Je crois que tout le monde en a marre de cette Eclipse de merde.
En trois semaines, on a eu la totale : un concert qui a à moitié foiré en beauté, un attentat qui a blessé la pote de tout le monde ici, un combat de Master sur un toit (arrêtez de niquer les caméras svp ?) et une réunion Master à laquelle j'étais pas, mais vu leur humeur à tous c'est clair que ça s'est pas super bien passé. Et personne veut en parler, même Athéna a l'air en rogne donc j'ose pas trop demander. Mais je me doute bien que ça a un lien avec le-dit combat précédemment cité.

M'enfin, je suis pas là pour me faire chier avec leurs raisons. Ils ont les yeux tournés ailleurs et ça m'arrange, je vais pas me plaindre des sms de mythomanes que m'envoie Mitsu pour me dire qu'elle bosse ailleurs (quoique je pourrais), ni du fait qu'Aaron est trop occupé pour se rendre compte que Meta émet à nouveau. D'ailleurs lui aussi il a ses problèmes et son enquête à faire... Bref, beaucoup, beaucoup de choses dont il faut s'occuper.

Enfin, tout le monde va mal, sauf les derniers arrivés.
Heureusement que je dors pas tout à fait comme le commun des mortels, ça me permet de compenser mon absence de voyance en faisant deux trois recherches sur les nouveaux arrivants, parce que sinon j'aurais loupé la version caméo light diluée de Gaetano et Atumane. Urk, trop chelou cette image. Bref, comme je l'ai pas du tout sorti de manière subtile à l'autre teubé au concert (j'étais bourré ok ?), madame a décidé de continuer son petit trafic en venant ici. Des fois je me demande si on est pas juste un endroit pour protéger les criminels, plus pour que les réhabiliter, moi le premier.

Après avoir fermé les logiciels de la salle informatique, je me dirige mécaniquement vers le parc, où je sais que je vais croiser la personne que je dois aller voir. Je suis pas un Master, mais la dernière fois que je leur ai fait confiance pour gérer, j'ai fini au fond d'un couloir en sang, et vu leur état c'est même pas la peine.
Je m'arrête pas trop loin d'elle et l'appelle avec un ton déjà fatigué.

_ Mira Delacorte ? Question rhétorique. On peut parler ?

Il est tôt, encore, du moins, par rapport à ce que les derniers événements ont proposé. Il n'y a pas trois jours j'étais encore hors de ces murs à me balader entre les ruelles à 3 heures du matin pour trouver les meilleures compagnies possibles. J'ai certainement eu de la chance de ne pas m'être faite enlevée, ou quoi que ce soit. Ou peut-être que le gorille qui était venu avec Hortensia pour moi que je l'avais demandé avait bien fait son travail. Qui sait ? En bref, je n'étais pas malheureuse d'être revenue à Terrae. Chaque chose trouve un temps et là, je trouvais qu'il faisait bon climat pour ne rien faire.

Alors, j'avais pris la Bible, avec moi, l'Ancien Testament pour être précise, même si je l'aimais moins que le nouveau. Après tout, ces écrits ont originellement été transposés par des juifs et non par les catholiques, qui alors, sans trop le savoir, évoquaient déjà la loi du plus fort comme étant la loi universelle. Oui, c'est hypocrite, mais ce n'est pas pour rien qu'il y a eu des croisades, sauf qu'apparemment, ils n'étaient pas encore assez forts pour ça. C'est ironique de prêcher le règne absolu de Dieu sur les hommes lorsque les hommes qui servent Dieu ne sont pas capables de dominer leurs opposants. C'est pour ça qu'en toute chose, les croyants ne sont pas ce qu'ils revendiquent être, mais moi je le suis.

Et comme Icare qui s'est brûlé les ailes au soleil, je sais très bien que mon plus grand défaut va dans mes chevilles, mais à force, j'ai plus l'impression de tourner ça en dérision que de vraiment le penser ... de toute manière, je ne risque pas grand-chose, je suis assez certaine que je suis effectivement supérieure aux autres idiots de cet établissement. Je ne dis pas n'avoir que rencontré des incapables, il y a bien certaines personnes que je porte en estime, voire en affection, ce qui est bien plus rare. Il est encore trop tôt pour se prononcer. Mais il faut bien reconnaître que ces gens-là ... eh bien ... ils n'ont pas le QI d'Einstein, défaut compensé par le fait que je les trouve vraiment mignons. Comme des enfants un peu pestes. Y a-t-il donc vraiment quelqu'un doué d'un minimum d'intellect par ici ? Je dois commencer à en douter ...

En bref, j'étais assise sur un banc, à contempler mon livre sans même le lire, puisque, de toute manière, mon regard survolait les mots quand mes pensées se redirigeaient ailleurs. J'avais lu une bonne centaine de versets sans les retenir, maintenant, j'y étais depuis une petite heure déjà.

Je relève la tête, on m'interpelle. Un homme un peu ... étrange se dresse à mon côté. C'est amusant, la première impression qu'il dégage, c'est que, quand bien même il est celui qui vient me parler, on pourrait croire que c'est moi qui l'emmerde. Peut-être que c'est le cas, après tout ? Il sait qui je suis, ce qui fait que je n'ai aucune confiance et toutes les anticipations du monde à livrer à ses propos.

- Bonjour.

Dis-je en souriant. Je n'aime pas l'impolitesse, qu'il prenne ma risette pour du sarcasme ou de la moquerie, je m'en moque, ça ne fera que le renvoyer à sa propre posture et s'il s'en fout, alors c'est que le problème vient de lui. J'ai clairement affaire à un sociopathe, ou au moins à un type assez introverti pour que le simple contact humain ne devienne une indicible corvée. Après tout, je ne lui ai pas encore parlé, pour quelle raison serais-je la raison de cette lassitude prématurée ?

- J'ai une langue, vous aussi, j'imagine que nous pouvons parler. Je me décale d'un cran sur mon banc. Si jamais vous voulez vous asseoir ...

Honnêtement, je m'attends à ce qu'il reste debout, vu son air, il a l'air de me parler à contrecoeur et ces gens là sont bien trop dans l'opposition pour seulement vouloir concéder la moindre chose à leur interlocuteur. Peut-être qu'il me surprendrait, qui sait ?

Je sens qu'elle me regarde, qu'elle me juge, et ça aussi, je m'en fous un peu. Je sais que je suis loin d'avoir le physique le plus avantageux du monde, sans compter mes fringues, même si il y a un net progrès par rapport à mon arrivée ici (j'ai du respect pour les choix d'Ariana et Zola en terme de style, il faut bien). Par contre, lorsqu'elle me dit bonjour, je me retient de lever les yeux au ciel. Oooooh pardon j'ai pas dit bonjour mais quel rustre- non j'déconne, je fais l'effort que lorsque j'ai quelque chose à négocier ou que la situation est trop gênante pour dire autre chose.

Elle reste condescendante -ou peut-être que c'est juste son corps tout entier qui suinte l'arrogance- et me dit qu'avec chacun une langue on devrait pouvoir parler. Si j'étais chiant -je le suis mais j'ai pas le temps- je lui dirai probablement que l'organe est loin d'être le premier acteur de notre facilité de communication, que tu peux parler sans langue et même sans langage, la preuve étant la langue des signes ou les émoticônes. MAIS BREF, je suis pas là pour avoir une conversation sur le langage.

Elle me propose de m'asseoir, et je la prend au mot et prends place à côté d'elle. Attends, tu me donnes une occasion de pas rester debout je vais pas refuser je suis pas fou. Enfin, ça me permet de regarder le parc au lieu de fixer un visage que je connais déjà par cœur. Ça ménage les effets dramatiques, on va dire.

_ Ok, je vais pas t'embêter longtemps, j'avais juste quelques questions en fait.

Je regarde un instant un chien courir dans le parc, qui est très probablement un morphe. Y'en a qui s'amusent, tant mieux.

_ Pour toi c'est quoi au juste, Terrae ?

C'est une question légitime pour beaucoup de monde ici. Entre elle qui sort faire ses affaires, le fait qu'on a des gens qui pratiquent encore un commerce ici alors qu'il est déjà illégal dans leur pays, les énervés qui tapent sur tout le monde, ça fait une belle brochette de personnes qui n'ont absolument aucune envie de s'intégrer malgré le fait que leur précédente vie ait visiblement foiré bien comme il faut, sinon ils ne seraient pas ici.

Surprise ! Il s'asseoit. Autre surprise bien moins plaisante, il me tutoie. Je ne sais pas à quoi je m'attendais, d'un autre côté, un homme de mon âge ne me vouvoierait que s'il était engagé dans un dialogue professionnel, ou avec des intérêts. Celui-ci ne me parlait clairement pas pour mes beaux yeux, alors finalement, il n'y avait pas de quoi être surprise, mais j'ai dû baisser ma garde. Je n'ai pas vraiment l'impression qu'il les regarde de toute manière, il doit certainement préférer le parc, parce que c'est lui qu'il dévisage. Alors, je l'imite, en m'appuyant sur l'accoudoir, tête posée sur mon poing. Il commence en annonçant qu'il a des questions, et immédiatement je lâche.

- Qu'est-ce qui te dit que tu m'embêtes ?

Même s'il avait l'air d'être le plus impoli des bonhommes -Dieu sait que je déteste l'impolitesse- parfois, ça fait du bien un peu d'imprévu. L'Ancien Testament, c'est du lu et relu, ce type-là, c'est de l'exclusif. La seconde question me paraît ... trop simple. Si mon père m'a appris une chose, c'est que ce qui est simple n'est jamais la bonne voie. Il y a un truc derrière cette question, aussi bête soit-elle. Alors, qu'est-ce que c'est Terrae ? Eh bien ...

- Un étrange remix des X-men à Tokyo ? Un institut pour gosses atteint d'un sévère TSPT ? Un état indépendant qui provoquerait l'explosion du monde si la nouvelle de son existence devenait publique ? Tout en même temps, certainement.

Je suis assez sûr qu'avec mon tout beau discours, je n'ai pas répondu à sa question. Il doit certainement vouloir ma perception des choses et ça tombe extrêmement bien parce qu'elle est simpliste.

- Pour moi, Terrae est la meilleure manière de développer mon pouvoir, bien que l'éclipse m'en empêche.

Mon regard revient sur lui, souligné d'un sourire plat, vide, comme la lumière d'un ciel grisé, elle éclaire, mais n'inspire absolument rien. Moi aussi j'ai des questions, et je sais exactement comment les englober en une seule question. Je crois en la puissance de la franchise et l'honnêteté, j'y crois dur comme fer, alors je ne compte pas passez par quatre chemins. Je m'attends à ce qu'il fasse de même.

- Tu veux aussi qu'on parle du beau temps ou bien on peut directement passer à ce pour quoi tu viens me parler ? Après tout, il y a un très beau soleil.

Elle me demande ce qui m'indique que je la dérange. Franchement je sais pas, c'était pour le principe et c'était purement rhétorique, mais rien qu'à son air de madame je sais tout et je vais chercher à t'embrouiller j'aurai bien aimé la déranger. Allez, juste pour voir un faux sourire sur sa sale de gueule de première de la classe.

Ah bah voilà, exactement ce que je pensais. Elle répond à ma question par d'autres questions, et elle croit que ça la rend intelligente. Je le sais je fais exactement pareil ok, sauf que moi j'ai toujours l'air d'un con. Et les réponses qu'elle proposent sont toutes semblables : ce sont les points du vue que l'on a depuis l'extérieur. Des points de vue que l'on adopte lorsque l'on ne se sent pas concernés. Il est évident qu'elle ne se considère pas ni comme une X-Men, ni comme une gosse atteinte de TSPT. Bon peut-être que la partie "état indépendant" l'intéresse plus, et ça me file un frisson de dégoût quand je pense à tous ces enfoirés qui ne viennent que pour profiter de nous. Ah ! Bah voilà ce qu'il lui manque. Le nous.

Lorsqu'elle répond franchement à la question, j'esquisse une grimace. Ah bah voilà, elle veut les pouvoirs, enfin leur maîtrise. Pas étonnant, mais illusoire, et débile. Les pouvoirs sont là pour nous apprendre des choses sur nous mêmes, pas pour nous servir d'arme ou de faire-valoir. Mais bon allez lui faire comprendre ça. Elle me propose de parler du beau temps ou d'en venir à mon sujet de discussion. Sauf qu'elle se goure, on est déjà en plein dans mon sujet de discussion.

_ T'y es pas du tout, on parle parfaitement de ce dont je veux parler. J'ai pas envie de dire de conneries alors plus tu réponds, plus je me fais une idée de qui tu es. Plutôt évident d'ailleurs, mes questions sont pas subtiles, et elles cherchent pas à l'être.

La langue de bois c'est pour les politiques comme mon cousin ou les connards comme mon oncle, non en ce moment j'en ai marre de faire de perdre mon temps pour des conneries.

_ Qu'est ce que tu vas foutre de ces pouvoirs une fois que tu les auras maîtrisé ?

J'ai déjà ma petite idée, mais si elle confirme au moins on partira sur les bonnes bases.

Et on dit de moi que je suis suffisante ... ce type est tellement négatif qu'il pourrait tuer une audience simplement en leur disant bonjour. Encore faudrait-il seulement qu'il le dise, sérieusement, même Baudelaire aurait l'air d'un joyeux compagnon à côté de ce type. Quelqu'un comme lui ne devait certainement ressentir aucune joie, aucune, absolument rien, nada. Sa vie était certainement remplie de corvées, du moins au travers de ses yeux. Il donnait l'impression de porter le fardeau d'Atlas et de crouler sous son poids. Les gens fatigués sont fatigants, et les gens blasés me blasent.

Je ne sais pas trop où est-ce qu'il veut en venir, de toute manière je suis assez certaine qu'il veut m'emmener quelque part avec son petit jeu d'insolence et de rentre-dedans pas très subtil. Et il s'en vante, apparemment. Enfin, en tout cas, il l'assume, est-ce qu'il en est fier ? Je m'en contrefous. Tout ce qui m'importe c'est qu'il aille droit au but au lieu de faire comme si ma vie et mon avis l'intéressaient. Il y a juste quelque chose qu'il veut me faire cracher ce sociopathe, c'est sûr.

C'était bien l'une des premières fois où je me faisais embarquer dans un jeu qui n'avait rien pour me plaire. Voilà le problème, je n'ai pas envie qu'il sache qui je suis, par conséquent, je n'ai pas envie de lui répondre et là je commence à en avoir marre des questions à sens unique. Alors, j'hausse les sourcils avec un soupir et reprends mon livre, tout en recroisant à nouveau mes jambes.

- L'Ancien Testament est plus captivant que ta conversation - ton interrogatoire, pardon. corrigeai-je.

Et c'était la vingtième fois que je devais le relire, certainement, ce livre. Ce gars commençait à m'énerver à franchir mes limites et à essayer de me faire parler de je ne sais quoi. Est-ce qu'il était comme ça avec tout le monde, ou bien j'étais un cas particulier sur lequel il avait décidé de se défouler ? Je lui jetai encore un regard de côté, mais qu'est-ce qu'il pouvait bien me vouloir ce taré ? Le type travaille certainement pour l'institut, à poser des questions pareilles, mais merde j'étais en rendez-vous avec Hideko y a pas trois jours, peut-être même moins, s'ils avaient des inquiétudes ils n'auraient pas pu développer à ce moment-là plutôt que de m'envoyer leur Grinch barbu ?

- Je sais pas qui tu es, par ici, mais si tu veux qu'on parle toi et moi, envisage d'être plus aimable. Ce n'est pas moi qui ai besoin de réponses.

Je peux tout aussi bien rester là et lire mon livre, c'est lui qui est venu me voir, par conséquent c'est lui qui a besoin de quelque chose. Il n'obtiendra rien contre mon gré et mon gré  n'est pas accordé au premier boudeur venu.

Ce qui amusant, c'est que son attitude est visiblement aussi hostile que la mienne, mais que moi je m'en fous un peu. Oui j'ai commencé à en avoir assez de faire la conversation avec des criminels qui n'ont aucune envie de s'intégrer ici et non je ne vais pas lui faire ni le privilège de lui être agréable, ni de fuir. Je suis un gentleman. D'ailleurs quand elle me sort avec une franchise qui ne me surprend pas que je suis plus chiant que l'ancien testament, je la prends au mot.

_ Ah bah parfait, comme tu veux. "Voici les chefs de leurs familles. Fils de Ruben, premier-né d'Israël: Hénoc, Pallu, Hetsron et Carmi. Ce sont là les familles de Ruben. Fils de Siméon: Jemuel, Jamin, Ohad, Jakin et Tsochar; et Saül, fils de la Cananéenne. Ce sont là les familles de Siméon. Voici les noms des fils de Lévi, avec leur postérité: Guerschon, Kehath et Merari. Les années de la vie de Lévi furent de cent trente-sept ans. Fils de Guerschon: Libni et Schimeï, et leurs familles. Fils de Kehath: Amram, Jitsehar, Hébron et Uziel. Les années de la vie de Kehath furent de cent trente-trois ans. Fils de Merari: Machli et Muschi. Ce sont là les familles de Lévi, avec leur postérité. Amram prit pour femme Jokébed, sa tante; et elle lui enfanta Aaron, et Moïse. Les années de la vie d'Amram furent de cent trente-sept ans." Je continue ? Non parce que j'ai aussi en affection particulière les versets 21 à 62 du chapitre 15 du livre de Josué si tu veux.

Je lui fais un sourire forcé, parce que si elle connaît un peu ce dont elle parle elle comprendra aisément qu'il s'agit d'une looooongue liste de noms de villes. Oui, j'ai lu la Bible, ancien et nouveau testament dans son intégralité, je pensais que ça m'aiderait à comprendre pourquoi les hommes se sont massacrés pour ce bouquin. Conclusion ? Ils ont probablement pas lu le bouquin, en fait. (Je ne dis pas que la Bible est pacifique loin de là, juste que les fanatiques ne l'ont pas lu en entier.)

Elle me corrige, ne me trouvant pas suffisamment aimable.
Oh pardon, j'avais oublié que c'était une miss, j'ai perdu toutes mes manières ! Oops, quelles manières ? Mais le fait qu'elle ne soit pas au courant de qui je suis, ça me rend plutôt heureux. Pour une fois que je peux dire totalement ce que je veux ! Alors, sur quoi je vais me rabattre... Ah non, avant, répondre à son accusation.

_ Oh pardon, j'avais oublié, vu ton statut tu dois pas avoir l'habitude qu'on te secoue un peu hein. Tu dois avoir l'habitude qu'on te traite bien et qu'on baisse la tête devant toi, et tu dois probablement te sentir toute puissante parce que tu as fait tuer deux-trois types ? Peut-être que tu en as déjà tué toi même ! Mais désolé, ça ne m'impressionne pas, t'es ni la première ni la dernière fille de mafieux qu'on a à Terrae.

Je m'avachis carrément sur le banc et prends mes aises.

_ Je suis affecté à la sécurité informatique de Terrae, c'est en parti moi qui est derrière les caméras. J'ai besoin de tes réponses sur ce que tu fais ici et ce que tu penses de Terrae, parce que je sais déjà tout ce que tu fais ici et une partie de ce que tu as fais auparavant, et oui, c'est tes actes qui posent problème. Mais, comme je suis généreux et pas télépathe, je préfère demander avant de juger.

Vous avez vu, je suis grave galant en vrai !

Par la Providence ... il me récitait vraiment un extrait de l'Exode. Au moins, il avait le mérite d'avoir un minimum d'auto-dérision ? Et de culture, également, même si la Bible ne nous concerne pas, elle a toujours un sens pour tout le monde, que ce soit religieux, ou philosophique. C'est assez rassurant de savoir qu'il n'est pas tout à fait idiot, tout le contraire même, on ne retient pas un paragraphe aussi long de ce genre d'ouvrage pour briller en soirée jeune. J'ai cru comprendre que faire ce genre de choses résulterait très souvent en insultes une fois le dos tourné. Moi, je l'ai lu et le lit encore à titre référentiel, mais il doit y avoir beaucoup de qui n'en volent que des extraits pour avoir l'air de s'y connaître alors qu'ils sont aussi renseignés qu'une pédale superficielle.

J'écoute ce qu'il a à dire sans vraiment broncher, du moins, au début. Levant les yeux au ciel, j'esquisse un maigre sourire, avant de fermer le livre. Lorsque je rabaisse mon regard, je le vois qui prend ses aises et se laisse couler sur le banc, mon banc. J'ai l'impression qu'il est vraiment sévèrement atteint. C'est amusant, tout de même, je fais de mon mieux pour rester sage, plus encore après l'entretien que j'ai eu avec la directrice et pourtant, c'est à cette période-ci que l'on vient m'emmerder pour la première fois sur mes origines.

Après un enchaînement de manque de respect complet, il daigne finalement se présenter. Je profite de cette partie pour sortir une cigarette et l'allumer. Un sentiment me dit que ça n'allait pas être une conversation facile, alors j'en aurai sans doute besoin. Il se vante de savoir tout ce que je fais ici, comme si être un pervers paranoïaque était une qualité. Sans doute pour ce travail, oui, après tout, il faut déjà haïr sa vie pour vouloir épier celle des autres. Est-ce que c'est pour ça qu'il est grognon ? Heureusement pour moi, je ne suis pas exactement susceptible. C'est rare pour quelqu'un de mon rang, mais c'est avantageux dans ma profession, ça permet de faire moins de bêtises. Je serais vraiment une idiote de me mettre à son niveau.

- Tu n'avais vraiment pas besoin d'être aussi aigri. Je n'ai vraiment aucun secret ici, à Terrae et si c'est par rapport à mon excursion, j'ai déjà été m'expliquer avec Madame Honda.

Je n'ai aucun secret POUR Terrae, plutôt. Oui, ma mafia je la gère encore de loin, mais j'ai suivi le contrat ; je n'ai rien dit de l'institut, ni sa position, ni sa fonction, ni sa nature et ce à qui que ce soit, ni même à Hortensia. De mon point de vue, j'ai été très conciliante avec cet institut compte tenu de ce que j'aurais pu lui faire subir. Quelques photos, quelques messages à ma chère amie et l'existence de cet endroit aurait pu devenir publique en deux temps, trois mouvements.

En fait, je suis tellement bonne pomme que je lui tends même une cigarette, pourvu qu'il soit fumeur. J'ai un air assez neutre au visage, un peu blasé, tout de même, à cause de son irruption subite.

- J'ai beau boire, me droguer et me comporter comme une pétasse hautaine à tes yeux, ça ne m'empêche pas de vouloir faire comme tout le monde, ici. Puis pour rappel, c'est Terrae qui aurait dû me dire ce que je fais là, pas moi qui devrait vous le renseigner.

On m'y a invitée, oui, mais à l'époque, entre la confusion et la colère je n'avais pas exactement d'autre alternative pour comprendre ce qui venait de se passer avec ces pouvoirs subits.

- Vous vous êtes juste présentés comme une solution, alors j'ai mordu sans y réfléchir trop longtemps. En fait, au début je pensais carrément que vous comptiez me tuer pour me disséquer ou je ne sais quoi, mais avec la mort de mes parents je n'avais pas vraiment l'humeur de m'en soucier.

Je me retourne vers lui en fixant un regard confus dans le sien, avec un ton plus contrarié, j'explique.

- Alors je ne comprends pas vraiment, vous êtes là pour nous protéger et nous faire grandir ou bien simplement pour nous canaliser en nous rappelant sans cesse que parce que nos pères étaient des criminels, nous sommes des chiens à museler ? Est-ce que Hideko sait seulement que tu prends des initiatives comme celles-là pour intimider les gosses de mafieux ? Puisque je ne suis pas la seule, il doit y avoir d'autres à qui tu as joué ton numéro de Big Brother. Je me demande bien comment ça a tourné ...

Elle me reproche d'être aigrie et me dit qu'elle n'a aucun secret pour l'Institut.
Je hausse un sourcil -pas pour la partie concernant ma mauvais humeur ça osef- mais sérieusement ? Donc Hideko est au courant qu'elle gère sa mafia ? Et elle laisse passer alors que ça n'est légal dans aucun putain de pays ? Ah oui, j'avais oublié que Terrae était l'exception de la 300ème chance... Et ben, ça promet.

Elle me propose une cigarette et je grimace sérieusement parce que déjà qu'elle me fout sa fumée dans sa gueule elle voudrait que je l'accompagne ? Bah non, j'ai pas besoin d'une addiction de plus merci. Elle déblatère qu'être une bonne vivante ne l'empêche pas de vouloir la même chose que tout le monde... Vraiment ? J'y crois pas. Se réintégrer ? Guérir ? Elle ressemble à tout sauf à une meuf qui veut changer de vie, et ce qu'elle dit ensuite confirme ça : que Terrae lui dise ce qu'elle fait là ? Pourquoi tout le monde fais semblant d'oublier que s'ils sont ici c'est qu'ils ont accepté de venir parce qu'on leur a déjà expliquer quel bénéfice ils pouvaient en tirer en fait ?! Ça me fatigue.

Elle en dit plus à propos des dissections et tout le reste, et... Ah, ses parents sont morts ? Je retiens presque un ricanement. Si c'est la raison pour laquelle elle est ici alors peut-être que tout n'est pas perdu, et encore. Ouiiii je sais j'ai rien à dire mon Vide est clairement plus nul que ça. Quoique, je préférerais presque que mes darons soient effectivement morts. On a pas besoin de négocier avec des cadavres.

Je me tiens silencieux, un peu perdu dans mes réflexions, jusqu'à sa dernière tirade, pour laquelle je laisse échapper un vrai rire. Elle a failli toucher juste, seulement...

_ OH PARDON- J'avais pas compris que tu étais une victime- "parce que nos pères étaient des criminels" t'es sérieuse tu pense que c'est ça mon problème ? J'en ai rien à foutre de qui sont tes parents, tes frères et sœurs, tes cousins ou je sais pas qui, moi mon problème c'est que tu es une criminelle. Tu l'étais avant d'arriver à Terrae ok, comme beaucoup de gens. Mais tu continues à tremper dans les affaires et t'as visiblement pas du tout l'intention d'arrêter, est ce que Hideko le sait ça ?

Je chasse une vague de fumée de la main pour pas tousser et reprends.

_ Tu as raison, la directrice ne sait pas que je viens te parler, et tu pourras aller te plaindre bien sagement auprès d'elle quand tu voudras. Je suis sûr que ma sanction sera terrible, je ricane amèrement. Mais t'arriveras pas à lui faire croire que je t'ai intimidé, j'pense que c'est plutôt évident.

Je l'ai appris à mes dépends, je ne risque pas grand chose même si j'avais effectivement voulu la menacer. "Je suis désolé j'ai un peu dépassé les bornes mais j'ai peur qu'elle fasse du mal à Terrae vous comprenez ?" ou non attendez j'ai mieux ! "Je veux débarrasser le monde de ceux qui nous veulent du mal !" c'est bien un truc que l'autre couillon pourrait dire tiens... Trop tôt ? Jamais.

_ D'où la question : qu'est ce que tu fais ici. Si tu veux continuer à faire des trucs illégaux j'vois pas pourquoi Terrae te filerait des pouvoirs en fait. Je monte juste un dossier de réflexion pour filer à notre chère directrice.

Voyez comme je suis gentil en réalité, je suis juste un chercheur en sciences humaines !

J'ai parlé trop vite quand je disais que l'Ancien testament était un meilleur passe-temps que ce bonhomme. Il commence à m'accuser de toutes sortes de choses, comme si j'étais autant responsable d'être tête de ma mafia que de la crise de 1930. En fait, à l'entendre, j'aurais tout à fait pu causer la peste noire qu'il aurait pu en être convaincu. Ce n'est pas difficile de comprendre que ce n'est pas moi le problème, ici, mais je ne vois pas de manière de faire passer ce message à un homme des cavernes bourré de craintes. Pour lui, j'ai certainement posé un pas sur la ligne fictive qui délimite les frontières de son territoire et il ne doit pas aimer la concurrence, lorsqu'il s'agit de contrôle.

Tant pis pour lui, je suis là pour rester et ce n'est pas un paranoïaque avec un sévère syndrome de TSPT qui m'intimidera assez pour me convaincre de partir de mon propre chef. La directrice n'a apparemment rien à voir derrière cette intervention, ce qui m'arrange bien, puisque j'aurais bien mal pris que la haute administration m'ait dans le collimateur. Je conserve une allure flegmatique durant l'intégralité de son petit réquisitoire qui m'ôte tout de même un léger rictus que d'aucuns jugeraient de condescendant.

- J'avais tort, tu es bien plus distrayant que ce vieux bouquin.

Quand bien même il a l'avantage de l'inédit, il faut bien avouer que les paroles fantasques qu'il m'adresse sont plutôt intrigantes. Le truc, c'est qu'il ne peut rien prouver sur moi, et encore moins sur ce que j'aurais fait à Terrae, puisque j'ai bien veillé à ce que la chose la plus illégale que j'ai faite entre ces murs, c'est de me la jouer adolescente en organisant ma petite fugue au centre-ville. Ma mafia connait très bien ses ordres, ils savent très bien que faire en mon absence; leur routine et rien de plus, rien de moins. Hortensia y veille.

- C'est dommage, cependant, que la directrice ne t'ai pas envoyée ici elle-même, j'aurais bien voulu entendre un message de la part de la hiérarchie supérieure, mais celui d'un sous-fifre a pour moi la valeur d'une chiure de mouche.

Je continue à sourire, tirant sur le bord de mes lèvres pour lui offrir une moue sarcastiquement navrée. En même temps, je n'ai aucune idée de ce qu'il espérait faire en venant me parler, surtout sur ce ton. Les gens que j'apprécie, je leur donne tout mon dévolu de bonne foi, mais ce genre d'imbécile primaire, ils ne méritent pas les sourires que je lui offre. Il est quand même mignon, comme un petit chien sale qui vient de se rouler dans la boue et vient salir le carrelage avec ses minuscules pattes à peine griffées, aboyant pour qu'on le remarque sans que personne ne s'inquiète qu'il montre les dents. En bref, ce type est un pétard mouillé.

- Je me fous que tu sois de la sécurité, ici, je me fous que tu saches qui je suis, qui étaient mes parents. Jusqu'à ce que tu trouves quelque chose pour convaincre la direction que je suis et resterai une criminelle, tes paroles ne vaudront pas la moindre chose à mes yeux.

Je rive à nouveau mes yeux vers l'Ancien Testament, tournant la page que je venais de finir. Sans regarder mon interlocuteur, je conclus.

- Amuse-toi bien à chercher des preuves inexistantes.

HRP : Désolée du coup pour le temps de réponse, l'inktober et les cours bouffaient toute mon énergie ! Go se défouler maintenant xD
PS : la phrase en gras, il la sort avec son pouvoir de sonore activé (pas exprès cela dit). Etant donné qu'il contrôle pas trop mal, ça ne sera pas plus fort mais ça peut tourner dans la tête de Mira un peu plus longtemps >> (ou être inefficace à toi de voir !)



Est ce que je suis censé être flatté qu'elle me trouve moins chiant que l'Ancien Testament ? J'hésite un instant sur la conduite à adopter qui la fatiguerait le plus. Avant c'était simple, je prenais chaque insulte pour le plus beau compliment et chaque compliment pour- ah bah non pardon, personne ne me complimentait vraiment. Là on a affaire à un compliment soupoudré d'un sourire détestable au possible, un entre-deux dont je ne suis pas fan (je suis pas fan de grand chose vous me direz).

_ On me le dit souvent, je rétorque avec un grand (et faux) sourire et un ton mordant.

Elle m'insulte ensuite ouvertement avec un air parfaitement contrôlé et calme. Ah ouais carrément, une chiure de mouche. Je lève un sourcil devant tant de... D'inventivité dans l'injure on va dire. Même si on va se mentir, c'est... Petit ?
Je sais pas ce que c'est leur obsession à tous face de l'autorité. C'est rarement un chef qui voudra te buter, mais un sous-fifre de merde un peu trop zélé, qui certes sera puni mais après l'acte. Pour les têtes pensantes tu as plus de valeur vivant. En gros, y'a plus à craindre des abrutis de bas-étage, mais chacun sa logique. Je relâche donc mes muscles pour écouter la suite, sachant que je suis le seul de nous deux à vraiment écouter ce qu'elle a à dire.

Quant à sa dernière tirade, elle me fait lâcher un soupir las au possible.
Ils me trouent tous le cul à oublier que cet endroit est rempli de télépathes et de voyants. Certes, la situation est plus compliquée maintenant, mais si elle croit décemment que je serais venue la questionner sans preuve alors ça prouve à quel point elle ne me connaît pas. Si elle pense qu'il faudrait que je convainque qui que ce soit alors qu'il suffit de montrer, que ce soit physique ou mental, alors elle se fourvoie. Mais je ne suis pas assez galant pour la prévenir. Elle n'aura plus qu'à prier pour qu'Aaron ou Hideko ne me pose jamais de question à son sujet, parce que je ne mentirai pas. Je suis ce genre de flemmard, je ne vais pas aller la dénoncer (pas le temps pour ça et faire le premier pas est une idée de merde, surtout qu'on va encore m'accuser de harcèlement sans blague), mais si on me demande, je me gênerais pas pour la charger.

Je vois qu'elle tourne à nouveau la tête vers son bouquin et me lève en imitant son sourire de faux-cul à la perfection.

_ Pas de soucis, je suis un professionnel des chasses-au-trésor, je dis presque amusé. En plus ça ne sera pas si dur à trouver, vraiment, désolé si ça vexe sa majesté. A moins que...

Je feinte le doute une seconde avant de claquer des doigts.

_ A moins que j'ai déjà deux-trois trucs sous la main ! Impossible enfin, c'est si bien caché, je ricane, me foutant clairement de sa gueule. Sur ce.

Et je fais demi-tour, notant définitivement son nom dans la liste mentale des abrutis qui sont venus ici sans aucune envie de changer.

Enfin ! Il fout le camp .... il met du temps à le faire, mais j'imagine que ça ne saurait tarder. Moi, je lis mon livre, ou plutôt, je suis l'histoire d'assez loin mais je n'en manque aucun détail. C'est tout de même assez excitant, de la théorie pendant tant d'années, de l'observation prolongée, loin de l'action, et déjà, à peine arrivée dans un endroit que je ne connais que très mal, je me fais déjà interroger. Alors oui, "excitant" est le mot que je cherche pour qualifier ce train de vie. C'est le mot qui me vient, et bien sûr que non, je ne suis pas en train de lire ce vieux bouquin, mais il faut quelque chose pour cacher mon enthousiasme.

C'est pourtant idiot, de se sentir vivante à cause de quelque chose qui nous "menace", en fait je ne saurais dire si j'étais fascinée par ce que je venais de vivre, ou simplement hilare d'un simple fait, que je me gardais bien de dévoiler. De toute manière il ne me croirait pas. Barbe-rouge n'a qu'a bien chercher son trésor, si ça l'amuse, cette miss là n'avait aucune envie de jouer à son jeu. J'avais peut-être bien envie de jouer à un autre genre de charade, cependant, faire une fausse piste, ou je ne sais quoi pour lui faire perdre son temps. C'était une idée, ça, idée que je garderai en tête.

En attendant, je le regarde une dernière fois tandis qu'il imprime sa tête de bluffeur sur son visage. Alors, c'est à ça qu'elle ressemble. Je la retiens, elle me sera utile plus tard. Je lui souris avec une incomparable douceur, alors qu'il devait certainement essayer de me faire flipper. Sauf que je suis un esprit fixé, pas du genre à douter, si j'avais fait un truc qui me valait mon statut de gamine de mafieux, je m'en serais rappelée. Alors, non, son jeu ne prend pas, mais il a néanmoins gagné un joli sourire, donc, c'est bénéfique, pas vrai ?

- Qui sait ?

Lui réponds-je avec un ravissement que je ne cache même pas. A quoi bon, en rétrospective, cette petite farce était vraiment une bonne manière de passer le temps. Bon, j'ai peut-être fait la gueule à outre-mesure, j'aurais dû être plus souriante, je pense, ça aurait été infiniment plus drôle. Mais je retiens ça aussi pour la prochaine fois. Des conversations fielleuses, aux formes si mielleuses et qui cachent des menaces qui, parfois, sous-entendent la mort ... je n'en ai que trop entendu, il était temps que j'en vive les prémices.

Je lui fais signe de la main lorsqu'il prend congé, et retourne à mon vieux bouquin poussiéreux. Je suis définitivement bien atterrie parmi les fous et je crois que j'adore ça. Dieu ait pitié de mon âme, à moins qu'elle ne soit déjà perdue ? Peu importe, tout ça ne rend ce jeu stupide que plus attrayant.

Hrp: