Est ce que Chris a sourit ou est ce que c'est le contre-jour qui me donne des hallucinations ?
Je garde la version où il sourit comme officielle. D'abord parce que ça lui va terriblement bien, ensuite parce que j'ai envie de croire qu'il puisse le faire. Je me sens encore toute engourdie quand il me répond, le ton visiblement rassuré (il veut me faire croire qu'il plaisante juste, mais je parie que je n'ai pas été très rassurante).

Il me dit que j'ai voulu jouer à la plus forte. Je ricane, un grand sourire se formant sur mes lèvres alors que je ferme les yeux -j'ai le soleil dans la gueule maintenant qu'il s'est redressé. C'est tout moi ça.

_ Je ne permets pas, je suis la plus forte, je lance sur le ton de la plaisanterie.

Il se relève et je profite encore un peu de ma tête sur le sol pour reprendre mon souffle et un peu de mon énergie. C'est étrange, quand je suis vidée comme ça, j'ai l'impression de moins sentir la présence de la terre... Probablement parce que la connexion devient trop faible ?

Il me dit qu'à quelques minutes près, j'aurais probablement gagné. Là encore, j'arbore un sourire semi-victorieux, retenant l'information. Il ne s'est donc pas retenu. Avec un peu de chance, j'aurais pu lui faire sortir sa Greffe... Dommage, il a encore du subir la mienne. Je crois m'en souvenir vaguement, elle s'est activée au moment critique, comme un réflexe de survie. J'ai bien envie de lui demander ce qu'il a ressenti, mais il est généralement avare de mots...

D'ailleurs, il se relève et demande si j'ai toujours mon cristal de téléportation. C'est vrai qu'il y avait beaucoup de chances pour que je le perde dans la bataille, avec le bordel qu'on a foutu... Je me redresse en position assise tant bien que mal, regardant le désastre. Hm. Les autorités chinoises et mongoles risquent de râler si on ne remet pas tout en état comme promis... Je crois qu'on va devoir déranger Keitaro ou Maria, oops ! Parce que je n'en ai clairement plus la force et je ne pense pas que Chris l'ait non plus.

Je fouille dans ma poche et lui tends le cristal de téléportation, alors que je sens mon énergie revenir tout doucement.

_ Tu veux tenter ta chance ? Ça serait cool si tu pouvais nous téléporter directement dans ma maison, je ne suis pas sûre de pouvoir rentrer chez moi par mes propres moyens...

Bien que la possibilité qu'il me porte tel un chevalier servant à travers Terrae ne me déplairait pas, j'ai comme dans l'idée que ça ne lui ferait pas plaisir.
Je regarde autour de moi, un peu embarrassée, venant de me souvenir de quelque chose...

_ Et- enfin est ce que tu pourrais retrouver mes prothèses ? C'est un modèle avancé, ça m'embêterait de le laisser là...

Je m'attends à ce qu'il souffle ou lève les yeux au ciel, mais j'ai vraiment besoin de les récupérer. Même abîmées, ce sont des bijoux de technique et technologie et je n'ai malheureusement pas le luxe de les perdre...

Chris arqua un sourcil. Il ouvrit la bouche pour répliquer, mais s'abstint, et se contenta d'un grognement avant de tourner le dos à son ancienne élève. "Téléporte-nous chez moi" "Va chercher mes prothèses !" Il le savait ! Il savait qu'il n'aurait pas dû se donner à fond, même si c'était ce qu'elle demandait... A cause de cette fatale erreur, voilà qu'il se retrouvait à devoir s'occuper d'elle.

Il maugréa dans sa barbe tandis qu'il se redressait et commençait à marcher en direction du lieu où avait eue lieu l'altercation à l'origine de la perte de ses prothèses. Il commença à chercher, puis, las et surtout vidé d'énergie physique, il décida d'utiliser le peu d'énergie magique qu'il lui restait pour sonder le sol à la recherche des fameuses prothèses. La zone passée au peigne fin, il finit par tomber dessus. Il se dirigea vers l'endroit indiqué par son radar mental, et grimaça. Bon. Elle voulait vraiment les récupérer ?

Il revint vers la grande blessée et lui tendit ce qu'il restait de ses prothèses. Bon, après, il y connaissait rien, c'était peut-être pas si grave que ça...

-Tiens.

Le Titan fouilla ensuite dans sa poche pour sortir le cristal de téléportation que lui avait donné Athéna quelques instants plus tôt. Il le fit tournoyer entre ses doigts, pas très à l'aise à l'idée de devoir utiliser ce pouvoir. Le souvenir de leur arrivée semblait vraiment très récent, peut-être qu'ils devaient encore attendre un peu avant de rentrer, on ne sait jamais. Abuser de la téléportation n'était jamais très conseillé, surtout pour les Terres...

Il déglutit. Puis eut se rappela d'un détail important.

-Je ne suis encore jamais venu chez toi depuis que tu es passée Master...

Dommage ! Plus de téléportation !

... Bon, si, il fallait quand même rentrer. Il jeta un coup d'oeil à la jeune néo-Master, et se demanda s'il ne devait pas plutôt la déposer à l'hôpital. Hmpf. Mouais. Norah allait encore lui demander de remplir un énorme formulaire, et tout le monde sait que la lecture c'est pas son fort. En plus, elle était pas si mal en point que ça, il fallait juste qu'elle dorme.

Essayant de se remémorer l'emplacement de la maison d'Athéna dans le quartier des Masters (il n'avait pas pu s'empêcher de passer devant après que le logement lui soit attribué), il s'approcha d'elle et se pencha pour la prendre dans ses bras.

-T'es pas facile à transporter. Tu tiens bien tes prothèses ? Si elles tombent, je reviens pas les chercher.

Il prit soin d'attendre la validation de la jeune fille avant d'inspirer longuement, se préparant pour la téléportation. Quel enfer. Il savait faire, ce n'était évidemment pas le problème. Le problème, c'est que son estomac allait encore être retourné, comme à chaque fois.

Il expira, et les téléporta tous les deux en face de la maison.

-Tu as tes clés sur toi ou c'est ouvert ?

Et là, il espérait vraiment que c'était ouvert et qu'il pouvait faire confiance à la facilité d'Athéna à faire constamment confiance à tout le monde tout le temps. Parce que si en plus il devait aller fouiller dans ses vêtements, il allait rapidement changer d'avis et la déposer sur le sol en face de sa porte d'entrée.

... Nan, bien sûr qu'il ferait jamais ça, il oserait jamais faire ça, pas à Athéna, mais quand même, ça commençait à le saouler d'être le chevalier servant.

Comme attendu, je sens que la situation ne lui plaît pas, mais je n'ai pas vraiment le choix.
Lorsqu'il tourne le dos, je me masse les tempes, sentant une migraine poindre. Sûrement un mélange de l'effort exécuté et du changement d'air, mais dans le doute il ne faudrait pas que je tarde trop à rentrer.

Lorsqu'il revient et me tend les prothèses en morceaux, je lâche un soupir de soulagement. Seule une pièce est tordue et nécessitera un peu de métallurgie (heureusement il me reste deux utilisations du cristal de feu que j'ai en ma possession) mais le reste semble être en relativement bon état. Rien d'irremplaçable du moins. Je les ai crées pour qu'elles soient à la fois rigides et à la fois facilement démontables pour les cas comme celui ci. Un peu comme les skis, des attaches trop serrées peuvent créer de plus gros problèmes que des attaches souples.

_ Merci, je souffle.

Il sort ensuite le cristal et... Semble gêné. Ah, oui, c'est vrai, jamais venu. Un sourire m'échappe et je lève un sourcil. Maître indigne va, j'ai construit ma maison intégralement avec ce que nos pouvoirs nous permettent, et tu n'es jamais passé me voir. Peut-être parce que je ne l'ai jamais invité ? Je n'ai pas fait de crémaillère non plus, vu que j'ai commencé directement à y travailler... Je ne peux pas lui rejeter la faute, même s'il est vrai qu'il aurait été arrangeant qu'il soit venu, au moins pour cet instant.

_ Et bien voilà, ça te donne une bonne occasion !

J'ai prévu de l'aider, évidemment, je ferais tous les efforts possibles pour penser à l'endroit précis, histoire que ça oriente peut-être un peu notre téléportation, qui sait. Ou peut-être que je devrais le laisser se débrouiller tout seul, après tout il vient de me dire que je suis "pas facile à transporter" comme si j'étais un vulgaire colis, merci bien môsieur-le-tact-je-connais-pas. Il me demande de manière abrupte si je tiens bien mes prothèses, parce qu'il ne reviendrait pas les chercher. Je lui fais signe que oui, je n'ai de toutes façons aucun intérêt à les perdre, je préférerais éviter de me balader en fauteuil durant les prochains mois.

Je ne dis rien, et je prends une inspiration. Puis la sensation change, l'air aux senteurs connues prend à nouveau place dans nos poumons, et je comprends que nous sommes à la maison. Je suis à peine surprise de nous voir sur le pas de ma porte et je créé deux jambes en terre branlante pour me détacher de mon maître et ouvrir la porte de la maison. Enfin, l'ouvrir... Je soulève un loquet de pierre situé à l'intérieur de la porte en elle même et hop, la porte s'ouvre quoi. Ouiii, ça n'est pas la sécurité maximale, mais il n'y a pas grand chose à voler ici. Enfin si, du matériel en quantité, mais encore faut-il savoir s'en servir.

Je me laisse longer le mur jusqu'à un fauteuil roulant situé à l'entrée, et je m'y installe avec un certain soulagement, relâchant mes prothèses temporaires de pierre. Je me retourne vers l'entrée, avec un sourire fatigué.

_ Tu veux venir visiter ? Le rez-de-chaussé n'a rien de privé. A moins que tu aies autre chose de prévu.

Je lui laisse une porte de sortie, car j'ai comme dans l'idée que ça ne l'intéresse pas. Et puis, on s'est absentés un moment, il doit probablement avoir d'autres devoirs plus urgents à accomplir, surtout qu'il doit être fatigué lui aussi.

Alors que la téléportation s'acheminait à bon port, Athéna prit la décision de descendre des bras de Chris en se créant de jolies jambes de pierre, et Chris l'observa, interdit.

Est-ce qu'elle ne venait pas de faire exprès de profiter de lui ?

On mettra ça sur le compte de la bataille qui faisait rage il y a à peine quelques minutes encore. Elle devait être fatiguée à ce moment-là, ça expliquerait pourquoi elle s'est laissée si facilement transportée par le Titan.

C'est donc pour cette raison que Chris se retiendra de grogner expressément, et qu'il se contentera de bougonner dans son coin.

Un mince sourire étira le coin de ses lèvres alors que la jeune Master se contentait d'ouvrit un loquet pour pénétrer à l'intérieur de la maison. Ce sourire disparut évidemment bien vite quand il pénétra dans la maison à la suite de son ancienne élève. Une fois sur son fauteuil, elle s'adressa à lui, et le Master fit mine de hausser une épaule désinvolte.

-Une autre fois, probablement. Il faut que je retourne à l'entrée, j'ai déjà quitté mon poste depuis trop longtemps.

Comme bon gardien qui se respectait, Chris aimait avoir des règles, et les respecter à la règle. Il n'était pas franchement de ceux qui réfléchissaient et qui prenaient les décisions ; c'était beaucoup plus simple, et plus confortable, de n'en être que l'exécuteur.

-Je repasserai dans la semaine. Maintenant que je suis officiellement invité à visiter...

Alors qu'il faisait volte face pour repartir, il s'arrêta dans l'entrebâillement de la porte.

-Repose-toi aujourd'hui. Le contre-coup est toujours terrible.

Il en savait quelque chose. A sa façon, lui aussi avait essayé d'exploiter ses ressources à fond, le jour où il était passé Master... Qui ne le ferait pas, après tout ?

-Bonne journée, Athéna, acheva-t-il en disparaissant derrière la porte.

Je reconnais bien là mon maître.
Avoir quitté l'entrée depuis trop longtemps, ça me fait sourire un peu. Je comprends son attachement à son travail, j'ai le même. Des fois, je me demande s'il ne se sent pas un peu seul, des fois, tout seul à l'entrée. Mais c'est sûrement moi, la différence entre posséder sa maison et vivre dans un internat (ce qu'est plus ou moins l'Institut) est toujours un peu difficile à appréhender au début.

Quand il me dit qu'il repassera dans la semaine, une agréable chaleur se repend le long de ma colonne vertébrale. Avant qu'il n'ajoute la suite, et je ricane doucement. Quoi, il attendait que je l'invite ? Quel fourbe. La prochaine fois je lui enverrai une lettre avec inscrit Bonjour Monsieur, vous êtes officiellement autorisé à rendre visite à votre plus chère élève (si si je le sais) quand il vous sierra, elle sera heureuse de vous voir".

Il s'arrête dans le chambranle de la porte. Pour me conseiller de me reposer. Je souris doucement, fatiguée. Je ne me doute pas que le contrecoup soit dur, j'avoue avoir du mal à garder l'équilibre et les yeux ouverts. Je hoche la tête, afin de le rassurer. Puis il me souhaite bonne journée et s'en va.

Oh bordel. Je suis vidée. Contre lui dans l'arène, j'aurai perdu, c'est sûr. Un léger sourire flotte sur mes lèvres alors que je me dirige vers la cuisine, pour prendre un verre d'eau et un café. Je termine quelques commandes et ensuite, promis Chris, je vais me coucher.