Il a rougit et j'ai vu à son regard qu'il se sentait bien ce soir. Et ça, ça valait tout l'or du monde. J'étais sincèrement bien. Je retrouvais mon regard clair et vert d'autrefois. Celui signifiait que j'étais bel et bien heureuse.
J'avais presque oublié mon rendez-vous médical de tout à l'heure. Pour une fois j'y étais allée seule. Souvent, c'était Misao qui m'y accompagnait, comme il s'y connaissait un peu plus que moi, mais ça faisait maintenant quelques temps que je ne l'avais pas vu...

- Avant, j'aurais besoin de sécher mes cheveux... Sans les dreads, ils sont lourds et gardent l'eau. Je pourrais t'emprunter le sèche-cheveux ?

Liam m'a sorti de mes pensées en m'embrassant sur la joue. Il m'a enlacé par derrière, et son nez et venu se nicher dans mon cou. J'ai frissonné tout en fermant les yeux. Bon sang, je crois que c'était un point sensible.

- S'il te plaît ~ ?

Raaaaah mais comment voulait-il que j'ai envie de sortir après moi? Je voulais qu'on reste ensembles, sans que la moitié de Terrae ne nous arrête tous les cents mètres avec un "Oh t'es revenu Liam?". Oui il était revenu et au moins pour ce soir, il était à moi...
Mais j'admets qu'il fallait bien sortir manger, il devait vraiment avoir la dalle. Et moi aussi, ayant jeûner pour l'examen médical, j'avais faim. Même si ça, bien sûr, je ne le lui dirai pas.

- Ou..Oui. Il est sur le bureau.

Depuis quand je bégaye?!
Pour autant je me suis blottie contre lui, savourant son odeur et sa chaleur. J'allais jamais réussir à sortir de cette chambre... "Propose-lui..." Hors de question! "Aller tu meurs d'envie de rester ici... Suffit juste d'aller rapidement vous chercher quelque chose à manger...." Mais que dalle oui! J'étais pas ce genre de fille! "Tu l'es, arrête de faire ta fière" Non!

- Tu devrais y aller sinon, tu vas finir tremper... Et tu dois avoir faim.

Vite, le repousser avant que je ne craque...

- Ou..Oui. Il est sur le bureau.

Oho ~ je l'avais fait bégayer. Fier de mon oeuvre, je la serrais tout contre moi, et mes cheveux mouillés tombèrent en avant, lui chatouillant le bras. Je les aimais bien aussi sans les dreads... Je me demandais comment elle les préférait. J'aimerais le lui demander. Mais le moment me semblait peu judicieux, étant donné que je la troublais et qu'ils étaient mouillés et donc n'avaient aucune forme. Je jetais un regard au bureau. Trop loin pour l'attraper sans la lâcher... L'attrape-rêve pendait au dessus de son lit, attirant mon œil. Elle l'avais tout de suite accroché, et ça me faisait plaisir. Je me sentais un peu plus proche d'elle, comme si je faisait partie de son espace vital.

- Tu devrais y aller sinon, tu vas finir tremper... Et tu dois avoir faim.

J'ai soufflé dans son cou, en faisant semblant de réfléchir. J'avais envie de continuer à la perturber, c'était vraiment amusant. Et j'aimais aussi sa proximité. Eh oui, je suis encore un homme que je sache, la proximité de la personne dont j'étais fou amoureux me faisait beaucoup d'effet. Ses cheveux étaient incroyablement doux. Et ses yeux pétillaient e nouveau. Quand elle essaya de me repousser, je le retins, la serrant dans mes bras, toujours par derrière et je frôlais tendrement son oreille avant de répondre.

- J'ai vraiment faim, en effet.

Je fis une pause, lui laissant le temps d'interpréter mes mots à sa guise et d'essayer de se défendre.

- Mais j'ai pas envie qu'on sorte. Qu'on soit dérangés... nah, pas envie.

Je laissais échapper un éclat de rire, attendant la réaction de Joyce.

Est-il possible de se sentir si proche d'une personne que vous connaissez toutes ses réactions? Est-il possible de l'aimer à la folie, à un point où même trois ans l'un sans l'autre n'y changent rien? Est-il possible de se sentir si comblée et à la fois si déstabilisée par sa confiance nouvellement acquise?

J'ai juré, s'il continuait de me serrer ainsi contre lui, j'allais vraiment défaillir. Il a soufflé dans mon cou et j'ai frissonné de plus bel. Ça devrait être interdit un truc pareil! Liam! Ça suffit, je vais mourir...
J'ai eu beau tenté de l'éloigner, le vicieux m'a serré contre lui, me murmurant tout près de l'oreille.

- J'ai vraiment faim, en effet.

Oh. Putain. Joyce reprends toi! Impossible. Depuis quand mon petit-ami s'amusait-il à me torturer ainsi? C'était mon rôle ça, normalement!
J'avais les jambes tremblantes, à un tel point que si Liam ne m'avait pas tenu contre lui, je me serai casser la figure. Je n'ai même pas tenté de fuir, j'étais si bien...

- A... Arrêtes.

Joyce arrête de bégayer merde! J'allais pas m'en sortir vivante. Je ne l'avais jamais vu comme ça, aussi câlin ni aussi taquin. Le mélange des deux me plaisait étonnamment. Ses cheveux me chatouiller les bras. Même sans ses dreads, je le trouvais toujours aussi merveilleux. C'était différent, mais pas moins attirant.

- Mais j'ai pas envie qu'on sorte. Qu'on soit dérangés... nah, pas envie.

Tiens tiens, monsieur avait autant envie que moi qu'on sorte maintenant? Ta faute, espèce d'idiot!
Ne supportant plus de paraître aussi frêle, je me suis tournée vers lui avec un petit sourire taquin. Et oui Liam, toutes les bonnes choses ont une fin.

- Moi non plus...

Je me suis hissée sur la pointe des pieds et je l'ai embrassé dans le cou avec tendresse avant de rester ainsi blottie.

- Et si... Et si on allait juste récupérer de quoi nous nourrir et qu'on remontait? J'ai pas franchement envie qu'on croise les trois quart des couloirs et qu'ils te demandent tous où t'étais passé.... Ce soir, j'ai envie de t'avoir pour moi seule.

J'ai rougis non? Oh punaise, heureusement que j'étais cachée contre lui hein!

Mais bon sang, j'avais jamais été aussi câlin et taquin avec personne ! Joyce me faisait un tel effet que ça devenait facile de prendre les devants et de la faire tourner en bourrique. Bon, j'avoue, la fatigue aidait un peu, je n'étais plus dans l'état habituel dans lequel j'étais lorsque j'avais dormi et que j'étais reposé. Mais était-ce vraiment la raison principale ?

Mon ventre gargouillait sans bruit, et j'avais quand même l'impression de m'auto-digérer... Il fallait que je mange. Genre, vite. Mais je ne voulais pas la lâcher... Vraiment, vraiment pas. Et Dieux, si je pouvais manger sans bouger d'ici, je le ferais, je le jure. J'étais tellement bien et la taquiner me rendait heureux. Même si mon coeur semblait vouloir bondir hors de sa cage.

- A... Arrêtes.

Elle bégayait ~ J'adorais ça. Je la sentis s'appuyer sur moi. Lui faisais-je tant d'effet que ça ? Eh bien si c'est le cas, c'était parfait, juste ce que je voulais. Elle me plaisait plus de minute en minute passée près d'elle. Je poussais un ronron amusé. Décidément, je ronronnais beaucoup ce soir.

Soudain, plus rapide que moi, elle se retourna, répondant à ma réticence à sortir.

- Moi non plus...

Et j'eus droit à un baiser léger dans le cou. Ce fut à mon tour de frissonner, je rougis légèrement de plaisir, et passais une main dans ses cheveux.

- Et si... Et si on allait juste récupérer de quoi nous nourrir et qu'on remontait? J'ai pas franchement envie qu'on croise les trois quart des couloirs et qu'ils te demandent tous où t'étais passé.... Ce soir, j'ai envie de t'avoir pour moi seule.

Le nez dans mon cou, je sentais son souffle contre ma peau et je sentis mes jambes trembler un peu. Mon cœur cognait plus fort qu'une mitraillette. Je me sentais tellement bien, mon esprit tellement détendu que je dus me concentrer pour saisir le sens de sa phrase. Au final, le seul son qui sortit de ma gorge fut un "hmm-hmm...", tandis que je respirais son odeur, le nez dans ses cheveux.

Le tissu de ma chemise, glacé d'eau, se collant à ma peau me réveilla. Je retrouvais mon envie de jouer et me libérais de son étreinte en lui faisant un sourire en coin.

- Très bien, mais avant je le sèche les cheveux !

Je caressais la courbe de sa mâchoire puis m'enfuit jusqu'au bureau, près duquel de branchais le sèche-cheveux. Commençant à les sécher, ils se mirent à faire des nœuds, partant dans tous les sens. Je râlais dans ma barbe. Au moins allaient-il retrouver leur ondulation naturelle. J'allais juste devoir les brosser.

Le sentir frissonner à mon baiser me fît sourire. J'adorais savoir que moi aussi, j'arrivais à lui faire de l'effet. Je n'avais jamais été ainsi avec personne. Je n'avais pour ainsi sire jamais eu de vrais amis, et je n'étais jamais tombée amoureuse. C'était la première fois que je me livrais autant à quelqu'un. Que ce soit Liam me paraissait une évidence. Et il semblait en profiter.
Il a passé sa main dans mes cheveux. J'adorais qu'il ne perde pas le contact avec moi. Il me tenait toujours tout contre lui, sans avoir vraiment l'envie que l'on s'éloigne.
Comment avait-on fait pour tenir trois ans l'un sans l'autre déjà?

Visiblement aussi perturbé que moi, je l'ai senti m'écouter à demi avant qu'il ne grogne une réponse supposément affirmative.
Je m'attendais à tout instant à ce qu'on m'annonce une catastrophe. Trop de bonheur d'un coups, ça allait pas le faire longtemps. Liam m'avait bien dit qu'il voulait tout savoir de ces trois dernières années, et je savais quelle serait la nature de sa première question. Étonnamment, je savais aussi quelle serait ma réaction.

Il finit néanmoins par retrouver ses esprits et il s'éloigna de moi, un petit sourire en coin. Je mentirais si je disais que je n'ai pas fais une moue boudeuse à ce moment là. Pitoyable.

- Très bien, mais avant je me sèche les cheveux !

Il m'a caressé légèrement le visage, suffisamment pour me frustrer encore un peu plus si tant est que cela soit possible et il est parti à mon bureau, tout guilleret.
J'ai souris quand je l'ai vu râler. Je me suis enfermée dans la salle de bain pour l'attendre, tentant de me remettre les idées en place. La soirée promettait tient, si je me laissais avoir aussi facilement!
Je ne l'avais jamais vu comme ça, et ça me laissait... Comblée mais perplexe. Les trois années loin l'un de l'autre semblaient nous avoir étrangement rapprochés. C'était étonnant, et en même temps rassurant. On aurait pu penser que nous ne saurions pas comment réagir après tant de temps et pourtant!

Je me suis passée de l'eau glacée sur le visage, avant de m'observer. N'avais-je pas trop changé pour lui? Il m'avait connu quand j'avais 15 ans... J'étais encore en pleine croissance. Et voilà qu'il revenait quand je l'avais achevée. Je fis la moue. J'aimais bien me voir plus adulte, mais... Ça ne faisait que me rappeler combien Liam m'avait manqué. Il n'avait pas été là, et si mon cœur meurtri semblait vouloir continuer de battre pour lui, ma stupide conscience, elle, voulait me rappeler à l'ordre. Des deux, j'avais choisis d'écouter mon cœur, comme maman m'avait toujours conseillé de le faire. J'espérais seulement que c'était la bonne solution.

Je suis sortie après avoir retrouvé le sourire et au moment où Liam finissait. J'ai enfilé une paire de sandales et j'ai croisé son regard. J'avais fais le bon choix.

- On fait comment ça alors? Ce soir, c'est juste nous deux et on verra plus tard si on accepte de retrouver le monde extérieur?

J'avais un ton taquin, mais la question était sincère. Je n'étais pas sûre de vouloir le partager un jour...

Je terminais de sécher mes (super) longs cheveux quelques secondes avant de voir Joyce sortir de la salle de bain. Elle était rayonnante, comme si sa joie la rendait encore plus belle. Je ne pus m'empêcher d'observer à nouveau la peau douce de son visage légèrement rosé aux joues, son sourire, ses yeux si verts, et ses cheveux dorés.

Je cherchais un élastique pour attacher les miens mais ne trouvant rien, je tirais de mon petit sac une lanière en cuire. Ramenant mes cheveux d'un geste reproduit mille et une fois, je les entourais de la lanière avant de la nouer solidement. J'avais donc une queue de cheval nouée en catogan dans ma nuque. J'avais toujours aimé m'attacher les cheveux, je pouvais les sentir frôler mon dos au travers de l'étoffe de mon haut, lourde masse acajou.

M'étirant, je me regardais dans le miroir , quand soudain, la pièce tangua. Je devais absolument manger... Je baissais un peu les yeux pour voir le reflet de Joyce et rencontrais non pas un regard vert mais les yeux gris clairs d'une jeune femme que je pensais avoir oublié. Face à moi, mon reflet avait les yeux d'un étrange lilas, comme si mon pouvoir les faisait changer de couleur.

Se superposant à Joyce, comme un fantôme, Marja me regardait avec un sourire légèrement tordu, sa peau chocolat éclaircie par celle de Joyce. Ses cheveux de jais finement tressés furent les premiers à disparaître. Je secouais la tête. Troublé, je regardais à nouveau dans le miroir, et cette fois c'étais bien Joyce qui me regardait.

-Marja..? Pensais-je tout haut, murmurant son nom dans un souffle.

Je devais me ressaisir ! Mais cette vision m'avait troublé. Pourquoi mon pouvoir se déclenchait-il maintenant..! et pourquoi de cette façon... Je me frottais les yeux et me tournais vers Joyce, cachant rapidement mon trouble. Elle était devenue une jeune femme sublime, j'étais surpris qu'elle n'ait pas retrouvé quelqu'un pendant mon absence. Elle enfila une paire de sandale et je fis de même avec mes vieilles baskets Vans, usées jusqu'à la corde. Je ne pris même pas la peine de les attacher.

- On fait comment ça alors? Ce soir, c'est juste nous deux et on verra plus tard si on accepte de retrouver le monde extérieur?

J'éclatais de rire et mes joues me tirèrent. Depuis combien de temps n'avais-je pas ri ainsi, libéré de mes soucis... Enfin presque. Je me rapprochais d'elle et embrassais son bout de nez. Puis je pris sa main.

- Je suis tout à toi pour la soirée. Hors de question de voir du monde ! Je devrais bien voir Ys un jour -et Dieux qu'il va être en colère- mais ce soir je veux te parler, te parler et profiter de te revoir enfin.

Je fis un pas et ouvris la porte.

- On va filer en douce acheter à manger et on rentre ? Ca te va ?

J'avais envie de parler, et la vision étrange se dilua un peu dans mon esprit.

Vous vous souvenez de mon côté pessimiste pas vrai? De ce trais de caractère qui fait que je suis incapable de me réjouir réellement, parce que je me demande toujours jusqu'à quand le bonheur va durer.
Ce soir-là, je n'avais pas cette idée-là. J'avais juste envie de profiter et de retrouver mon couple, et l'homme avec qui je partageais ma vie. Visiblement, j'aurai peut-être dû me méfier, peut-être la chute aurait-elle été moins douloureuse.

-Marja..?

C'était à peine un murmure, un souffle, mais je l'entendis parfaitement. Un conseil, pour vous messieurs. Quand vous êtes avec votre copine, surtout après une grosse dispute et que vous tentez de retrouver votre couple, la chose à ne pas faire, c'est de susurrer le nom d'une autre fille. Et ce, peu importe l'historique de ladite fille. C'est tolérance zéro. D'autant plus quand vous avez une fille de caractère.
Un instant j'ai perdu pied. Je me suis pris une véritable gifle et ça faisait mal. Marja? Il était sérieux là? Je crois pouvoir affirmer que mon regard s'est fait dur et colérique. Il disparaissait pendant trois ans, revenait avec une jolie explication et maintenant ça? Il voulait sa mort ou bien?!

Mais Liam a fait comme si de rien, éclatant de rire à ma remarque précédente. C'était pas le meilleur comportement qu'il puisse avoir après son air si troublé à sa propre évocation de cette autre. Il m'a même embrassée le nez avant de me prendre la main. J'avais une furieuse envie de reculer.

- Je suis tout à toi pour la soirée. Hors de question de voir du monde ! Je devrais bien voir Ys un jour -et Dieux qu'il va être en colère- mais ce soir je veux te parler, te parler et profiter de te revoir enfin.

Oh que oui! Ys allait être en colère, surtout qu'il savait comment je m'étais sentie pendant trois ans... Et croyez-moi, Ys avait beau m'emmerder, personne n'avait intérêt à me toucher, sous peine de vengeance. Et bien que ça me tue de l'admettre, la réciproque était vraie aussi. Pendant trois ans, c'était Ys, mon frère, qui m'avait permis, pendant quelques instants, d'oublier Liam et son départ.

Liam agissait comme si de rien, comme s'il n'avait jamais pensé à une autre en croisant mon regard dans le miroir. J'étais à deux doigts de l'étrangler. Mais je ne voulais pas gâcher nos retrouvailles et j'avais besoin de faire le point, cinq minutes.

- On va filer en douce acheter à manger et on rentre ? Ça te va ?

- Je...

Je m'arrêtais. J'avais dû mal à contenir ma douleur, ma colère et ma déception. Non mais sérieusement, à quoi il pensait?!
Et puis je l'ai regardé dans les yeux en souriant, m'éloignant un peu de lui.

- Tu sais quoi? On sera beaucoup moins discret à deux, tu devrai y aller pendant que... je m'occupe. J'ai une compo à finir et si je ne l'envoie pas à Ys dans la soirée, il va me tuer, et ce, même si tu es revenu. On se retrouve après.

Le pire là-dedans, c'est que je ne lui laissais pas le choix. Il m'avait blessé avec ce prénom. Ce n'était pas le mien qu'il avait prononcé, c'était celui d'une autre. Je n'étais pas jalouse, ça allait même au-delà. Parce que l'espace d'un instant, je me suis demandée s'il ne l'avait pas cherché pendant toutes ces années, et pire, s'il ne l'avait pas revu. Alors j'ai juste souris, pour qu'il me laisse tranquille, au moins le temps que je réfléchisse.
Un jour, on y arriverait peut-être, à former un couple solide.

- Je...

Je me raidis en entendant son ton vacillant. M'avait-elle entendu ? Un image de Marja repassa furtivement devant mes yeux et je secouais la tête. Non. Joyce était là, je l'avais retrouvée, je n'allais pas gâcher ça !! Mais la jeune femme recula, s'éloignant de moi. Elle eut un sourire tout sauf sincère. Je l'avais blessée... Encore... N'étais-je donc pas capable de tenir une seule promesse ?! Étais-je un idiot et un incapable à ce point..? La tempête de mes sentiments se remit à souffler en moi, me renversant et me ballottant. Que faire... Si je me justifie, j'allais la mettre en colère. Mais si je ne disais rien, je me rendais coupable ! Impossible dans cette situation de la rassurer... Que faire..?

- Tu sais quoi? On sera beaucoup moins discret à deux, tu devrai y aller pendant que... je m'occupe. J'ai une compo à finir et si je ne l'envoie pas à Ys dans la soirée, il va me tuer, et ce, même si tu es revenu. On se retrouve après.

Dans un élan de panique, je lui saisis le bras, avec beaucoup de douceur toujours.

- Joyce, je..!

Je me tus, lâchais son bras, les poings serrés à m'en écorcher les paumes avec mes propres ongles. J'étais tourmenté, je voulais qu'elle comprenne ! Que c'était fini, cette histoire avec Marja. Pire, qu'elle n'avait jamais commencé, car j'avais toujours caché mes sentiments... Qu'avec elle, Joyce, j'avais enfin trouvé ma définition de l'amour. Les mots se bousculaient dans ma bouche, la panique me nouait la gorge à m'en faire mal. Ma bouche s'ouvrait et se fermait. Mais aucun son ne voulait sortir. Que faire... Que faire ! Finalement je me repris et m'inclinais devant Joyce.

- D'accord... Je... Je reviens c'est promis... C'est promis... Je reviens...

C'est en marmonnant cette litanie stressée que je pris la poignée de la porte et je sortis. Mes paumes griffées au sang me piquaient, mais je voulais la laisser réfléchir... Même si ça signifiait la fin pour moi. Dehors, les lampes dispensaient une lumière tamisée, glauque. Je me dirigeais lentement, rasant les murs, vers le village. Je connaissais un endroit où... Mais sera-t-il toujours là ? Trois ans... Terrae devait avoir changé.

Mais oui, il était toujours là. J'entrais et sourit au gérant. Celui-ci avait changé. Je pris le temps de choisir.

- Bonjour, je voudrais... Ce plat de sushi pour deux, et deux barquettes de bœuf sauce aigre-douce. Et des udons. Pour deux s'il vous plaît.

Pendant qu'il préparait ça, je regardais dehors. En face, une pâtisserie encore ouverte exposait des gâteaux à l'air délicieux. C'est donc tout naturellement, une fois servi et payé, que je ressortis, direction la pâtisserie. J'y achetais une part de chacun des gâteaux. Tarte au chocolat, fraisier, tropézienne, tarte aux fruits, forêt-noire.

C'est donc les bras chargés des plats, les paumes toujours douloureuses, et le moral au plus bas que je revins et toquais à la porte de Joyce.

J'avais envie de le virer et de filer pleurer sous ma couette. Pitoyable quand on me connait, mais pourtant véridique. Je savais que Liam pouvait se montrer maladroit, j'y étais habituée depuis le début mais là? C'était au delà du supportable.
Je me sentais prise pour une idiote. J'avais l'impression d'avoir plié trop vite, d'avoir trop rapidement pardonner. L'avait-il cherché? L'avait-il trouvé, l'avait-il aimé pendant ces trois foutues années? Je m'en relèverai jamais si c'était le cas.

- Joyce, je..!

Il m'avait attrapé le bras mais j'ai baissé le regard. Je n'avais même plus envie de me battre. J'avais juste envie qu'il s'en aille, qu'il me laisse tranquille, qu'il me laisse réfléchir à tout ça posément.
Il a finalement lâché mon bras et j'ai continué à regarder ailleurs, refusant de croiser son regard à l'instant. Je pourrai me laisser duper, encore une fois.

- D'accord... Je... Je reviens c'est promis... C'est promis... Je reviens...

"Tu reviens hein?" J'ai faillis rire. Mais non. J'ai simplement attendu qu'il claque la porte, restant bien cinq ou dix minutes immobile, sans réagir, fixant le sol.
Mon regard est lentement remonté vers les cadeaux qu'il venait de me faire, puis vers ma guitare. Trop de souvenir.

Dans un excès de rage, j'ai envoyé ma colonne de CDs au sol. Vous avez tous dû tiquer sur le terme pas vrai? A notre époque, il est rare qu'on utilise encore des CDs. Mais moi non, je préfère leur authenticité à celle fictive des téléphones. C'est idiot, mais au moins, si mon téléphone plante, je perdrai pas tout mon répertoire de musique. J'y tenais bien trop, sachant que mes parents m'en avaient offert les trois quart pour ne pas dire plus.
Et je venais de tout renverser, comme ça, sans réfléchir.

Il me fallut encore quelques minutes pour m'en remettre. Il devait y avoir une explication. Il y en avait forcément une pas vrai? Liam ne m'aurait jamais fais ça! ... Pas vrai?
Doucement, j'ai rangé mes CDs un à un, avec patience et précaution, en jetant trois brisés. J'étais dégoûtée et je me promis d'aller les remplacer dés le lendemain. J'avais de la chance, c'était trois des CDs que je m'étais achetée seule.

J'ai passé un peu d'eau sur mon visage, attendant de retrouver mon calme. Maintenant, toute la question était de savoir s'il allait revenir. Et si c'était le cas, si j'allais réussir à l'affronter. Si non, quelle serait ma réaction?
Je n'ai pas eu le temps de répondre à cette question que j'ai entendu des coups à la porte. J'ai soupiré avant d'ouvrir. Je voulais être plus forte que tout ça. J'avais survécu à bien pire qu'à une trahison de la part de l'homme que j'aimais pas vrai?

Liam avait les bras chargés et je l'ai débarrassé de quelques éléments que j'ai posé sur mon bureau, lui proposant muettement de faire pareil.
Je gardais un silence inquiétant. Et dire qu'on avait l'habitude de me voir explosive! C'était dire mon état!
Je me suis pourtant sagement assise en tailleur sur mon lit, fixant Liam. Je me demandais s'il allait me sortir une explication vaseuse ou s'il allait ignorer tout ça. Dans tous les cas, il venait de me briser le cœur, encore une fois. Ça commençait bien!

Lorsque Joyce m'ouvrit, je vis tout de suite que quelque chose avait changé. Dans ses yeux, quelque chose s'était éteint. J'avais l'impression de me retrouver face à une lame en acier. Glacée, elle semblait aussi tranchante qu'un rasoir. Je frémis mais ne me laissais pas démonter. J'étais déprimé par ma satanée vision et ce qu'elle avait créé entre Joyce et moi. Mais je voulais lui expliquer. Restait à savoir si elle me lasserait faire...

Elle me prit quelques sacs et alla les poser sur une table. Je fis de même sous son regard froid. La nourriture embauma l'air et mon ventre émit un terrible grondement en se tordant. Je me tournais pour faire face à Joyce et pris mon courage à deux mains. Elle semblait prête à écouter mon explication mais je voyais bien qu'elle n'en attendait rien. J'allais quand même me justifier.

- Joyce, je suis désolé que tu aie entendu ce nom dans ma bouche. Je sais que tu es passée Etoile... Mais moi, je reste qu'un Initié et je ne maîtrise pas, mais alors pas du tout mon pouvoir de Vision... Je peux voir dans le reflet d'un miroir ou dans de l'eau.

J'inspirais par le nez et le regrettais immédiatement. La faim me tiraillait maintenant à cause de l'odeur, et la tête me tournait un peu. J'entrepris de continuer.

- Avant de venir ici, j'ai voyagé. En fait, ma mère était une femme à la peau noire, et mon père un homme typiquement blanc. Ils s'aimaient beaucoup et on habitait dans une maison perdue en campagne. Mais ma mère est morte et mon père n'a pas supporté de vivre dans la maison où elle avait vécu. Trop... trop de souvenir, tout ça.

Les larmes m'étaient monté aux yeux. Je commençais à oublier le visage de ma mère...

- Donc il m'a prit, j'ai pris Hero et on est partis. On est arrivés dans un village à un moment. En Afrique. Et dans ce village il y a une fille du même âge que moi qui a prit soin de nous. Elle s'appelait Marja. En fait, elle a prit soin de mon père après une attaque de lion.

Arrivait la partie délicate. Allez Liam, courage. Je serrais les mains (rouvrant mes paumes au passage) et regardais mes pieds, pris par les souvenirs.

- Je suis tombé fou amoureux d'elle. Mais je ne le lui ai jamais avoué. Tout ça pour te dire que, en regardant dans le miroir, mon pouvoir s'est déclenché sans que je le veuille, et m'a montré Marja. Alors que je n'ai même pas vue pendant mon voyage..! Mais.. Mais...

Je m'approchais de Joyce, et lui prit les mains, y déposant un baiser tendre.

- C'est toi que j'aime... Je n'avais jamais compris ce que "aimer" voulait dire. C'est toi qui m'a ouvert les yeux !

J'étais en colère contre ce stupide pouvoir, qui ruinait encore une fois mon moment de bonheur.

- Joyce, je suis désolé que tu aie entendu ce nom dans ma bouche. Je sais que tu es passée Etoile... Mais moi, je reste qu'un Initié et je ne maîtrise pas, mais alors pas du tout mon pouvoir de Vision... Je peux voir dans le reflet d'un miroir ou dans de l'eau.

Ah ben il avait choisit de m'expliquer. Et j'écoutai, patiemment, sans faire de vagues. Oui, j'avais bien changé depuis que j'étais arrivée à Terrae. J'étais devenue plus patiente, plus calme. J'étais toujours un brin tête brûlée, mais je restai un peu plus souvent en retrait. J'attendais mon heure. Et pour l'heure, c'était son tour d'essayer. Moi, j'avais assez donné.

- Avant de venir ici, j'ai voyagé. En fait, ma mère était une femme à la peau noire, et mon père un homme typiquement blanc. Ils s'aimaient beaucoup et on habitait dans une maison perdue en campagne. Mais ma mère est morte et mon père n'a pas supporté de vivre dans la maison où elle avait vécu. Trop... trop de souvenir, tout ça.

Liam allait finir par tomber dans les vapes s'il ne mangeait pas, et malgré la situation, ça m'inquiétait. Il aurait mieux fait de manger un bout avant de m'offrir cette bombe.
Une maison pleine de souvenirs hein? Je connaissais. Quand papa était mort, maman avait eu la réaction inverse de celle du père de mon amour. Elle avait été incapable de partir, incapable de quitter ce foyer qu'ils avaient bâtis ensembles. Et Vince et moi n'avions pas eu d'autre choix que celui de supporter les photos et les rires incrustés dans les murs d'une maison que l'on a détesté pendant cinq années.

- Donc il m'a prit, j'ai pris Hero et on est partis. On est arrivés dans un village à un moment. En Afrique. Et dans ce village il y a une fille du même âge que moi qui a prit soin de nous. Elle s'appelait Marja. En fait, elle a prit soin de mon père après une attaque de lion.

En Afrique hein? J'ai senti mon cœur se serrer à l'évocation de cette femme, qui avait sans doute était plus vieille que moi, plus femme et beaucoup plus douce que je ne le serais jamais.
Oui, j'avais d'ordinaire confiance en moi, mais la vérité était telle que l'on pouvait la voir: Je n'étais qu'une môme paumée quand Liam m'avait rencontré, après l'avoir connue elle, après l'avoir aimé, elle.
Il avait les larmes aux yeux et moi, je restais là, assise sur le lit, sans bouger, sans émettre le moindre son ni la moindre réaction, aussi infime soit-elle.

- Je suis tombé fou amoureux d'elle. Mais je ne le lui ai jamais avoué. Tout ça pour te dire que, en regardant dans le miroir, mon pouvoir s'est déclenché sans que je le veuille, et m'a montré Marja. Alors que je n'ai même pas vue pendant mon voyage..! Mais.. Mais...

Il est difficile pour tout le monde d'entendre l'être aimé dire qu'il est tombé amoureux fou d'une autre que vous. Il aurait pu m'arracher le cœur que cela n'aurait pu être pire. Certes, il ne l'avait pas vu du voyage, mais c'était sans doute ce qui faisait le plus mal. En effet, qu'est-ce-qui m'affirmait que s'il la revoyait, il ne me quitterait pas pour elle?
Il s'est brusquement approché de moi, attrapant mes mains pour venir les embrasser avec une véritable tendresse.

- C'est toi que j'aime... Je n'avais jamais compris ce que "aimer" voulait dire. C'est toi qui m'a ouvert les yeux !

Il avait finit. Il n'avait plus rien à dire. Et moi?
Je me suis doucement levée, me reculant, sans émettre le moindre commentaire. Je suis allée seule dans la salle de bain récupérer ma trousse à pharmacie. Puis je l'ai rejoins, lui intimant silencieusement de s'asseoir et de me laisser faire. M'asseyant en face de lui, à genou, j'ai doucement ouvert ses paumes pour découvrir quelques plaies.

- Laisses-moi soigner ça.

Ce fût tout ce que je dis avant de m'atteler à ma tâche, sans jamais croiser son regard. C'était la seconde fois que je soignais ses plaies. Elle l'avait fait avant moi.
Une fois finie, je suis allée tout ranger avant de venir attraper les plats délicieusement alléchant pour les poser sur mon lit, comme à mon habitude. Ils étaient entre nous deux, empêchant tout rapprochement.

- Mange, tu dois être affamé.

Je n'étais pas distante, étonnamment. J'étais tendre. J'avais même un petit sourire, même si mes yeux, eux, ne riaient pas.
Il fallait que je trouve une solution pour oublier tout ça. Non. Pour lui faire oublier tout ça. Je voulais qu'il oublie les sentiments qu'il avait pour elle. J'étais folle de jalousie. Liam était mon petit-ami pas le sien! Et... Et puis comme il l'avait dit, il ne lui avait jamais avouer ses sentiments, alors qu'à moi, si, et en premier!

J'ai pité sur le plateau avec délice. C'était vraiment appétissant! Et puis j'ai eu une idée. Avec un regard malicieux, j'ai poussé le plateau sur le côté de mon lit, à porter de main et je me suis glissée entre ses jambes, appuyant mon dos contre son torse. Oh non Liam, je ne partageais pas. Et ce soir comme tous les autres à partir de là, tu étais à moi. Marja était le passé, tout comme ma vie d'avant l'était. Nous, nous étions notre présent et notre avenir. Et si Terrae m'avait appris une chose, c'était à me défaire de mon passé.

- Je voudrai rester comme ça pour l'éternité... T'as super bien choisit!

Il était temps que l'on ait notre soirée rien que pour nous et nos retrouvailles. Cette fois, je ne le partageais plus ni avec le passé, ni avec les disputes. Je voulais juste profiter de son retour et de son amour.

Je m'attendais à une explosion, des cris, des accusations... Des coups peut-être. Mais pas au silence de plomb qui sembla recouvrir toutes mes paroles. Un drôle de sentiment m'envahit. Comme si un danger approchait, qu'il y avait cette accalmie avant la tempête. J'attendis patiemment que Joyce explose. J'étais en tord, et je me sentais comme Hero lorsque je le prenais la main dans le sac. Je l'avais fixée dans les yeux mais à présent je baissais la tête. Enfin, elle bougea. Je me raidis légèrement, prêt à endurer les accusations, tout ce qui jaillirait de sa colère. Mais elle se dégagea seulement, se levant et disparaissant dans la salle de bain. Elle revint avec une trousse de soins. Allais-je m'en prendre tant dans la gueule qu'elle aurait besoin des premiers secours ?! Un éclair de panique me saisit mais je l'écartais rapidement, presque dédaigneusement. Elle m'intima de m'asseoir, ce que je fis sagement. Je tressaillis lorsqu'elle prit mes mains. Mais sa voix était douce.

- Laisses-moi soigner ça.

Indécis, ne sachant pas comment réagir, je me laissais faire. Je savais qu'elle m'en voulait, mais... Quel était ce comportement ? Pourquoi était-elle si calme ? Comment étais-je censé réagir maintenant... Elle prenait soin de moi alors que je l'avais blessée. Je n'y comprenais plus rien ! Elle ne croisa pas une seule fois mon regard interrogateur. Une fois mes coupures soignées elle alla ranger la trousse de soins. Elle prit les plats et les amena entre nous. L'odeur me faisait saliver, mais je comprenais par son geste de placer les plats entre nous qu'elle avait besoin d'espace. Je respectais donc son désir et laissais apparaître un sourire désolé et hésitant. Elle semblait joyeuse en apparence.

- Mange, tu dois être affamé.

Comme un déclic, la tête me tourna à nouveau. Je piochais donc une bouchée dans les plats, me concentrant pour savourer mon premier repas sérieux depuis un long moment. Mais il ne me fallut pas longtemps pour me jeter sur la nourriture comme un loup affamé. Je lançais un regard d'excuse à Joyce, le bouche pleine, la gorge brûlée par la nourriture encore très chaude. Elle semblait apprécier la nourriture aussi. Je la regardais mange un instant, pensif et projetais à l'aveuglette mes baguettes vers l'endroit où je pensais trouver la nourriture. Mais je ne rencontrais que le vide. Je jetais un regard surpris vers les plats... Que Joyce avait déplacé sur un côté du lit. Soudain, je sentis ses cheveux me chatouiller le menton et son dos se poser contre mon torse.
Surpris, mes bras trouvèrent sans mon aide la façon de s'enrouler autours d'elle comme un cocon de protection. Personne encore ne s'était approché de moi autant, je me sentais gauche et intimidé. Heureusement, mon amour ne pouvait pas voir mes joues rougir et mes yeux se fermer légèrement de bonheur.

- Je voudrai rester comme ça pour l'éternité... T'as super bien choisit!

- C'est vrai ? Super !!

J'avais réagit comme un enfant qui était complimenté sur quelque chose après s'être fait disputé. Je la serrais un peu plus et inspirais dans ses cheveux. Elle sentait bon. Et Marja disparut enfin totalement de mes pensées. Je piochais à nouveau dans les plats, apaisé par l'attitude de Joyce. Je ne devais plus jamais la blesser, elle était trop précieuse à mes yeux, et beaucoup trop proche de mon coeur. C'était à chaque fois comme me plonger un couteau dans la gorge. Je voulais son bonheur et le mien. Je me battrais pour nous et notre avenir.

Liam n'a pas dû comprendre que je n'explose pas. C'est vrai qu'autrefois, cela aurait été ma première réaction. Mais j'avais changé, mûrie. J'étais plus sage, même s'il me restait encore une longue route à parcourir.
Les entraînements de Mitsuki ne m'apportaient pas uniquement une force physique nécessaire à ma guérison mais également une force morale me permettant de ne pas flancher. Quand à Ys, il m'avait apprit que parfois, on peut faire du mal à des gens qu'on aime sans le vouloir. Il m'avait apprit ce qu'était le pardon.
Alors non, je n'ai pas explosé. J'ai seulement saisie la chance qu'il m'offrait: Il avait eu une opportunité de la voir qu'il n'avait pas saisi et il était revenue. Moi j'étais là et amoureuse folle de lui. Et peut-être était-ce suffisant pour qu'il reste et qu'il ne m'abandonne pas pour elle? Je voulais y croire. Mais pour ça, j'allais devoir donner de ma personne...

Je sentis ses bras venir me serrer contre lui naturellement et j'ai soupiré d'aise. J'avais l'impression d'avoir retrouvé ma place. Il était rentré. A la maison.
Je l'ai senti soulagé et j'en étais bien heureuse. Je ne voulais plus qu'on se dispute. J'ai largement profité de mon dîner entre ses bras.

- C'est vrai ? Super !!

J'ai souris et on a calmement finit le repas. Bon OK peut-être pas si calmement ça. J'avoues avoir un peu sauté de joie en découvrant le dessert. Moi et le sucre... Je vais finir à 100kg à trente ans je crois. Bref.
J'étais heureuse de voir qu'il me connaissait suffisamment pour savoir que j'adorais ces petites douceurs.

Une fois finis, je me suis levée pour débarrasser les plateaux sur le bureau. Et puis j'ai commencé à être nerveuse. Je veux dire... Nous avions eu une sacrée soirée... Mais maintenant, il fallait parler. Et je savais parfaitement ce que voudrait savoir mon amour. Je savais aussi ce que moi, j'allais ressentir.
Certes, j'avais pardonné son départ.... Ainsi que son écart. Mais j'aurai forcément du mal à l'entendre me parler de toutes ces choses qu'il avait vu, pendant ces trois ans loin de moi.

Je suis revenue m'allonger sur le lit, posant ma tête sur ses jambes. Et oui, j'avais décidé de montrer que j'étais là... Et accessoirement que Marja, c'était du passé. Non je suis pas jalouse!

- Tu accepterais qu'on parle de ces trois dernières années? Je veux pas qu'on se dispute encore seulement... J'aimerai savoir ce qu'il t'est arrivé. Je voudrai... Je voudrai ne plus être dans le flou. Tu veux bien?

J'avais du mal à ne pas faire la moue. Je voulais qu'il me parle. Qu'il me montre qu'il était là, qu'il était avec moi... Et qu'il ne partirait plus.

La joie qui brilla dans les yeux de Joyce lorsqu'on attaqua le dessert me fit rire. Je la regardais manger les sucreries avec tendresse. Je ne pris qu'une ou deux parts dans les différentes pâtisseries que j'avais ramené. J'aimais le voir grignoter et se lécher les doigts de délice. J'aimais la voir rattraper ses cheveux pour qu'ils ne tombent pas devant ses lèvres lorsqu'elle mangeait. J'aimais voir ses yeux se fermer de gourmandise quand la saveur d'une part particulièrement savoureuse explosait sur sa langue. Je regardais ces petits quelque chose avec une intensité et une bienveillance accrue. J'avais peur que ça ne dure pas. Que tout parte en fumée. Alors je me concentrais sur ces petits moments précieux.

Bientôt, le repas fut terminé. Avant que je ne puisse esquisser une geste, Joyce se leva et alla poser les plats désormais vides (et bien saucés) sur la table. Sa chaleur me manqua instantanément, et je frissonnais. Je changeais de position et m'adossais n tailleurs sur le lis, dos au mur, un coussin moelleux dans mon dos. Joyce revint ensuite. Je pensais qu'elle se rassiérait comme avant, mais au lieu de ça, elle s'allongea et posa sa tête sur mes genoux. Attendri, je laissais mes mains peigner en douceur ses cheveux. Ils avaient poussé depuis mon départ. Rien d'étonnant à cela, et elle avait du les couper entre temps, car ils n'avaient pas tant poussé que ça, à en croire les souvenirs que j'avais d'elle. Mais ils étaient toujours aussi doux.

- Tu accepterais qu'on parle de ces trois dernières années? Je veux pas qu'on se dispute encore seulement... J'aimerai savoir ce qu'il t'est arrivé. Je voudrai... Je voudrai ne plus être dans le flou. Tu veux bien?

Un kaléidoscope d'images passèrent devant mes yeux et je sentis mon sourire se ternir. Je me secouais et la regardais avec sérieux.

- J'ai vu beaucoup de choses, et certaines sont très dures. Non pas que je te prenne pour une enfant, non surtout pas. Mais je veux te prévenir quand même. Tu veux que je te raconte quand même tout ce que j'ai fait..?

Je ne voulais pas lui faire peur ou l'attrister avec certains épisodes de ce que j'avais vu... Mais elle avait le droit de savoir. J'avais mis toutes les cartes dans ses mains, mais il me restait encore une question que je voulais lui poser.

- Tu voudras bien me raconter ce que tu as fait aussi..? Et ce qui t'es arrivé ?

Moi aussi je voulais savoir. Comment avait évolué sa maladie, les gens qu'elle avait rencontré, le groupe de musique...

Liam avait retrouvé sa bonne humeur, et ce visage tendre et moins boudeur que je lui connaissais. Nous étions enfin de nouveau ensembles, unis. Étonnamment, je me sentais de nouveau entière, comme si on m'avait rendue un petit morceau de moi-même. J'ai jamais cru en l'amour, ni en toute relation que ce soit... Mais pour la première fois, à Terrae, j'y avais cru. Et ce que j'éprouvais pour Liam en était la dernière preuve: Je l'avais attendu trois longues années, moi qui n'avait jamais voulu attendre personne, pas même une minute.

Sa main vint peigner mes cheveux et j'en eu des frissons de plaisir. C'était agréable.. Tellement agréable. Sans réellement m'en rendre compte, j'ai attrapé l'une de ses mains pour entremêler nos doigts. Je souriais avec bonheur.

- J'ai vu beaucoup de choses, et certaines sont très dures. Non pas que je te prenne pour une enfant, non surtout pas. Mais je veux te prévenir quand même. Tu veux que je te raconte quand même tout ce que j'ai fait..?

- Je veux tout savoir Liam. Le bon comme le mauvais. Je veux savoir par quoi tu es passé avant me revenir.

J'avais la voix animée par une détermination retrouvée. Je me suis redressée, aspirant à lui prouver ma bonne foi et ma réelle volonté à tout connaitre et je l'ai embrassé avec fougue. Cet homme était à moi, je n'arrivais pas à y croire. Cet homme incroyable était mon petit-ami, et j'avais envie de croire qu'on avait un avenir ensemble, même si c'était contre la montre.

- Je ne veux plus avoir l'impression d'être si loin de toi. Plus jamais.

J'ai souris avant de me recoucher comme auparavant.

- Tu voudras bien me raconter ce que tu as fait aussi..? Et ce qui t'es arrivé ?

Un instant, j'ai eu le cœur serré. La dernière fois que Liam et moi avions parlé de tout ça, c'était à l'hôpital. Je venais de manquer de le tuer et il avait promis de rester. J'avais eu confiance en lui et il était parti. Ce n'était donc pas évident pour moi d'accepter.
Mais quand j'ai rencontré ses yeux bleus, j'ai compris. Cette fois, Liam avait acquis suffisamment de force, de courage, de maturité et de volonté pour respecter sa parole.

- Je te raconterai tout ce que tu veux. A la seule condition qu'après, on reprenne là où s'est arrêté avant que tu ne partes nous chercher à manger.

Et j'ai ris de plus bel, les yeux rieurs et le sourire taquin. Enfin... Le plus dur restait à faire, j'en avais bien conscience. Mais j'étais heureuse de le sentir tout contre moi, sa main me caressant les cheveux et sa chaleur se répandant dans tout mon être.