Le mercredi après-midi était long ; c'était réservé aux cours de langues. Je suis pas mauvais élève, mais faire preuve de patience et d'écoute durant autant de temps, c'était parfois une épreuve. Se retenir de regarder par la fenêtre, un exploit. Pourtant ça devrait être plus facile aujourd'hui ; Étienne n'est pas là pour tenter de me faire sourire avec des grimaces ou me passer des petits mots pour parler de tout sauf du cours. Mais non. J'étais là, assis, le regard dans le vague, le bruit de fond du cours bourdonnant dans mes oreilles, et ma tête complètement ailleurs. Roda devait s'ennuyer, elle aussi, à m'attendre sagement au pied de mon lit dans le dortoir... A moins qu'Alice soit passée la voir, ce dont je ne doute pas...

C'est à se demander comment je fais pour avoir des notes correctes ! Ah ouais... j'ai rien d'autre à faire de mes journées que mes devoirs, voir des recherches plus poussées. Ok ça joue. Et en même temps est-ce qu'on peut m'en vouloir d'apprécier le visionnage de Hair en version japonaise ?....... HAAAN MAIS tu m'étonnes j'ai pas de vie sociale si je soûle les gens avec Let the Sunshine in...

DOKOOOODEMOOOOOO MUNEGATSU MARI SOO NEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEE~

...Sauvez-moi, je suis un nerd.

Peut-être que j'ai pensé trop fort parce que la sonnerie retentit... Ou alors on nous ment, la directrice est Télépathe et c'est elle qui appuie sur un bouton pour nous libérer quand elle en a marre d'entendre nos frustrations. Je pars trop loin. BREF ON S'EN FOUT. Je mets tout dans mon sac en bourrant tout là-dedans comme un gros babouin. C'est bon, j'en peux plus, j'abandonne pour la journée quitte à mal le fermer après. Là, j'ai besoin d'un livre, d'une tasse de thé et de Roda qui s'endort à mes pieds, roulée en boule après sa promenade méritée.

...Sauvez-moi, je suis un vieux.

Non vous savez quoi, je vais me sauver tout seul... en faisant exactement ça, rien à foutre. Je cours presque pour sortir de la salle.

[HRP : Vraiment désolé pour le temps de réponse ><]


Le dernier cours du mercredi était un cours de langue, ainsi, Senri devait retirer sa puce traductrice pour pouvoir pratiquer et progresser convenablement. Comme on s’en doute, Senri était peu enchanté par l’idée de manière générale. Qu’il sache, Terrae était sur le sol japonais, alors pourquoi diable lui enseignait-on la langue de ces, je cite, « bouffeurs de baguettes ». Heureusement, la professeure était japonaise aussi, elle n’avait pas l’accent en carton et incompréhensible de tout les autres profs de langue.

Mais aujourd’hui, Senri était particulièrement énervé. Le cours d’avant, en japonais, il avait été interrogé et le professeur l’avait reprit sur sa prononciation. Le jeune homme s’était insurgé, lui qui était japonais, face à cette humiliation. Il fallait dire que la large majorité des élèves n’étaient même pas asiatique. C’était certainement lui qui avait la meilleure prononciation de tout le cours ! Et comme à chaque fois qu’une telle situation se produisait, Senri était sortie du cours. Chose qui faisait preuve d’une bonne intention ; il ne voulait pas retourner le bureau du professeur devant tous ces élèves.

Lors du deuxième couple d’heures censé finir la journée, Senri était revenu en classe. Étreint par la culpabilité d’avoir manqué son cours. Cependant, les regards ahuris de ses camarades en le voyant lui firent immédiatement regretter d’être revenu et achevèrent son envie de suivre ne serait-ce qu’un peu le cours.

Ainsi, lorsque l’ultime sonnerie retentit, il fourra une feuille avec quelques notes distraitement prises et son stylo dans son sac avant de prendre la direction de la sortie.

Il fut le premier à sortir. Ou presque, alors qu’il passait la porte, il sentit quelque chose le bousculer. Senri manqua de tomber suite au choc. Il releva la tête en grognant vers la personne qui, tout aussi désorientée que lui, était responsable du choc. Si l’on omet le fait que Senri marchait sans grande conviction et ne faisait rien pour faciliter le passage avec son surplus de muscle.

-T’peux pas faire attention, tocarde ?! Dis pardon, au moins !

Il avait aboyé ses mots sous le coup de la colère. Juste avant de se rendre compte que la « tocarde » en question, portait le pantalon de l’uniforme de Terrae et non la jupe. Il y avait donc fort à parier qu’il s’était trompé sur le genre de la personne qui venait de le bousculer. Pourtant, l’idée de présenter des excuses à son tour ne lui traversa même pas l’esprit, pire, il vint réclamer les siennes de la pire manière possible. En se mettant devant la tignasse blanche, bras croisés, sourcils froncés, regard noir, en attente d’excuse. Le tout en jaugeant de haut en bas le garçon.

[HRP : T'inquiètes, tu m'avais prévenu x) ! J'étais trop content de voir ta réponse t'as pas idée !]


Je suis rentré dans quelqu'un, genre, correct. Avec mon poids plume, lancé à pleine vitesse, moi j'ai rebondis et je suis tombé sur mon arrière-train... Mon sac à peine fermé a laissé s'envoler la plupart des feuilles que j'avais mis sans application dans mon sac. Lui, il a pas bougé des masses, et il s'est retourné en me toisant de toute sa hauteur. Il devait être un poil plus grand que moi en vrai... mais comme il était debout ça jouait. Mon "camarade" de classe était pas vraiment jouasse de s'être fait rentré dedans, et je le comprends parfaitement. Je suis tout petit et tout fin et pourtant y'a encore des gens pour réussir à cogner mes épaules dans les couloirs juste parce qu'ils font pas attention. Mais ce que je comprends pas, c'est qu'il me traite de "tocarde". Ouais. Tocarde.

Je réagis pas tout de suite. J'veux dire, je suis tout chamboulé par le fait que je dois récupérer mes notes, dois me bouger du passage pour laisser les autres sortir... Je crois que je suis un peu submergé par mes émotions, surtout quand le gars me regarde avec ces yeux-là. J'ai tendance à éviter les regards noirs comme ça, d"habitude, mais là, comme je sais parfaitement que c'est ma faute, ça me perturbe... ça me sort de ma zone de confort... et- et en plus il me traite de tocarde. Je crois que je bafouille. :

-P-pardon... je marque une pause. M-mais...

Et merde, je commence à trembler de partout... Je me donne en spectacle et j'aime pas ça. DU. TOUT. Je crois que j'ai des larmes qui commencent à monter à mes yeux, j'essaie de baisser la tête pour les cacher. ...Et puis je change d'avis. Parce que d'abord, j'ai pas à me ratatiner devant des caïds ! J'ai pas fait exprès ok ? J'aime pas chercher la merde moi. Et puis d'abord... D'ABORD ! :

-Je suis pas une tocarde !

Je lâche ça comme un gamin frustré de pas avoir eu son goûter avant de réaliser que je me suis planté... CHOUETTE maintenant je rougis comme un abruti, double super. Je cherche la mèche de cheveux que je mets habituellement derrière mon oreille pour voir où je vais -ON VOIT A QUEL POINT C'EST EFFICACE- pour la placer devant mes yeux, comme pour me cacher, mes feuilles toutes froissées encore dans mes bras... J'ai honte putain. :

-J-j'voulais dire. J'suis pas une fille...

Tuezmoituezmoituezmoi....

La mine tordue par la colère, ne donnait pas à Senri un air très avenant. La bouche crispée, les sourcils froncés, il avait l’air d’être prêt à encastrer son pauvre interlocuteur dans le mur d’une minute à l’autre. Il attendait toujours des excuses. Cependant, le tonnerre avait eut un pincement en voyant son interlocuteur ramasser ses feuilles alors que le reste des élèves sortait des salles de classe.

Visiblement, la situation ne mettait pas très à l’aise le chevelu. Il tremblait, tenter de s’effaçait pour finalement, revendiquer qu’il n’était pas une « tocarde ». Senri arqua un sourcil et laissa échapper une sorte de grognement d’incompréhension. C’est tout tremblant et honteux que le jeune homme expliqua qu’il s’était trompé de mot.

Senri ne dit rien. Il se contenta de regarder la tignasse blanche juchée sur un visage écrevisse.

Lentement, son regard bifurqua vers les élèves qui passaient dans le couloir et s’arrêtaient pour satisfaire leur curiosité. Un petit attroupement avait commencé à se former autour d’eux. Il serra les dents et sa colère tordit encore un peu plus les traits de son visage.

- Eh, les tocards, allez voir ailleurs si j’y suis.

De petits éclairs se mirent à grésiller sur le haut de son crâne tandis qu’il assassinait du regard chaque personne jetant, ne serait-ce qu’un regard, à la scène.

Finalement, il reporta son regard sur celui qui l’avait bousculé.

- Ça va, j’ai vu tocard, j’suis pas aveugle.

Devoir avouer, ou tout du moins suggérer, qu’il avait tort n’arrangea rien à l’état de Senri. Ses dents grincèrent les unes sur les autres avant qu’il ne reprenne la parole.

- C’juste que t’as une dégaine chelou, là. J’mal vu et j’m’en carre. Excuse toi de m’avoir bousculé.

Il ne pas voulait en démordre. Restant droit comme un piquet, les bras le long du corps, le torse bombé et le dos droit pour paraître le plus grand et impressionnant possible. Cependant à mesure que le temps passait, Senri sentait les regards des autres personnes peser sur ses épaules comme d’imposantes enclumes. Il avait tellement envie de se retourner et de balancer des éclairs dans la foule. Mais deux choses l’empêchaient de faire ça. La première, c’était qu’il ne contrôlait pas encore assez bien ses pouvoirs pour faire quelque chose comme ça avec sa foudre, la seconde, c’est que ça ne se faisait simplement pas. Bien que ça, Senri l’oubliait souvent.

-Tch.

Sans prévenir, il s’avança vers son interlocuteur et l’attrapa par le bras, pour le tirer dans la salle qu’ils venaient de quitter. Une fois à l’intérieur, Senri se tourna vers son camarade, essayant au mieux de cacher les signes de son anxiété.

- On était trop au milieu dans l’couloir, j’aime pas ça.

Il se gratta l’arrière du crâne à ces mots. Il ne savait absolument ce qu’il était en train de faire.

En vrai, si je pouvais choisir un pouvoir là, maintenant, tout de suite, ce serait invisible. Je suis tellement embarrassé par ma propre réaction que j'arrive pas à répondre au caïd comme je le voudrais ou le ferais normalement. Et puis... Et puis j'abîme mes feuilles. Je réagis comme un enfant c'est horrible... Quand la voix de mon camarade de classe retentit à nouveau, c'est pour engueuler ceux qui nous regardent et qui s'amusent clairement de la situation... En plus, il est tonnerre. C'est pas les impulsifs les Tonnerres par hasard ? OUI SUPER C'EST PARFAIT CA.

Il me balance qu'il l'avait vu que j'étais pas une meuf. Je lâche un rire bref et amer, retrouvant un peu de dignité apparemment. Et puis il me réinsulte genre, comme ça, tranquille, en lui disant que c'est moi le chelou. Mais. Mais c'est pas comme ça qu'on s'excuse MONSIEUR ! Je marmonne. :

-J'me suis déjà excusé. Moi.

EH OUAIS. Y'a même plein de témoins alors kestuvafer HEIN ?!

...Ah bah il me soulève d'un bras et me pousse dans la classe avant de refermer la porte derrière lui. Me privant de témoins. Omg. Il va me tabasser ? Il va m'agresser ? Je fais quoi dans ce genre de situation ?! En plus C'EST PAS JUSTE ! Il a des pouvoirs ! Est-ce qu'il- Est-ce qu'il peut me taser avec son électricité ?... C'est quoi la différence entre lunaire et solaire déjà ?... Est-ce qu'il va me tuer ??!!! :

-On était trop au milieu dans l’couloir, j’aime pas ça.

-Ah.

Oui bon dans la panique j'ai oublié que j'avais affaire à un lycéen, pas un gangster... Quoi que j'en sais rien, IL ME FAIT PEUR DEPUIS LE DÉBUT ! Mais je suis reconnaissant qu'il nous ait tiré du regard des autres... Même si c'était arrangeant dans un cas, j'arrivais plus à réfléchir correctement à cause de la foule. J'aime vraiment pas me faire remarquer. :

-Merci. soufflais-je. Moi non plus, j'aime pas ça.

Ok bon maintenant que je suis seul à seul face à un gars clairement plus fort que moi ET avec des pouvoirs, faut que je me ratatine c'est ça ?... Non j'ai pas envie. Alors je rajoute rien de plus et je commence à ranger mes feuilles dans mon sac, comme si de rien n'était. Comme je l'ai dit plus tôt, je me suis déjà excusé, malgré le fait que, lui, ne l'ait pas fait. Et maintenant qu'il n'y a personne autour de nous, j'vais pas me gêner pour lui tenir tête... Non mais.

Senri avait mis quelque temps à analyser les paroles du garçon. Ainsi, il ne percuta que lorsqu’ils furent tous les deux dans la salle de classe, qu’en effet, cheveux-blanc s’était excusé. La veine de colère de Senri commença doucement à se dessiner tandis que ses barrières de sensitifs commençaient tout aussi doucement à s’étioler. C’était imperceptible, mais l’angoisse de son interlocuteur imprégnait déjà son propre spectre émotionnel.

Il détourna le regard quand l’autre laissa échapper un : « Ah ». Il serra son poing et étouffa un grognement. Il était tenté de partir tout de suite, mais c’était assez illogique de partir alors qu’il avait demandé des excuses... mais son camarade les lui avait données sans qu’il les ait entendues. Il ferma les yeux et frotta ses tempes d’une main avant de reporter un regard énervé sur l’autre qui avait reprit la parole.

- Dans tous les cas, j’ai pas entendu tes excuses. Fin, si mais j’ai pas fais gaffe. T’parles trop bas, aussi ! T’as cru la puce c’tait une radio ou quoi ? Ou qu’t’étais une meuf de shojo, là ?

Senri avait parlé juste après son camarade et avait donc saisit le sens des paroles de ce dernier pendant qu’il parlait. Il s’en était presque automatiquement voulu. Le parasite d’angoisse commençait à prendre de plus en plus de place à l’intérieur du ventre de Senri. Ça ne lui plaisait pas du tout.

Il détourna le regard et se gratta l’arrière du crâne.

-Bon si tu dis que tu t’es excusé, j’vais te croire mais que parce que tu me fais pitié, hein. À d’main, tocard.

Il renifla comme dans les films de gangster en parlant avec un air faussement intimidant, avant de tourner les talons. Mais avant qu’il puisse faire le moindre pas, la porte s’ouvrit. Les garçons purent voir un des surveillants de l’institut entrer avec un chariot d’entretien.

- Yo les gars. J’dois me taper le ménage aujourd’hui. Mais comme j’vous ai vu rentrer tout à l’heure, j’me suis que vous vous porteriez volontaire hein ? Yamada, t’as pas le droit de refuser, j’dirais que t’as salopé sans vouloir ranger, sinon.

Senri voulut répondre mais l’homme aux cheveux gras et à la silhouette filiforme l’en empêcha.

- Et vu tes antécédents à la bibli, ça passera crème. Amusez-vous bien.

Et sur ces mots, il referma nonchalamment la porte, une fine commissure au coin des lèvres. Senri de son côté, bouillonnait. Ou plutôt, grésillait. En haut de son crâne crépitait à vive allure de multiples étincelles. Il tourna son regard brûlant vers son camarade et, malgré la crispation de son visage parvint à grogner quelques mots.

- T’as pas intérêt à te défiler.

Si ses yeux avaient pu lancer des éclairs comme son crâne, cheveux-blanc aurait été foudroyé.

J'ouvre la bouche... avant de la refermer promptement. De un, c'est quoi une meuf de shojo ? De deux... C'EST QUOI SON DÉLIRE A ME TRAITER DE MEUF ?! C'est pas comme si j'étais jolie. ...Wait. WAHT ? Non j'ai rien dit. N'importe quoi pff. Je suis un garçon un vrai... Arrête de m’agresser comme ça je t'ai rien fait merde ! C'est pas ma faute si j'ai jamais eu le besoin de gueuler pour être compris et entendu par les autres ! C'est juste toi qui est sourd !... ET POURQUOI JE M'ÉNERVE ?! C'est pas du tout mon genre de-... Oh putain... C'est un Sensitif. Ça me terrifie un peu plus ; c'est quoi son niveau ? est-ce qu'il peut me faire ressentir des trucs que je veux pas là maintenant ? c'était ma colère ou il déteignait sur moi ?... OU INVERSEMENT ça s'trouve... 'CHIER je le fais paniquer !

Mais il a l'air de gérer mon angoisse... parce qu'il se détourne, se gratte la nuque et... ça ressemble presque, de loin, en louchant, à des excuses maladroites. Ok il est mignon. .... HEIN ? :

-Euh ben euh à de-

La porte s'ouvre avant que je ne puisse répondre. Au Japon, ce sont les élèves qui font le ménage. Je m'applique quand c'est mon tour... Mais UNIQUEMENT quand c'est mon tour ! Faut pas déconner. Eh. MAIS EH J'AI UNE CHIENNE A SORTIR MOI ! :

-Non mais je-

Et la porte se referme. Ok je commence à saisir pourquoi le caïd -qui s'appelle Yamada apparemment- m'a demandé de hausser la voix un peu. D'ailleurs, il crépite, littéralement en me sommant de pas "me défiler"... :

-C'est pas mon genre.

#JeSuisUneVictime. Merde j'aurais dû trouver une réplique plus cinglante mais j'avais pas l'inspiration là, avec la tête de résistance électrique qui me faisait face. J'ai pris le balais pour faire la poussière, le laissant avec le tissu qui nettoyait le parquet. :

-Alors hum... Yamada...

Ok c'est nul comme entrée en matière après ce qu'il vient de se passer... Mais je voulais pas m'en faire un ennemi. D'abord parce qu'il était dans ma classe donc, eh, c'est toujours mieux de pas subir trop de tyrannie dans sa vie. Ensuite, parce que j'avais pas envie qu'il se fasse de fausses idées sur moi... peu importe ce que c'est une... fille de... shojo ? :

-Je suis désolé de t'avoir... percuté. D'habitude, je fais attention, j'aime pas attirer les regards... Mais j'avais très envie de rentrer. Le cours d'aujourd'hui était... chiant.

J'ai lâché ça, faute d'autres mots. Mais... c'était vrai, hein. :

-Et je suis désolé qu'on se retrouve à faire le ménage comme ça... T'avais peut-être d'autres projets... J'essaie d'imaginer ce que c'est la vie de lycéen à Terrae avec une vie sociale. Ça devait être plus important que ma chienne pour toi, en tout cas, alors pardon...

Je m'arrête et passe une mèche de cheveux derrière mon oreille... avant de le pointer du doigt -surtout son crâne en fait. :

-Ça te fait pas mal ? Tes pouvoirs ? 'fin... C'est impressionnant quand même.

J'ai pas encore rencontré de personne Initiée ok ? Ça m'intrigue.

Senri grogna simplement en réaction à la réponse du garçon quand ce dernier s’empara du balais. Le tonnerre attrapa donc la serpillière et le seau venant avec sans réelle conviction. Néanmoins, comme l’atmosphère était un peu plus calme, ses sentiments se calmèrent à tel point que Senri ne songea même à dresser de nouvelles barrières pour bloquer les émotions parasites.

Assez rapidement, le silence fut brisé par l’autre garçon, qui s’excusait à nouveau. Senri l’écoutait, acquiesçant de temps en temps, mais il ne le regardait pas vraiment. Il avait commencé à laver le tableau.

La réalité, c’est que Senri se sentait vraiment coupable. Il se rendait petit à petit compte, avec le recul, que son comportement avait été odieux. C’était néanmoins assez rare qu’il en arrive à cette conclusion tout seul. Dans tous les cas, il avait presque peur de se confronter au regard de l’adolescent aux cheveux blancs. Alors, il se contenta de répondre en frottant le tableau essayant d’être le plus distant possible.

- Ouais… je comprends.

Là, il osa lancer un regard au garçon, et lentement, il se tourna. Son regard restait néanmoins fuyant.

- J’suis désolé d’avoir crié aussi. J’sais qu’ça craint les autres qui t’regardent comme un monstre d’foire.

Les souvenirs de son enfance et de… Senri serra le poing autour du manche de sa serpillière. La colère venait de monter d’un coup. Il eut le réflexe de faire le vide dans son esprit et de se concentrer sur son interlocuteur.

- Et ouais… Ces cours sont pourris. Sérieux, on a des traducteurs dans nos oreilles h24, pourquoi on aurait besoin d’apprendre d’autre langue ?!

Senri commençait à bien maîtriser l’art de passer d’un sujet sensible à un autre sujet plus léger. Qui plus est, il put transfère la colère qui l’avait envahit sur les fameux cours de langues et ainsi, chasser de son esprit des souvenirs plus douloureux. Mais voilà que le gringalet s’excusait à nouveau. Cette fois, Senri ne détourna pas le regard, son camarade avait enchaîné trop rapidement pour que le cerveau du boxeur puisse correctement analyser la situation.

Ce n’est qu’à la fin des paroles du garçon que Senri se détourna, honteux, encore une fois d’avoir crié.

- Oh, t’as un chien ? La classe. Et c’est important de promener son chien, alors t’inquiète pas pour moi. C’est juste que je dois aller faire mes travaux d’intérêts généraux à la bibli, puis bosser aux thermes, alors j’en ai un peu marre du ménage. Du coup, plions ça rapidement, qu’tu puisses promener ton chien.

Lui, tout ce qu’il voulait c’était avoir un peu de temps pour lire des mangas – chose qu’il faisait parfois à la bibliothèque quand Ipiu avait le dos tourné, regarder des animes, s’entraîner… Quoique, il avait trouvé quelque chose pour s’entraîner. Mais nous y reviendrons certainement en temps voulu.

Il attrapa le manche de sa serpillière et la trempa dans le seau d’eau savonneuse. Il fallait mieux s’activer si il ne voulait pas arriver en retard au travail. Ainsi, c’est en frottant le sol que Senri releva la tête vers son camarade d’infortune.

-Ah… ça ?

Il leva les yeux et pointa son index vers son crâne.

- Ça va quand mon crâne est sec. Mais dès qu’il pleut ou que j’me douche, c’est la mort. J’essaie de m’entraîner à les contrôler, mais c’pas ça… Et toi, c’quoi tes pouvoirs ?

Senri essora sa serpillière avant de reposer son regard sur le garçon.

- Au fait, c’quoi ton nom ?

Quand, ENFIN, Yamada pose ses yeux sur moi, je me rends compte qu'il est pas aussi méchant que je me l'imaginais. C'est juste un ado, comme moi, qui a choisi une manière de s'exprimer différente... Je m'en fous, au final, du pourquoi. Le tout, c'est que, lorsqu'il m'explique qu'il n'aime pas trop être sous le feu des projecteurs et qu'il est désolé de m'avoir engueulé... Je suis content. Ça me fait plaisir, même, qu'il s'excuse alors que peut-être il ne pensait pas avoir à le faire jusque là. Je crois que, quelque part, il se rend compte qu'il m'a fait peur... Bon peut-être que je me fais des films mais ça me rassure ; je peux communiquer avec lui. Et je souris, parce que lorsque je le vois s'accrocher au manche de la serpillière, avec toute la défiance d'un jeune homme qui veut se faire respecter... ben je le comprends.

Il enchaîne en disant qu'il ne comprend pas qu'on puisse donner des cours de langues aux élèves si on a des oreillettes traductrices. Et si d'un côté je comprends les Masters qui veulent intégrer les élèves étrangers dans un cursus japonais, autant je me dis qu'un cours particulier selon les cas serait plus efficace et permettrait aux élèves sachant déjà parler japonais de ne pas être ralentis par les autres... En tout cas, si j'étais prof, c'est ce que je ferais. Des cours particuliers. Mais sur le coup je ris, tout simplement, parce que je comprends la frustration de Yamada quelque part : ça doit être terrible de suivre des cours de français débutant, pour moi qui suis français. Mon rire se fait entendre encore une fois, je ne le maîtrise pas bien qu'il reste aussi discret qu'un souffle. :

-Je pense que c'est à cause d'élèves étrangers, comme moi. Désolé. Le japonais, ce n'est pas du tout une langue qu'on apprend en Europe, sinon à la fac et vu le nombre de lycéen... Ils essaient de nous intégrer... Et pour les autres langues ben. Euh. Je suppose c'est une histoire de culture générale...

Pourquoi je m'explique ? Je sais pas. Peut-être que je voulais lui faire comprendre que sans ces cours et sans oreillette je serais démuni face à son langage ? Je ne sais pas.

En tout cas, ça importe peu puisqu'il me demande si j'ai un chien. Oui ! Je dois contrôler ma réponse puisque je ne veux pas l'interrompre alors j'attends qu'il finisse de parler pour répondre. :

-Oui ! Une femelle qui s'appelle Roda ! Elle a été éduqué pour mon frère qui était en fauteuil roulant donc elle est très calme et obéissante. C'est ma meilleure amie !

Ok j'ai UN PEU honte de le dire mais oui, ma Roda, c'est mon amie. Plus que n'importe qui. Je le rappelle mais je vais sur mes 18 ans et ma meilleure amie est un animal ok cool super je me sens super bien dans mes baskets.

Je ramasse le tas de poussière pour que Yamada puisse passer la serpillière en toute tranquillité. Pendant ce temps, je passe le chiffon sur les différentes tables des élèves alors qu'il m'explique ce qu'il se passe avec ses pouvoirs. Quand il est au sec, ça va donc... c'est logique, après tout l'eau conduit l'électricité... ça doit être plus galère de... AHAH il me demande mes pouvoirs... OK CHRYS y'a pas de honte à être encore initié alors que t'es là depuis... HOLY SHIT un an et demi ok reste frais. :

-Moi je suis encore novice, j'ai... pas ce genre de problème.

Yes, so smooth, j'ai trop géré. Yamada me demande ensuite mon prénom et c'est vrai que je lui ai pas donné. :

-Chrys Suede... Tu peux m’appeler comme tu le souhaites, j'ai conscience que mon prénom est compliqué pour certaines personnes.

Fun fact : en France, personne n'était capable de prononcer son nom de famille, on l'appelait Su-ède ou Su-eudeu (c'est [suédé] pour les curieux) mais au Japon, c'est son prénom qu'on prononce comme on peut (Kurisu-san/chan, c'qui lui paraît trop mignon.

Son interlocuteur rigola doucement avant de répondre qu'il était désolé, et que c'était quelque chose de nécessaire pour intégrer les étudiants étrangers. En soit, Senri se doutait qu'il valait mieux au moins maîtriser l'anglais, si jamais les puces venaient à ne plus fonctionner, vivre ici deviendrais un véritable calvaire.

Tout en se grattant l'arrière du crâne, Senri détourna le regard, honteux de son manque de tact. Il se rendait souvent compte, après coup, qu'il avait une attitude assez conservatrice vis à vis des non-japonais.

- T'excuses pas, c'pas ta faute. Terrae c'pour tout le monde. Puis à Sendai aussi on apprenait pas trop vos langues. En même temps, vos alphabets c'trop compliqué, là. Faut... Fin y a des combinaison à avoir quoi...

Senri tentait le plus possible de ne pas trop s'énerver ou dire des choses trop blessantes. Chose assez rare pour être relevé. Heureusement la discussion s'orienta vite sur la chienne de l'autre garçon. Senri dévisagea son interlocuteur avec des yeux mêlant incompréhension et curiosité.

- Woah, t'as l'air de vraiment bien l'aimer. Ça doit être sympa.

Un nuage de déception passa sur les yeux de Senri. Il n'avait jamais eu l'occasion d'avoir un animal alors, il était un peu jaloux.

Les deux garçons avançaient autant dans leur travail imposé que dans leur discussion. Senri, au fond de lui, était plutôt content. Il n'avait pas tellement de camarade de classe, ni d'ami. Il y avait bien Afya, mais elle était plus âgée et ils se voyaient rarement. Même si il y avait le club maintenant !

Tout ça pour dire, que lorsque le garçon aux cheveux blanc donna son nom, Senri, le visage figé en une moue soucieuse après répété tant bien que mal les nom et prénom de son camarade, alla jusqu'au tableau.

Il écrivit avec un mélange maladroit d'hiragana et de katakana les noms de son camarade.

- Ça s'écrit comme ça ? Tu sais l'écrire en Kanji? Regarde les miens ça donne ça !

Et sur ces mots, il écrivit d'abord Yamada, décomposant le nom avec les significations. Le Kanji du champs d'abord, puis de l'homme. Ce n'est qu'après qu'il écrivit son prénom. Prit d'une angoisse subite, il se depecha de le souligner et de l'expliquer.

- Ça s'lit Senri, hein ! Pas Chiri !

Un éclair passa rapidement sur son crâne sous le coup de l'émotion.

[Le prénom de Senri se lit vraiment Chiri, et c'est un prénom féminin ! Du coup si Chrys veut rendre à Senri la monnaie de sa pièce 8D]

Senri s'excuse à nouveau et je m'attache un peu plus à mon camarade de classe... Sérieux. On dirait moi quand je plante mes baguettes dans le riz pour éviter de les perdre, avant de me rappeler que ça ne se fait pas ici et que je vérifie si personne m'a vu, ou que je m'excuse platement devant ceux qui ont pu me voir. Il parle de Sendai, que je ne connais pas du tout, mais aussi de notre alphabet inspiré des grecs et... ok je vois où il veut en venir. Nous, ce sont des lettres, eux, ce sont des syllabes, des sons, même moi je trouve que c'est une meilleure idée pour former des mots ! Mais j'ai peur de dire une bêtise à ce propos, alors, je préfère lui poser des questions sur la première partie de sa réponse. :

-Sendai ? C'est chez toi. Euh... hmmm... Alors attends ! Dans mes souvenirs, il n'y a pas de préfecture qui s'appelle comme ça alors... c'est... une ville ?

Oui. J'essaie d'apprendre mes cours de géo pour au moins connaître l'endroit où je me trouve, c'est compliqué mais je m'accroche !

Quand la conversation tourne autour de Roda, j'ai la sensation que Senri ressent un peu d'amertume à ce sujet... Je sais pas, sa phrase est banale hein, plutôt gentille même... C'est peut-être dans la façon dont il le dit ?... Je souris un peu avant de conclure. Ça se trouve, c'est un sujet sensible pour lui. :

-Je te la présenterai si tu veux. Elle aime rencontrer des nouvelles personnes !

Et puis, bon, on va pas se mentir, Senri est bien plus costaud que moi, il doit être sportif... Même si Roda vieillit, elle adore courir dehors... et je suis sûr qu'ils s'entendraient bien !

Quand Senri s'approche du tableau, je hausse d'abord un sourcil. Pas que je suis surpris, mais je me demande ce qu'il veut faire... Et puis je le vois écrire quelque chose en japonais alors je plisse mes paupières, appelant toute ma concentration pour traduire... Mais ce que je reconnais sans peine, c'est mon nom, Suede, écrit avec des katakanas. :

-Oh ! m'exclamais-je soudain. Oh oui presque ! Je crois ?... je penche ma tête sur le côté. Oh la la, à part pour les particules j'ai vraiment du mal avec les hiraganas...

Je laisse Senri écrire son nom, pendant que j'essaie de me rappeler du mien -c'est une phrase bizarre ? ok oui. J'essaie de lire le sien à haute voix... Les kanjis, je ne les connais pas tous malheureusement, mais je suis presque sûr de reconnaître certain. :

-Ya... Hm... Oui, Yamada... Ch- euh... Chiiii ?

-Ça s'lit Senri, hein ! Pas Chiri !

-OH ! Pardon !

Je regarde les kanjis, vraiment perdus... Ok je comprends mieux pourquoi je galère avec cet alphabet... J'essaie de rattraper ma bêtise de débutant. :

-J'aime bien Senri... J'aime bien Chiri aussi, c'est joli ! Ça me fait penser à euh... Oh bah non "biribiri" ça n'a rien à voir en fait...

Ok. Je m'enfonce dans ma bêtise, je bafouille des excuses encore une fois, en faisant même une petite révérence vers l'avant... Habitude que j'ai pris à force de côtoyer des japonais. Je prends une craie pour corriger le "Chrys" en katakana, que Senri a presque bien retranscrit avant de lui expliquer... :

-En fait, les prénoms européens ne peuvent pas s'écrire en kanjis... Nos... syllabes n'ont pas de signification, juste le mot en entier... Du coup euh... si je devais trouver un prénom japonais ce serait...

Hm. J'hésite. Mais je crois bien que c'est le bon kanji... Je recule pour l'observer après l'avoir écrit... :

-Chou ? Parce que "Chrys", ça vient de "chrysalide" le... nid de la chenille qui se transforme en papillon tu vois ?... C'est mignon Chou en plus.


HRP : J'ai plein de trucs à dire omg.
Premièrement, Chrys confond le "千" dans Senri avec "ビ" dans l'onomatopée "biribiri" qui peut se traduire par une décharge électrique. Oui c'est dans le thème Tonnerre. Et oui c'est débile mais moi je confonds montagne (山) avec rivière (川) donc pardonnez-le !
Ensuite, le prénom qu'il trouve (Chou) 蝶 , veut bien dire "papillon" et... oui... c'est un prénom de fille mais il ne le sait pas... Tout comme il sait pas que Chiri est féminin donc en fait, c'est Senri qui peut clairement se foutre de sa gueule XD ! ...Ou l'appeler Chou-chan. C'est mignon et il aime bien donc EH.

Senri se crispa légèrement, serrant dents et poings, quand Chrys prononça la première syllabe de « Chiri ». Mais ce dernier s'excusa rapidement et continua de regarder le tableau en tentant de comprendre. Senri se détendit. C’était normal, il ne connaissait pas le japonais. Le tonnerre détourna le regard en laissant échapper un discret rire face aux bafouillages de son camarade et se permit même un sourire.

- Ça reste dans le thème, après.

Le garçon reprit vite son sérieux quand Chrys expliqua que les noms européens ne s’écrivaient pas pareil et rendait la retranscription compliquée. Néanmoins, il parvint à donner du sens à son prénom, et tout en montrant le Kanji qui retranscrivait le sens, il expliqua son choix de ce mot à Senri.

Ce dernier détourna le regard en se grattant l’arrière du crâne, les joues légèrement rouges.

-Hm… ce sont des… noms un peu féminin… Chiri et Chou... mais, ouais, c’est… euh… chou. Fin, mignon je veux dire, joli quoi. Ça sonne bien.

Senri enfonça sa tête dans ses épaules et attrapa de nouveau sa serpillière pour continuer le ménage. Mais surtout s’occuper l’esprit et cacher sa gêne.

-Sinon, ouais Sendai c’est bien une ville, dans la préfecture de Miyagi. Un peu loin de Tokyo.

Il continua de frotter le sol quelques instants, mais, rapidement, il n’eut plus grand-chose. Senri se tourna donc vers Chrys, se grattant légèrement l’arrière du crâne.

-En fait, on a fini un peu vite. Je veux bien voir ton chien, si tu veux aussi, bien sûr ! C… Chou-San ?

Les joues de Senri s’empourprèrent. Qu’est-ce qui lui avait pris ? Il venait tout juste de dire que c’était des noms de fille et il était bien placé pour savoir que se faire appeler par un nom de fille, ce n’était pas agréable.

Senri eut la gentillesse d'expliquer que Chou, c'était un peu féminin comme prénom. :

-Oh.

Je regarde le kanji de côté, comme si ça pouvait changer quelque chose... Mais Senri m'assure qu'il trouve que c'est un prénom mignon aussi. Ou joli. Dans tous les cas ça me fait plaisir qu'il fasse attention à ça. Alors pendant qu'il s'éloigne, peut-être pour cacher sa gêne, je souris. Il est sans doute gêné à cause de la prononciation, mais moi ça me plaît, et comme je ferais attention à la façon dont je prononce le sien, je considère ça comme une affaire réglée, ne manquant pas de le remercier pour son aide au passage, sans insister.

Puis il me parle de la préfecture de Sendai et, tout de suite, j'arrive à localiser sa ville. Plus ou moins. Disons plutôt que j'arrive à localiser la préfecture de Miyagi, bien plus au nord, du coup je comprends mieux d'où il vient. Je pourrais relativiser, en disant qu'il est plus proche de ses origines que moi, mais parfois il suffit de si peu pour se sentir dépaysé que j'ose pas faire la comparaison entre nos situations. Alors pendant que j'efface ce qu'on a écrit au tableau, pour ensuite tapoter les brosses des tableaux à la fenêtre, je lui indique que je sais où se trouve la préfecture par rapport à Tokyo.

Et puis bien vite il finit de passer la serpillière et je crois qu'on n'a plus rien à faire dans la salle. J'observe, les mains sur les hanches, en me disant que je vais correctement balancer aux profs ceux qui nous ont laissé bosser à leur place quand Senri se tourne vers moi, se grattouillant la nuque. Et je balise un bref instant ; d'abord, il m'a appelé Chou-san, ce qui me met dans une joie j'aurais pas cru que c'était possible. Ensuite, il veut rencontrer Roda. Je claque mes mains sur mes joues avant de m'approcher de lui tout sourire et de prendre ses mains. Je sais pas si ça se fait au Japon, mais je suis tellement heureux que je crois que j'ai plus de filtre à ce moment. :

-Bien sûr je veux ! Oh je suis sûr qu'elle va beaucoup t'aimer. Je suis certain que vous allez être de bons amis !

Je marque une pause, tenant toujours sa main. :

-Oh et tu peux m'appeler Chou-san, ça me plaît ! Et puis comme il n'y a que toi qui a le droit, c'est comme un surnom ! J'aime beaucoup !

Quoi ? J'aime bien ce nom zut, me jugez pas !...

Je le traîne derrière moi. Oui. Ok c'est peut-être abusé mais je suis tellement content vous avez pas idée. Je lui explique, le temps qu'on rejoigne les dortoirs des novices, que Roda était une chienne éduquée pour aider les personnes handicapées, et que j'ai eu le droit d'en hériter à la mort de mon frère aîné. Du coup, je lui apprends comment se présenter à elle. Il doit s'accroupir et tendre la main vers elle pendant que je lui touche l'épaule. Comme ça elle sait qu'il est gentil, mais en plus que c'est ben... mon ami, à ses yeux. Erm...

J'ouvre la porte du dortoir et Roda lève la tête instantanément. Je lâche un bref instant Senri pour l'accueillir comme il se doit puis je lui parle. :

-Voilà Roda, je te présente Senri ! dis-je en le pointant du doigt.

Senri écarquilla les yeux de surprise quand Chrys lui attrapa les mains. Il n’avait pas été préparé à un tel changement de comportement de la part de son camarade et… nouvel ami. Les pommettes de Senri rougirent un peu plus quand le novice se réjouit que Senri l’ait appelé « Chou ». Cependant, cela fit relativiser Senri sur le fait de parler de Chrys comme d’un ami. Après tout, c’était un signe d’affection que de donner un surnom à quelqu’un. Mais, il faudrait que Senri ait un surnom aussi… C’était avec toute la peine du monde – feinte par un ton détachée et désintéressé – que Senri répondit.

- On va dire qu’tu peux m’appeler Chiri, alors. On a tous les deux un surnom comme ça.

Et après ça, Senri se concentra sur ce que Chrys lui racontait à propos de sa chienne. Il fut quelque peu surpris et ne sut pas où se mettre quand le novice évoqua son frère décédé. Le sensitif se contenta donc d’acquiescer en silence sur la méthode qu’il fallait adopter pour se faire apprécier de Roda. L’avantage d’être traîné par son nouvel ami, c’est que Senri pouvait cacher sa gêne ou son malaise beaucoup plus facilement.

Le duo arriva rapidement au dortoir des novices. Chrys lâcha le boxeur qu’il traînait derrière lui pour ouvrir et Senri put profiter d’un vent de nostalgie. Il se demanda d’ailleurs si Jumily y était toujours. L’extravertie avait beau être encombrant, Senri ne le détestait pour autant. Il l’agaçait juste, mais c’était un agacement positif. Il n’aurait pas su comment décrire ça.

Senri, en se perdant dans ses pensées, avait adopté la position que Chrys lui avait conseillé ; à genoux attendant que Chrys lui pose la main sur l’épaule. Et brutalement, il se tendit. Un flot d’émotion avait littéralement pulvérisé les barrières qu’il dressait contre les sentiments des autres. Un mélange insidieux s’insinua dans le spectre de ses émotions ; une joie de vivre et une excitation incommensurable l’envahit, mais il y avait comme une pointe d’inquiétude qui venait parasiter le tout. C’est un voyant la queue de la chienne balayer l’air, mais aussi celle-ci qui se ramassait légèrement sur elle-même quand elle le vit, qu’il comprit. Il pouvait aussi ressentir les sentiments des animaux ! Mais… est-ce qu’il serait susceptible de reproduire le comportement d’un chien s’il ne faisait pas suffisamment attention ?

Il fit rapidement le vide dans son esprit et redressa ses barrières, chose qu’il arrivait à faire de plus en plus naturellement. Il leva sa main vers la chienne et parla de la voix douce qu’il lui était possible de produire.

- Salut toi… T’es euuuuh… un chien.

Oui, Senri. Bonne observation.

Senri dit que je peux l'appeler Chiri. :

-OH ? C'est vrai ?!

J'insiste pas plus mais mon regard doit bien laisser montrer à quel point cette déclaration me met en joie. J'ai été froid quand j'ai rencontré Étienne, lui et Alice m'ont appris que j'avais le droit d'être moi-même, de me laisser aller... Qu'être joyeux et heureux d'un petit rien, au final, c'était un cadeau. Je me rends bien compte là, que je réagis comme un gamin. Mais j'ai jamais donné de surnom à quelqu'un... et je crois bien que c'est la première fois qu'un camarade de classe me donne un surnom. Je dois avoir les joues roses, à cause de ma peau blanche c'est facile de voir quand quelque chose m'émeut un minimum... Mais plus rien ne compte, j'ai vraiment envie de montrer Roda à Chiri.

Roda qui, en chienne très bien dressée, devant son maître ramenant un inconnu, avait attendu qu'il s'accroupisse pour se rapprocher. J'étais extatique, le sourire aux lèvres malgré moi, alors que je posais ma main sur l'épaule de mon ami. Roda s'approcha, tranquillement sans être lente ou pressée, renifla la main tendue avant de la lécher délicatement et de caler sa tête dessous. Elle remuait la queue, heureuse de nous voir. La remarque de Chiri me tire un rire tout discret, bref. Oui, c'est un chien. Un chien qui vient de l'accepter tout entier. Je retire ma main de son épaule pour aller poser mon sac à côté de mon lit. :

-Je te laisse la papouiller autant que tu veux. Elle adore les grattouilles sur la tête. ajoutais-je en murmurant, comme si je partageais un secret, avant de reprendre normalement. Là, je la sors directement après les cours d'habitude... Si tu veux, tu peux nous accompagner, laisser ton sac ici et venir le récupérer après.

Je pose ma veste d'étudiant pour mettre un manteau plus épais et l'écharpe de mon frère autour de mon cou. En vrai je suis frileux, l'hiver n'est même pas à nos portes que j'ai déjà besoin de me couvrir mais j'adore cette saison malgré ça. Je me tourne un instant vers mon camarade en me demandant s'il ne va pas avoir froid... Je pourrais lui prêter un pull mais on n'a tellement pas la même morphologie, j'ai peur qu'il les abîme. Hm, dans le doute, je vais demander. :

-Est-ce que tu as besoin d'un vêtement chaud si tu viens ? Je peux peut-être te prêter des gants et une écharpe mais... je fais un geste vague de la main vers son torse avant de la retirer, gêné. Voilà t'es bien plus fort que moi.