S’il y avait une chose positive dans la nouvelle vie de Senri ; c’était sa nouvelle chambre. Il avait enfin un endroit à lui où il pouvait tranquillement s’adonner à la lecture de shojos, aux tentatives de reprise des opening d’anime de magical girl et toutes sortes de choses qui nuiraient à son image de voyou intimidant. Et il avait même profité de ce nouveau lieu pour redonner une seconde vie à ses projets de rappeur indépendant.

Bien qu’à cause de ses nouveaux pouvoirs, même entre quatre murs, il n’était jamais totalement seul. En particulier le matin où tout le monde s’activait à commencer une dure et longue journée. Stress, colère et tout le cocktail d’émotion lié à un réveil difficile était au rendez-vous. Émotion que partageait Senri, à la différence que lui, il était dans cet état en permanence. Et s’il y avait bien une chose qu’il détestait avec ses nouvelles capacités, c’était de ne pas réussir à savoir si ce qu’il ressentait venait de lui ou d’une personne extérieure.

Résolu à éviter tout ça, il s’était levé plus tôt que d’habitude, avait bu un grand verre d’eau et avait délaissé son caleçon à imprimé de canard et son tee-shirt de magical girl trop grand et surtout trop précieux pour être confronté au monde, pour un short noir à bande blanche et un tee-shirt de la même teinte. Il jeta son regard sur les épaves lui servant de basket et soupira. Il fallait vraiment qu’il en change. Et qu’il aille voir un ostéopathe.

Tout en pensant à cela, il avait enfilait les fameuses chaussures et était sortie avec les écouteurs dans les oreilles.

Il écoutait des instrumental pour le projet fou de se mettre au rap. Le rythme des musiques était généralement régulier, il se calait instinctivement sur le rythme des sons en courant, tout en tentant d’improviser mentalement des paroles qui étaient… Plus que moyenne. Pour donner une idée, il avait fait rimé « allumé » avec « tabouret ».

Tandis qu’il s’était perdu dans ses pensées, il se rendit compte qu’il était arrivé devant les grilles de Terrae. Il s’y arrêta un instant. La respiration haletante, les joues rouges, les vêtements tâchés de sueur, il contemplait la large porte. L’esprit réveillé par sa course, il ne put échapper à la nostalgie.

Avait-il bien fait de rejoindre Terrae ? Que devenait sa sœur ? Son ancienne équipe de volley ? Les terminales continuaient-ils d’en faire ?

Perdu dans ses pensées, il se gratta nonchalamment la tête. Sa colère commençait doucement à s’intensifier. Envers lui-même. Un éclair minuscule jaillit du haut de son crâne pour disparaître aussitôt.

Tandis que Senri remuait ses démons, une silhouette attira son regard. Plus exactement un signe de la main. L’adolescent reconnu cet autre coureur qui le saluait. Il l’avait rencontré au bar, à cette drôle de soirée organisé par un autre novice. Le visage d’Atumane et son nom n’avaient pas échappé à Senri. En tant que japonais pure souche n’étant pratiquement jamais sorti de sa petite bourgade, le jeune homme n’avait pas eu le loisir de croisé beaucoup de gens avec une peau aussi mâte. De manière générale, il n’avait jamais – avant Terrae – vu quelqu’un n’étant pas japonais ou au moins asiatique.

Il rendit son salut à Atumane tout le regardant s’approchait, levant juste sa paume. Lorsque ce dernier s’approcha et que ses lèvres s’ouvrirent pour laisser filtrer une salutation, le sensitif eut de nouveau l’impression de voir un de ces nuages étranges. Il captait une vague de sentiment qu’il peinait à réellement identifier. Tout ce qu’il pouvait reconnaître et percevoir, c’était une sorte de calme, quelque chose de lent, de réfléchi. En outre, quelque chose d’absolument opposé au flux émotionnel de Senri.

Le visage du chauve se crispa en ressentant tout ça. Sa langue claqua d’agacement. Subitement, il envoya sa main frappé sa cuisse. Comme s’il y avait eut une bête. Pour ne pas que l’autre coureur le prenne pour une espèce d’asocial détestant les autres. Ce qui, en soit n’était pas si faux. Mais l’adolescent essayait déjà de corriger ce défaut.

Senri se redressa et posa sur Atumane un regard aussi inexpressif que le permettait son visage naturellement colérique.

-Yo. Atumane, c’est ça ? T’étais le novice avec moi, la dernière fois.

S’ils étaient novices en même temps, peut-être avait-il aussi reçu ses pouvoirs ? Quelle pouvait bien être son affinité ? Si c’était un titan, Senri allait être beaucoup moins courtois. Ou alors il proposerait un bras de fer. Mais il y avait dans l’air quelque chose d’étrange. L’absence de réaction d’Atumane fit arquer à Senri un sourcil. Une pointe de colère naquit dans le ventre de Senri, saupoudré de la peur d’être raillé.

-T’entends quand j’te cause ?

Il parla vite, les sourcils froncés et une boule dans le ventre. Ça ne promettait rien de bon.

Le malentendu fut assez vite réglé. Atumane révéla ne pas avoir sa puce traductrice. C’est vrai qu’elle existait celle-là. Senri avait tendance à l’oublier, s’étant déjà pleinement accoutumé à son aspect pratique. Elle était devenue comme une extension de son oreille. Il lui arrivait même de ne pas la retirer la nuit pour dormir. Lorsqu’elle fut mentionnée par Atumane – dont Senri comprenait parfaitement les paroles grâce au dispositif en question – l’adolescent toucha mécaniquement son oreille, où reposait toujours l‘appareil.

-Ah, j’vois ouais… Pardon, l’habitude.

Il avait commencé en japonais puis repris avec de l’anglais. Ça allait être complexe d’écouter du japonais et de répondre en anglais.

-Je t’entends bien, moi. Avec ma …

Il montra la puce, ne sachant quelle était la traduction adéquate.

-Désolé, j’ai un mauvais Anglais.

Il avait lancé cette phrase assez froidement, sous le coup de l’habitude. Mais aussi, pousser par l’envie de détourner l’attention de son manque de maîtrise de l’anglais. Le garçon avait horreur d’exposer une quelconque faiblesse – bien que son manque de connaissance en langue ne lui faisait ni chaud, ni froid.

Visiblement, Atumane avait aussi reçu ses pouvoirs, puisqu’il avait mentionné la télépathie. Cette information ne manqua pas de faire froncer les sourcils au nippon colérique. Qui plus est, son interlocuteur n’avait pas l’air très ennuyé à l’idée de pénétrer dans l’esprit de quelqu’un. Mais il garda sa contenance, pour le moment.

-Tu peux entendre mon… Mon esprit, du coup ? Ça semble bien. Classe. Et ton élément ?

Plus qu’être sensitif, c’était certain. Senri se figea. Atumane devait savoir qu’il était sensitif maintenant qu’il avait eut cette pensée. Senri se sentit soudainement honteux. Bien que rapidement, son esprit divagua, lui créant de faux souvenirs où il usait de téléportation, puisant dans les nombreuses œuvres qu’il avait vu et lu pour alimenter ses fantasmes. Comme ça devait être génial de se téléporter.

Il les enviait tellement.

Lorsqu’Atumane releva les efforts de Senri sur sa prononciation, ce dernier eut un sourire ennuyé. Il ne faisait pas particulièrement attention à ce que ses mots soient faciles à entendre, il les cherchait davantage. Le jeune homme avait toujours eu du mal avec les langues étrangères. Il n’arrivait pas à former ses phrases mentalement, il ne pouvait que prononcer les mots un par un, au compte goutte.

Ainsi, lorsque le télépathe indiqua qu’il était difficile pour lui de lire clairement le flux de pensée de quelqu’un, Senri fut scindé entre le soulagement et la déception. Ça aurait été bien plus simple qu’Atumane puisse interpréter ses pensées. Il avait dit être incapable de réciter une phrase, chose qui souleva quelques interrogations dans l’esprit de Senri. Peut-être qu’il ne pouvait pas saisir toute la subtilité des voix intérieures de Senri. Après tout, ses pensées devaient être en japonais, puisqu’il pensait dans sa langue maternelle.

Senri alla frotter sa paume contre son front. Penser à tout ça lui donner un mal de crâne carabiné.

- Et… Tu peux comprendre mes pensées sans la... ?

Il pointa la puce, ignorant encore sa traduction.

- Je pense japonais, donc c’est bizarre si tu comprends.

Il avait ajouté cela en penchant légèrement la tête sur le côté, mimique de l’incompréhension tout droit sorti d’un manga.

La discussion bifurqua assez vite sur les pouvoirs de Senri. Le jeune boxeur n’avait pas compris qu’il s’agissait là d’une simple politesse de son interlocuteur, ainsi, il ne pouvait chasser la crainte d’un jugement. Senri fut traversé par un frisson de honte et détourna le regard.

-Je suis tonnerre.

Il ne pouvait décemment pas dire qu’il était sensitif. Mais s’il mentait, Atumane le saurait. Les attributs de sensitif du japonais le mettait d’autant plus mal à l’aise, pour la simple et bonne raison qu’il avait conscience de capter les émotions d’Atumane, mais il était impossible de les dissocier des siennes. C’était à la fois rassurant pour Senri qui ne se sentait pas agressé, mais il ne pouvait s’empêcher d’être pris de cette crainte de ne pas être lui-même à cent pourcent.

Cela étant, ça ne l’aidait pas à répondre. Jusqu’à ce qu’une pensée aussi folle que fugace ne traverse l’esprit de Senri.

-Avec l’attribut de la Lune.

Il avait agit sous l’impulsion du moment. Il voulait se faire passer pour un téléporteur, juste cette fois. Pour voir.

Le mensonge est un art. Un art qui demande de la préparation, un mensonge a besoin d’être entretenu, planifié. Mais ça ne doit certainement pas être quelque chose d’impulsif, de spontanée. Chose que Senri ne comprit que bien trop tard, quand Atumane lui confia qu’il n’avait jamais vu de téléporteur à l’œuvre. Le japonais aurait dû s’en douter. Il était impossible de prétendre posséder un pouvoir comme la téléportation puisqu’il était bien trop facile à montrer.

Senri détourna le regard, le visage ennuyé et honteux. Il fallait vite qu’il bricole une excuse. Dans l’aile des tonnerres, il avait entendu quelques bribes de conversation de jeunes téléporteurs qui peinaient à user de leur pouvoir, ils avaient besoin de conditions spéciales.

-Eh bien… En fait, j’ai besoin d’être en chute libre pour me téléporter.

Senri avait laissé les mots sortir d’une traite. Il n’avait jamais été aussi reconnaissant de lire autant de shonen, souvent, les personnages avaient besoin d’être en danger pour parvenir à user de leur pouvoir. Qui plus est, il avait expérimenté quelques montées d’adrénaline lors de compétition de boxe. Enfin bref, c’était la condition spéciale parfaite.

-T’sais, sentir le danger imminent, tout ça. Ça débloque les… Verrous psychiques.

Alors qu’il parlait, Senri se baffait intérieurement. Pourquoi diable, avait-il besoin de parler autant ? Une pointe d’agacement naquit en lui. Il sentait d’ors et déjà ses pouvoirs de sensitifs s’emballer, mélangeant et diffusant son tumulte émotionnel. Cette image mentale de nuage grouillant réapparut dans son esprit alors qu’il fermait les yeux en faisant mine de masser les temps.

-Désolé, dure nuit.

Atumane mettait Senri mal à l’aise. Ce n’était pas juste sa nature de télépathe. Il y avait autre chose. Quelque chose dans son regard. Lorsque le Terre s’approcha du Tonnerre avec son air malin, les sens de Senri s’affolèrent. Ses yeux s’écarquillèrent, un frisson remonta entre ses omoplates pour nouer sa gorge. Une goutte de sueur roula de sa tempe à son menton. Il allait se passer quelque chose !

La jambe d’Atumane se glissa entre celles de Senri, en fauchant une. Senri laissa son corps tomber en arrière. Le genou de son autre jambe se ploya, supportant tout le corps du garçon. D’une telle façon que, s’il avait eut une pique en place de jambe, son genou aurait embrassé le sol. La jambe qu’Atumane avait fauché s’éleva. Le genou vers le ciel tandis que la partie inférieure se repliait contre la cuisse du garçon, préparant un coup dévastateur.

Ce qui empêcha Senri de donner son coup de pied, ce fut la main d’Atumane qui plongea vers lui. Senri leva aussi vite que possible ses mains devant son visage pour se mettre en garde, mais soucieux de protéger sa mâchoire et ses tempe, il avait négligé le bas de sa garde. Ses coudes en v inversé laissèrent à Atumane tout le loisir d’attraper le col du boxeur et de le tirer vers lui, doucement, en affichant un large sourire.

Senri mit un instant à comprendre et, à faire regagner le sol à son pied. Il défit sa garde dans le même temps, conservant néanmoins une expression ahurie face à la « plaisanterie » d’Atumane.

-Euh… Ouais, merci. J’ai cru que tu allais m’attaquer.

La remarque suivante piqua l’égo de Senri pour une raison obscure que seul un adolescent à l’esprit si compétitif pouvait ressentir. Il prit soin de mettre un pas de distance entre lui et son interlocuteur, l’oeil encore méfiant, et prit la parole.

- J’suis boxeur, faut plus que ça pour me faire tomber.

Il passa son pouce contra sa narine pour se donner un air de gangster américain.

Senri avait du mal à se concentrer sur la discussion. Bien qu'ayant sa puce - loupant donc le gros des subtilités de prononciaton d'Atumane- il passait beaucoup de temps à penser à ses mots et à comment s'exprimer sans faute ou barbarisme. L'effort intellectuel l'empêchait de se sentir énervé à l'entente de la première phrase d' Atumane. Puis, la flatterie sur ses réflexes acheva de mettre Atumane dans les bonnes grâce de Senri.

- Si tu veux, ça peut être sympa.

Senri ne refusait jamais un face à face. Et son interlocuteur était bien bâti, il pourrait s'avérer être un combattant intéressant. Bien que Senri aurait préféré qu'il soit Titan.

À la remarque sur la téléportation Senri secoua négativement la tête.

- Je suis habitué aux... Euh... Poings et... Pieds. Pour ce pouvoir, j'ai besoin... De conditions spéciales.

Il avait bafouillé et chercher ses mots tant bien que mal. Même si il avait l'impression que sa parole était maintenant un peu plus fluide. Ainsi, quand Atumane tendit sa main à Senri, ce dernier la serra avec un sourire franc sur le visage.

- Bien sûr, oui. En plus, on pourrait courir ensemble si tu veux.

Quand bien même Atumane serait un barvard notoire, la barrière de la langue empêcherait une discussion fluide, et il y aurait l'effort en plus. Mais, ce qui avait poussé Senri à proposer ça, c'était aussi à cause des émotions du Terre. Le sensitif ne se sentait pas agressé comme il en avait l'habitude.

- J'ai du temps avant l'école. Tu veux qu'on se batte ?

Drôle de choix de mots dans un tel contexte, Senri en convenait. Cependant, c'était pour lui, une des seules bonnes façons de sympathiser.

Quand Atumane s'était défait de ses effets, Senri en avait profité pour s'échauffer. Le bas du corps essentiellement. Un peu plus tôt, il avait fait les gros yeux devant la proposition d'Atumane. Se battre ici, au milieu du chemin ? Non pas qu'il n'ait pas l'habitude, loin de là. Il s'était bagarré dans bien des endroits. Simplement le cadre n'était jamais très amical.

Il pesta intérieurement en achevant son échauffement. L'optique du combat était soudainement devenu bien plus attryante.

Il s'était mis en garde face à Atumane en même temps que ce dernier, et ce sans discuter.

Ce dernier ne se fit pas prier pour commencer. Avec un coup de pied à hauteur de côte, il commençait fort. Cela dit, sa nature de télépathe lui indiquerait que sa stratégie allait être plus difficile à mettre en place que prévu ; Senri n'était pas du genre à défendre.

Le boxeur fit glisser son coude sur ses côtes, parant le coup de pied d'Atumane. Alors, Senri donna une impulsion à son coude pour faire partir la jambe d'Atumane sur le côté et immédiatement après, il décala jusque derrière la jambe encore stable du Terre.

Senri balaya cette jambe de son pied droit avec puissance. Après avoir pivoté suite à son premier coup, il était à une distance suffisante pour amorcer un chassé. Il leva son genou replié sur lui et envoya la semelle de sa chaussure ver sla cuisse de son adversaire pour soit, déséquilibrer encore plus Atumane ou aller le chercher jusque dans son esquive.