Amy soupira, tira contre elle le plaid à motifs stellaire et le thermos de thé et s'enroula le mieux qu'elle le pouvait en frissonnant. Elle n'avait pas voulu partager l'événement avec d'autres, ni même fêter halloween. Enfin, si, ce serait mentir que de dire le contraire, sa tenue en attestait d'ailleurs. La robe qu'elle avait cousue d'ailes de chauve-souris absolument adorable et le serre-têtes agrémenté de deux cornes ne pouvait que la trahir, mais... Devoir repousser l'ouverture de la librairie avait un peu gâché son humeur et entendre les inquiétudes des habitants de Terrae au sujet de l'éclipse n'avait pas aidé, loin de là. Oh, elle avait bien tenté de se convaincre de se joindre aux autres, de faire un tour dans les chambres pour mander des bonbons, effrayé les novices dans les dortoirs pour les secouer un peu, aller rejoindre des personnes qu'elle connaissait au bar... Mais non. Elle n'y était pas parvenue.

Attrapant les lunettes spécialement obtenues pour l'occasion, la blonde se cala confortablement, se versa un gobelet de thé et patienta. Elle n'eu pas à attendre bien longtemps, car, bientôt, la pénombre gagna du terrain jusqu'à ce qu'il ne reste qu'une aura écarlate, terrifiante. L'astre lunaire avait disparu, happé par l'obscurité. Amy ne put s'empêcher de retenir son souffle, un étrange sentiment d'insécurité la prenant à la gorge. Là, tout de suite, elle aurait apprécié de se trouver avec d'autres personnes, des amis qui auraient rigolé devant sa tronche figée, ou qui l'aurait secoué pour la sortir de sa transe. C'est en brisant le récipient dont le contenu lui brûla l'intérieur du bras qu'elle réintégra la réalité. La demoiselle ne se sentait pas mieux pour autant, mais la douleur suffisait à lui faire prendre conscience qu'elle allait bien, que son don était toujours là, toujours incontrôlable et qu'elle allait devoir trouver de la pommade.

À cette heure de la nuit, il ne restait pas grand chose d'ouvert. Il était peu probable qu'Amy trouve son bonheur au petit supermarché, alors elle prit la direction du bar d'Erik, oubliant sa tenue et l'air hystérique qu'elle devait avoir, elle se hâta de le rejoindre. On lui servi de quoi calmer sa douleur, et s'enivrer rapidement, et dans le même temps, quelqu'un lui apporta de la crème dont elle oublia à nouveau le nom, mais dont elle savait que l'application serait utile. Elle allait s'en tartiner copieusement le bras quand les premières voix résonnèrent, plus forte que le brouhaha ambiant. C'était comme regardait un film avec le son en décalé, la jeune femme ne parvenait pas à savoir qui disait quoi, mais comme la situation semblait dégénérer, elle remercia rapidement celui qui l'avait aidé et fila à l'extérieur.

Ce n'est que là qu'elle comprit. Le son n'était pas décalé, non, c'était pire que ça. Il était inexistant. Elle entendait les pensées des Terraens qu'elle croisait. Cela fit immédiatement écho à ce dont Atumane lui avait parlé, le fameux don de télépathe. Oh, non. Pas ça ! Elle ne le supporterait pas ! Courant en se couvrant désespérément les oreilles, Amy traversa le parc, les larmes s'échappant déjà alors que son crâne semblait prêt à exploser. Elle entra dans la librairie, ferma la porte à double tour et alla se caler entre les deux étagères du fond, le plus loin possible de l'extérieur et de ceux qui s'y trouvaient, hurlant leurs pensées sans qu'elle puisse les faire taire. Alors Amy se mit à hurler pour surpasser les voix, à hurler et pleurer encore et encore jusqu'à ce que les gens rentre chez eux, ou s'éloigne, elle s'en fichait bien. Elle resta recroquevillée, épuisée, éprouvée, abattue... Comment allait-elle supporter ça ? Il lui fallait de l'aide...