Quoi?!

Oui, il avait bien compris, le roux avait bien demandé s’il était en train de s’astiquer. Bien sûr que non. Quelle personne saine d’esprit se donnerait du plaisir en plein milieu d’un dortoir où n’importe qui pourrait entrer à n’importe quel instant? Où est-ce que le nouvel arrivant était allé cherché ça? William n’avait que enfilé son chandail et, en plus, il portait un pantalon. Quel raisonnement l’étranger avait-il eu pour arriver à cette question? Bref, le novice ne se posa pas plus de questions que cela avant de répondre.

« Bien sûr que non!», dit-il, surpris et un peu dégouté.

Le Canadien ne comprenait pas trop qui était la personne à qui il parlait. Il ne l’avait jamais vu auparavant, ni dans les dortoirs ni ailleurs à Terrae. Il devait être nouveau… Mais pour qui il se prend à dire qu’il est supérieur au brun? Ils sont tous les deux novices à ce qu’il sache, sinon ils ne seraient pas dans ces dortoirs et auraient une chambre pour eux.

« Comment ça je te dois le respect? Mais t’es qui en fait? » demanda-t-il, un peu perdu et choqué par ce que le roux prétend être. Murphy restait tout de même un peu intimidé par son interlocuteur et dit ses mots surtout par réflexe.

Par après, il prétendait qu’il était cool et que William devait arrêter de se plaindre. Puis, d’un sac que le novice n’avait pas remarqué, il sortit quatres bouteilles de rhum dont une qui n’était pas complètement pleine. Le lien se fit assez vite dans sa tête. Le gars était bourré, clairement. Ça expliquerait un peu son comportement. En plus, il disait plus tôt qu’il n’était pas heureux, peut-être cela avait-il un lien? Le brun finirait probablement par le savoir puisque l’autre s’était déjà mis à l’aise et lui avait même servi un verre. Finalement, il s’était présenté, Ys. Peu commun comme nom en Amérique, mais bon il était au Japon maintenant, c’est plutôt normal.

Oubliant complètement qu’il était un peu tôt pour picoler, William accepta l’alcool. En même temps, il ne pouvait pas laisser son nouveau “copain” boire quatre bouteilles entières à lui seul. Il s’installa donc sur son lit, en position du lotus, et laissa couler la boisson dans sa gorge. Cela faisait un moment qu’il n’avait pas bu, il fut surpris par l’effet du rhum dans son oesophage, mais il avala la gorgée sans problème.

«Merci pour le verre. Au fait, moi c’est William. » se présenta-t-il, un peu moins sur la défensive que précédemment.

Il repensa à l’heure. Trop tard, il avait déjà commencé, il devait y aller jusqu’au bout. Et puis, il vient peut-être de se faire un nouvel ami en cet endroit peu commun. Il s’inquiéta un peu, car ce n’est pas très commun de boire ainsi en début d’après-midi.

«Ça t’arrives souvent de picoler comme ça en début de journée? » demanda-t-il, un peu inquiet. Mais bon, c’était un peu ironique, car il avait, lui aussi, commencé à boire. Certes, le roux était tout de même déjà plus avancé dans son taux d'alcoolémie.

Le mensonge aurait probablement fonctionné si le mec n’avait pas été aussi bourré, mais surtout s’il n’avait pas parlé de supériorité. Ys avait beau avoir essayé de camoufler le truc en parlant de respect entre colocs, mais son attitude avait drastiquement changé entre ses deux affirmations. Pour la première, le ton était trop sérieux, ça sentait l’honnêteté. Par contre, pour l’autre remarque, le roux avait beaucoup trop insisté sur le fait de s’être trompé, et puis ce sourire forcé l’avait trahi. Peut-être qu’avec une goutte d’alcool en moins cela aurait passé, mais ce ne fut pas le cas, William avait observé ce détail et s’était surtout rappelé du mot « supérieur ».

« J’suis désolé mec, mais t’es cramé, t’es pas un novice… Je t’aurais déjà croisé dans le dortoir sinon. » dit-il, ayant rapidement détecté le mensonge. En même temps, c’était assez évident. « Par contre, je te respecte totalement d’avoir apporté ces bouteilles, ça fait longtemps que j’ai pas bu un peu… Alors y’a pas d’heure pour le faire. » rajouta-il en souriant à l’idée de boire un coup pour la première fois depuis un moment.

À peine les deux hommes s’étaient installés pour discuter, le roux interrogea William sur les origines de son nom. « Pas exactement, c’est Canadien, mais bon je te l’accorde c’est un peu pareil. Et Ys, ça vient d’ici? » demanda le brun, complètement ignorant quant à l’origine de ce prénom.

Bien que le type était bourré en pleine journée, il avait l’air sympa. Le novice aurait probablement beaucoup de plaisir à discuter avec lui, et peut-être sera-t-il son premier ami à Terrae? Qui sait? Certes ce serait une drôle de rencontre, mais une bonne anecdote. Malheureusement, William venait de comprendre la raison de l’état de son interlocuteur. Apparemment, il noyait son chagrin, causé par quelque chose qu’il appris quelques instants après. De ce qu’il avait compris, Ys vivait un chagrin d’amour. Venait-il de se faire largué? Le Canadien n’avait pas voulu remuer le fer dans la plaie et préféra répondre à la question du roux plutôt que d’en poser une lui-même.

« Bah, j’ai eu quelques relations à long terme qui se sont terminées un peu abruptement, mais rien de bien méchant. Je dois quand même avouer que je n'allais pas bien les jours après la séparation, mais j’ai survécu. » répondit-il en tentant de se rappeler d’un moment en particulier, en vain.

Toutefois, la dernière question eût pour William l’effet d’un camion lui roulant sur le corps. Étrangement, c’était la première fois qu’il repensait à Emma depuis son arrivée au Japon. En fait, c’était un peu un chagrin d’amour qu’il avait vécu, mais avec une amie. Finalement, ce n’était peut-être pas un chagrin d’amour, mais cela avait probablement le même effet. Sur ces pensées, le jeune homme finit son verre d’une traite avant de répondre à la question, la gorge serrée.

« T’as raison, c’est peut-être pas une rupture amoureuse mon problème, mais c’est tout comme. J’ai perdu une personne très chère à mes yeux du jour au lendemain. » dit-il tristement, avant de remplir son verre à nouveau et de le caler aussitôt.

Cette gorgée était un peu mal passée dû à la vitesse à laquelle elle a été prise. William se sentit étourdi et sa notion de distance fut altérée. Il avait l’impression de regarder dans le rétroviseur droit d’une voiture, tout semblait plus loin. Heureusement, cela ne dura quelques instants, mais c’était assez pour qu’il réalise qu’il devrait se calmer sur l’alcool.

« J’imagine que t’as perdu la personne que t’aimes? Toi aussi tu as ce sentiment d’impuissance? Que peu importe ce que tu fasses, la personne ne reviendra pas? » demanda-t-il à son interlocuteur, en ne se préoccupant plus de l’attrister davantage puisque c’est exactement ce que Ys avait fait à William avec sa dernière question.

« Finalement, je crois que je commence à comprendre ton choix de boire à cette heure-ci. » dit-il en se versant un troisième verre, oubliant son propre conseil de quelques secondes auparavant. Visiblement, le roux avait touché une corde sensible chez le novice.

HAHAHAH, Will avait éclaté de rire. La vitesse à laquelle Ys s’était calé dans son mensonge était mémorable. De même pour la vitesse à laquelle il avait abandonné l’idée de mentir.

« Mec, en même temps, c’était un peu grillé...» répondit-il après l’abandon du faux novice.

Le Canadien avait compris trop rapidement que le comportement de l’homme saoul en face de lui sentait le mensonge. D’ailleurs, la remarque du Japonais l’a aussi bien fait rire.

« D’ac! Alors, Ys ce sera! Et puis, pour le sirop, je crois pas qu’on puisse dire qu’on l’a inventé, mais on en a fait notre marque de commerce. Ça c’est certain. » dit-il en laissant échapper un petit rire.

En effet, le Canada est probablement le plus grand producteur de sirop d’érable depuis des années, surtout la province du Québec, dans l’est du pays. Il avait pas totalement tort en disant que les Canadiens n’avait pas inventé le sirop d’érable, disons plutôt qu’ils l’ont découvert. En fait, ils ont surtout su comment transformer l’eau d’érable en sirop en la faisant chauffer et évaporer. Heureusement qu’ils ont eu cette idée parce que le sirop d’érable c’est troooop bon. D’ailleurs, ses pensées rappelaient à William que cela faisait un sacré moment qu’il n’en avait pas mangé. Il faudrait qu’il s’en procure bientôt juste le fait d’y penser lui donne envie d’en consommer.

Au fil de la conversation, les verres se vident et se remplissent. Les deux hommes commencent à être de plus en plus avancés dans leur alcoolémie. Puis vient ce moment d’émotivité. Tu sais, ce moment où, après quelques verres, le coeur d’un homme prend le dessus sur sa raison, où il parle ouvertement de ses sentiments, que ce soit avec un ami ou une simple connaissance. Et bien, ce moment était arrivé pour les deux hommes du dortoir, assis au centre de la pièce, un verre à la main, alors qu’il était assez tôt dans la journée. L’heure n’avait plus d’importance pour eux. Maintenant, c’était l’heure des confidences.

« Ouais, c’était pas ma copine, mais elle m’a quand même bien fait mal. Par contre, je sais bien que t’es fâché, mais il faut pas généraliser comme ça, il y a des filles bien! » avoua-t-il en tentant de rassurer du mieux qu’il pouvait l’homme saoul devant lui.

Il avait bien voulu consoler celui qui pleurait en face de lui, mais vu la raison de son chagrin, ce serait compliqué. Une situation comme celle d’Ys, il n’en avait jamais vécu et il n’avait aucune idée comment il aurait réagi. William opta donc pour la technique d’écouter au lieu de conseiller. Il pensait que ce serait bien pour le roux d’évacuer sa douleur une fois pour toute.

« Ah ouais, c’est chaud quand même… J’ai aucune idée de la réaction que j’aurais eue. Toi, t’as fait quoi? » le questionna le Canadien afin de lui faire exprimer sa tristesse. Il ne fallait pas que toute cette mauvaise énergie reste à l’intérieur. Will pouvait bien parler, mais il avait bien de la misère à extérioriser, mais avec de l’alcool en jeu c’était un peu différent.

« T’inquiètes mec, t’es pas une merde. T’es un mec bien et tu ne mérites pas d’avoir vécu ça. » tenta-t-il de le rassurer en utilisant une voix se voulant calme ( c’était un peu dur d’être crédible à cause de l’alcool, mais bon deux mecs bourrés ça se comprend, non? ).
« Et puis, pleurer, ça fait du bien des fois, ça fait pas de toi une merde. Même que y’a des filles qui trouvent ça viril » dit-il en souriant, espérant que cela remonte un peu le moral du triste homme.

La discussion continua aussi longtemps que les verres s’enchaînaient. À un moment vint le temps pour William de s’ouvrir à son tour. Les pensées envers Emma se faisaient de plus en plus nombreuses. Pensait-elle encore à lui? Était-elle en sécurité? Était-elle toujours vivante? Les pires scénarios s’était créés dans la tête du jeune homme. Il n’avait pas revu son amie d’enfance depuis ce déjeuner au resto où tout a basculé. Depuis ce moment, il n’avait aucune nouvelle d’elle. Étrangement, il n’y avait pas repensé depuis qu’il était à Terrae, mais ce soir c’était différent. L’alcool et la tristesse de l’ambiance raviva cette douleur vive au sein du Canadien. Il devait lui aussi extérioriser le mal qu’il avait.

« Moi c’était pas tout à fait pareil, mais je crois que c’est assez semblable sur quelques trucs… c’était ma meilleure amie, mon amie d’enfance, celle avec qui j’ai tout vécu. Au fil des années, on a évolués différemment et on a côtoyé des gens différents, mais on restait très proche. Jusqu’à ce matin où je l’avais invité pour déjeuner et ce qu’elle m’a dit m’a détruit. Elle ne voulait plus me parler, elle coupait les ponts, comme ça, du jour au lendemain pour aucune raison. C’est cette secte qui l’a forcé à le faire. Je lui ai dit que c’était pas des gens biens, mais elle s’en foutait. Et voilà qu’ils me l’ont arrachée de ma vie, Emma. » lâcha-t-il difficilement, essayant de retenir ses larmes. À la fin de son histoire, il n’en pouvait plus, William éclata en sanglots.

La scène était étrange : deux hommes pleurant dans un dortoir autour de quatre bouteilles de rhum qu’ils se partageaient.

Apparemment, Will avait bien réussi à consoler Ys parce qu’il l’avait appelé son poto. C’était cool! C’était la première personne qu’il pouvait considérer comme son ami à Terrae. En même temps, quand deux personnes bourrées pleurent ensemble autour de plusieurs bouteilles de rhum, ça rapproche, surtout qu’ils se confiaient pas mal de choses. Ça fait du bien aussi d’avoir une oreille attentive qui ne juge pas ce que tu dis, comme elle ne te connais pas, elle n’a pas d’a priori sur toi. C’est un peu comme une thérapie avec un psychologue… et beaucoup d’alcool.

« T’as rien dit? T’as même pas cherché à comprendre? Tu devais être sous le choc… Avez-vous parlé après ce moment? », demanda-t-il, curieux. Bien que l’histoire du japonais l’intéressait, il posait surtout des questions afin de lui faire dire ce qu’il pense et qu’il ne garde pas ça pour lui. Quoique l’alcool aurait probablement le même effet à un certain point dans la soirée.

« J’ai jamais dit que moi je trouvais ça viril, j’ai juste entendu dire que c’est ce que certaines filles pensent. Et puis, j’ai surtout dit ça pour te consoler… J’suis désolé j’avais rien de mieux. On est potes quand même? » dit-il en tendant sa main droite ouverte devant lui pour une poignée de main d’homme qui officialiserait cette amitié naissante entre deux hommes en peine.

Parler d’Emma avait grandement soulagé William. Ys était la première personne à qui il se confiait, il n’en avait même pas parlé avec ses parents. Quand il était encore à Vancouver, il n’avait fait que pleurer durant les jours séparant l'événement et son départ pour le Japon. De toute façon, ses parents n’auraient pas compris sa peine, ils n’avaient jamais vécus ça (enfin, c’est ce que William pensait, il ne connaissait pas tout ce que ses parents avaient vécu). De son côté, Ys semblait compatir. Il venait de vivre une séparation similaire. Ce sentiment de déchirement quand la personne que tu aimes de tout ton être t’annonce que c’est terminé. Même s’il n’était pas en couple avec Emma, il l’aimait. C’était plus un amour fraternel que charnel. Emma était pour William comme sa petite soeur, même si ce n’était que de quelques mois. Il avait tout fait pour la protéger dans sa jeunesse et aujourd’hui était la preuve qu’il avait échoué.

À ce moment, Ys avait eu une idée pour sauver sa “nana”. Alors que le roux était en train de fabriquer quelque chose avec une bouteille de rhum vide, le brun avait précisé un truc.

« Alors, c’est pas ma nana, c’est juste une très bonne amie… » rectifia-t-il. À peine son objection terminée qu’il vit Ys faire un geste discret et puis des sortes de filaments électriques se formèrent à l’intérieur du verre.

« Mais comment t’as fait ça? AHHH MAIS T’ES MALADE? » dit-il avant de hurler lorsqu’il avait entendu le mot “molotov “ et que le cocktail fut lancé dans les airs en sa direction.
William quelque peu étourdi par l’alcool était tout de même en assez bon état pour réagir rapidement. Aussitôt que la bouteille avait quitté les mains de son stupide lanceur, le Canadien avait envoyé son corps vers l’avant, toujours assis en tailleur, afin d’attraper le cocktail Molotov au vol. Tout s’était passé si vite. Au final, William avait réussi à saisir l’objet assez facilement puisque ce dernier n’avait pas été lancé d’une trop grande force.

« MAIS T’ES COMPLÈTEMENT CON? » cria-t-il à l’intention de son nouveau pote, agitant la bouteille devant ses yeux. « Qu’est-ce qu’il t’as pris à lancer ça, t’aurais pu nous tuer… Et comment est-ce que ça aurait sauvé Emma ça? Je crois qu’il est temps de se calmer sur la boisson… » dit-il encore un peu sous le choc suite à ce qui venait de se passer dans les dernières seconde.

La bouteille devant les yeux, William avait porté une attention particulière aux filaments électriques à l’intérieur. Une chance qu’Ys avait affirmé ne pas être novice, car il aurait cru rêver. C’était la première fois qu’il assistait à une manifestation de pouvoirs à Terrae. On lui en avait parlé, mais jamais il en avait été témoin.

« Du coup, c’est ça ton pouvoir? Tu peux contrôler l’électricité? C’est quoi le plus gros truc que tu peux faire? » demanda-t-il sans détourner le regard du cocktail, fasciné par celui-ci.

Lui aussi il voulait des pouvoirs, ça avait l’air trop cool. Lui aussi, il voulait pouvoir contrôler la foudre ou peut-être un autre élément si possible. L’air, ça serait cool pouvoir contrôler l’air. William était fasciné et se demandait à quel moment ses pouvoirs se manifesteraient.

Ys raconte son histoire avec cette Mitsuki. Will peut clairement voir que le roux est encore marqué par les événements. En même temps, ceux-ci semblent assez récents. Il parle d’une troisième personne, un gars qui, s’il a bien compris, a avoué à la fille qu’il l’aimait. Il n’en était pas sûr, mais le simple que ce soit une sorte de triangle amoureux rendait la chose beaucoup plus complexe. William ne connaissait pas le deuxième gars, mais il comprenait clairement que Ys ne le portait pas dans son coeur.

« Ah ouais, assez chiant j’avoue. Tu comptes lui reparler un jour à Mitsuki ou tu préfères l’ignorer et faire comme si de rien était. » demanda-t-il, curieux. « Je ne jugerai pas ta décision t’inquiètes, je veux juste savoir si t’as prévu faire quelque chose après t’être acharné sur ton sort. » précisa-t-il pour s’assurer que la discussion reste neutre.

Même s’il ne connaissait pas l’entièreté de l’histoire et qu’il n’avait que très peu d’expérience dans le domaine de l’amour, le Canadien essayait du mieux qu’il pouvait de tendre une oreille attentive à l’homme au chagrin d’amour en face de lui. Le sourire que les deux s’étaient échangé lors de la poignée de main marquant une amitié naissante valait de l’or. Deux hommes noyant leur chagrin dans du rhum qui arrivaient tout de même à sourire, c’était beau. Enfin, c’est ce que l’alcool leur faisait croire. Si quelqu’un avait pris une photo de ce moment et que les deux la voyaient, ils changeraient peut-être d’avis.

« Ouais, si ça se trouve, ils l’ont tué pour un sacrifice quelconque et je ne le saurai jamais. Ça va être dûr, mais je devoir m’y faire à l’idée. Peut-être que je ferai comme toi et que je sombrerai dans l’alcool, si ça peut m’aider… » dit-il avec une boule dans la gorge. Ces mots avaient été difficiles à prononcer. Il ne voulait pas croire qu’Emma n’était plus de ce monde, mais c’était une possibilité à envisager. On ne sait jamais ce qu’il peut se passer dans une secte.

Alors que le novice inspectait toujours la bouteille chargée en électricité, Ys l’avertit du danger potentiel de cette arme. Il la reposa sur le sol, loin des deux paires de pieds. Le Japonais semblait très sérieux. D’accord, il n’avait pas déconné, ce truc était vraiment une sorte de cocktail Molotov. Et ce n’était pas fini, il voulait refaire une démonstration de ses capacités. La mauvaise idée. Tout était allé aussi vite que l’éclair. Ys s’était levé, l’air était devenu plus lourd, la sensation était étrange. On aurait dit qu’à n’importe quel moment, William aurait pu se prendre un éclair à la figure. C’était presque le cas. Le roux s’était pris pour Thor et avait foudroyé le matelas. Des flammes s’étaient formées. Heureusement, Ys les avaient rapidement éteintes, les gicleurs ne s’étaient pas activés.

« MAIS T’ES COMPLÈTEMENT CON? » cria-t-il de la même manière qu’au moment du cocktail Molotov. « C’est bon, l’alcool c’est fini pour aujourd’hui t’as bien assez bu. On peut continuer à parler, mais t’arrêtes de boire et t’arrêtes tes conneries. » ordonna-t-il sur un ton se voulant ferme, mais l’alcool était bien présent dans son sang à lui aussi et il commençait à avoir un peu de misère à articuler. « Déjà deux fois que j’ai failli mourir en l’espace de trente minutes, y’en a marre. » soupira-t-il, épuisé. En plus, Ys faisait comme si rien ne s’était passé.

William se doutait bien que l’autre ivrogne allait se plaindre et argumenter, mais plus une goutte de rhum ne serait bue aujourd’hui. Plus de la moitié de ce que le roux avait emmené avait été bu. C’était beaucoup trop pour deux personnes. Ils devaient arrêter, ils ne pouvaient pas courir le risque de mourir une troisième fois, enfin pas William en tout cas.

Bon, William n’avait pas beaucoup d’expérience avec les femmes, surtout au niveau demande en mariage. Ça ne lui était jamais arrivé, mais il voulait aider son nouvel ami du mieux qu’il pouvait. Il savait qu’Ys devrait parler à Mitsuki à un moment ou à un autre, mais celui-ci ne semblait pas vouloir. Pourtant, l’important dans un couple c’est la communication, non? En plus, dans une situation comme celle-ci, c’est sûrement un problème de communication. Enfin, c’est ce que Will croyait, mais en fait il n’en avait aucune idée. Il tentait simplement d’aider. Comme le roux ne savait pas comment aborder sa bien-aimée, le Canadien proposa quelque chose.

« Bah… tu l’appelles et tu lui proposes de lui parler franchement de ce qui s’est passé. Comment elle a vécu la situation et comment toi tu l’a vécu et pourquoi c’est arrivé. J’avoue que j’ai aucune idée de ce que je ferai à ta place, mais pour l’instant c’est tout ce que j’ai à proposer… Et puis, personnellement, je crois que y’a rien de mieux qu’une bonne discussion. » dit-il, un peu incertain de sa proposition, mais il fallait tenter quelque chose. Ys ne pourrait pas rester là à rien faire toute sa vie. « Et puis, malgré tout, vous vous aimez toujours non? Vous êtes juste fächés l’un contre l’autre, non? Ou bien j’ai absolument rien compris? » demanda-t-il afin de justifier que son idée était merdique si Ys la voyait ainsi.

C’est tout ce qu’il avait. Il se sentait un peu impuissant, mais en même temps ce n’était pas sa vie, il ne devait pas commencer à se mettre du poids sur les épaules pour quelque chose qui ne le regardait pas. En parlant d’impuissance, il repensa à Emma, juste quand Ys disait à Will de garder espoir. Ahhh… l’espoir, pourquoi espérer pour que quelqu’un revienne alors qu’elle a clairement dit qu’elle partait et qu’elle ne voulait pas te revoir? Ce serait une perte d’énergie, autant faire son deuil tout de suite. Plus facile à dire qu’à faire, surtout quand on est bourré.

« Ouais, mais pourquoi espérer pour la vie de quelqu’un qui a préféré aller vivre de son plein gré avec ces tueurs? Ce serait inutile et très naïf. » dit-il d’un ton sec. Cela lui faisait mal de dire ça, surtout que le brun n’était pas certain si c’était réellement ce qu’il pensait ou bien si c’était l’alcool qui lui faisait dire ce genre de choses. Peu importe, le résultat était le même. À chaque mot, sa gorge se serrait davantage, des larmes se formaient au coin de ses yeux et il ressentait un pincement au coeur.

Au moins, son coloc réussit à lui changer les idées rapidement, mais surtout à lui faire évacuer l’agressivité qu’il avait accumulé en pensant à cette bande de sectaires. Oui, William avait abusé des mots « complètement con », mais en même temps, quand t’as un peu bu, ton vocabulaire n’est pas si diversifié pour insulter quelqu’un qui brûle ton matelas et te lance un molotov dessus en l’espace de quelques minutes seulement. Après qu’il n’ait secoué Ys pour le remettre à sa place, ce dernier n’avait pas l’air si choqué de ses gestes, même qu’il vint à penser que William était susceptible.

« Mais j’suis pas susceptible! T’es juste complètement con! » dit-il avec son originalité habituelle. « Qui est-ce qui balance des molotovs sur ses amis et qui fait brûler leur matelas? »

Alors qu’il finissait sa phrase, Ys ouvrit sa bouche pour lui montrer un autre truc. Ça sentait très mauvais quand même… William s’opposa. « Non! Fais rien! Ça va encore mal… » Il n’eût pas le temps de finir ce qu’il disait que le Japonais était disparu. À un moment il était devant lui, et puis un instant plus tard il n’y était plus! Mais c’est quoi ces pouvoirs de malades? Ys réapparut un peu plus loin dans les dortoirs. Il était beaucoup plus pâle qu’avant sa disparition. Il se tourna vers la poubelle la plus proche et Will entendait des bruits un peu sales. Ys accepta finalement d’arrêter de boire.

« Bonne idée. Maintenant on peut parler sans avoir peur de mourir? » demanda William pour taquiner le malade.