. A tout savoir désormais. Dans un sens, il était bien heureux, flatté. Il pouvait l'aider à porter son fardeau. C'était peut être ça aussi, pouvoir se libérer, se confesser.

Relevant les yeux vers le ciel étoilée, Ys reprit pour que son amie ne se braque pas dans des souvenirs douloureux. Cette fois, son ton de voix fut plus claire, plus gaie.

"Un point pour toi petite tête."

Un rire lui échappe. Elle avait raison. Il ne savait vraiment pas lui mentir à cette Master. Et puis comment faire quand on vit avec une personne qui vous harcèle toute la journée? C'est pas comme si vous pouvez fuir. Non. Vous êtes obligés de cracher le morceau.

"Qu'est ce que je pourrais pas lui cacher?! Après tout, elle et moi, nos passés... on s'est confiés comme si ça paraissait évident. Je me suis mêlé sans forcer à son histoire, elle en a fait de même."

Mitsuki connaissait tout de lui. Même son secret le plus noir. Elle connait ses peurs, ses craintes. Elle sait tout. Et jamais elle ne l'avait abandonné. Elle était sa force, elle lui donnait le courage de se relever, de se battre. De devenir un homme meilleur.
Et ce soir, ce fut Joyce qui ne lui tourna pas le dos.
A ces pensées, il sourit secrètement tandis que leurs silhouettes contournaient de nouvelles rues, quittant ce bain de foule.

"Ce doit être pour ça, qu'on s'entend bien, un peu près. Tu l'as très bien dis: on est tous un peu près défoncés ou abîmes."

Ys et moi avions la même vision. Pour une fois, nous étions d'accord. A Terrae, il était rare de ne pas croiser quelqu'un de complètement brisé à un moment donné ou à un autre. La beauté de Terrae résidait dans le fait qu'avec un peu de patience, on voyait parfois ces êtres brisés sourire pour la première fois. Et ce jour-là, on comprenait que la vie valait parfois le coups.

Quand je parlai de Liam, j'ai bien vu une légère tension chez Ys. Lui savait comme moi que Liam était au abonné absent depuis des années. Il n'avait laissé aucune explication, aucune excuse. Et bêtement, je me retrouvai incapable de passer à autre chose.
Ys n'avait jamais fait une seule remarque à ce sujet. Il ne se permettrait jamais de s'en mêler, et je lui en étais reconnaissante. Pour autant, il me connaissait assez pour savoir comment je le vivais, et il s'était montré extrêmement présent durant ces trois ans.

"C'était durant ton étoilisation aussi? Cette soirée où..."

Je compris sans même qu'il finisse sa phrase. Cette soirée où j'étais venue le trouver lui, perdue et dévastée par tout ce qu'il s'était passé, à la sortie de l'hôpital. J'avais dû laisser un souvenir douloureux à mon frère ce soir-là. Pour moi non plus, rien n'était facile. Y penser me faisait du mal, même si ce jour-là, j'avais comprit qu'Ys ne me laisserai jamais tomber. Pour la simple et bonne raison que ce jour-là, en lui parlant de ma maladie, je n'avais fais que lui rappeler qu'il risquait de me perdre, comme il avait perdu sa mère.

- Non. C'était un autre jour, bien avant cette histoire, avec juste une légère crise de panique. Ce n'était pas ce soir-là... Lors de mon étoilisation... Je lui ai simplement avoué mon... Cas.

Je ne voulais pas plus en parler. Question souvenirs merdiques, j'étais arrivée à mon max. Ys dû le comprendre, parce qu'il changea de sujet, me confirmant que j'avais vu juste, toujours avec cette petite référence à notre jeu du chien et du chat. Parfois, j'avais l'impression de revoir ces deux idiots dans les sous-sol. C'était ce jour-là qu'Ys avait hérité du surnom de "feu-follet". C'était ce jour-là aussi, que j'ai commencé à voir en lui un adversaire de jeu.

Il a rit, probablement amusé de savoir que cela se voyait autant. J'aimais énormément Mitsuki, et s'il y avait bien une femme pour faire plier un jour le feu-follet, c'était elle. Elle était douce mais avait un caractère suffisamment fort pour ne pas laisser Ys déraper et se refermer sur lui-même. J'étais heureuse de savoir qu'ils s'étaient trouvés, et heureuse de savoir aussi que mon frère ne serait jamais seul, peu importait la suite des événements.

"Qu'est ce que je pourrais pas lui cacher?! Après tout, elle et moi, nos passés... on s'est confiés comme si ça paraissait évident. Je me suis mêlé sans forcer à son histoire, elle en a fait de même."

- Ça se voit. Que c'est naturel je veux dire. Quand vous parlez l'un de l'autre... Même si c'est rare, c'est flagrant. Y a pas vraiment de tabou. Et même si on imaginait cinq secondes que tu puisses lui cacher la vérité... Mitsu a suffisamment de persévérance pour le découvrir, et suffisamment d'imagination pour te le faire payer.

J'ai souris, amusée. Mitsuki était une dure, je l'avais compris le jour de mon premier entraînement. Je crois me souvenir que j'avais haïs Ys de m'avoir tendu un piège pareil aussi. Après tout, c'était sa faute si je m'étais retrouvée à mourir de fatigue et de douleur à chaque entraînement avec la master. Elle allait avoir ma peau.

- Au fait. Vous aviez raison... Les entraînements sont bénéfiques. Même si la maladie évolue... Mon corps semble résister un peu plus. Je suis moins fatiguée, moins faible. Alors merci.

J'ai soupiré avec un sourire. Ouais. Ça marchait. Mais je savais aussi que j'avais trouvé la force et surtout l'envie de me battre, tout comme Ys avait trouvé la force de passer à autre chose en cessant de se refermer sur lui-même quand quelqu'un l'approchait d'un peu trop près et qu'il voyait l'enfant brisé sous la carapace.

- Bon on y va? On va être à la bourre après!

Et dans un sourire, j'ai accéléré le pas, laissant derrière nous nos passés délabrés, pour nous concentrer sur nos présents, et sur cette soirée magique qu'Ys m'offrait.

Quelques secondes à poser son regard sur elle, et Ys reporte son attention sur leur destination. Il ravala difficilement. Il n'émettrait pas plus, pas un commentaire. La jeune femme s'était ouverte, elle en avait tant dit et en plus de cela, elle avait trouvé les mots pour relever le Tonnerre. Quel grand frère faisait-il? Pour une fois, les rôles s'inversent, il était le plus fragile ce soir. Pour une fois. Ce soir là, il avait été présent pour elle, et aujourd'hui ce fut l'inverse. C'est bon de savoir que l'on peut compter sur quelqu'un, une personne vraie. Et combien les épreuves jusqu'ici furent difficiles, car il n'y eut pas que de bons moments, ils sont toujours là, l'un pour l'autre, marchant côte à côte.

La conversation tourne et c'est surement pas plus mal. Finalement, ce qui avait paru être une épreuve fut soulageant. Fourrant ses mains dans ses poches, Ys se risqua même un léger rire. Joyce n'avait pas tord, elle connaissait très bien Mitsuki pour s'avancer de la sorte.

"Ouais, elle n'abandonne jamais..."

Durant leur première mission, déjà à cette époque, elle lui avait clairement annoncé qu'elle ne le lâcherait pas. Finalement, et malgré cette séparation, ils ne se sont jamais lâchés. Et si un jour il devait y avoir un problème, la confiance étant aveugle, le Tonnerre ne douterait jamais de la Master et de ses motivations.
Soudainement, Joyce fut reconnaissante. Obligeant le garçon à relever la tête, il la fixa longuement quand un sourire brisa la barrière. Il aurait pu exploser de joie. Ce n'est pas grand chose. La maladie est encore là, mais elle devient plus forte, moins épuisée et désespérée par la maladie. Elle tient, debout, à ses côtés. Ce n'est pas grand chose et pourtant ce simple détail peut tout faire bousculer.

"Je te l'ai dis: t'auras plus à te mordre les lèvres." Lui fit'il d'un doux sourire.

Il y a eu des événements difficiles, des choix compliqués, mais aujourd'hui, un jour, ils pourront crier victoire. Même s'ils avaient du s'hurler dessus, même si les coeurs étaient blessés, il fallait essayer par un moyen ou un autre. Jamais il n'abandonnerait sa soeur. Elle était bien trop importante pour fermer les yeux dessus. Et si ce moyen ne fonctionnait pas, il en chercherait un autre. Et si seulement un Dieu le pouvait, il lui offrirait sa vie.
C'est idiot, ce n'est pas grand chose, mais ses paroles importaient tant que le Tonnerre sentit même son coeur plus léger.

La blonde lui rappelle les faits. Lui, la tête encore dans les étoiles, dut se résoudre à toucher le sol. Il attrapa alors la main de sa soeur lorsqu'il remarqua au loin que le guichet s'apprêtait à fermer les portes.

"Viens vite!!"

L'entraînant avec elle, ils accoururent jusqu'à l'homme. Lui tendant immédiatement les tickets, ils eurent la chance d'être les derniers à entrer. Étrangement, la salle paraissait bien petite. Il y avait du monde, mais aucune scène pour un concert. Cette dernière était étroite et pas assez large. Trouvant place, Ys n'eut le temps d'ajouter autre chose que la lumière tomba. Ils devaient vraiment être entrer à la dernière seconde. Et soudainement, le rideau s'ouvre. Il y avait bien de la musique, mais ni batterie, ni guitare, ni chanteur. Juste une chanson douce, japonaise. Un grand voile blanc s'étirait sur toute la longueur de la scène et des ombres chinoises dansaient dessus. L'ombre des pantins flottait dans les airs. Pas une voix, juste une histoire peinte sur la toile blanche accompagnée d'une douce musique asiatique.

Se rendant compte de l'arnaque, Ys manqua d'étouffer un rire dans sa manche avant de retrouver son souffle. Joyce devait tirer une tête... elle qui s'attendait à un groupe de musique. Il est loin le concert!

"Je te promet, je ne savais pas du tout." Lui chuchota-t'il en guise de défense.

Finalement, en y regardant de plus près, il comprenait pourquoi l'importance des motifs de marionnettes sur ses tickets. Cependant, si cette soirée ne fut pas rock'n'roll, elle eut le mérite d'avoir sa dose en sensations.
C'est une assez bonne note, cette soirée.
Le Tonnerre connaissait l'histoire de ce spectacle, étant japonais, il ne pouvait pas l'ignorer. Et parce que Joyce semblait perdue, il lui sembla bon de lui apporter des explications. Aussi, il se pencha légèrement vers elle en gardant un oeil sur la scène, et lui murmura:

"C'est un prince et une princesse follement amoureux. Mais leurs parents qui n'acceptent pas cette union, détruisirent le seul pont qui pouvait les lier. Les oiseaux avaient été si malheurs pour eux, qu'une fois par an, ils s'assemblèrent pour créer un pont artificiel afin que les amoureux s'unissent de nouveau..."

Ys m'a confirmé que je connaissais bien Mitsu en affirmant qu'elle n'abandonnait jamais. Ah ça non, jamais! Mais on l'aimait pour ça aussi, notre adorable Mitsuki non?
J'avais bien noté son regard face à mes dernières révélations, mais fidèle à lui-même, Ys avait choisit de ne pas relever, choisissant tout comme moi de passer à autre chose.

J'avais longtemps réfléchis à l'idée de remercier Ys, ainsi que Mitsuki, pour leur présence et leur aide. Si j'étais encore là et debout, c'était aussi et surtout parce que tous deux ne m'avaient pas laissée d'autre choix que celui de me battre.
Alors quand je le fis et que je vis le sourire et le regard de mon grand frère, j'avoue avoir reçu une putain de belle récompense. Je m'étais pas battue, c'est vrai mais pas que. On s'était tous battus. Mitsuki n'avait jamais brisé sa promesse de me faire avancer, Misao m'avait accompagné à l'hôpital dés qu'il avait pu, ne me laissant jamais y aller seule. Quand à Ys, il n'avait jamais cessé de se comporter comme un rustre avec moi. Il était resté le même, en plus présent. Comme je l'avais voulu, rien n'avait changé entre nous.

"Je te l'ai dis: t'auras plus à te mordre les lèvres."

Il avait un simple et doux sourire. Mais ce sourire valait tous les discours. Il était heureux de ce petit détail que j'avais donné. Heureux de voir que ça allait, malgré les apparences.
Étonnamment et contre toutes attentes, je me surpris à avoir hâte du jour où je viendrai le voir pour lui dire que j'étais guéris, bien que je sache parfaitement que j'en étais loin. Je ne guérirai même peut-être jamais, mais qui sait? J'avais espoir qu'un jour, je cesse d'avoir peur du noir et que je puisse enfin vivre selon mes envies.

Comme un rappel à cette promesse qu'il m'avait faite le soir où je lui avais avoué la maladie, il reprit exactement les mots qu'il avait eut alors, quand il était revenu dans sa chambre après m'y avoir laissé pour réfléchir. On avait eut notre première étreinte ce soir-là, et j'avais finis par dormir chez lui, n'ayant ni l'envie ni le courage de rentrer après tout ça. Soyez pas jaloux, j'ai un grand frère qui assure, même si je nierais tout en bloc si vous lui dîtes que j'ai dis ça!

Il finit par attraper ma main quand on vit que la salle aller bientôt se fermer pour laisser place au spectacle. On courut pour arriver à temps et Ys jeta presque les billets devant le guichet avant qu'on n'entre.
Comme pour nous prouver notre retard, les lumières s'éteignirent au même instant. Sauf que c'était pas du tout un concert! J'ai faillis rire, et j'ai vu qu'il se retenait aussi. Pourquoi ça m'étonnait pas?

"Je te promet, je ne savais pas du tout."

Tu m'étonnes! Pire boulet que moi limite!
Je me suis calmée et j'ai tenté de profiter tout de même du spectacle. C'était doux, et calme. Pour autant, et bien que cela ne soit pas un concert, j'ai apprécié. Ce n'était pas tant le fait d'y être mais plutôt celui qu'Ys m'y ait emmené pour me faire plaisir qui me fit sourire.

Bon, j'avoues, j'ai rien comprit à l'histoire. C'était sublime, bien sûr et j'ai vite comprit que cela parlait d'une histoire d'amour, mais sans plus de détails. Ys a d'ailleurs dû le sentir, parce qu'il s'est penché vers moi:

"C'est un prince et une princesse follement amoureux. Mais leurs parents qui n'acceptent pas cette union, détruisirent le seul pont qui pouvait les lier. Les oiseaux avaient été si malheurs pour eux, qu'une fois par an, ils s'assemblèrent pour créer un pont artificiel afin que les amoureux s'unissent de nouveau..."

J'ai de nouveau regardé la scène avec un peu plus d'attention. Effectivement, maintenant qu'il le disait, je comprenais mieux certains éléments.
J'ai sagement regardé et écouté, émue et touchée par cette soirée. Elle était juste géniale. Et bizarrement, même si j'avais compris qu'Ys m'avait offert celle-ci pour mes dix-huit ans, je n'y ai pas pensé. J'ai juste profité, pleinement. Et pour la première fois depuis bien longtemps, j'ai apprécié mon anniversaire, si on peut dire ça comme ça. Alors à la fin, ayant adoré le spectacle, je me suis tournée vers lui avec un sourire gamin.

- Merci Ys, c'était super! J'ai adoré, vraiment. T'es génial.

Et ouais, vous rêvez pas les gars, je venais de lui faire un compliment! Oui, vous pouvez le dire, j'allais en entendre parler... Pendant des mois.

En fin de compte, malgré que ce ne fut pas le concert tant convoité, tout se passa correctement. Joyce semblait comprendre un peu mieux suite aux explications du Tonnerre et le spectacle se termina en douceur.
Certaines personnes s'étant levées, les jeunes terriens patientèrent un instant le temps que la voie se dégage. Et tandis qu'Ys guettait l'occasion de sortir, Joyce le tira de ses songes.
Et étonné, il la fixa un instant. Ouais, il était choqué là. Joyce qu dit ce genre de chose de manière si inattendue, vraiment, c'est choquant! C'est Noel?!
Néanmoins, ce qu'il ne dira pas, c'est qu'il était bien heureux de voir sa petite blonde sourire autant. Cette soirée aura été riche en rebondissements.

Lui adressant un large sourire, son regard se changea et taquin, il sortit lentement son portable de sa poche, pointé vers Joyce.

"Pourrais tu répéter ce que tu as dis, juste la fin. Que je puisse l'enregistrer!"

C'est plus fort, il fallait qu'il l'emmerde. Enfin, c'était un moyen de diversion, surtout qu'il était gêné après ça et que le seul remède fut la moquerie. Pourtant, il sourit, il est heureux, plus qu'il ne l'aurait crus. Laissant échapper un rire franc, Ys rangea rapidement son téléphone avant que Joyce ne le brûle. On ne sait jamais!
Justement, ces moments sont si rares, qu'il est plus sage de ne pas en abuser.
Retrouvant son calme, il vint reposer son regard sur sa petite soeur tandis que la foule s'évanouissait.

"Joyeux anniversaire Joyce."

Et dans un souffle secret, tout ce qu'il espérait, serait de pouvoir souhaiter les prochains.
Il prit le temps, ne serait ce que quelques secondes, pour garder en mémoire son sourire, son visage. C'est qu'il y tenait, à cette fille du sous sol.
Finalement, ils purent à leur tour quitter la salle pour retrouver l'air frais du soir.
Côte à côte, Ys prit un grand bol d'air avant de venir placer ses mains derrière sa tête.

"Bah ça te dis qu'on termine cette soirée chez moi. Mitsu doit t'attendre aussi. Et puis comme ça, je pourrais te dire ce que tu as droit et ce que je t'interdis maintenant que tu es majeure!"

Le grand frère reprend son rôle. Ce soir, Joyce avait été présente, bien plus que jamais. Mais c'était à lui de prendre soin d'elle, ainsi cela fonctionne comme ça. Après tout, il était son aîné. Et puis, il ne voulait pas l'abandonner de si tôt, pas pour un anniversaire aussi important que celui ci. Et Mitsuki l'attendait, elle voulait lui souhaiter son anniversaire. D'ailleurs, si ça se trouve, elle lui avait surement préparer un gâteaux connaissant la miss.
Lui tendant la main, Ys lui offrit un large sourire.

"Alors? On ne se quitte plus?!"

Phrase à double tranchant. Inutile d'en dire plus. Ils se comprennent suffisamment bien pour comprendre ce que cela signifiait. Attendant une réponse de la petite blonde, une fois que sa main rencontra la sienne, le Tonnerre les téléporta immédiatement chez lui.
Mitsu les attendait effectivement. Et la soirée continua entre eux, entre rires et moqueries.

*Merci.*

Ah tenez vous voyez?! Ce con est même pas foutu d'accepter le compliment sans me tourner en ridicule! Des fois, je me dis qu'on doit vraiment partager le même ADN, y a pas d'autre explication.

- Va te faire foutre papy! Imbécile...

Non je pouvais pas juste l'ignorer!
Bref. Il rangea le téléphone dans un rire heureux et j'ai souris avec lui. Bien qu'il s'en cache, je savais qu'Ys était heureux que j'ai admis tout ça et j'étais ravie de ma soirée. Ouais, j'avais un frère génial. Et vu son cadeau, il méritait de le savoir.
Avec douceur, j'ai vu son regard se poser sur moi, un regard heureux et protecteur. J'avais rarement vu Ys aussi calme. Peut-être notre soirée nous y avait-elle aidé, mais je me sentis beaucoup plus proche de lui que je ne l'avais été auparavant.

"Joyeux anniversaire Joyce."

C'était la première fois en quatre ans que j'entendais ces mots-là. Ça faisait bizarre. La dernière fois, c'était ma mère qui les avait prononcés, juste avant qu'on ne sorte. Vincent tendait les bras vers moi, me demandant un câlin.
Un instant, je me suis perdue dans mes souvenirs avant de revenir au présent. Émue, j'ai hoché la tête avant de sourire légèrement. Je ressentais un profond soulagement et un véritable bonheur. Parce que je savais que je ne serai plus jamais seule pour fêter les prochains.

- Merci Ys. Tu ne sais pas ce que ça représente pour moi.

Mais si, il savait. Maintenant, il savait.
On finit par réussir à sortir et je regardai malgré moi une dernière fois les portes de la salle. Ouais, j'avais eu un super cadeau d'anniversaire. Et non, je n'en voulais pas à Ys d'y avoir pensé. Parce que pour la première fois, je n'avais pas pensé aux drames.

"Bah ça te dis qu'on termine cette soirée chez moi. Mitsu doit t'attendre aussi. Et puis comme ça, je pourrais te dire ce que tu as droit et ce que je t'interdis maintenant que tu es majeure!"

Ys me sorti de mes songes et je le regardai avec amusement. Il était sérieux là? Il allait me dire ce que je pouvais ou non faire? Non, sans dec!

- Ys, tu sais très bien que tu n'as pas d'autorité sur moi, papy.

Et oui, toujours dans la provoc'! Mais j'étais touchée qu'il pense à finir la soirée chez lui avec Mitsu et moi. De plus, je savais bien que je l'écouterai en cas de conseils avisés.
Il me sourit largement avant de me tendre la main. Ça me rappela ce jour, dans les sous-sol, où il m'avait tendu son numéro en me disant de l'appeler en cas d'ennuie. Ce jour-là, Ys m'avait aussi fais un cadeau, même s'il ne le savait pas.

"Alors? On ne se quitte plus?!"

La question était à double-sens, et il n'eut pas besoin de le préciser. Je savais exactement ce qu'il voulait dire. Et je savais exactement ce que moi, je voulais.

- Jamais!

C'était dis sur le ton de la plaisanterie, avec un sourire, mais j'étais sincère. Alors j'ai attrapé sa main et nous avons atterris chez lui, où Mitsuki nous attendaient. C'était bizarre de revenir ici, moi qui ne l'avait plus fait depuis cette soirée où j'avais réellement compris que je n'étais plus seule.
Pour autant, ce soir-là, après que Mitsu et moi nous soyons salué, la nuit n'emporta de nous trois que des rires et des sourires. Non définitivement, Ys, ne savait pas ce qu'il venait de m'offrir. Il ne savait pas que c'était le plus bel anniversaire qu'on m'ait offert. Merci, Ys.