-C'est ton idée. Alors t'assume. Maintenant que tu as le cristal, tu te débrouilles pour nous emmener dans ton désert.

Chris s'adossa contre le mur de sa loge, croisant ses bras sur son torse. Il regarda la néo-Master avec une étincelle amusée dans le regard. Oh, bien peu de personne aurait été capable de percer sa carapace, mais il savait parfaitement qu'Athéna l'avait cerné, et il savourait complètement la situation actuelle, drôle d'idée dans laquelle la jeune fille s'était lancée.

Lorsqu'elle était passée Master, Chris avait ressenti des sentiments nouveaux, qu'il avait eu du mal à analyser -ou qu'il avait peut-être simplement décidé d'ignorer. Après quelques temps, il s'était rendu compte qu'il avait eu peur de perdre cette relation qu'il avait finalement réussi à créer avec la jeune handicapée plus si handicapée que ça.

Même s'il ne l'avouerait jamais à haute voix, il avait fini par véritablement s'attacher à elle -et d'ailleurs gare à celui ou celle qui oserait lui faire du mal un jour. Chris n'avait jamais tué, mais un accident était si vite arrivé...

Bref. Il s'était rendu compte qu'il avait eu peur de la perdre. Parce qu'elle avait changé de nom. Parce qu'elle avait atteint le niveau qu'elle s'était fixé, et du coup, est-ce qu'elle avait encore besoin de Chris maintenant ? Parce qu'elle avait tout plein d'autres tâches et responsabilités qui l'incombaient à présent, alors quand aurait-elle du temps finalement pour revenir voir son ancien maître ?

Plein de questions. Et une seule réponse. La présence d'Athéna, ce jour-là, devant lui, un cristal de téléportation entre les mains, et des idées plein la tête. Comme au bon vieux temps. Le cristal de téléportation en moins, peut-être...

-C'est quand tu veux. Si tu te dépêches pas, je risque de changer d'avis concernant cet entraînement...

Heureusement que j'adore Chris. Vous croyez qu'il a conscience que c'est son attitude qui fait fuir tous les élèves un peu timides ? Oui forcément, sûre à 200% qu'il le fait exprès.
Résumons.

Après m'être installée correctement dans ma maison, d'avoir pris quelques semaines pour m'habituder à mon emploi du temps chargé, d'avoir aidé quelques élèves, en avoir pris une sous mon aile, je décidais qu'il était temps de m'aménager une après-midi détente. En sachant exactement avec qui la passer, évidemment. Avec Chris, nous n'avons pas eu beaucoup de temps pour nous depuis que j'ai pris mes fonctions. Je sais qu'il est fier de ce que j'ai accompli, je le vois dans ses yeux, mais ce n'est pas la seule chose que nous avons construit ensembles.

La relation maître-élève ne se concentre pas uniquement sur un apprentissage, je le vois bien avec Alice. Alors oui, Chris n'est pas très bavard, et il se contente souvent du minimum, mais il parle beaucoup plus avec ses attitudes qu'il ne voudrait bien le dire. Et même si je sais qu'il apprécie la solitude qu'il s'est aménagée en s'isolant à l'entrée, je sais aussi à quel point il ne reçoit pas souvent de visites. Le club jardinage de temps en temps, mais il faut voir comment il les regarde de travers, de peur qu'ils abîment les plantes, c'est à mourir de rire ! Toujours est-il que je refuse de perdre de vue une personne avec qui je me sens aussi bien, qui a appris à m'apprécié et qui m'a tant aidé.

C'est dans cette optique que je débarque chez lui mon jour de congés, un cristal téléporteur dans la main et un grand sourire au visage, avec une formulation complexe pour dire, au final, "viens on s'tape" (quand : tout de suite, où : dans le Sahara, pourquoi : officiellement parce que c'est cool, officieusement parce que je te dois un combat, et un beau). Et quand il me rembarre avec son air si peu avenant du mec qui s'en bat les couilles, mon sourire glisse en coin et je souffle nerveusement. Ah l'batard. Je suis sûr que s'il est aussi réticent, c'est juste parce qu'il aime pas non plus ces trucs. Non parce qu'il peut bien essayer de le cacher comme il veut derrière son air bougon, je sais qu'il apprécie la proposition. Facile à savoir, il n'a pas refusé au nom de la protection de Terrae, et je sais qu'il a pris une journée aussi.

Je fais ensuite une moue peu convaincue. J'ai déjà testé avec Ys, vraiment la téléportation et moi c'est pas un super bail. Mais qu'est ce que tu veux que je lui dise, ça a l'air de lui faire beaucoup trop plaisir de me voir galérer. Je soupire, abandonnant ce combat là.

_ D'accord, c'est de bonne guerre. Mais t'abuses, tu le sais. Et tu n'auras pas le droit de te plaindre.

Je précise pas pourquoi il aurait des raisons de se plaindre, elles seraient trop horribles et nombreuses. J'espère juste qu'on ne risque pas de perdre des morceaux. Et qu'on pourra faire le trajet inverse sans trop de soucis aussi, ce qui est loin d'être sûr vu ce qu'on a l'intention de faire. Mais bon, il doit le savoir tout ça.

Il me presse d'y aller, me disant qu'il risque de changer d'avis. Je lève un sourcil. Mytho. Je pourrais très bien lui faire le coup de repartir prétextant que s'il n'a pas le temps c'est pas la peine, mais je n'ai pas envie de voir la petite teinte de déception dans son regard. Je soupire à nouveau, résignée. Je tends ma main vers la sienne pour qu'il la saisisse, la pierre de téléportation dans l'autre.

Je ferme les yeux. Bon, ok. Comme Mitsuki a essayé de m'expliquer. Déjà, visualiser. Un espace vide, personne, l'horizon de tous les côté, une chaleur intense et des coll- des montagnes ?! La pierre s'illumine, et la torsion de mes boyaux commencent. A nouveau, mon corps se décompose, explose dans les atomes de l'espace. Je veux resserer ma main sur celle de Chris, j'ai peur de le lâcher. Mais nos corps se recomposent aussi vite qu'ils ont disparu, et je me sens toute petite dans mon corps. J'ouvre les yeux, inspire violemment l'air âcre et tente de reprendre contenance en m'accrochant à ma béquille (j'ai mis les prothèse aujourd'hui, évidemment). Un frisson chaud m'accueille lorsque j'ouvre les yeux.

Devant nous s'étend une plaine, immense, encadrée au loin par des montages (ou bien est ce les montagnes qui sont encadrées par la pleine ?). Il fait chaud, mais le sol est dur et le sable absent. Je fronce les sourcils. Je sens une présence assez forte dans le sol d'un métal, ça brouille un peu ma vision, mais on dirait... un conducteur ? Je me retourne vers mon ancien maître avec un regard malicieux.

_ Oops, c'est pas le Sahara. Mais ça fera l'affaire non ?

De toutes façons s'il veut rentrer qu'il essaye, c'est moi qui ait la pierre. Viens donc me la prendre si tu l'oses.

_ Ahem ? Chris, c'est bien cela ? Je... Je peux vous demander votre aide ?

C'était drôle, parfois, de se remémorer les prémisses d'une relation.

Alors qu'Athéna semblait bien embêtée avec son caillou de téléportation, Chris l'observait, une lueur de nostalgie passant dans le regard. Elle avait tant changé, depuis qu'il l'avait rencontrée. Il la revoyait encore, venir vers lui sur son fauteuil roulant et lui demander de l'entraîner. Il se revoyait aussi très bien, plein de mauvaise foi et sans la moindre envie, accepter sa proposition, avant de réaliser qu'il se trouvait face à une jeune fille pas si stupide que ça, finalement.

Il ne savait plus exactement quand est-ce qu'elle avait fini par accepter de le tutoyer. Il ne savait plus non plus à partir de quand est-ce qu'il s'était rendu compte qu'il tenait véritablement à elle, et qu'elle était capable de devenir son seul et unique point faible, ici, à Terrae. Fort heureusement, il la savait débrouillarde, bien plus qu'une grande partie des personnes ici, ce qui le réconfortait grandement ; il n'aurait pas à lâcher la protection de Terrae uniquement pour elle... Mais il savait que cela représentait un risque. Il n'en disait rien, mais il savait que tout le monde l'avait remarqué.

Oh, bien sûr, il gardait son poste. Il était "le" protecteur de Terrae, et personne n'aurait jamais osé remettre ça en question. Mais maintenant il y avait aussi Athéna. Et ce qu'elle représentait pour lui. Et il était parfaitement inconcevable que quelqu'un pense un jour à la lui prendre.

-Hmmph, grogna le Master Terre en fixant son regard sur son ancienne élève, tandis que celle-ci prétextait qu'il n'aurait, puisqu'il était si ronchon, aucunement le droit de se plaindre une fois la téléportation terminée.

Athéna leva une main qu'elle tendit dans sa direction. Peut-être aurait-il dû lui dire qu'il ne supportait pas la téléportation ? ...Non, il avait bien trop de fierté. Même ses collègues Téléporteurs ne le savaient pas. Et il était hors de question qu'il le leur dise un jour.

Ses doigts entrèrent en contact avec la peau rocailleuse de la jeune femme, ses mains qui bricolaient peut-être parfois même un peu trop au goût de Chris -est-ce qu'elle ne pouvait pas prendre un peu de temps pour elle ? Humfph, c'était ça, pour elle, prendre du temps pour soi... Et c'était probablement pour ça aussi qu'Athéna était si unique à ses yeux.

Quelques secondes plus tard, son corps décida de le lâcher, et, visiblement, son estomac accepta de rester séparé de son corps, sans ressentir le moins du monde le besoin de rejoindre son réceptacle. Il eut tout de même le temps de se demander s'il était possible qu'un corps soit scindé en deux après une téléportation. Il se souvint qu'il avait déjà entendu une histoire pareille, mais sa mémoire le ramena à la réalité quand il se rappela que la personne qui avait raconté ça, c'était Aaron, à leurs tout débuts à Terrae, lorsqu'ils se faisaient des soirées tard le soir et se racontaient des histoires pour se faire peur alors qu'ils étaient encore en quête du rang de Master. Des grosses conneries, quoi.

Une fois arrivé sur place, Chris s'aperçut que sa protégée flanchait elle aussi, mais gardait la tête haute. Ca devait être un truc de Terre. Les Terres ne devaient tout simplement pas être faits pour la téléportation...

Alors pourquoi est-ce que Keitaro semblait-il si bien la gérer ? Un truc de Télépathe ? Apprendre à se mettre dans la tête des autres, tout ça ? Tch.

Tandis que Chris inspirait pour se débarrasser gracieusement et discrètement de son haut-le-coeur, il jeta un regard circulaire autour de lui. Ouais. Ils n'étaient pas du tout arrivés à la destination attendue. La réflexion d'Athéna lui tira un sourire amusé, sourire qui ne s'attarda évidemment pas sur les lèvres du Titan.

-On fera avec...

Il croisa le regard malicieux de la jeune femme et arqua un sourcil amusé. Bah. Il était hors de question de se téléporter à nouveau, de toute façon. Pas maintenant en tout cas. Seulement au moment de rentrer...

Mais seront-ils alors aptes à se téléporter ? Hum. Il se doutait bien qu'Athéna devait avoir pris ses précautions. Ou pas. Elle n'avait pas une copine téléporteuse ? Parce qu'il doutait tout de même fortement de leur condition physique à la fin de cet entraînement. Et vu l'échec de cette première téléportation, il doutait également des compétences de son ancienne élève pour les ramener à la maison sans accroc, en étant cette fois-ci au bout de ses forces.

-Bon. Et bien on commence quand tu veux, ma belle...

Un sourire à peine perceptible. Chris s'était déjà complètement familiarisé avec leur nouvel environnement. Mais cette fois-ci, c'était différent. Cette fois-ci, la jeune femme qui lui faisait face avait exactement les mêmes capacités que lui. Et l'un comme l'autre se connaissaient par coeur... L'entraînement ne pourrait prendre fin qu'une fois les limites atteintes.

Le haut le coeur est quand même difficile à chasser.
Je ne sais pas comment font ceux qui en utilisent couramment. Je sais qu'Aaron par exemple sort souvent grâce aux cristaux, je me demande s'il a toujours des nausées après. Ça doit être une question d'habitude. Ou peut-être de nature ? Est ce qu'être Terre nous prédispose automatiquement à ne pas aimer la téléportation ? Après tout, peut-être qu'elle nous désoriente plus justement parce que l'on a plus conscience de notre environnement que d'autres personnes ? Oui enfin, ça serait valable s'il n'y avait pas Keitaro, je suis sûre que lui aussi y est habitué. Toujours est-il que ça n'est pas agréable du tout, et je sens que Chris douille autant que moi (AH-AH j'avais raison ! Il aime juste pas du tout ça en fait !).

Est ce qu'il a sourit d'ailleurs ?! Je suis sûre de l'avoir vu sourire. Même un bref instant. Et il se fout de ma gueule non mais je rêve... J'espère bien que tu t'en contenteras, parce que je recommence pas. Il se tourne vers moi et- urk, ma belle ? Je- Ok. Je ne suis pas habituée à voir des preuves d'affection sortir de la bouche de Chris (de ses yeux oui, pleins, mais jamais il ne le dit ouvertement) alors ça me fait vraiment plaisir ? Presque autant que ça me surprend. Si je n'espérais pas secrètement qu'il se foute de ma gueule, je pense que j'aurais même rougis tiens. Non mais il a pas idée de sortir des trucs comme ça de nulle part lui.

Je souris, malicieuse.

_ Bon alors deux minutes !

Je prends mon portable (une antiquité que je n'utilise que pour contacter mes amis de Terrae, vu que mes relations avec ma famille sont principalement épistolaires). J'envoie un message à Houston avec notre position vague (à savoir "désert de Gobi", merci mon sens inné de la géographie) pour qu'il active des brouilleurs (manquerait plus qu'on soient emmerdées par l'armée chinoise merci mais non merci). Une fois son accord reçu -"WHAT, mais c'est pas du tout le Sahara ?! Je te fais ça."- j'envoie un message à Mitsuki pour qu'elle vienne nous chercher dans une heure en plein milieu du désert. Je n'attends pas de confirmation cette fois et range mon téléphone avant de lever les yeux vers mon ancien maître.

_ C'est bon, là on peut s'y mettre !

J'étire mes bras tout en doutant clairement de ce que ça va donner.
Chris me connaît bien mieux que je ne le connais. C'est moi qui était constamment poussée à bout dans nos entrainements, et je ne pense pas qu'il se soit vraiment donné une seule fois dans nos échanges. La difficulté est donc double pour moi : je découvre une nouvelle force tout en devant trouver une nouvelle façon de faire afin de le surprendre. Sans compter que nous avons exactement les mêmes pouvoirs, il peut donc interférer directement dans les mouvements que j'insufle à la terre ou les sentir arriver.

Je soupire. Ça va être génial.

_ Alors, les consignes ! Le but c'est de se donner à fond, sans aucune limite. Si tu dois me frapper de plein fouet, alors fait. J'ai subtilisé quelques cristaux guérisseurs, on peut s'en remettre. Si tu dois faire une montagne, même chose. Si tu dois sortir ta Greffe, et bien soit. L'entrainement, le combat ou tout ce que ça deviendra se finira quand on sera tous les deux épuisés. Deal ?

Oui, j'ai décidé de faire les choses en grand. Le but n'est pas d'y aller en finesse, mes stratégies je les remets à plus tard. Non, là il faut y aller comme des bourrins, savoir quelles sont nos limites, pour se sentir vivre.
Je me concentre un instant sur le sol, avec un sourire. Je sens que je vais beaucoup aimer.

_ C'est parti.

Sans attendre, je fais monter quatre murs de roche de 3 mètres autour de lui, en forme de boîte mais légèrement décalés pour laisser des ouvertures et perturber le regard. J'inspire doucement. Ça, il y a deux mois, ça m'aurait vallu un joli petit malaise des familles.

Chris arqua un sourcil légèrement amusé lorsque son ancienne élève lui demanda quelques minutes avant de débuter cet entraînement... Assez spécial. Elle sortit son téléphone et commença à tapoter quelques trucs ; Chris en arriva à la conclusion qu'elle s'assurait qu'ils pourraient repartir d'ici vivants.

Une fois chose faite -ça avait vraiment pas l'air évident, pour elle, d'utiliser un téléphone ; elle devrait d'ailleurs peut-être passer à quelque chose de plus récent, avec un écran tactile, ce genre de chose- elle se tourna vers le Master Terre qui remballa bien rapidement son air amusé.

Les informations essentielles au bon déroulement du combat sont transmises. Y aller à fond. Ne pas hésiter - si besoin, il y aura des cristaux guérisseurs, pour minimiser les dégâts. Greffes autorisées.

Le sourcil de Chris se haussa. Greffe ? Est-ce qu'elle avait au moins fini par comprendre comment fonctionnait la sienne ? Elle ne lui en avait pas reparlé depuis qu'elle lui avait demandé ce que lui avait ressenti -à savoir pas grand chose de différent, selon lui. Peut-être voulait-elle justement se pousser à bout dans cette optique-là ? Certaines greffes, surtout au début, quand elles ne sont pas contrôlées, s'activent lorsque le besoin se fait sentir. Quoi de mieux qu'un entraînement qui repousse les limites ?

Même si Chris restait sceptique. Sa greffe avait pas franchement l'air dingue, il ne fallait pas se mentir. En revanche, cela faisait bien longtemps qu'il n'avait pas eu à utiliser la sienne.

Le Master aperçut le sourire de la jeune fille. Bien, les explications étaient terminées. Est-ce que quelqu'un avait osé douter un jour de l'impatience que pouvaient montrer certains Terres ? Il n'y avait pas que les affinités aux tempéraments forts qui possédaient ce trait de caractère.

Quatre énormes murs épais de trois mètres de haut se levèrent autour de Chris. Il jeta un regard environnant avant de poser ses yeux à l'endroit où il pouvait apercevoir Athéna, quelques instants plus tôt. Il comprit que l'heure n'était plus à la rigolade. Il était temps pour lui à présent d'avoir le plus beau combat de sa vie avec... Elle.

Un soupir de contentement s'échappa de ses narines. Il fit craquer les jointures de ses doigts, et fit un arc de cercle avec sa tête pour échauffer sa nuque. C'était parti.

Il flanqua un énorme coup de poing dans le sol qui fit trembler les murs avant qu'ils ne terminent de se refermer au dessus de sa tête. Il était bien curieux de savoir ce qu'elle prévoyait de faire. Il était Titan et elle n'était pas stupide ; elle savait qu'il pouvait détruire ces murs d'un simple coup de poing s'il le souhaitait. Alors est-ce qu'elle allait accentuer l'énergie qu'elle mettait dans les murs pour les rendre plus résistants ? Est-ce qu'elle avait véritablement besoin de ces murs, ou est-ce que c'était simplement une diversion ?

Il s'approcha de l'un d'eux, et dans un cri rauque, abattit son poing sur la surface lisse. Alors que son poing rentrait en contact avec la terre durcie, il rendit la terre qui entourait ce dogme plus molle, essayant de repérer l'endroit où se trouvait la jolie Titan.

Quelle était sa stratégie, aujourd'hui ?

Il accepte les règles et cela m'aurait étonné s'il en avait été autrement.
Pas qu'il ne refuse jamais ce que je fais ou demande, mais je pense que les termes lui vont particulièrement. Quoi, on est pas tous des bourrins cachés chez les titans ? Pardon, je pensais. Alors le combat commence. Honnêtement, c'est un des seuls combats que je ne sais pas exactement comment mener. La plus longue autonomie et le surplus d'énergie que me permet mon nouveau statut me permet de déléguer pour le moment la stratégie. Même si, étant moi, je ne peux pas faire autre chose que penser. C'est comme ça que je prends mon pied, que voulez vous !

Chris regarde presque les murs se former autour de lui, pas le moins du monde affolé. Je sais qu'il aime les plantes, je n'ai en revanche aucune idée de sa spécialité. Par exemple, pour moi c'est terre > roche > végétal. Il faut déjà que je puisse estimer son propre ordre de contrôle, comme ça je saurais sur lequel de mes outils il aura le plus d'influence. J'observe attentivement ses mouvements et la façon dont il agit avec ses pouvoirs.

Il frappe le sol pour empêcher les murs de se refermer sur lui. Il attend un instant avant de se diriger vers un des murs pour le frapper violemment. Le mur cède sans que je n'ai rien fait pour le protéger, mais un sourire fend mon visage alors que je sens les forces de Chris dans le sol, me cherchant. C'est impressionnant. C'est... La force brute d'un Titan est aussi grisante que terrifiante. Un frisson me parcours alors que je me déplace, visuellement protégée par la poussière, avec mes jambes d'argile. Je vais me poster un peu plus loin, juste assez pour sortir de son champ de vision direct.

Il va s'en vouloir de me ménager.
Sans attendre, je reconstitue le mur qu'il vient de frapper. Nul besoin de le durcir lorsqu'une personne contrôle les mêmes éléments que toi, par contre voir ses efforts anéantis est bien plus efficace. Ensuite, je siphone. Les quatre murs deviennent mes antennes pour rendre le sol mou, friable, et créer le parfait sable mouvant au milieu des murs. Sans me laisser de temps de repos, je fais ensuite monter d'autres murs, aléatoirement autour de la presque-boîte que j'ai créé. Si je le pouvais, je pense que je ferais carrément sortir un labyrinthe du sol- attendez, vous croyez que je peux ? Bon on va peut-être se préserver un peu.

Alors Chris ? Tu attends quoi pour te lâcher là ?

Il ne fallut pas beaucoup de temps à Chris pour repérer celle qui, jadis, avait été son élève. La poussière qui continuait à stagner dans les airs autour d'eux n'était pas un problème : il la connaissait, connaissait son énergie, et surtout, un corps argileux qui se déplace, ça ne passe pas inaperçu, pour un Terre, encore moins pour un Master... Et elle le savait.

Avant que le Titan n'aie eu le temps d'agir, la jeune femme recréa cette prison de Terre dans lequel elle l'avait déjà enfermé quelques instants auparavant. En une fraction de seconde, le sol devint mou, les pieds de Chris s'y empêtrant. La fraction de seconde suivante, le cri du sol qui travaille arriva aux oreilles du Master : la belle était en train de l'encercler. Et au vu de la rapidité de son action, elle n'était visiblement pas très satisfaite de l'inactivité de son ancien maître.

Un sourire fendit les lèvres de Chris. Il donna un coup de poing sur le sol qui l'entourait et qui avait déjà englouti ses jambes jusqu'à ses mollets. Le sol se durcit d'un coup à l'impact, luttant contre l'influence d'Athéna, et le Titan profita des craquelures pour répandre son pouvoir jusqu'à l'endroit exact où il avait repéré la jeune néo-master, soulevant un immense rocher sous elle, l'équipant en même temps d'une mousse particulièrement glissante pour la forcer à perdre l'équilibre. Cela lui laissa le temps de se dépêtrer complètement des sables mouvants dans lesquels il était tombé, et il donna un nouveau coup dans le mur le plus proche de lui.

La surface rocheuse s'effondra, révélant un nouveau mur. Jusqu'où avait-elle poussé le vice ? Du bout du doigt, il fit pousser sur la surface lisse du mur un début de lierre, qu'il laissa se déployer jusqu'à recouvrir la totalité des constructions d'Athéna, lui offrant ainsi une appréhension totale de l'environnement qui l'entourait. Il ne fallait désormais plus perdre une seconde de plus, au risque de subir les foudres d'Athéna. Aussi, prenant la décision de ne pas gaspiller son énergie dans la destruction de tous ces murs, il souleva le sol qui se trouvait sous ses pieds à cinq mètres d'altitude, se plaçant en hauteur. Une fois qu'il repéra la jolie Titan, il dressa quelques nouveaux murs, semblables aux siens, autour elle, l'intégrant à sa création. Puis, il emprunta un peu de terre et de roche aux sommets de chacune des parois argileuses, et s'en servit pour refermer l'ébauche de labyrinthe comme une boîte à chaussure. Il se décida enfin à descendre de son trône, et sauta sur ce nouveau sol qu'il venait de créer, accentuant l'impact grâce à son don de Titan, provoquant des éboulements ici et là, et surtout là où était sensée se trouver Athéna.

Prévoyant la suite, il se protégea de l'éboulement en récupérant tout le lierre qu'il avait précédemment formé pour se hisser dans les airs, augmentant la taille des tiges à la façon du célèbre haricot magique sur lequel il se hissa, observant en hauteur comment son ancienne élève allait surenchérir.

C'est pas mon maître pour rien.
J'entends le coup sur le sol, ce qu'il fait à la terre, il la durcit pour pouvoir s'en dépêtrer sans aucun effort. Je sens qu'il remonte ma trace par la même occasion à une rapidité folle, et j'ai à peine le temps de comprendre ce qui allait se passer que le sol se soulève sous mes pieds. La pierre j'aurai pu gérer, mais la mousse glissante ? C'est un truc de gros sadique ça Chris.

Je glisse donc comme une débutante, essayant en me réceptionnant au sol de ne pas perdre l'avancée de Chris, qui détruit mes murs comme on change de chemise. J'aperçois le lierre qui recouvre rapidement mes murs, probablement afin d'en sonder les emplacements. Quel grand malin, malheureusement je ne pas faire grand chose contre ça. Je vais plutôt prendre ce temps pour monter une stratégie. Je le vois s'élever, puis je sens les murs qu'il monte autour de moi. Ah oui, la même technique ? Ah non, il rajoute un capot, pas mal du tout.

Je le sens se placer en hauteur, sûrement grâce au lierre qu'il a créé, mais avant de pouvoir m'en soucier plus, tout -le plafond, les murs, le reste- s'écroule sur ma gueule. Bien. Sans paniquer une seconde, je lève mes mains au ciel, repoussant les pierres qui risquent le plus de m'atteindre. Et je me concentre sur son énergie. J'ai envie de tenter quelque chose.... C'est un peu haut, mais ça devrait le faire. J'attends que tout ait fini de s'effondrer, que les débris soient créés. je repends mon énergie sur tous les morceaux possibles à ma disposition, même ceux de mes propres murs.

J'inspire. C'est parti.
J'envoie tous les débris le plus rapidement possible vers le centre de l'énergie de Chris. Tous. Je veux resserrer les pierres autour de lui, faire de lui le centre d'une planète la plus solide possible. Des tonnes de roches se soulève rapidement, les éloigner du sol est épuisant, mais la poussière qu'ils soulèvent m'aident à me cacher, à former une épaisse fumée de poussière autour de moi.

Je consolide toujours ma petite planète, et plus elle gagne en poids, moins je la retiens d'être attirée par le sol, le but étant qu'elle finisse par écraser son haricot géant et à le ramener au sol, où il est possible que je sois en train de creuser un trou assez profond pour enterrer mon maître. T'inquiète Chris, on trouvera tous les deux le moyen de se faire pardonner, je le sais.

Je sens de la sueur glisser le long de mon front et mes membres s'engourdissent légèrement. Aaaaah, bah voilà qui va être drôle, on dirait que je commence à fatiguer.

Athéna ne tarda pas à répondre à la provocation du Master Terre. Un mince sourire étira le coin des lèvres de l'Homme qui avait un jour été son maître. Malgré son apparente tentative de meurtre, il ne pouvait qu'être fier de la femme accomplie qu'elle était devenue. Et puis, mener un tel combat, à forces équitables, était probablement un rêve que nombre de Masters rêvaient de pouvoir vivre un jour.

Il se prit donc l'ensemble des roches qu'il avait laissé s'effondrer sur la jeune Titan sur lui. Juste avant le premier impact, aussi vite qu'il l'avait pu, le temps qu'il comprenne ce qu'il était en train de se passer malgré la poussière, il avait bloqué ses avants-bras devant lui, collés l'un à l'autre, sa tête cachée derrière, et un bouclier de lierre géant l'avait entouré.

Tandis qu'il réfléchissait à sa prochaine attaque, il se sentit attiré vers le bas. Son lierre hurlait, écrasé d'un centimètre supplémentaire à chaque seconde qui passait. Il rouvrit les yeux à l'instant où il sentit que la terre s'était ouverte juste en dessous de là où il se trouvait. Vraiment ?

Un éclat passa dans son regard. Il savait que ce n'était pas équitable. Mais il savait aussi que son élève pourrait risquer de lui reprocher de ne pas avoir jouer à fond. Et elle avait besoin de ça. Être considérée comme son égale. Ne pas être ménagée. Il l'avait bien compris au début de ce combat. Les choses étaient différentes désormais.

Alors, se servant de son pouvoir de Titan, il se dépêtra de cette dangereuse situation dans laquelle il se trouvait. Quand il parvint à créer une sortie et à s'échapper de là, il n'était plus qu'à quelques centimètres d'être enterré vivant. Un rictus fier anima ses lèvres, et il plia ses jambes, concentrant son don unique dans ses jambes pour effectuer un saut légèrement supérieur à la moyenne, l'éloignant de ce cratère qui l'avait attendu bien sagement et laissant mourir une bonne fois pour toute ce lierre qui lui avait bien sauvé la vie.

Suite à sa fuite, il savait très bien qu'Athéna allait tout de suite surenchérir, aussi se cacha-t-il lui aussi dans la poussière, derrière un reste de mur, se concentrant sur son énergie pour la repérer à nouveau. Quand il parvint finalement à ses fins, il courut pour rejoindre le plus rapidement possible l'endroit où elle se trouvait. C'est au moment où il aperçut enfin son visage qu'il bloqua ses jambes d'argile, luttant contre le contrôle qu'elle exerçait elle-aussi sur ces prothèses. A force égale, il ne pouvait pas non plus en prendre le contrôle, mais cela suffisait à l'empêcher de pouvoir se déplacer.

Pourquoi les avait-elle faites de Terre ?

Il frappa contre ses mains, paume contre paume, et le sol commença à trembler sous la jeune fille, se fissurant pour la piéger, tandis que des ronces remontaient le long de ses jambes argileuses, recouvrant la totalité de son corps.

Est-ce que c'était lui, ou son rythme cardiaque était en train de s'accélérer ? Allait-elle réellement réussir à l'essouffler ? Lui ?

Le frisson me parcours enfin.
Déplacer des rochers gros comme des montagnes sans en ressentir aucun effort, c'est drôle deux minutes, mais ça n'est pas excitant. Le danger semble loin, moindre, on se demande vraiment si c'est nous qui faisons l'action. Tout se fait dans une telle facilité que ça n'est pas aussi grisant que je le pensais, seules les attaques de l'adversaire me font ressentir cette passion du combat. Parce qu'il se donne autant à fond que moi, je le sens quand son pouvoir de titan le dépêtre de mon piège de débris.

Puis arrive la fatigue. Les muscles qui commencent à s'engourdir, comme au point culminant d'une heure de course. Ce moment où le corps perd ses moyens, mais aussi celui où l'adrénaline monte d'un seul coup, nous ferait encore tenir des heures, même épuisés. Un sourire prend place sur mon visage. Oh oui. Exactement ça, ce que je voulais ressentir. C'est parti.

Je le vois sauter, mettant une impulsion grâce à son pouvoir de Titan. Je suis sûre que je pourrais arriver à faire ça, quand j'aurai un meilleur contrôle de mes jambes- Il se cache ensuite dans le sable que j'ai soulevé -tss, tricheur va- avant que je sente son énergie m'approcher. Trop tard, il a déjà pris possession de mes jambes, il les bloque. Dans un élan stupide, j'essaye de lutter contre. Une seconde à peine, et j'arrête, on est sur un statut quo complet, je dois trouver autre chose... J'ai peut-être une idée.
Alors j'attends de voir la suite. Peut-être une erreur stratégique... non, c'est bon, j'ai bien fait. Des ronces remontent le long de mon corps rapidement. Bon. On va voir si ça marche, et dans ce cas il risque de pas aimer.

Le sol s'est fissuré sous mes pieds, je ne panique pas. J'ai appris avec Huo à être patiente, à ne pas faire totalement confiance à mon corps, à maîtriser mon environnement sans ça. Entre les entraînements avec lui et mon handicap, je dois dire que j'ai l'habitude qu'on me cloue au sol. Je me concentre sur mes jambes, et surtout sur les ronces -parce que ça pique ces saloperies. Au lieu de lutter contre son emprise, je vais dans son sens. Le processus accélère à grande vitesse ; mes jambes sont immobiles, elles se durcissent encore sous la pression, se changent en pierre, vont même jusqu'à créer du quartz à certains endroits, se figent définitivement dans le sol. Pour les ronces, ça va encore plus vite. Je les pousse à grandir, grandir autour de moi, grossir, s’épandre en branches obscènes, puis j'accélère encore, elles grandissent tellement qu'elles ne supportent plus leur propre poids, elles s'affaissent, elles se meurs, elles pourrissent. Tout ça sans que j'ai à bouger, aidée par le pouvoir de mon maître.

C'est vraiment grisant.
Il n'est vraiment pas loin maintenant, c'est la première fois qu'il est aussi proche de moi depuis le début du combat. Il sourit. (Si si ce que j'ai vu est un sourire.) Je sens un vent de fierté m'envahir. Incontrôlable. Toujours les jambes clouées au sol, je décide de gaspiller pleinement mon énergie. C'est un marteau immense de granite et marbre qui sort de terre pour atterrir dans mes mains, un manche de deux mètres de longueur, un poids réellement conséquent, qui me fait à peine l'effet d'un sac à dos un peu lourd (étrange). Ni une ni deux je n'attends pas pour balayer d'un coup l'arme devant moi. Au coup, j'associe ma force de titan et je propulse toute la terre au dessus de laquelle il passe vers mon ancien maître.

Un peu de corps à corps ?

Chris se demandait bien quelle allait être la réponse d'Athéna face à l'immobilisation de ses jambes. Il n'aurait probablement jamais pu deviner qu'elle choisirait de les... abandonner.

Le Master Titan arqua un sourcil en sentant les différents minéraux et pierres précieuses remonter à la surface. Les jambes de son ancienne élève se bloquèrent, non, s'ancrèrent dans le sol, ne faisant désormais plus qu'un avec. Chris ne comprenait pas bien ce qu'elle venait de faire ; est-ce qu'elle n'avait pas signé sa fin ? Sans capacité de mouvement, comment pouvait-elle lui tenir tête ? La combat n'était absolument plus équilibré - et si Chris détruisait ce qu'elle avait fait de ses jambes d'un coup de poing ? Qu'adviendrait-il d'elle ?

Il n'eut cependant pas le temps de pousser plus en amont sa réflexion : ses ronces avaient grossi, gonflées par le pouvoir d'Athéna, au point de se détacher d'elle et de s'effondrer sur le sol, grossissant encore jusqu'à pourrir et mourir.

C'était assez triste, mais cette action avait fini d'achever Chris qui avait bien compris qu'à présent, il n'y avait vraiment plus de cadeau à se faire. Elle avait officiellement déclaré la guerre. Et son coeur meurtri le soulignait bien comme il le fallait.

Le Titan n'a qu'à peine le temps de faire son deuil que la sauvageonne reprend le combat, armée d'un immense marteau qu'elle abat dans sa direction. Le vent siffla, la poussière s'accumula autour de l'engin pour s'abattre sur Chris. Le Master eut à peine le temps de mettre ses mains devant lui pour bloquer en partie le coup, reculant de quelques bons mètres sous l'impact, n'étant parvenu qu'à fissurer le marteau de roche.

Il se redressa, reprenant lentement ses esprits, et fixa son regard sur sa cible. Elle avait visiblement prévu de rentrer seule à Terrae...

Il grinça des dents, une fraction de seconde, puis se redressa et courut dans sa direction, essayant d'ignorer ses muscles engourdis qui le tiraillaient de partout, profitant du manque d'agilité qu'elle avait engendré du fait de la fixation de ses jambes

Il se jeta sur elle, donnant un coup de pied dans ses jambes pour les décrocher du sol, ne sachant pas vraiment s'il les avait détachées correctement ou en les brisant. Il tomba au sol sur elle, la forçant à lâcher le marteau. Il plaça son avant-bras sous sa gorge, et son poing libre vint frapper le sol, les faisant tout deux chuter d'un étage dans la crevasse qu'il venait de créer.

Il se redressa rapidement et bondit pour sortir du creux, avant de claquer ses mains l'une contre l'autre, indiquant à deux plateaux de terre de se resserrer pour enterrer la néo-Master sous terre.

Il s'accroupit ensuite sur le sol, puis tomba assis, cherchant à récupérer son souffle. Il essuya la sueur qui perlait sur son front, fixant l'endroit où Athéna avait disparu.

Ohoh, on dirait que ça ne lui a pas du tout plu.
Je tremble presque devant son regard froid, je n'y suis pas aussi habituée que je voudrais bien l'admettre. Le frisson n'est pas du tout le même, pour la première fois, je me sens vraiment en danger. Avec surprise, mon marteau ne rond pas sous sa défense. Il est fragilisé, mais je n'aurai de toutes façons plus l'occasion de m'en servir.

Il se jette sur moi, décroche mes jambes d'un coup de pied. Le socle se barre, et alors que je m'apprête à faire un pas en arrière, un bout de ma précédente prothèse se bloque dans la caillasse. Et merde, si j'avais opté pour une structure totalement terreuse au lieu de mécanique, j'aurais pu simplement faire un pas en arrière, et la terre aurait reconstitué des jambes juste sous mes pieds, pour que je puisse marcher. Mais non, ce contre-temps et erreur stratégique me fait tomber au sol, Chris au dessus de moi.

Son avant-bras se pause sur ma gorge, et là, j'ai vraiment peur.
Parce que nous sommes des titans. Parce qu'une pression un poil trop forte, à peine incontrôlée, là tout de suite, peut faire des dégâts faramineux. J'ai d'autant plus conscience de mon corps depuis que j'en suis privée d'une partie. L'espace d'un instant, je suis désemparée. Je pourrais le repousser facilement, après tout je suis la plus proche du sol. Mais je sais que dans un véritable combat, contre un adversaire qui me veut du mal, cette erreur aurait signifié ma mort. Le cou brisé en quelques secondes.

Son poing vient frapper le sol à côté de moi, je sursaute, avant que le sol ne se brise sous moi et qu'il n'heurte le sol un étage plus bas. Urk, heureusement que j'ai amorti la chute du mieux possible, sinon je pouvais dire adieu à ma colonne, merci maître.

Il se redresse et je me rends compte que j'ai oublié de respirer.
J'ai à peine le temps de faire entrer de l'air dans mes poumons que je sens l'énergie de Chris tout autour de moi et je comprends ce qu'il s'apprête à faire. La terre se referme sur moi, et je la repousse comme je peux pour créer un cocon autour de moi. Mes mains galèrent à lutter contre les forces de Chris mais je force, autant que je peux. La fatigue monte beaucoup plus vite, trop vite. Mes mains tremblent.

Lorsque le mouvement du sol s'arrête, je tousse un moment. La poussière soulevée par tous ces mouvements, l'obscurité et l'endroit étriqué où je me trouvent ne sont pas des facteurs rassurants, heureusement je suis chez moi. Au sein même de mon pouvoir. Je prends mon souffle, une seconde, dix secondes, une minute.

C'est le moment pour un dernier coup d'éclat. J'étends ma force autour de moi. Grandissante, beaucoup moins dense et précise que je ne le voudrais, mais peu importe. La fatigue se mélange au stress et à l'excitation alors que la terre se met à bouger, puissante, autour de moi, faisant progressivement sortir de terre ma création, mon golem.
Une divinité de 7 à 8 mètres de haut, armée de quatre bras mal formés, enchevêtrement de pièces plutôt bien pensées, une marionnette géante dont le cœur n'est autre que... Moi.

D'un coup, mes bras, mon énergie retombent.
Ma tête tourne violemment et je tombe dans le fond de mon alcôve alors que mon arme s'arrête, devient une simple statue.
Il faut... Il faut que je sorte d'ici.
Je suis inatteignable- trop haute pour descendre...
Glisser... Enfin... Pas assez d'air...
Il faut que...
Chris.

Athéna resta enfermée quelques instants sous les plaques de terre que Chris avait glissées sur elle.

Les secondes s'écoulèrent et il ne cessa de fixer cet endroit où il avait enterrée vivante son ancienne élève. Il attendait, ne sachant pas pourtant à quoi s'attendre véritablement. Comment allait-elle se sortir de là, sans jambe, vidée d'une bonne partie de son énergie ?

C'est là que la Terre commença à remuer, d'abord imperceptiblement, puis de plus en plus puissamment. Chris fronça les sourcils, se redressa et se remit accroupi pour pouvoir agir plus rapidement en cas de contre-attaque.

C'est un immense golem de pierre qui émergea de la Terre. Il fallut un petit temps au Master pour repérer l'énergie de la jeune femme à l'intérieur. Il le sonda entièrement, analysant les pierres qu'elle avait engouffrées à l'intérieur, essayant de déterminer la force qu'il pourrait avoir ; entre sa force de Titan et son épaisse couche d'argile, quelle serait sa vitesse ? ...

La créature mythique se redressa et s'extirpa du sol, quelque peu maladroitement, aidée par ses membres pas forcément tous identiques ; un sauvetage de la Terre pour sauver l'un de ses enfants en péril.

Mais la Terre n'était pas suffisante ; il fallait plus que ça. Athéna n'avait plus de force. Le monstre de Terre s'arrêta net, se transformant en une simple (mais gigantesque toujours) statue. Et là, le coeur de Chris s'agita, son corps eut un regain net d'énergie, et ses membres se remirent à bouger en direction de l'Immensité qui lui faisait face.

Quelques pas, plusieurs bonds animés par sa force de Titan, il arriva bien vite sur les lieux de l'Appel ; cet Appel qui avait vibré avec tant de violence en lui. Cet Appel à l'aide qui l'avait anéanti, laissé là avec un arrière goût de culpabilité. Est-ce qu'il avait vraiment été jusque là, contre Elle ?

Tirer sur l'une des jambes du golem ne fut pas très difficile, car plus aucune force ne l'animait. Il le poussa à s'asseoir dans une chute qu'il amortit comme il le put, et parcourut les quelques mètres qui le séparait de l'énergie d'Athéna en quelques secondes à peine. Lorsqu'il fut sur place, il arracha la terre et les pierres du golem qui le séparait de celle qu'il aurait dû protéger, et non chercher à tuer.

La danse de son coeur explosa d'intensité alors qu'il découvrait enfin les cheveux de la Belle. Il redoubla d'effort, s'arracha la peau des doigts, et parvint enfin à hisser le corps de la Déesse hors de cette prison d'argile.

La déposant au sol avec inquiétude, il la laissa allongée alors qu'il vérifiait sa respiration, s'agenouillant derrière elle pour déposer délicatement sa tête sur ses cuisses. Il fixa un long moment sa poitrine, à la recherche de ce mouvement de haut et bas significatif du soulèvement et de l'abaissement du diaphragme, et poussa un soupir de soulagement quand il réalisa qu'elle était encore en vie. Il plaqua ses deux mains rugueuses sur ses joues, et marmonna d'une voix graveleuse - il n'avait pas parlé depuis un peu trop longtemps.

-Athéna.

Réveille-toi.

Lutter pour ne pas perdre conscience est plus qu'une question de volonté.
J'essaye de me pousser à ne pas sombrer, mais dès qu'on ferme les yeux, il est trop ta-

Je ne perçois rien, si ce n'est un immense soulagement. Du repos. Je ne sens pas mes tatouages se résorber lentement sur mon corps, je ne sens pas l'approche paniquée que Chris, je suis ailleurs, et le temps file sans que je m'en aperçoive. Je ne le sens pas non plus me soulever, me ramener au sol -peut-être mon estomac se soulève t-il un peu dans la descente, mais je ne suis pas là. Jusqu'à... Savez vous que notre cerveau réagit à l'utilisation de notre prénom même pendant notre sommeil ? Beaucoup plus qu'il ne le fait pour celui des autres. Lui finit par sentir qu'on m'appelle.

On m'appelle.
Une voix a raisonné dans les méandres de ma tête, ou peut-être que c'était un rêve ? J'ai du mal à ... La réalité est si loiiiin... Je n'arrive pas à ... Me réveiller ... Ouvre les yeux, quand est ce que je les ai fermé ? Réveille toi ! .... Hmph, c'est si dur, laissez moi dormir ... Est ce que je dois lutter, ou est ce que ... J'ai besoin de repos ... Ma tête tourne ... Il y a ... Contact ! Il y a quelqu'un ! Ouvre les yeux espèce de cerveau débile et flemmard !

Mes paupières s'ouvrent péniblement et la lumière irradie directement dans mon cerveau, me tirant un grognement. Merde, où ce que je suis... Je- Une ombre passe entre moi et le ciel, je sens une aura bienveillante autour de moi. Non c'est... Une personne aimante, que je connais- Mes yeux se plissent et je reconnais enfin Chris. Tout mon corps se détend d'un seul coup, je ne suis plus en situation de stress, je suis en sûreté. J'essaye de reconstituer dans ma tête les événements et  fronce les sourcils.

J'ouvre la bouche mais elle est pâteuse, alors je prends un petit temps pour moi avant de donner un autre signe de vie en posant ma main par dessus une des siennes qui retient ma tête.

_ J'y suis allée un peu fort, je dis d'une voix enrouée. Hm- il s'est passé quoi ?

Je reste allongée, de toutes façons même la position assise risque d'être un peu trop pour le moment, et debout je n'ose même pas penser à refaire mes jambes. Je suis complètement vidée. Et je tremble, j'ai besoin de sucre. Et d'eau. Mais surtout du sucre.

Le temps fila et Chris ne bouge pas. Il la fixe et à son grand désespoir, elle demeure immobile. Elle respire. Elle respire, et c'est déjà une bonne chose ; mais pourquoi ne se réveille-t-elle pas ? Est-il allé trop loin ? Sont-ils allés trop loin ? Auraient-ils dû s'arrêter avant ? Et si elle était tombé dans le comas ? Comment ferait-il ? Comment pourrait-il un jour se le pardonner ? Certes, c'était elle qui avait demandé un vrai combat, équitable dans les forces ; ok. Mais aurait-il dû l'écouter ? Elle n'était encore qu'une néo-master, elle ne connaissait pas encore toutes ses nouvelles limites (ou toutes ces absences de limites). Alors quoi, il l'avait... condamnée ?

C'est là que ses paupières se mirent à bouger. Chris sentit un fourmillement naître dans le creux de son estomac et remonter jusqu'à son coeur. Il se fit violence pour ne pas resserrer l'emprise de ses mains qui encadraient son visage, et se contenta d'esquisser un bref sourire quand elle ouvrit complètement les yeux, déposant une main sur la sienne. Son sourire disparut évidemment bien vite, surtout quand elle demandé ce qu'il s'était passé. Et si elle était devenue amnésique...?

Il se réconforta rapidement en entendant ses nouvelles paroles, et haussa une épaule.

-T'as voulu jouer à la plus forte.

Il releva la tête, cessant de la fixer. Ses mains se détachèrent de son visage ; elle n'en avait plus besoin maintenant qu'elle était réveillée.

-Dommage, à quelques minutes, t'aurais probablement gagné.

Il se redressa et se remit debout.

-T'as encore ton cristal de téléportation ?