Jérémy prend une pause, boit une gorgée de chocolat. :

-Ouais. Compliqué.

Shit, on aurait dû le prévenir qu'il y avait un résumé plus succinct et efficace de la situation. Ça l'aurait moins emmerdé de causer aux autres dans le passé. Aller, la prochaine fois on case tout dans la case "compliqué" ; sa vie de famille, compliquée, sa relation avec Elwynn, compliquée, le fait de se lever le matin pour affronter la journée, compliqué, ne pas avoir la diarrhée après avoir mangé trop de soupe aux choux, compliqué. Et la solution à tous les problèmes sera de manger du riz. Donnez-moi un prix Nobel de la Paix.

Si la réflexion le rendait plus froid qu'un glaçon en antarctique, Angie ne semblait pas s'en rendre compte. Et la conversation gardait son train et la chaleur d'une cheminée bienvenue après une traversée de la toundra russe dans les mois d'hiver. A l'image de cette métaphore, le Télépathe s'amuse à énumérer les cas où le feu est opportun. Réchauffer une pièce est hors de sa portée en tant qu'Initié et faire s'envoler des lanternes revenait, aux yeux de Jérémy, à la même chose qu'allumer sa cigarette, sauf qu'il s'agit de petite bougie. Il avait, aussi, aucune idée de ce qu'était une "ambiance hyper chouette". Il jouerait bien l'idiot en faisant une blague sur les hiboux mais la première proposition avait trop retenu son attention pour la laisser passer. :

-Une cuisson au feu ne remplacera jamais une cuisson au four. Ce sont deux choses bien différentes. Même le concept d'un four à bois apporte des types de cuissons particulières qui apportent une saveur selon son utilisation qui ne peut être retrouvé ailleurs. Par exemple, on peut faire une différence entre une porte ouverte et une porte fermée. Ouverte et les grillades sont rapides et maîtrisées, prêtes en peu de temps. Puis on ferme la porte en laissant les braises et on peut faire mijoter des potées en une nuit, ou faire sécher des fruits ou de la viande pour toute une journée sans les abîmer.

Jérémy calme-toi. Ton enthousiasme ressort. :

-Erm... Tout ça pour dire oui, je pourrais cuire des trucs. Mais pas tout. Et certainement pas avec la même efficacité qu'un véritable outil de cuisine.

Adieu soufflé... J'espère que vous aimez le bacon bien trop grillé. Seigneur, il se détestait déjà assez comme ça, il n'allait certainement pas gâcher du bacon pour tester son Feu ! Toutefois... :

-J'apprécie tes efforts Angie. Merci quand même.

Il a un bref sourire brisé avant de finir sa boisson chaude. Oh oui il avait gagné beaucoup de choses en venant à Terrae ; une remise en question et un point-de-vue plus ouvert. On l'avait débarrassé de ses œillères pour voir le monde et comprendre à quel point il était dans le mal... et maintenant il ne restait plus que lui et son reflet. S'il détestait se regarder dans le miroir, avant tout ça, c'était pour garder cette vision supérieure qu'il avait de lui, pour pas déchanter devant la réalité de son corps et de son âme... Et maintenant le voilà forcé à se regarder dans les yeux, à voir tout ce qu'il a accompli en se persuadant qu'il faisait bien, car personne ne lui ferait du bien, car il n'existait que le mal ici bas. Et chaque moment pour oublier devenait une excuse et chaque astuce pour ne plus y songer était une faveur de Dieu autant qu'une malédiction... avant de revenir avec autant de force qu'un coup de massue, la culpabilité faisait son chemin s'en vraiment s'arrêter en soi. Et ça grandira toujours, et ça explosera bien un jour.

Et pendant que certaines personnes n'arrivent pas à accepter ce simple fait, Jérémy s'y prépare. Oh peut-être qu'il n'est pas prêt, mais au moins il sait que ça va finira par arriver. C'est peut-être pour ça qu'il remercie Angie. Peut-être.

Tu es tombé sur un vendeur de fours… Ou un cuisinier vu qu’il ne te propose pas de produit à la fin de ses explications. Explications il est vrai qui te perdent, le seul four dont tu aies une petite idée du fonctionnement est celui poterie de la fac… Et encore, ils ont du le changer depuis le temps où tu arpentais ses bancs… Même le four de ta mère tu n’as jamais su l’utiliser, surtout le four de ta mère à la réflexion. Tu avais la réputation de cramer tout ce que tu préparais et c’était un miracle qu’à la fac tu ais appris à faire les pates et deux ou trois bases de survie en territoire hostile… Ne jamais manger un pack de jambon ou des yaourts qui ont gonflé. Garder assez de tunes pour aller au RU 5 midis par semaine et s’assurer une base (presque) saine d’alimentation.

« Tu pars défaitiste… Peut-être que tu inventeras un nouveau mode de cuisson ? Et je ne parle pas du novice grillé… »

Puis ta maman elle t’a toujours dit qu’on ne pouvait pas dire « j’y arrive pas » avant d’avoir loupé quatre-vingt dis-neufs fois. Ce qui est long et demande beaucoup de matériel, alors parfois c’est elle qui décidait que tu n’y arriverais pas. Tu n’y arriverais pas à faire un gâteau d’anniversaire pour ton frère, mais par contre tu arriverais toujours à ranger ta chambre. Tu avais alors beau lui dire que tu avais essayé plus de quatre-vingt-dix neuf fois et qu’elle retrouvait toujours cet état, rien n’y faisait.

« Puis j’suis presque certaine d’avoir entendu dire à des feux qu’en maitrisant bien son pouvoir ils réussissaient à faire de la chaleur sans flammes, c’est bien le principe d’un four ? Alors peut-être que pour l’instant ça te semble pas possible, mais si tu n’essaies pas ça ne le sera jamais… »


Tu es bien loin d'imaginer les débats internes qui animent le feu, pour toi tout est cool. Vous avez juste une discussion animée sur un sujet qui le passionne en buvant du chocolat chaud.

-Du novice- ?... Ahah !

Oui vous avez bien entendu. Angie a arraché un rire bref à Jérémy. Sur une blague de mauvais goût certes, mais bon, changement progressif hein, faut pas déconner non plus. Il évite d'enchaîner sur l'idée de griller du novice. C'est une bonne alternative au bacon mais ce serait du gâchis de viande, y'a pas de cannibale à Terrae (ndla : MDR).

Pour la suite, Jérémy note donc qu'il doit essayer. Essayer parce que ce qui paraît impossible peut, peut-être, ne plus l'être à force de courage. Ouais. Sans oublier qu'il lui faut déjà du courage pour commencer mais aller. POURQUOI PAS. On se dit de toute façon qu'il y a pas meilleur moment pour ça ; on est heureux là où on vit, on a un soutien. :

-Très bien... J'essaierai. dit-il avant de boire à nouveau et d'ajouter. T'étais pas prof avant ?

Jérémy dit pas que s'il ne l'était pas, il devrait, mais merde, il est persuadé d'avoir déjà entendu ce discours quelque part. On dirait pas là mais je tousse parce que je suis gêné, mais uniquement dans ma tête... Et avec cette réflexion, il en a oublié l'amertume qui l'habitait jusque là. :

-Ça va mieux ta langue au fait ? Parce que ce chocolat est pas mal du tout, même s'il est bouillant.

Ça manque de cannelle ?... hm. Probablement. :

-Dis... Tu m'as dit dans la salle d'attente que ce qui t'avais donné envie de te servir de moi comme modèle c'était ma silhouette... C'est- parce que je suis mieux de loin tu penses ?

WOAH TEMPS MORT c'était trop chargé en émotion ça. :

-J'veux dire- C'est mieux quand on m'observe que de loin pas de près ?

NOPE TOUJOURS PAS ! :

-J'VEUX DIRE- que tu veux pas forcément me faire moi, mais ce que je dégages ?

Ouais voilà c'est mieux.

« C’était il y a longtemps. »

Dans une autre vie, dans un autre monde. Un monde ou être professeur n’était pas signifiant, ou tu t’étais épuisé pour tes élèves qui n’en avaient rien à foutre de toi ou de ton cours. Un monde où tu avais perdu ton but dans l’existence, où tu avais perdu ta foi. L’as-tu retrouvée ? Non. Tu n’as plus de but dans la vie, tu ne te sens plus porteur d’une mission, tu ne crois plus en toi. Tu ne crois plus. Tu es devenu cigale, sans travail tu te contentes de vivre au jour le jour, de vivre tes passions. Est-ce quelque-chose de mal ? Non, mais tu te l’es souvent reproché.

« C’est bon, ce n’est trop pas douloureux. J’crois que le chocolat manque… De cannelle ? Et de muscade, mais personne ne met jamais de la muscade dans le chocolat chaud à par moi… »

Tu es un pro en chocolat chaud, ceci en partie car c’est ta boisson préférée été comme hiver… Bien que l’été tu le boives froid, lait et Nesquik s’allient bien.

Alors, là il s’enlise le feu non ? Genre beaucoup, et toi t’as un peu du mal à comprendre ses hésitations et ses raisonnements. Il ne te laisse pas le temps d’en placer une, alors c’est compliqué parce que tu as beaucoup à dire.

« Tu es très beau, même de près. »

Un ange passe et ce n’est pas toi parce que tu réalises un peu à rebours ce que tu viens de dire, et que tu le penses complètement. J’crois que les gens compliqués t’ont toujours plus. Enfin, t’es pas là pour ça, t’es pas capable de ça. Tu te reprends.

« Ce que tu dégage est plutôt intense et je ne pense pas que ce soit dissociable de toi. »

C’est pas beaucoup mieux.

Il était prof. Emphase sur "était" puique ça date, apparemment. Il n'a pas perdu de ses mots qui donnent cette impression qu'il en est un toutefois. Jérémy n'ose pas insister. Même s'il en a très envie... Il garde ses questions dans sa tête, pour plus tard, sait-on jamais...

Il semble avoir un peu récupéré sa langue, du coup le Feu se sent moins coupable de pas pouvoir l'aider malgré ses pouvoirs, malgré le fait qu'il ne sache pas réellement s'il peut y faire quoi que ce soit. Mais il ne s'attendait pas à ce qu'il perçoivent le manque de cannelle... y'a pas beaucoup de gens qui savent faire un véritable chocolat. Encore moins de gens qui mettent de la cannelle. Mais Angie l'a senti lui. Jérémy bat ses paupières un bref instant, passe sa langue sur sa lèvre supérieure où se trouve encore un peu du breuvage et tente d'éviter de fixer, autant qu'il le peut, son vis-à-vis avec trop de surprise.

Lui. Lui je l'aime bien.

C'est donc avec un peu plus de confiance, maispastropparcequ'ilfautpasabuser, qu'il pose plusieurs fois sa question. Histoire d'être sûr. Par contre, il ne s'attendait pas à une réponse aussi franche et directe.

Jérémy pose sa tasse, retenant de cracher son contenu sur le comptoir. A ce moment, il est rouge tomate. Il finit par difficilement ingérer sa gorgée et lâcher dans un souffle un soupir duquel naît quelques flammèches. Il secoue sa main devant lui pour les éloigner, bien qu'elles ne soient apparues qu'un bref instant, essayant de cacher sa vive réaction par des gestes tout aussi vif. C'est raté, je précise, puisqu'il passe juste pour un débile tentant de chasser une mouche invisible.

Qui lui a dit qu'il était beau déjà ?... Malika, mais elle était bourrée et elle a tendance à aimer le monde entier quand c'est comme ça... Et sinon... Beeeeeeeeeeeeeh................... Elwynn ? AHAH NON MAIS NON.

Angie semble reprendre ses mots pour tenter de l'apaiser mais c'est trop tard, ça a été dit et ça a été entendu. Jérémy déplace sa tasse en soufflant, cette fois en fermant convenablement sa bouche pour éviter d'autres flammèches de s'échapper de lui. Il frotte ensuite ses mains l'une contre l'autre pour finalement... redéplacer sa tasse ?... Et les frotter à nouveau ? Ok il ne sait plus où se mettre. Mais d'un autre côté... D'un autre côté il sourit, sans trop pouvoir se retenir, pinçant ses lèvres à intervalles réguliers comme si un vieux réflexe lui disait de s'en empêcher. :

-Je euh-..... d'accord.

Bref silence. :

-Du coup, j'ai un peu hâte de voir ce que tu comptes faire... si tu veux bien me le montrer.

La génance messieurs dames c’est quand la personne en face de vous trouve vos propos gênants. Genre, si Jérémy n’y avait prêté aucune attention ça serait passé crème… Sauf que là il a rougi, et pire il s’est enflammé. Au sens propre. Azy. Non. Il a pas l’droit. Tu sais juste plus où te mettre, si tu pouvais creuser un trou et y disparaitre là de suite tu le ferais… Non mais attends t’es terre, tu peux l’faire ! NON ANGIE TU ARRETES TES CONNERIES, déjà t’as pas les moyens de payer les rénovations, ensuite. Ensuite si t’arrives à faire un trou c’pas dit que tu puisses le refermer au-dessus de toi donc ça fera juste con. Comment ça j’suis une personne vénale ? Tout à fait, il n’y a pas de petits profits. Donc, t’as pas creusé de trou et il t’a posé une question. Parle vite et beaucoup pour évacuer le trouble.

« Alors je ne sais pas encore quel média utiliser, au départ j’pensais à la photo pour essayer de capter ce que tu dégages, ça me semblait vachement intéressant, mais plus je réfléchis plus je me dis que ça ne serait pas suffisant, ça aurait une temporalité trop brève pour réellement rendre ce que j’ai envie de montrer. Alors peut-être de la peinture en plus abstrait, je pourrais y mettre plus de choses, plus de sentiments, peut-être que je pourrais utiliser mes pouvoirs pour un rendu plus personnel ? C’est, envisageable, je ne sais pas encore quel type de peinture utiliser, huile serait intéressante, gouache me permettrait sans doute de mettre plus de profondeur, peut-être que si je faisais moi-même mes couleurs avec de l’argile ça passerait bien ? Enfin, je suis pas du tout fixé, il faut que j’y réfléchisse… Mais bien entendu que je te montrerais ce que je vais faire, quel intérêt sinon ? Tu es quand même le premier concerné ! »

Avec un peu de chance tu l’as perdu quelque-part en route, et la gène va avoir disparu. Allez on y croit.

C'est dur de faire genre il s'est rien passé hein ? Il est passé où le Chasseur qui maîtrisait l'image qu'il renvoyait aux autres dans n'importe quelle circonstance ? Non mais là y'a triche ! Il a dit- C'était pas- On m'a pas- TU SAIS ! Si j'avais été une entité bien physique, j'aurais été secoué comme le dernier des pruniers de la saison. J'ai envie de rire, Jérémy un peu moins... et le fantôme de ce qu'il reste du Chasseur encore moins. Perso, ça me fait plaisir d'entendre ça. Vous savez, on se dit pas souvent entre mec qu'on est beau. C'est nul je sais, mais c'est comme ça. On peut pas être hétéro et foncièrement penser que son pote est beau ; la société l'interdit, ewi. Après je connais pas Angie, mais ça change rien au fait que le compliment nous touche bien plus qu'on pourrait le croire. Jérémy ne sait pas encore comment y réagir c'est tout.

Angie qui a l'air tout aussi troublé que lui... Il parle beaucoup, et plutôt vite, Jérémy doit s'appliquer à l'écouter, en déglutissant par moment. Ça lui rappelle l'époque où il devait saisir plusieurs compte-rendus de ses Chiens, pour le gang. L'afflux d'informations ne le gêne pas, ça l'aide à se concentrer même.

Il comprend ce qu'Angie veut dire par "temporalité trop brève", les photographes parlent souvent de leurs œuvres comme des "instants capturés". Jérémy a parfois observé des photos de danseurs ou d'athlètes en plein mouvement ; c'est beau et puissant mais ne capture pas toute la beauté d'un geste, d'un moment.
La peinture c'est quelque chose de plus intense sur certaines œuvres. Jérémy se souvient avoir été déçu de plus avoir la matière Arts Plastiques au lycée... Oh clairement pas pour les travaux manuels, il était tellement mauvais qu'il peinait parfois à avoir une moyenne décente. Mais lorsqu'il devait faire des recherches sur un artiste particulier, il apprenait bien plus quand mettant les doigts dans la peinture. Il se souvient avoir été fasciné, durant plusieurs jours, devant le tableau "Nu descendant un escalier" de Duchamp. Tous les mouvements pouvaient y être lu et ça l'avait réellement bouleversé... Même s'il ne l'a jamais avoué à qui que ce soit.
Et que le Terre veuille utiliser ses pouvoirs pour avoir un "rendu plus personnel" le touchait énormément aussi... Ça a l'air d'être quelque chose d'important pour lui et Jérémy sent son cœur papillonner un petit peu, chaque fois qu'il lui dit qu'il veut accomplir quelque chose d'aussi beau avec sa propre personne aussi... sale.

Jérémy sourit l'espace d'un instant avant de cacher ses lèvres. :

-Oh tu sais... Je sais pas trop comment font les artistes... Y'en a peut-être qui ne montrent pas leur travail terminé à leurs muses.

Il prend une courte pause. :

-Je ne sais pas la différence entre l'huile et la gouache mais je te fais confiance. J'ai toute la journée devant moi aussi... à moins que tu veuilles faire ça un autre jour bien sûr.

Jérémy, ou "plus tôt on s'y met, moins j'aurais à y penser".

Ouf ! La gêne est passée ! Respire, Angie tu as noyé le poisson sous un flot d’informations, c’est bien. Peut-être. Tu te dis qu’il a raison, certains ne montrent pas leurs travaux à leurs muses, certains utilisent des photos d’inconnus piochez au hasard sur le net, alors pour montrer le résultat c’est un peu coton, d’autres aiment voir la surprise dans les yeux de leurs muses quand elles se retrouvent face à l’œuvre exposée. Toi tu ne prendrais pas le risque d’exposer une œuvre représentant quelqu’un si ladite personne ne le voulait pas. T’es comme ça Angie, tu prends soins des autres. Tu ne livres pas plus tes pensées…

Seulement l’empressement de ta muse du moment te met dans une situation délicate. Tu as une idée plutôt floue de ce que tu voudrais et une idée assez certaine de ne pas être assez douée pour faire ce que tu envisages. Dois-tu te presser pour lui faire plaisir ? Tu aurais tendance à dire que oui, mais en fait… Tu finis par conclure que non.

« Je préfèrerais attendre encore quelques… mois je crois ? Il faudrait que je maitrise mieux mon pouvoir, et que je me procure le matériel nécessaire. Certes je pourrais prendre des photos ou des esquisses aujourd’hui, mais j’ai l’impression que ça ne fonctionnerait pas. »

C’est à toi de faire une pause.

« Si plus tard tu n’as plus l’envie ou le temps, je comprendrais mais là je ne suis pas prêt. »

Nouveau silence. Parce que tu t’en veux un peu, peut-être même beaucoup. Tu n’aimes pas faire de la peine aux gens, ou les mettre mal à l’aise. Et là tu as l’impression de trahir une promesse que tu n’avais fait qu’à demi-mots. C’est dur d’être loyal envers soi parfois Angie non ?

« Je suis désolé de te décevoir. »

Tu lui offres un sourire coupable.

Quand on a un cerveau comme celui de Jérémy, même la plus simple des phrases est un challenge. La première chose qu'il a retenu de la réponse d'Angie c'est "quelques mois". Quelques mois. Donc est-ce qu'il allait stresser pendant quelques mois à cause de cette histoire ou il n'allait le faire que pour le jour à venir, se détendre et ne plus y penser. Le connaissant, et sachant qu'il n'est jamais vraiment détendu, il penche donc pour la première option. Mais Angie a aussi dit qu'il "préférerait". Ça l'arrange lui, donc. Il a besoin de temps pour faire quelque chose dont il sera satisfait, qui sera l'écho de ce qu'il veut représenter. Ça, il le comprend. Surtout que le Terre enchaîne avec des détails à grand coups de "il faudrait", "je pourrais", "j'ai l'impression"... Maintenant c'est à lui de voir ; est-ce qu'il joue au con à essayer de pousser un peu Angie pour être tranquille ensuite ou il veut vraiment, pour une fois, laisser sa curiosité prendre le dessus, et voir ce que peut voir les autres quand ils le regardent, à travers l'expression du Télépathe.

Après plusieurs silences entrecoupés de phrases d'Angie, il reprend, l'air réellement désolé. :

-Je suis désolé de te décevoir.

-Non.

Allez savoir si ce sont les mots ou l'expression du visage d'Angie qui l'ont fait réagir aussitôt, mais dans tous les cas, ça a été direct. Sans appel. Peut-être même un peu trop sec pour ce qu'il voulait dire... Jérémy inspire lentement avant de reprendre. :

-J'veux dire... Non tu me déçois pas. Je ne sais pas comment tu travailles alors si tu me dis que tu as besoin de temps pour ça, je te crois... Je ne ferai pas un plat compliqué dans une cuisine que je ne connais qu'à peine.

Il lâche une brève onomatopée ; ça devait être un rire, ça ressemble à un étouffement impromptu... :

-J'vais être franc... un peu... Hm. Pause. Avant Terrae, je devais maîtriser l'image que je renvoyais aux autres. Pour pas paraître faible... survivre quoi... J'la maîtrisais tellement que... ben... je suis devenu ce reflet en gros.

Jérémy regarde sa tasse avant de la terminer d'une grande gorgée. :

-J'm'en rends compte que depuis récemment. Je sais que je suis quelqu'un de différent. Je sais pas vraiment si c'est encore un reflet, ou si c'est ce que je suis vraiment... mais des fois je panique un peu. Je ne sais plus comment on me voit... surtout les gens qui n'ont pas connu le "reflet".

Il pince ses lèvres mal à l'aise, avant de tapoter l'épaule d'Angie, comme s'il venait de lui parler du beau temps. :

-BREF tu m'as pas déçu nan. J'étais juste stressé à l'idée que tu me prennes comme modèle. ...Mais j'vais m'en sortir, hein. ...Par contre j'vais te passer mon numéro du coup... histoire de prendre des nouvelles d'où t'en es de temps en temps... ...et si je te fais chier à l'avenir à ce propos, j'le dis maintenant, mais hésite pas à me le dire.

Non. Non ? Comment ça non ? Non tu n’es pas désolé ? Mais tu l’es, non mais arrête de le regarder avec tant d’incompréhension dans le regard Angie, il va s’expliquer j’en suis certaine. Sûre et certaine ! Puis c’est bon, stresse pas pour un simple mot, genre un mot quoi Angie. Ah. Tiens d’autres. Il a la classe Jérem non ? Genre là il la joue mec hyper cool. Ça va bien avec son allure. Genre en plus il place crème qu’il sait bien cuisiner… Genre ce gars c’est vraiment un bon, genre il se place bien en quelques phrases. Il montre qu’il est gentil, tolérant, et assez intelligent pour faire faire une comparaison qui l’met en valeur. C’est ouf. Et puis avant que tu n’ais trouvé quoi répondre il reprend.

Le voilà qui montre une faille, se montre humain. Plus doux qu’il n’y parait. Azy, comment il fait sexy maintenant. Non. Non ? Comment ça non ? Bah, non il ne te plait pas. Enfin si, mais non. Pourquoi ? Parce que tu n’as pas assez confiance en toi pour faire confiance en quelqu’un, ‘fin de ce point de vue là… Mais il t’a quand même demandé ton numéro… Pourquoi tu vois pas le fin dragueur qu’est Jérem… Tu te méfies pas, pas assez. T’attrapes sa main qui te tapote sur l’épaule et tu la serre entre tes mains pour lui donner un peu de ton courage. C’est fou, tu n’as pas de courage pour toi, mais pour les autres.

« Peut-être que le reflet n’existe plus et que t’as le droit d’être qui tu as envie d’être sans te poser toutes ces questions ? Tu décides de qui tu veux être et tu t’en rapproches autant que tu le peux, et du coup ça devient toi. Puis quoi que je dessine, peigne, je sais pas quoi encore, c’est toi qui décide qui tu es et pas moi ! »

Tu laches ses mains, cherche dans ta poche… Trouves ce dont tu as besoin, un crayon et un morceau de papier. Tu les lui tends avant de réaliser un truc hyper intelligent.

« Non mais toi t’as peut-être un portable sur toi ! J’ai qu’à rentrer mon numéro dans ton répertoire et tu m’envoies un message avec ton prénom ? »

Oui, non mais bien sûr que le prochain message que tu recevras sera de lui… Mais est-ce que tu auras retenu son prénom ? Comme tu es astucieux Angie !

Angie lui choppe la main. Bon. Bon c'était surprenant sur le coup, parce que c'est rare les gens qui n'ont pas peur du contact avec lui. Peur du contact de manière générale de toute manière. Jérémy avait fait son possible pour rassurer le Télépathe, il ne s'était pas attendu à ce que ça fonctionne aussi bien... Nan en fait il ne s'était pas attendu à ce que ça fonctionne. Mais c'est cool d'un côté... De l'autre, Jérémy arrive pas à en placé une. Pas parce qu'Angie le laisse pas faire, non... Juste que son cerveau a bugué. Angie lui a sortit la plus belle réplique du monde et ça le bouleverse un peu ; "c'est toi qui décide qui tu es". A la fois ça lui fait du bien de l'apprendre, à la fois ça le terrifie. S'il choisissait mal, comme avant ? Est-ce que c'était une bonne idée de lui donner autant de pouvoir ? Mais cette réponse si sincère -et un peu niaise, soyons sérieux un peu-, fait qu'il se pince les lèvres, cherchant à cacher un sourire timide. S'il pouvait pleurer des larmes de joie, peut-être qu'il le ferait, ce benêt de Bonnet.

Pendant ce temps, Angie a sorti du papier et un crayon avant de réaliser qu'il pouvait noter son numéro de téléphone directement dans le portable. Jérémy hoche la tête en s''en emparant et commencer à créer un nouveau contact : "Angie". :

-Je peux avoir ton nom de famille ? C'est juste....... j'aime bien avoir des détails sur ceux que je note.

Traduction ; je suis un maniaque du téléphone et je supporte pas avoir un contact sans nom de famille dans mon annuaire parfait. Il lui tend l'appareil pour qu'il y mette son numéro avant de sortir son porte-feuille. Angie étant occupé, il peut payer l'addition pour eux deux. Un billet de sortie pour que ce soit tellement rapide qu'il ne puisse pas avoir le temps de le faire. :

-Je t'offre le chocolat, en remerciement pour l'adresse. Ils se débrouillent bien, je reviendrai peut-être du coup.

Ça vaut pas ceux qu'il fait mais il va pas chipoter. Après tout sa tasse est finie.

Si tu étais sensitif tu verrais la joie et la crainte dans son cœur, deviens qui tu es. Tu sais plus qui avait dit ça, mais c’était bien la dernière phrase de tes cours de philo que tu oublierais. Elle t’avait peut-être un peu aidé à passer le seuil bâtard entre l’adolescence et l’âge adulte. Dommage que la personne devenue ne t’ait pas plu autant que tu avais cru en elle. Si tu étais bon télépathe, tu verrais la reconnaissance et le poids de la responsabilité que tu viens de lui refourguer dans ses pensées… Mais d’ça tu sauras rien que son timide sourire. C’est étrange, Jérémy peut sourire timidement ? On en apprend tous les jours !

Il te tend son téléphone et tu commences à pianoter, tout en palabrant… Après tout, il serait bon qu’il sache ce que tu écris, car s’il veut des informations exactes

« Prénom ? Charlie-Ange. Non ? Petit. Je te mets aussi mon mail ? Ah, oui Angie c’est pas mon prénom mais c’est comme ça que je m’appelle. » tu lui dis plus très sûr de lui avoir expliqué lorsque vous vous êtes rencontrés… « Je peux mettre une fleur après Charlie-Ange comme ça tu n’oublieras pas que je suis terre ? »

Mec. Tu lui as dit que tu étais télépathe, jamais il n’oubliera que tu es terre. C’est tellement obvious. Personne n’oublie qu’elle est face à quelqu’un qui peut potentiellement lire dans ses pensées. Alors que tu te perds dans tes questions voilà qu’il t’invite sans que tu n’y prennes gardes. C’est peut-être cela qui te décide à t’en faire un ami et à te dire qu’il y aura une prochaine fois ici ou ailleurs.

« On reviendra ensemble, et la prochaine fois c’est moi qui t’inviterais ! » tu lui dis d’un ton qui ne saurait souffrir une réponse négative.