Bien qu'au début Senri avait été quelque peu intimidé par la chienne, il prit rapidement goût à la caresser. Il acquiesça vivement quand Chrys lui chuchota comment s'occuper d'elle. L'adolescent concentra donc ses caresses sur le haut de la tête de la chienne, un large sourire aux lèvres suite à l'échange. Cette dernière se tortillait pour orienter les caresses sur sa tête.

Senri releva la tête pour regarder Chrys quand il lui expliqua qu'il allait sortir sa chienne et lui proposa de laisser son sac ici. Senri se gratta la tête, une discrète commissure sur le coin des lèvres.

— Hm, je dois aller à la bibliothèque pour... Mes travaux d'intérêts généraux, donc, je vais garder mon sac avec moi, je pense... Mais, je veux bien vous accompagner vous promenez... En plus, je ne suis pas trop en retard encore.

Il finit par reporter son regard sur Chrys à la fin de sa phrase. En souriant un peu plus sincèrement. Il se releva tout en continuant de gratouiller la tête de Roda qui semblait apprécier de plus en plus. Il resta un instant dans cette position, dispensant des caresses à Roda et en attendant que son ami termine de se préparer.

Lorsque Chrys demanda à Senri s'il voulait quelque chose pour se couvrir, les joues du japonais rosirent quelque peu de honte. Son camarade ayant montré son torse du bout du doigt, signifiant qu'il était trop large pour porter les vêtements de son ami.

— Ah... Euh, non t'inquiètes ! Je crois que j'ai un pull dans mon sac et si jamais j'ai froid, j'aurais qu'à courir !

En vérité, il n'aurait pas été contre une écharpe ou des gants, mais dans cette situation, il ne pouvait pas les demander. Il se contenta d'ouvrir son sac et d'en sortir un sweat gris, relativement large. Mais en l'enfilant, il paraissait étonnamment près du corps.

L'adolescent sortit dehors, pour laisser passer Chrys et Roda.

— Et du coup... Tu vas par où d'habitude ?

J'ai eu un moment de blanc avant de me rappeler qu'effectivement Chiri -hihi je peux l'appeler Chiri j'ai le droit !- avait des travaux d'intérêt généraux à faire à la bibliothèque. Je hoche la tête, prenant donc en compte ce qu'il venait de dire, tandis que je réfléchis à un plan... Et quant à ma proposition de le couvrir, Senri avoua qu'il avait un pull de toute façon. Je le regardais le sortir de son sac et le mettre, ouvrant un peu plus grand mes yeux. Ok. Oooooooooh OK D'ACCORD. Effectivement il est bien plus large que moi aled. Comment on peut avoir le même âge -je suppose puisqu'on est dans la même classe- mais avoir des corps aussi différents ?... Même Étienne a plus l'air d'un homme fait que moi... J'ai... J'ai des retards vous croyez ? Je secoue la tête, évite de me poser des questions d'autant plus gênantes pour moi en sortant mes gants des poches de mon manteau... et nous sortons affronter le froid, Roda nous tournant autour dans une joie qu'elle a du mal à contenir.

Dehors, Chiri me demande où nous nous dirigeons d'habitude. Je me remets le plan de l'Institut en tête avant de lui répondre. :

-Généralement, je vais jusqu'à l'espace vert parce qu'elle peut courir longtemps et je peux toujours l'avoir dans mon champs de vision malgré tout...

Mais je souris et m'accroche à son bras tout heureux de lui expliquer mon idée. :

-Mais on va t'accompagner jusqu'à la bibliothèque ! Comme ça, ce sera une belle promenade et on pourra continuer à parler !

Qui se souvient qu'il y a encore quelques minutes, Senri me terrifiait ?... Pas moi en tout cas ! Bon un peu. Je le relâche pour ça mais aussi parce que j'ai le souvenir que les japonnais sont un peu gênés par les contacts physiques... je crois.

Quand Roda s'éloigne de trop, je siffle et elle revient vers moi, comme pour prendre de mes nouvelles et repart gambader pendant que nous marchons Chiri et moi. Au bout de quelques pas, je finis par céder à la curiosité. :

-Dis... Si tu as des travaux c'est que tu as fait une bêtise... enfin... je suppose... T-tu peux ne pas me dire hein juste. Je me demande pourquoi tu dois faire ça.

Roda aboie à mes côtés, je sais d'instinct et surtout par habitude ce qu'elle veut. Je sors sa balle de tennis de ma poche de manteaux d'une main et de l'autre, cherche celle de mon nouvel ami. :

-Chiri-san ? Tu veux lui lancer sa balle ?

Quand Senri sentit les bras de Chrys s'enroulaient autour du sien, il se tendit et sentit ses joues s'enflammer. Il ne savait pas du tout comment réagir. Tiraillé entre le fait de le repousser car il n'était habitué à ce genre de contact physique et l'angoisse de le froisser. Et peut-être aussi les questionnements successifs qu'engendrait ce contact. Les contact qu'il avait eut avec ses anciens amis avaient toujours été des démonstration de virilité, des coups. Sauf peut-être avec Nishi, son camarade de l'an passé. Chrys et lui se ressemblaient.

— Euh... Ouais. Bah je pense que, c'est... Euh, bien ! J'espère que ça va lui plaire !

Senri se hissa de toute sa hauteur en parlant pour cacher son visage marqué par le tumulte émotionnel. Il eut même peur que ses barrière de sensitif en soient affectés, mais heureusement, elles tenaient encore. Se focaliser sur celles-ci lui permit de se sentir un peu plus détendu et d'apprécier ce moment avec son nouvel ami.

Il regardait, amusé, la chienne gambader toute gaiement. Il était aussi très impressionné de son obéissance. Chrys ne la tenait même pas en laisse et pourtant, en un mot elle revenait vers eux.

Mais, lorsque Chrys questionna Senri sur la nature de ses travaux d'intérêts, le japonais se tendit à nouveau. Il jeta sa main à l'arrière de sa tête pour y gratter sa peau. Si le garçon ne savait pas trop quoi répondre, il décida de dire la vérité, c'était l'option qui lui paraissait la plus adaptée, bizarrement.

— Hm. Bah en fait, c'était quand j'étais encore novice. Je me suis disputé contre un gars qui faisait du feu, et comme il a commencé à utiliser ses pouvoirs, bah, j'ai voulu m'armer.

Il détourna le regard un peu honteux.

— Et j'ai décroché la porte de la bibliothéque... Du coup, madame Raspberry a débarqué et nous a collé ces travaux d'intérêt généraux...

Senri n'était clairement pas fier et ça se voyait. S'il ne s'était jamais remis en question jusqu'à maintenant, le fait d'en parler à quelqu'un mettait l'accent sur la bêtise de cette action. Et il y avait aussi le fait qu'il avait envie que Chrys continue de l'apprécier.

Quand Chrys lui attrapa la main, Senri sursauta légèrement. S'étant légèrement perdu dans ses pensées.

— Oh ouais... Pas de problème ! T'es prête Roda ?

Il attrapa la balle dans la main de Chrys, tout en voyant Roda s'agiter autour de lui. Il arma son bras et jeta la balle vers un espace vert. Roda se jeta vers la balle pour l'attraper dans sa gueule en plein vol.

— OUAH ELLE EST TROP FORTE !

Il lança un regard plein d'étoiles à Chrys avant de s'avancer vers Roda qui revenait vers lui et, qui au dernier moment, le contourna pour jalousement garder la balle. Senri se retourna tout penaud vers Chrys. Le visage tout marqué par l'incompréhension.

— Chou !! Tu as vu comme Roda m'a snobé ?!

Senri est trop mignon... Je le sens gêné par mon contact mais au lieu de me repousser, il fait genre tout va bien. Il se redresse, éloigne son visage du mien et je le vois masser sa nuque de plus en plus. Je le vois s'intéresser à Roda puis à moi chaque fois que je la rappelle à l'ordre, me faisant un peu rougir. Et puis je le vois de nouveau gêné quand je lui demande pourquoi il est puni. Il n'avait pas encore de pouvoir qu'il a voulu se défendre... quelque chose que je trouve énorme quand moi je préfère me tasser. Mais Senri n'a pas voulu de ça, il s'est redressé, s'est armé et a pris la p- :

-PPFRT.

Il a pris une porte. J'essaie de retenir mon sourire, puis voyant que je n'y arrive pas, je ris doucement... mais au final j'éclate complètement. Je ne me moque pas ! Trèèèès loin de là. Non juste, ça me paraît déjà tellement lointain de me défendre avec mes propres poings, Chiri-san n'a pas hésité à se saisir d'une porte. UNE. PORTE. Je pose mes mains sur mes lèvres, gêné de m'être laissé aller à ce point. :

-Pardon ! Je me moque pas, promis. C'est juste... une porte ! ...Tu dois être très fort !

Eeeeeeeeeeeeeeeeet je comprends pourquoi il est plus large que moi. Toutefois, je m'arrête nettement de rire quand je réalise la douleur que peut apporter, une porte dans la tronche. :

-Oh. Je devrais pas rire... Est-ce que le Feu va bien ? Il a été puni lui aussi hein ?

Ça me paraît être une évidence vu ce que me raconte mon ami, mais je demande, au cas où... pour rager de l'injustice de la situation avec lui s'il faut... C'est pas normal de profiter de ses pouvoirs pour faire peur aux autres... Quelque part, j'ai hâte d'avoir les miens, peu importe ce qu'ils sont, pour pouvoir enfin aider cette communauté m'ayant accueilli sans condition, m'ayant offert le moyen de renouer avec une "sœur" que je croyais perdue, le moyen d'avoir des amis comme Chiri.

C'est pour ça que je le laisse lancer la balle de Roda. Je lui fais confiance, peut-être un peu trop vite au goût de l'ancien moi incapable de m'ouvrir aux autres mais... il m'a laissé une telle impression, il a été patient avec mon japonais approximatif que je ne peux pas lui laisser au moins ça... Elle rattrape la balle en plein vol, bien sûr, mais l'éclat de Chiri devant sa performance me fait rire. D'autant plus quand elle le snob délibérément. Je m'approche alors de ma chienne. :

-Ok je vais te montrer. Roda ! dis-je en me tournant vers ma chienne. Sois gentille d'accord ?... Assis.

Elle s'assoit, obéissante, abandonnant sa balle que je prends. Je la tends ensuite vers mon ami. :

-Relance la balle. Quand elle revient, appelle-la, comme ça elle sait que tu lui parles. Ensuite dis-lui bien "assis". Elle sait alors que tu joues avec elle et elle va lâcher la balle.

Un sourire se dessina discrètement sur son visage quand Chrys commença à rire aux éclats.

— Eh mais... C'est pas drôle !

Il avait pris un ton faussement vexé pour répliquer avec un peu d'humour. Néanmoins, il reprit son sérieux quand Chrys évoqua sa force. Il détourna le regard, gêné par la fierté et l'effet que la flatterie avait sur lui.

— Boh, en vrai, c' est facile de dégonder une porte, suffit de... Euh... Bah, un peu soulever ! Et ouais, le feu a été puni aussi. À la base on faisait nos travaux d'intérêt généraux ensemble, mais on passait plus de temps à s'faire des crasses qu'à ranger.

Juste après avoir répondu, le garçon lança la balle à Roda qui le snoba complètement. Chrys s'approcha pour montrer à Senri comment bien jouer avec elle. Senri les observa attentivement, toujours étonné de leur entente. C'était attendrissant de les voir comme ça. Lorsque Chrys se retourna vers Senri pour lui laisser la balle, le boxeur la prit rapidement en acquiesçant aux paroles de son ami, légèrement paniqué de s'être ainsi perdu dans ses pensées.

— T'es prête Roda ?!

Déjà, il se mettait en position pour amuser la chienne. Elle sautait dans tous les sens autour de lui et, quand il lança la balle, la chienne fusa droit vers celle-ci. Tout en ayant les instructions de Chrys en tête, il l'appela et lui demanda de s'asseoir. Elle lâcha la balle en même temps qu'elle s'asseyait. Senri l'attrapa et fit quelques caresses à la chienne, grattouillant particulièrement sa tête comme l'avait conseiller Chrys, avant de se tourner à nouveau vers Chrys. Toujours tout enjoué.

— WAH CHOU !! J'AI RÉUSSI !! ELLE EST TROP COOL !

Il se releva avec un large sourire sur le visage et relança la balle à Roda avant de retourner auprès de Chrys.

— Elle est vraiment trop mimi. Et c'est trop dingue comme elle t'écoute et tout !

Il marqua une petite pause avant de reprendre un peu gêné, mais animait par la curiosité d'en savoir plus sur Chrys.

— Tu... Euh... Disais qu'elle était à ton frère, c'est ça ? Enfin, c'est lui qui l'a éduqué ?



Il marqua une pause pour reporter son regard sur son ami. Il avait peur d'avoir dit une bêtise et ne savait pas vraiment comment réagir si c'était le cas.

— Enfin, si tu préfères ne pas en parler, t'inquiètes pas ! Je sais pas pourquoi j'ai demandé ça, désolé !

Tout en se confondant en excuse, le tonnerre abaissa ses barrières de sensitif, il n'avait pas envie de blesser son nouvel ami, alors peut-être que s'il avait une idée de ce qu'il ressentait, il pourrait éviter les gaffes ?

Ça me fait du bien de pouvoir rire avec quelqu'un. Chiri a compris que je me moquais pas, il en joue même avec moi. Je retiens mon éclat devant son air vexé, plaquant mes mains sur mes lèvres encore souriantes, comme si ça allait m'empêcher de glousser. Surtout face au flegme qu'il pouvait avoir à l'idée de soulever une porte. UN PEU soulever une porte. En même temps il ne sait pas que moi j'ai du mal à soulever mon sac de cours quand il est plein alors une porte, même pas en rêve ! Et apparemment le Feu s'en est plutôt bien remis puisqu'il avait reçu la même punition que Senri. :

-Pauvre porte. soupirais-je avant d'ajouter en souriant. Au moins maintenant tu as tes pouvoirs pour te défendre.

Pas que je m'inquiète de mettre du temps à recevoir les miens, mais presque. ...Je rappelle que je sais pas soulever les portes moi ! Si ça m'arrivait, je serais sans défense... Ou Roda me protégerait mais j'ai pas envie qu'elle soit blessée à cause de moi.

En parlant de Roda, Chiri relance la balle que je lui ai récupéré. Il paraît tellement heureux de jouer avec elle, je ne peux m'empêcher de sourire en le voyant demander à ma chienne de s'asseoir, de récupérer la balle et de la récompenser en grattouilles. Le visage du Tonnerre est si sincèrement réjoui qu'il fait du bien à mon cœur devenu tout léger face à son sourire. Il revient à mes côtés, après avoir lancé la balle et commenté sur l'obéissance de Roda avant de marquer une petite pause et me parler de mon frère. J'ai pas le temps de répondre à sa question qu'il ajoute qu'il veut pas me forcer. Je bats des paupières, avant de lui sourire, attendri qu'il ne veuille pas me blesser. :

-Ne t'inquiètes pas, ça ne me dérange pas d'en parler !... On a perdu nos parents dans un accident de voiture et mon frère, lui, avait perdu ses jambes et de sa motricité. J'étais trop petit pour m'occuper de lui alors on a fait une demande de chien d'assistance pour l'aider au quotidien.

Roda revient, alors je marque une pause pour lui renvoyer la balle avant de continuer mon explication. :

-C'est pour ça qu'elle est très bien dressée ! L'association lui a appris à enlever les chaussettes et le pantalon de quelqu'un, pour aider mon frère à se changer tout seul. Elle pouvait ramasser les objets qu'il faisait tomber et lui ramener le téléphone s'il était trop loin... Elle le fait encore parfois ! Elle sait faire pleins de choses ma Roda !

Je souris en la voyant se rouler dans l'herbe... ah lala... je vais encore devoir la nettoyer en rentrant ! La vilaine. :

-Quand mon frère est mort, l'association m'a autorisé à la garder, parce qu'elle s'était habituée à moi autant qu'à mon frère et comme elle était un peu plus âgée, ça ne valait pas le coup de la replacer dans une autre famille.

A chaque fois que j'y repense, je me dis que j'ai eu de la chance pour ça. Bon, le reste de ma vie non, mais avoir Roda a su atténuer mes peines quand je n'avais plus personne. Je n'avais déjà plus grand chose dans ma vie, perdre Roda m'aurait achevé. Je reprends. :

-C'est que ça t'intéresse de dresser un chien ? Tu sais une fois qu'on connaît le caractère de l'animal et ce qu'il aime, ça demande surtout de la patience et beaucoup d'amour !... et des morceaux de blancs de poulets pour Roda. C'est sa gourmandise préférée !

— Sérieux?! Mais elle est trop forte !

Senri écoutait avec attention les dires de Chrys. Il tentait également de dissocier les sentiments de son ami des siens, mais s'étant pendant trop longtemps habitué à bloquer les sentiments, il était très mauvais dans le tri et l'analyse.

Il se sentait triste quand son ami parlait de son frère et de sa famille en général. Quand le garçon aux cheveux blanc avait mentionné l'accident de voiture de ses parents, Senri avait balbutié quelques condoléances, le regard fuyant. Comme devait il réagir ? Le réconforter ? Ne pas en parler ? Utiliser son pouvoir pour le rendre heureux ? Non, ça c'était une très mauvaise idée. Même Senri le savait.

Il avait donc choisi de s'émerveiller sur Roda qui ne cessait de l'impressionner.

— Je la vois bien essayer de te piquer tes chaussettes! C'est trop cool que tu ais pu la garder ! J'imagine que ça a pas du être facile.

Senri avait perçu dans le nuage mentale d'émotion une teinteun un peu plus sombre, qui l'avait attristé. Il avait envie de réconforter Chrys, sans savoir comment faire. Finalement, c'est Chrys qui fit évoluer la conversation vers autre chose.

— Oh !! C'est pour ça qu'elle est aussi musclée !! C'est sûr !!! Sinon... Je pense pas que je serais très bon pour dresser des chiens... J'ai jamais eu d'animaux, très longtemps.

Il détourna rapidement le regard pour découvrir qu'ils venaient d'arriver au niveau du village.

— Tu veux qu'on aille prendre un truc à boire ? Et des blanc de poulet pour Roda ?

Il demandait ça le plus sérieusement du monde.

Senri est gêné. C'est débile mais j'ai envie de le réconforter... C'est pas sa faute si mes parents et mon frère sont morts... C'est. Le pas de bol de la vie. Mais j'ai pas envie de le mettre un peu plus mal à l'aise, déjà qu'il se montre vachement gentil avec moi. Je lui souris sincèrement en tapotant son bras quand il me présente des condoléances brèves. J'ai envie de dire qu'il faut pas être triste Chiri. Ok ça l'est faut pas se mentir mais c'est passé. Il n'y peut rien, je n'y peux rien... et même si le futur ne me présente pas plus de joie, c'est comme ça. ...Mais à la place, je me contente d'enchaîner, comme lui. On se concentre tous les deux sur les prouesses de Roda qui fait ma fierté et sur le fait qu'elle est assez massive pour un chien de sa taille. :

-J'adore courir tu sais ? Mais des fois, je me demande si ça lui suffit pour faire de l'exercice. Je marque une pause, tentant vainement de retenir mon sourire. Même si tu crois ne pas être assez bon pour dresser un chien, je suis sûr qu'elle aimerait passer du temps avec toi. Elle t'aime déjà ! Alors si un jour tu veux qu'on se promène tous ensemble, préviens-moi.

Ok. Je peux le dire maintenant. Je crois que j'aimerais bien que Chiri-san soit mon ami s'il veut bien. Entres guillemets. Parenthèses. Voilà ERM. Il me ramène sur terre quand il me propose d'aller boire un verre. OK je panique très brièvement parce que j'ai pas l'habitude de ce genre d'invitation... avant d'être soufflé comme la flamme d'une bougie parce qu'il pense aussi à prendre du poulet pour Roda. Je ris joyeusement, me cachant derrière mes mains. :

-Tant que tu te mets pas en retard à cause de moi, ça me ferait très plaisir... Et à Roda aussi !

D'ailleurs elle galope dans notre direction et je dois lui reprendre sa balle, puisque j'évite de la lancer lorsque nous somme au village... Je viens pas souvent jusqu'ici... Juste parce qu'il y a un magasin de travaux manuels où je peux acheter de la laine et des morceaux de tissus pas trop chers. Et même si prendre une boisson dans un café digne de ce nom me tente, y aller seul me mettait trop mal à l'aise. Donc... J'allais découvrir ça avec Senri !

Les yeux de Senri s’illuminèrent quand Chrys lui avoua qu’il aimait courir. Bien que Senri ne pouvait pas tellement savoir si Chrys pratiquait la course régulièrement ou pas, ça faisait un sujet de conversation en plus. Il fit passer son regard de Roda à Chou avant de lui répondre.

- Bah, si vous voulez bien de moi, j’veux bien…

Il tentait de contenir son excitation pour ne pas paraître trop enthousiaste non plus. C’était juste de la course.

- En plus, j’adore courir ! J’essaie de le faire tous les matins et les soirs après le travail ! On pourra courir ensemble ! Et je suis sûr que tu deviendras aussi rapide que Roda après !

Finalement, se contenir avait été un échec. Sa voix retranscrivait bien son excitation de partager une activité avec son nouvel ami. Il reprit un visage un peu plus neutre et distant, qui allaient mieux au caïd qu’il était quand son ami craint de le mettre en retard.

- Boh, c’est sur le chemin et je fais souvent un crochet par là. Et puis je fais tout le temps des heures sup t’façon, alors bon…

Quand Chrys avait précisé que ça lui ferait plaisir de rester en compagnie de Senri, ce dernier avait légèrement sourit. C’était assez agréable de retrouver l’ébauche d’une complicité amicale. Néanmoins, une fois encore, Senri mit le passé de côté pour se concentrer sur le présent. En arrivant sur le seuil du café, il poussa la porte pour laisser entrer Chrys et Roda avant de rapidement revenir à leurs côtés.

- Tu vas prendre quoi ?

Senri avait posé la question à la fois pour Chrys à la fois pour lui-même. Habituellement, il prenait un café noir pour faire l'adulte, mais c’était absolument immonde sans sucre… Et à ce compte-là autant prendre un chocolat… Mais le chocolat, ça tâchait, ça faisait enfantin et, il n’était pas sûr de pouvoir montrer ce côté-là de sa personnalité à Chrys maintenant…

- Vous prendrez quoi ?
- Euuuuuuh. Un thé latte, s’il vous plaît.
- Jasmin ou Rose ?
- Rose.

Il avait répondu du tac au tac. Chose qui n’était pas très recommandé quand on essaye de taire notre personnalité profonde. Il sortit son téléphone et ancra ses yeux dessus pour camoufler sa gêne. Et pour ne pas passer pour un goujat, il leva discrètement les yeux vers Chou, sans pour autant dévoiler le reste son visage.

- Quand tu lui donnes les blancs de poulet, c’est crue ou cuit ? Savoir si je cherche un konbini ou autre chose…

Il montra son écran à son ami, qui affichait déjà les konbini présent aux alentours.

J'ai pas l'espoir d'être aussi rapide que Roda, mais que Senri m'en pense capable me fait du bien. Je suis pas un petit truc fragile, moi aussi je peux me dépasser et faire de grandes choses ! Bon, pas décalquer des portes mais... à ma mesure, courir c'est déjà bien. Je ris et je le rassure, bien sûr que ça me plairait qu'il nous rejoigne lors des ballades ! Je ne l'aurais pas proposé sinon. Il reprit en faisant de son mieux pour paraître moins agité, pour me préciser que ça allait niveau horaire, qu'il avait l'habitude des heures supplémentaires... Je hoche la tête avec un petit sourire, tant qu'il ne se mettait pas en retard à cause de moi, ça m'allait.

Dans le café, je lui dis que j'allais réfléchir à ma commande pendant qu'il prenait la sienne... En vrai, j'ai envie d'une boisson chaude en particulier, mais j'aime bien voir s'il n'y a pas quelque chose de nouveau à tenter... Fatalement, une fois que Chiri a commandé son thé latte, perdu dans la liste, je finis par redresser la tête avec un sourire, cédant à ma première envie. :

-Un chocolat chaud s'il-vous-plaît !

Ben oui. Hein. C'était évident que j'allais craquer et prendre ça, bon. Je remercie le serveur pendant que Chiri observe son téléphone en me demandant quel morceau de poulet serait adapté pour Roda. Il est touchant d'y songer, je profite de ma réponse pour grattouiller le haut du crâne de ma chienne, la félicitant pour être restée à nos pieds dans un lieu public. :

-Les deux. Comme c'est une chienne active, elle peut se permettre de manger crue. Ça contient plus de nutriments que la cuite.

Et je pars dans un monologue où je lui explique que les chiens savent toujours chasser et donc, manger cru, qu'importe la présence de l'homme. Ils ont un système digestif trop court pour subir les mêmes maladies que nous. Il faut juste faire attention au type de viande, à son pourcentage de gras et à la façon dont c'est conservé. Le poulet est une viande maigre, sans sa peau, donc elle risque pas de prendre du poids ou d'être malade, et les viandes vendues pour les hommes, en magasin, suivent un système stricte de vérification qui va tout aussi bien aux animaux. Je sais pas ce qu'on trouve en konbini, si c'est bien différent des marchés français que je connais, mais je lui dis qu'on pourra voir ça sur place.

On a le temps d'être servi, de boire un peu au chaud. Je souris, me tassant dans mon écharpe, savourant cette sensation qu'on ne peut trouver qu'en hiver ; le réconfort. Je ris, tout doucement, échange ma tasse avec celle de Chiri-san pour goûter son thé latte et lui laissait apprécier mon chocolat. Je suis étonné par le goût de la rose, léger mais reconnaissable malgré tout. Je lâche une onomatopée ravie en le remerciant, lui rendant sa boisson.

Nous repartons en discutant de tout et de rien... Beaucoup des cours qui nous déroutent. Je lui avoue que j'avais beaucoup moins d'heures en France mais bizarrement, beaucoup plus de travail à faire. C'est un rythme différent. Je parle de ces choses que j'ai découvert sur le Japon, dans ce petit lieu clos qu'est Terrae et j'espère qu'il ne pense pas que je suis stupide de m'émerveiller pour des cerisiers en fleurs... Le printemps l'année dernière m'avait laissé une forte impression. J'aime les fleurs en même temps... ça attire les papillons. Au konbini, je m'exclame face à toutes les nouvelles choses que je n'avais jamais vu avant ; des Pringles au chocolat ? du poulpe séché ?... Des bouteilles lait-bananes ?! On s'empare d'aiguilles de poulet pré-découpés, emballés de manière si bien décorée que ça me fend le cœur d'ouvrir le sachet. Une fois dehors, je montre à Senri comment donner des ordres plus complexes à Roda. "Fais la belle" ou "grogne" en passant par le classique "assis" ou "donne la patte"... Tout est une question d'intonation et de geste, c'est pour ça qu'elle n'a aucun mal à reconnaître des ordres donnés dans une autre langue, je présume. Et puis elle reçoit du poulet donc elle est forcément ravie et prête à tout donner pour réussir du premier coup, ça joue.

Et puis Chiri-san doit partir finalement... Je lui souris, le remercie pour la bonne soirée que l'on vient de passer malgré la façon dont elle a pu commencer... Roda se frotte à ses jambes et lèche le bout de ses doigts, à la quête du moindre fumet de viande. Je souhaite bon courage à mon nouvel ami, levant la main alors que je m'éloigne, lui disant que j'avais hâte de le retrouver pour le prochain cours de langues, ou pour la prochaine balade.