La main bien ancrée dans celle du tonnerre l’ivoirienne quitte la suite nuptiale sans un regard en arrière. Sans même comprendre à vrai dire que c’était la suite nuptiale, quand elle sentit la bague de Senri contre ses doigts cependant, elle se rendit compte qu’elle était en train de tenir son mari par la main pour la première fois. Cela avait quelque-chose de surréaliste. Ne devrait-elle pas se sentir émue ? Touchée ? Elle se sentait juste stressée, elle s’accrochait à lui avec la peur de s’envoler à nouveau. Elle avait réussi à se poser.

Elle jeta un regard surpris à Senri, n’aurait-il pas été avisé de donner le nom d’Ipiu puisqu’elle les avait accompagné ? En tous les cas, elle n’eut pas le temps d’ajouter quoi que ce soit. Ils étaient déjà dans la rue. C’était étrange. Il y avait beaucoup de voitures, beaucoup de gens, et beaucoup d’espace. Ils n’étaient pas à Terrae.

« Senri, je crois que la question n’est pas où on doit aller mais où on est… »

Elle serra un peu plus fort la main de son jeune époux. S’il dégoulinait du crâne elle se sentait légère, légère. Elle dut attraper son bras pour se serrer contre lui.

« Senri, il faut qu’on se calme... »

Ce qui n’était sans doute pas possible au vu des circonstances. Pourtant ils devaient bien faire quelque-chose. Elle se tenait à lui mais alpaga quelqu’un, un excentrique qui portait une tenue d’Elvis… Etaient-ils à Tokyo ? Les gens ne ressemblaient pas à des nippons et à la vérité ils ne ressemblaient pas à grand-chose. Parlant dans l’anglais le plus correct qui lui vint, c’est à dire rempli de fautes, elle lui demanda où se trouvait l’hôpital le plus proche et bon gré mal gré ils se mirent en route… Ils ne se doutaient pas encore que l’hôpital était le nom d’un casino où toutes les croupières portaient des tenues d’infirmières...

Senri restait effaré par ce qui venait de s’insinuer dans son esprit. Il n’écoutait que d’une oreille distraite ce qu’Afya lui disait. La pression de l’étreinte d’Afya et la recherche d’un hôpital ramenèrent Senri à la réalité. Il s’efforça de se concentrer et de dresser des barrières mentales contre son pouvoir. Sauf, qu’il était habitué à bloquer les énergies intrus, qui venaient de l’extérieure et pas du tout, celles qui venaient de l’intérieure. Ainsi, plusieurs images d’infirmières en tenue affriolantes se succédèrent. Bon, malgré l’accoutrement douteux tout droit sortie d’un magazine de charme, ils allaient rencontrer du personnel médical.

Ils furent rapidement devant un gigantesque bâtiment avec des lettres clignotantes. En plissant les yeux, le nouveau voyant put lire « hospital ». Senri arqua un sourcil.

- Ils sont… Particuliers leurs hôpitaux.

Glissa-t-il à Afya tandis qu’il regardait une seringue clignotante qui faisait vomir à une machine à sous un flot de pièces clinquantes dès que sa pointe plongée dans la machine. Mais alors que Senri était en pleine réflexion devant la façade de l’hôpital, un éclat de voix lui fit baisser les yeux et serrer un peu plus fort la main d’Afya. Une des infirmières de ses visions précédentes venait vers eux, une cigarette à la main.

- Oh les jeunes mariés d’hier ! Vous revenez déjà nous voir ?

Senri eut un instant d’absence. Ils étaient venus hier ? Pourquoi diable avaient-ils eu besoin d’y all… une rapide vision compilant les moments où il s’était cogné la tête à coup de téléportations hasardeuses lui donna une idée de la réponse.

Cela étant, Senri, ni même Afya, n’eurent le temps de dire quoique ce soit que la jeune femme jetait son mégot et les tirait à l’intérieur de l’hôpital. Elle avait attrapé le bras libre de Senri, ce qui lui fit glisser un regard timide et désolé vers Afya, avant qu’il ne cache son visage cramoisi entre ses épaules. Il ne releva la tête que lorsqu’ils entrèrent dans le bâtiment. Ça n’avait vraiment pas l’air d’un hôpital. Il en avait vu plusieurs dans sa vie, une vision chercha à s’insinuer dans son esprit, mais il parvint à la chasser. Il n’avait pas le loisir de se faire assaillir par la mélancolie.

Reste que, cet hôpital n’avait rien d’un lieu où on soignait des gens. Si ce n’est les tenues d’infirmière, c’était à peu près tout. Il y avait des machines à sous, des gens buvant des boissons que Senri assimila à des soda – dans sa grande naïveté. Connectant tout ses neurones à peu près actif, il tenta de parler avec un anglais des plus approximatif.

- Où… est… euh… la salle pour… attendre ?

L’infirmière le regarda avec de grands yeux remplis d’incompréhension.

Rire n’était pas la solution mais c’est la seule qui vint à l’ivoirienne face aux propos de son époux. Elle n’était pas née de la dernière pluie, ou avait trop fréquenté l’hôpital de Terrae pour y voir une quelconque ressemblance avec ce qu’elle voyait actuellement. L’air médusé de sa moitié, (non ce terme n’était clairement pas le terme approprié…) ne pouvait que la faire rire. D’un rire un peu fou, celui qui surprend la personne-même qui le produit, un peu nerveux, un peu amusé. Elle se reprend.

« Senri, on n’est pas dans un vrai hôpital... »

Non parce que oui c’est la base, mais fallait quand même qu’elle le lui dise. Il ne s’étonne même pas des tenues affriolantes des infirmières. Les vraies infirmières elles portent pas des portes-jarretelles mais des pyjamas immondes. Tout le monde le sait, sauf Senri qui n’est décidément pas le crayon le plus affûté de la boite.

« Excusez-moi madame, où être hôpital réel ? » son anglais n’était pas le meilleur qui fut, mais au moins il était compréhensible. Sans doute.

« Houlà mes petits choux, vous êtes pas du tout au bon endroit, mais il y a une petite clinique à moins de dix min… Excusez-moi mademoiselle mais vous êtes en train de flotter ? »

Oui bon, bah hein ? On ne fait pas toujours ce que l’on veut et la jeune femme avait beau s’accrocher au bras de son mari tout neuf ses pieds commençaient à se soulever du sol. Ce n’était décidément pas le bon moment et elle devait s’accrocher de toutes ses forces au chauve.

« Mais d’après-vous pourquoi on a besoin d’aller à l’hôpital ? »

C’était culotté mais la seule chose qui lui était venu. Aussi l’infirmière sexy et pas bien finaude semblait-il leur fit un petit plan sur une serviette pour ne pas qu’ils se perdent. Sur le chemin qui leur sembla interminable elle lui demanda.

« Senri est-ce qu’on est vraiment… Enfin, tu sais… Mariés ? Tu as pu le voir ? »

Non parce qu’il fallait qu’elle sache. Elle n’était pas amoureuse de lui, elle en était certaine, alors il fallait qu’elle le lui dise vite s’ils étaient mariés… Sinon leur union commencerait sur un mensonge, et c’était mal non de mentir à son mari ? Elle était un brin perdu cette pauvre petite.

Pour la défense de Senri, il était encore tout retourné par la vision qu’il avait eut en sortant de l’hôtel. Évidemment, ça ne justifiait pas qu’il ait prit ce casino pour un hôpital, même si, ça reste compréhensible, non ? Il finit de toute façon par réaliser quand Afya et la croupière discutèrent. D’ailleurs, la nouvelle Air recommençait à flotter. Mais le couple parvint à s’en sortit sans trop de difficultés. Pour cette fois. La croupière leur fit un petit plan sur une serviette et Afya traîna Senri dehors.

Le garçon était toujours perdu dans ses pensées et très gêné par le contact physique entre eux, mais en même temps, il ne voulait pas la lâcher. Pourtant, quand elle lui demanda s’il avait vu quelque chose à propos de leur mariage, il paniqua. Si ses joues avaient retrouvé une teinte normale, ça ne dura pas. Presque instantanément, il redevint rouge comme une pivoine et sursauta presque en se tournant vers Afya.

- Hein ? Moi… euh… Je sais pas… Oui… non, p’tet ! Enfin, si j’ai vu euh… Je crois que je t’ai demandé… Mais euh… j’ai pas vu le moment où on se donne les…

Il montra son doigt où il portait l’anneau, toujours très gêné.

- Mais… J’ai aussi vu, autre chose… De plus… Afya ?!

Senri se décomposa en voyant qu’Afya commençait lentement, mais sûrement à quitter le sol. Elle avait dû lâcher son bras quand il avait sursauté ! Senri réagit au quart de tour et se jeta vers elle, il passa une main autour de ses épaules et l’autre sous ses jambes, puis il la serra contre elle. Ce n’est qu’après avoir fait tout ça, qu’il réalisa qu’il l’avait fait. Il détourna le regard, les joues toujours aussi rouges.

-Hm, ça te dérange pas que j’te porte ? Ce sera p’tet plus… Hm… pratique ?

Afya ne refusa pas. Le cœur de Senri bondit dans sa poitrine quand elle passa ses bras autour de son cou. Bien qu’il tenta de ne rien laisser paraître. Avancer ainsi était plus difficile qu’il n’y paraissait, non pas car porter Afya était compliqué ; même sans ses nouveaux pouvoirs qui avaient tendance à l’alléger, il aurait pu la porter sans mal. Mais, c’étaient ces mêmes pouvoirs qui posaient problème présentement ; lui aussi commençait à s’envoler et devait forcer sur son corps pour regagner la terre ferme.

Il avait demandé à Afya de le guider pour les mener jusqu’à l’hôpital, pour se concentrer totalement sur sa marche. Ils finirent par arriver tant bien que mal à l’hôpital. Senri déposa Afya à l’entrée mais garda sa main entre la sienne. Sans même s’en rendre compte.

- Je… peux te poser ? Ça va aller ?

La jeune femme devenue ballon d’hélium avait bien du mal à suivre toutes les pensées de son compagnon de mésaventure. Ni ses visions, qui le gênaient énormément. Elle aurait aimé les avoir elle, elle aurait sans doute su les gérer et ne pas savoir n’était pas une position confortable car elle imaginait le pire.

« Non pas de soucis. »

Elle n’était pas plus à l’aise que Senri quand il la prit dans ses bras, mais cela eut l’avantage de les rendre discrets. Cela lui donnait un air guilleret et sautillant, comme devrait l’être tout jeune marié. Personne ne remarquait la femme qu’il tenait à bout de bras et qui s’envolait.

« C’est quand même une drôle d’histoire, dans quelques temps je suis certaine qu’on en rira !  »

C’était un vœu pieu. Pour l’instant c’était un peu compliqué. L’on ne voyait pas le rouge sur les joues de l’ivoirienne mais elle n’en menait pas large. Si elle n’avait nul souci à prendre ses amis dans ses bras, c’était autre chose pour cet homme qui était devenu son mari. C’était étrange, rien que ces mots. Ils s’étaient bien mariés, Senri l’avait plus ou moins confirmé. Elle avait espéré que ce ne soient que des circonstances qui leur aurait fait croire que…

« Puis si faut on s’est pas réellement marié ? »

L’important c’était d’y croire, tant qu’ils n’avaient pas de papiers officiels sous les yeux (et quelqu’un pour les leur traduire) tout était possible.

Arrivant dans le vrai hôpital cette fois, Afya était loin de se douter qu’elle était en ces lieux celle qui pouvait le mieux soigner les gens. Enfin, elle ne devait pas être sonore elle l’avait deviné, donc si elle prenait le temps d’y réfléchir c’était normal qu’elle soit guérisseuse. Elle ne réfléchit pas. Un panneau semblait indiquer l’accueil des urgences.

« Oui heu, enfin tu ne me lâches pas hein ? On va par là ! »

Descendue des bras de son époux fut une rude affaire pour la femme qui s’élevait vers le plafond. Elle soupira et un courant d’air fit s’envoler les papiers de la réceptionniste. Au moins cela eut-il pour bénéfices d’attirer son attention et de ramener sur le plancher des vaches l’ivoirienne.

« Bonjour, nous venons urgences. Il doit voir docteur. Je suis sida. »

Elle faisait de son mieux la petite Afya pour parler anglais, mais évidemment c’était pas.

« Votre nom et prénom, vos papiers d’assurance s’il vous plait monsieur. »

Senri sourit aussi naturellement que possible — c'est à dire de manière un peu forcée — quand Afya s'efforça de dédramatiser leur situation. Il était vrai que c'était cocasse. Mais le fait qu'il ressentait une avalanche de sentiment à chaque nouveau pas, à chaque nouveau regard sur Afya l'empêcher de saisir tout le comique de la situation. Il avait l'impression d'être redevenu sensitif. Sauf qu'à la différence de ses pouvoirs solaires, aujourd'hui, il ne pouvait rien endiguer.

Pire encore, il était assailli de vision toutes plus chaotiques les unes que les autres.

Les jeunes mariés remontaient des escaliers, ouvrait une porte à la volée. Titubaient et s'enlaçaient difficilement.

De l'eau froide au sommet de son crâne le tira de ses visions. Il jeta la tête en arrière pour ne pas éclabousser Afya.

— Ouais ! On aura qu'à dire que c'est la faute de l'éclipse !

Lorsqu'ils arrivèrent à l'hôpital Senri acquiesça vivement et serra fermement le bras d'Afya quand elle lui demanda de ne pas la lâcher. Il fut néanmoins un peu surpris par le courant d'air qu'il en mouilla ses épaules.

Finalement ils arrivèrent devant un guichet. Senri étant Senri, il ne comprit pas tout de suite ce qui était en train de se passer devant lui. C'est pour ça que quand on lui demanda son identité et des papiers, il fit les gros yeux.

— Mais z'êtes bouchés? C'est pas moi dont il faut s'occuper.

Évidemment, sous le coup de la surprise il avait parlé en japonais. Il s'efforça donc de reformuler, dans un langage moins fleuris mais aussi plus approximatif. L'infirmière en face de lui poussa un profond soupir face à la désinformation du japonais.

— Le sida est une maladie qui se transmet lors d'un rapport sexuel.

Senri eut un instant d'absence. Il battit des yeux.

Il était de retour dans la chambre. Le soir d'avant. Il y avait mille choses à dire, décrire, mais une seule retint son attention : les lèvres d'Afya et les siens.

Erinté par ses visions, Senri frappa sa tête contre la première surface solide venue. L'infirmière sursauta, Senri s'excusa.

— Senri Yamada. Je n'ai pas de papier d'assurance sur moi.

À dire vrai, il ne savait même pas s'il avait un quelconque papier d'identité sur lui. Mais il était un peu trop retourné par les événements pour réfléchir correctement. Il osait à peine regarder Afya tant il était perturbé.

Il avait vu le baiser, mais ces visions s'étaient arrêté à ce moment. Il était terrorisé par ce qu'il pourrait voir en continuant d'explorer le passé.

Certains jours c’est quand même un peu difficile de se faire comprendre, surtout quand on est ivoirienne et qu’on ne parle pas très bien l’anglais. Afya a donc une idée de génie, elle enlève sa puce électronique, comme ça elle entendra les mots compliqués et elle pourra les répéter… Sauf que maintenant elle ne les comprend plus et qu’elle commence à stresser un peu. Elle se força au calme et serra un peu plus ses mains sur le bras de Senri, si cela était possible. Le pauvre jeune marié aurait sans doute la marque des mains de son aimée imprimée dans son bras à côté du tatouage portant son initiale…

La standardiste se retrouvait bien débordée, comme le crâne du nippon qui pareil à celui d’un kappa débordait, allait-il par se fait perdre tous ses pouvoirs ? Rien n’était moins sûr, et les choses s’emmêlaient. La pauvre bonne-femme n’avait pas reçu dans sa formation d’instructions pour « comment faire face à deux terraens débarquant aux urgences de l’hôpital. » voyant que les choses lui échappaient avant même qu’elle n’ait pu enregistrer leur demande, elle soupira et appela sa supérieure en leur demandant d’attendre un instant.

Pendant ce temps-là, la jeune épouse se mit à réfléchir. Senri n’avait pas l’air de comprendre tout, les personnels soignants ne comprenaient pas ce qu’ils racontaient. Bref, personne ne comprenait rien. C’était pas l’idéal.

« Senri, peut-être qu’on devrait appeler Ipiu tu crois pas ? Si on rentrait à Terrae ce serait plus facile... »

Senri tentait de se concentrer sur ce qui ce passait pour oublier qu’il avait peut-être donné sa petite fleur à son amie. Chose qui le terrifiait. Qui plus est, ne pas se souvenir de ce genre de chose ferait de lui un goujat insensible. Et puis ça allait trop vite ! Il ne fallait pas d’abord rencontrer la famille dans ce genre de situation ? Comment ça se passait dans les shojos ? D’ailleurs pourquoi, il n’y avait pas plus d’explications sur ce genre de situation ?

Qui plus est le contrecoup de ces déchaînements de pouvoir incessants additionné à celui de la soirée trop alcoolisée à en juger par les visions qu’il avait de lui en train d’ingérer toutes sortent de liquides colorés. Néanmoins, quand Afya lui suggéra de téléphoner à Ipiu, ses yeux se mirent à briller.

- Bonne idée !! Je vais le faire !!

Il attrapa son portable tout en prenant le papier qu’Afya avait prit plus tôt. Lorsqu’il toucha la main d’Afya. Il eut une seconde vision. Dans le lit de l’hôtel. STOP. ANNULATION DE LA VISION.

Retour à la réalité. Il composa le numéro à la vitesse de l’éclair. Néanmoins, il se heurta à un répondeur. Au bout d’une dizaine d’appels, on lui répondit enfin. Il hurla presque dans le combiné.

- ALLO MADAME IPIU ON EST COINCES À L'HÔPITAL MAIS C'EST TROP DES TOCARDS ON COMPRENDS RIEN VOUS POUVEZ VENIR NOUS CHERCHER ?

Une voix étrange émanadu téléphone.

—What mais PUTAIN SENRI ARRÊTE DE GUEULER ! Coincé à l'hôpital ? Qu'est-ce que t'as encore fait ?!

Senri se figea un instant. Il ne pouvait pas donner la vraie raison, si ? De toute façon, c’était trop tard, il venait déjà de répondre.

- MADAME IPIU ? Vous avez une drôle de voix. Vous aussi vous avez bu ?! Et on est l'hôpital... mais je sais pas lequel c'est... En tout cas, ce n'est pas le casino, mais le vrai hôpital hein !! Et c'est parce que... euh... j'me suis cassé le nez tout à l'heure en me téléportant. Ouais. Il est genre à l'intérieur de mon visage.
—.... Nan c'est Aaron. C'est quoi cette histoire de picole ? … Attends, attends, attends. Casino ? Vous êtes où ??
- AH SENSEI. Je vous avais pas reconnu !! Bah, euh... On est à Los Angeles, j'crois. Dans un hôpital. Mais avant, on était dans un hôtel bizarre. Parce qu'on s'est peut-être, un peu marié. Mais sans faire exprès, quoi.

Il entendit Aaron parler un peu plus loin du téléphone, Senri déduisit qu’il s’adressait à Ipiu, puisqu’il lui demandait pourquoi ils étaient à Los Angeles.

—............ Sans faire ex-... Non mais j'y crois pas... J'veux le nom de l'hôpital et l'adresse, Senri. Et vous bougez pas !!
- OUI MONSIEUR. Pardon. J'peux vous l'envoyer par message ? Je crois que me crâne recommence à couler, ça va tuer mon portable si ça continue.

En effet, son pouvoir d’eau recommençait à faire des siennes. Il éloigna le téléphone de sa tête et se tourna vers Afya.

- Ils arrivent, faut juste qu’on leur donne l’adresse et le nom de l’hôpital ! Ou alors on rentre à l’hôtel ?

Alors qu’il attendait la réponse d’Afya, il raccrocha pour commencer à écrire un message à Ipiu.

Bonjour, ici la narratrice. Je tiens à dire que si on m’avait dit un jour que quelqu’un dans une merde absolue aurait crié que c’était une bonne idée d’appeler Ipiu, je ne l’aurais pas cru. A moins que la merde absolue n’inclue de cacher un corps… Enfin, ceci tient du détail. Revenons à notre récit. Pendant que Senri s’excitait au téléphone, la pauvre Afya se sentait bien désemparée. Elle ne savait pas quoi faire, essayer d’expliquer le problème à la réceptionniste qui les regardait avec des yeux remplis d’une incompréhension si profonde que même un Blobby aurait paru brillant en comparaison.

Elle ne se trouvait que rarement dans des situations aussi insolvables, timide et réservée elle évitait de sortir de sa zone de confort. D’ailleurs à chaque fois qu’elle l’avait fait cela s’était mal terminé ces dernières années. Elle se remémora l’épisode de la faculté, bien trop présent, et celui du jeune homme qui l’avait agressé verbalement cet été alors qu’elle essayait de comprendre sa différence. Non, définitivement, cette expérience était la goutte d’eau qui faisait déborder le vase. Elle n’était bien que lorsqu’elle avait un livre entre les mains et de la distance avec les gens. Elle n’aurait jamais du sortir de cet espace confortable.

Le téléphone fut épargné de flots déversés par le crâne du kappa quand elle s’en saisit. Elle avait les mains sèches et une vague idée de comment se servir de l’objet. Elle suivit les conseils du garçon. Il fallait absolument que l’on vienne les chercher. Rentrer à l’hôtel ne lui sembla pas une bonne idée, déjà car elle ne se souvenait pas le moins du monde du trajet et ensuite car on leur demanderait sans doute de régler la chambre. Elle réussi à demander l’adresse à l’inutile réceptionniste et les deux jeunes mariés purent profiter de leur lune de miel en attendant l’arrivée d’un master assis sur banc dans le parc… En évitant de se parler ou de se regarder tant la gêne irradiait de leurs annulaires gauches...

Après l'appel, le jeune couplé marié par la force des choses alla s'asseoir sur un banc. Les deux jeunes gens s'évitaient soigneusement du regard et n'osaient pas tellement parler. Il avait indiqué la position du parc par message à Aaron, via le téléphone d'Ipiu.

Reste qu'ils étaient toujours sur le banc. Senri jugea alors bon de poser, très délicatement et timidement sa main sur celle d'Afya. Il esquissa un sourire incertain, mais qui se voulait néanmoins rassurant.

— Ça va aller. On sera bientôt rentré et... 

Une nouvelle vision le traversa.

Ils étaient tous deux dans cette fichue chambre, dans laquelle ils s'étaient réveillés. Et au moment où leurs lèvres se touchèrent à nouveau, son corps se téléporta dans la salle de bain. Tandis qu'il s'assommait contre le mur.

De retour dans la réalité, il se sentit revivre. Il se mit à sourire à Afya.

— Je... Crois qu'on a évité une bêtise hier !

Au moment où Senri déclara ceci, une main se posa sur son épaule et quand il leva les yeux, il fallut défaillir en découvrant le visage d'Ashton. Pourquoi lui ?!

— Tous les deux, nous aurons une discussion en rentrant. Dépêchez-vous.

Il traîna sans sommation le couple — pour être plus exact, il avait agrippé le bras de Senri qui lui tenait toujours la main d'Afya dans la sienne — dans une ruelle à l'abri des regards et la seconde d'après, ils étaient de retour à Terrae.

Une fois rentrés, ils allèrent à l'hôpital pour subir une batterie de tests dont Senri ne comprit pas toute l'utilité. Quand on lui demanda s'il avait eu des rapports sexuels avec son épouse, il secoua vivement la tête de gauche à droite en se plongeant dans un mutisme écarlate.

Au terme de ses tests, l'Ivoirienne n'était toujours pas rassurée et Senri n'était pas encore totalement remis de la question précédemment évoquée, alors il accepta sans broncher de prendre le traitement que lui conseillait son épouse.

Après quoi, ils retournèrent dans leurs chambres. Prenant soin de s'éviter durant quelque temps.