La sueur colle les cheveux synthétiques de sa perruque contre sa nuque et son front. Le souffle court, elle remet sa frange droite en place d'un mouvement tremblant de la main. L'instant d'après, elle porte ses doigts à son nez, d'où coule un mince filet de sang. Elle s'est pris un sacré coup sur le bord de la joue et le nez, la douleur pulse et irradie encore. Pourtant, dans son costume sombre d'une semblance semi militaire, semi héroïque, son masque sur le nez, Ariana se contente de sourire à la personne qu'elle vient d'aider. C'était pas grand-chose, juste s'interposer lors d'une tentative d'intimidation, mais au moins la personne la plus agressive a fui. Celle-ci lui a juste collé un pain avant de se prendre un méga coup de vent dans la tronche. Bon. Ca arrive. Faudrait juste éviter que sa joue enfle… et devienne bleue. Urg. Il vaut mieux qu'elle aille récupérer un truc frais dans un congélateur de la cafétéria.

Sans attendre davantage, Ariana s'enfuit, poussée par le vent. Littéralement ; elle a tenté de planer, mais c'était une tentative vouée à l'échec. Elle doit avoir bien piètre allure face aux personnes qu'elle croise !…

Un coup d'oeil discret à l'intérieur du bâtiment ; personne à cette heure, il est sans doute un peu tard pour un dimanche soir… Elle se faufile jusqu'à la cafétéria, contente de n'entendre aucun bruit. Dans la cuisine, elle récupère un sachet de petits pois (berk) congelé qu'elle pose contre sa joue avec une grimace. Espérons que cela limite les dégâts.

Soudain, des voix dans le couloir ; désireuse de ne pas se faire remarquer, elle s'approche d'une fenêtre qu'elle ouvre et saute. Etant au rez-de-chaussée, l'atterrissage ne se fait pas douloureusement — son pouvoir d'Air vacille un peu et la fait juste atterrir un peu plus loin que prévu… pile devant quelqu'un !

Clignant des yeux, elle se redresse et lâche :

—Ah ! Salutation, étranger ! Ne fais pas attention à moi, je suis en mission spéciale--, commence-t-elle de sa voix plus grave* de super héroïne, avant de chercher à s'éclipser.

Il se peut que cela lui ait échappé. Mais bon, comment vous voulez qu'elle justifie le fait qu'elle soit habillée dans son costume de super héroïne, avec une perruque blond platine coupée au carré, un masque et un paquet de petit pois contre sa joue ? Même pour elle, c'est un peu trop ! En plus, elle a encore un sillon de sang qui s'échappe de son nez...



*Elle essaie de parler d'une voix plus calme et plus grave, globalement, vu qu'elle part souvent dans les aigus normalement ! C'est pour éviter de se faire reconnaître tout de suite lol.

Le pas lent, j'errai comme une âme en peine dans les couloirs de l'institut. De toute façon je n'avais rien d'autre à faire... Je croisais de temps en temps des élèves qui se dépêtraient avec leurs pouvoirs (enfin, tentaient serait plus juste vu leur niveau de me... crotte) mais m'en éloigner vite pour ne pas avoir à intervenir, ou à conseiller qui que ce soit. J'en avais assez de ces phases d'éclipse. J'en avais assez de changer de pouvoirs tous les quatre matins, pour retrouver avec des affinités... avec lesquelles je n'avais aucune affinité justement! Sur un coup de colère, je donnais un con coup de pied dans un caillou qui vola dans la cour.

- Tas de poudre de chameaux en rut de ....!!

Je n'eus pas le temps de poursuivre mon inspiration divine car je glissais au même moment sur une feuille (on se demande bien ce qu'elle fait là! C'est l'hiver, t'es morte normalement, t'existes plus!!!!) et m'étalais de tout mon long, face contre terre. Aïe! Je me relevais sur les genoux, me massant le bout du nez, bizarrement plus songeur que réellement en colère, quoique... Ça ne me serait jamais arriver avant ça... Impossible d'être pris par surprise, c'est comme ça que j'avais toujours vécu. C'est ce que j'avais toujours connu depuis mes dix ans au moins... Et là.
Comme pour me donner raison, un drôle de machin atterrit devant moi à la vitesse d'une comète. Un truc que je n'avais encore une fois pas prévu. Un OVNI ? Non... SIA. Tout simplement. J'écarquille les yeux, me donnant un air profondément ahuri (la tenue n'aide pas trop en plus... elle fait quoi là ?).

-Qu'est-ce que... ? Qui... ? Comment ... ? Pourquoi ... Oh non, Non, NON Mer....CREDI!

Sous le coup de l'émotion, des étincelles avaient crépité au bout de mes doigt, mettant le feu à la feuille sur laquelle je glissais tout à l'heure. D'un geste rageur, je me relevais et l'éteignit à grand renfort de piétinement. Je me retournai vers l'inconnue.

- "Salutation étranger" ? De quoi tu parles toi ?? Elle fout quoi Sia à Terrae d'abord ?

La personne qu'elle a surprise semble vraiment surprise. Oué. Ben. Ecoutez, hein. Elle s'apprête à disparaître sans laisser de trace, telle la super-héroïne qu'elle est, mais l'adolescent a l'air quelque peu… perturbé par leur rencontre, il faut dire. Tellement perturbé qu'il fait des étincelles et qu'il fout le feu à une feuille par-terre. Dafuq. C'est quoi cet enchaînement teubé de situations débiles ?! Ariana cligne des yeux, veut ouvrir la bouche, puis se ravise… Elle va juste disparaî- Ah merde, maintenant il lui parle.

La rouquine-qui-n'est-plus-vraiment-rousse a un petit geste de la main dans ses faux cheveux pour se donner l'air classe. Elle a juste oublié qu'elle a un paquet de petits pois contre sa joue dans l'autre main.

—Sia est à Terrae pour faire régner la justice, mon bichon ! Visiblement, aucun Master n'est fichu de s'en occuper en ce moment, alors je m'en occupe moi-même ! Vive Sia, vive la révolution, eeeett ta chaussure est en train de fumer, au fait.

Merde. Merde. C'est un Master, en fait, constate-t-elle à la lueur d'un lampadaire. AH MAIS C'EST AKIHIKO EN FAIT. C'EST UN DES SEULS MASTERS EAUX QUI EXISTENT A TERRAE. UNE LEGENDE (teubée un peu, faut l'avouer) QUI EST PASSE MASTER A GENRE 12 ANS APRES AVOIR DEFONCE HIDEKO. SI SI SI. ELLE EST PRESQUE SÛRE QUE C'EST CA !!! (Presque). Elle espère vraiment que la diversion de la chaussure (qui n'est pas vraiment en train de fumer) fonctionnera le temps qu'elle disparaisse dans les brumes des enfers, un peu plus loin. Très loin, en fait.

P*tain c'est bien elle!! La voix c'est pas trop ça quand on y porte vraiment attention mais beaucoup de chanteurs ont une voix différente en temps normal que lorsqu'il chante. Il y a de noooooombreux exemples!  En revanche...

Je tique d'abord sur un détail que je n'avais pas remarqué auparavant. Une poche de petits pois collée à sa joue. Ok. Normal. En même temps... Si elle se balance à un chandelier chaque fois qu'elle bourrée, pourquoi pas avoir une poche de petits pois comme doudou hein... Je veux dire, on ne juge pas! (moi si, carrément même, mais on m'a toujours dit que les stars étaient excentriques. Enfin, pas on, c'est moi qui le dis. Et j'ai raison).
Je grimace ensuite quand elle m'appelle "mon bichon". MON BICHON ??? Mais... Mais... Qui appelle encore les gens comme ça ??
Je fronce carrément les sourcils lorsqu'elle dit clairement, sans honte, comme ça, gratuitement, que les masters foutent rien à Terrae. Là, c'est trop pour moi. Que MOI je me dise ça, passe encore (carrément même), mais que SIA (réelle ou pas) me sorte ça alors qu'elle est en train de pelucher un sac de petits pois, ça c'est un peu fort!!!!!

- On ne fait RIEEEEEN ? Ok Madonna je vais t'expli.... quoi ma chaussure ?!!!

Comprenant enfin ce qu'elle m'avait dit, je fais un mouvement rapide vers ma chaussure, prêt à éteindre le feu. Un mouvement trop rapide serait plus juste... Je constate que ma chaussure n'a rien (ok donc pas digne de confiance, je RETIENS!) en revanche, le sac de petits pois, lui, grille bel et bien. Sûrement un éclair involontaire lorsque j'ai bougé...

- Mais arrête de gueuler meuf et roule-toi par terre!!!! Je suis plus eau je peux pas te sauver lààà!!!!

Oups. Elle l'a énervé sans le vouloir. C'était pas ce qu'elle souhaitait !! Mais en même temps, elle n'a pas totalement tort, hein !!! Elle n'a pas beaucoup vu les Masters défendre les terraens lors des bagarres, les agressions, les mini tentatives de prise de pouvoir et d'intimidation de certains élèves cons sur certains autres, ou même chercher à les éviter ! "Blablabla restez respectueux, des sanctions seront prises"… Sanctions mes fesses, oui. Des chambres qui se retrouvent en chantier, des personnes blessées… Wow, bravo, ça se voit que vous êtes super utiles les Masters, hein ! Masters teubés, ouais… Tsss. Merci beaucoup !! T'as qu'à te sentir outré si tu veux, finalement ; ça change rien à la réalité…

MAIS ELLE FUIT DEJA, EH OUI !! Rentrer dans un débat serait futile et assez énergivore. Enfin, ça dure pas non plus longtemps, comme fuite, vu que son sac de petits pois prend littéralement feu dans un bruit de popcorn grillé après qu'elle ait manqué de se faire défigurer avec un éclair de merde. Un cri lui échappe en voyant l'éclair filer vers elle, et un autre lorsqu'elle constate que CA A PRIS FEU PUTAIN. Elle fait donc la chose la plus sensée et logique dans cette situation : jeter le sac de petits pois congelés. Sauf que c'est pas par-terre qu'elle le jette, mais sur le Master en face d'elle. Oupsy.

—NAN MAIS J'Y CROIS PAS TU M'ATTAQUES ?!! ET J'Y PEUX RIEN SI TU SERS A RIEN OMG, s'excite-t-elle, sa voix tonnant un peu plus fort que voulu à cause de ses pouvoirs de sonore. Ah… merde… pardon…

Elle a fissuré une fenêtre de la cafèt' au calme avec ses ultrasons, tout va bien. Elle grimace et inspire un peu, puis expire. ON SE CAAALME. Ca doit faire mal de se manger des petits pois congelés en feu (… oui… enfin… vous avez compris !!!) dans la tête en plus de se faire éclater les tympans.

—C'est à cause de l'Eclipse ok, se justifie-t-elle, le visage (heureusement à moitié couvert par son masque) devenant écarlate. Par contre ça s'fait pas d'attaquer les gens qui t'ont rien fait !!

Elle croise les doigts pour que le bleu sur sa joue se voit pas encore… et pour ne pas trop énerver le Master, aussi. MAIS C'EST SA FAUTE AVEC SON ECLAIR, LÀ.

J'y crois pas non mais elle s'énerve en plus ?? Elle me gueule dessus ? ELLE ME gueule dessus ?? J'aurai pu lui répliquer vertement, sauf que cette grognasse juge bon de me balancer son sac de pois chiches (ou de petits pois, c'est presque pareil) à la TRONCHE! Alors qu'il prend feu ! Réflexe, je tape dedans comme un ballon de volley (en moins talentueux) et il va rencontrer le banc de pierre. J'étouffe le feu en le piétinant et réalise au même moment les pouvoirs de Chandelier. Comme ça. Parce que je suis un génie.
F*CK NON parce qu'elle me brise les tympans surtout!!!! C'est comme quand vous mettez vos écouteurs sur une musique déjà en marche sans faire gaffe à baisser le volume! Ça dure pas longtemps, mais ça surprend, dans le mauvais sens du terme!

-VAZY tu m'agresses en plus ?? J'y suis pour rien pour l'éclair bon sang, j'ai beau être master je contrôle pas plus les autres affinités que toi BLONDASSE!

Je recule d'un pas, me tenant le front d'une main, une mine profondément agacée sur le visage.

-Et arrête de t'énerver... tes émotions me donnent mal au crâne et je suis obligé de m'énerver aussi! dis-je, d'une voix déjà plus calme.

Parce que je contrôle que dalle, parce que la sensitivité c'est un truc pourri! QUI peut être heureux de ressenti les émotions ??? Je me fiche de ce que les autres ressentent, j'ai déjà bien assez à faire avec moi! Je lui jette un coup d'oeil circonspect. Elle a franchement une drôle de tronche, son déguisement n'aide pas, les petits pois brûlés à même la peau non plus... (au moins, j'ai aidé à customiser son costume LOL). Je fronce alors les sourcils. C'est moi... ou elle a l'air amoché ?

-Qu'est-ce que t'as fichu toi ? Puis c'est quoi ce déguisement d'ailleurs ? demandais-je, soudain intrigué (positivement)

Ouais. Ouais elle s'énerve. OUAIS ELLE T'AGRESSE KESTA tu veux te battre ?! La fausse blonde gonfle les joues, agacée, et pose ses poings contre ses hanches. Blondasse ?! Elle est pas blonde, d'abord !! Et puis il a vu ses cheveux ?! Quel toupet !!

—M'insulte pas, espèce… espèce de… de tête d'algue !!!

Ouuuuuh, elle l'a cherché loin celui-là. Elle réalise cependant bien vite son erreur, et se calme davantage lorsque l'adolescent lui apprend qu'il n'est autre que sensitif… Ah bah oui, s'il était eau avant, soit il était sonore, soit il était sensitif, elle avait zappé.

—Oui, ok, ok, désolée, bougonne-t-elle en croisant les bras, encore un peu contrariée, mais faisant un effort pour se calmer et se contenir.

Après tout, elle n'a aucune raison pour s'énerver contre lui. Se frottant la joue encore douloureuse à cause 1) du coup 2) de la légère brûlure qu'elle a subie, elle fait la moue, sans trop savoir comment elle pourra échapper à cette discussion… Et forcément, il remarque sa tête !! Rahhhh !! Saleté ! Mêle-toi de tes oignons, tête d'algue !!

—J'combattais le crime et un gros con m'a collé son poing dans le visage… Mais il est parti vers d'autres cieux, alors il ne devrait plus être un problème.

Elle étire un demi sourire ironique à ce sujet, plutôt satisfaite de lui avoir fait manger la poussière. Enfin, le vent. Bon, vous avez compris l'idée. Hors de question de montrer qu'elle est faible : il faut prouver à tous qu'elle assure !!

—Et toi, tu faisais quoi tout seul dehors à râler ?

Je gonfle les joues à mon tour,, n'appréciant pas beaucoup l'insulte qu'elle me lance à la tronche. Tête... tête d'algue ?? P*tain c 'est bien trouver en plus, elle est forte la mégère! Je m'efforce tout de même au calme, de ne pas prendre la mouche (même s'il y a une chose que j'ai envie de prendre là et c'est pas une mouche...*). Toute façon, elle finit elle aussi par se calmer donc, tout va bien.

Enfin... pas pour elle visiblement. Elle m'explique son histoire sortie tout droit des fin fonds de sa tête, remarque, il suffit de voir sa tête pour deviner qu'elle s'était pris un pain dans la tronche. M'enfin tout de même... frapper une fille ça se fait pas. Surtout comme ça. J'ai un élan de compassion pour elle, d'autant plus qu'elle me fait penser à une vieille lubie que j'avais avant mon passage master:

-T'es une super héroïne alors ? Classe! Enfin, ce serait mieux si tu finissais pas défigurer la prochaine fois.

Je prends deux secondes pour réfléchir à ce que je viens dire, puis secoue la tête, décidant au passage de la rassurer.

-T'inquiète je dirais rien. Je devrais te punir et rapporter ton comportement mais je crois que ça sert pas à grand chose vu la situation. Tu fais ça parce que les masters "ne font rien" ? demandais-je, mimant les guillemets avec mes doigts, la voix neutre.

Neutre peut-être, mais j'ai l'impression d'avoir un truc qui me déchire les entrailles à l'intérieur. Et c'est pas agréable. Genre loin de là. Elle a tort. C'est ce que je voudrais dire. Elle a tort de toute façon... Mais... dans mon cas, est-ce qu'elle a vraiment tort ?
Je baisse les yeux au sol, la tête légèrement penchée. Sa question n'améliore pas mon état.

-Je... réfléchissais. Ça fait pas de mal parfois... Je me disais que jamais rien ne m'avait échappé depuis que je suis à Terrae -je suis voyant- sauf qu'en une nuit tout a basculé. D'ailleurs ce soir, deux choses me sont arrivées et je n'ai pas pu les prévoir : une belle gamelle.... et toi.

Je me frotte la nuque, l'air perdu. Je finis par relever la tête, fixant mes prunelles dans les siennes, restant aveugle aux contusions et futurs bleus qui peupleront son visage. Un éclair de tristesse passe dans mes yeux.

-C'est stupide hein ?


* il parle de sa perruque hein! De sa PERRUQUE!!!

[Menteur. :x]


La fausse-blonde pose ses poings contre ses hanches, levant bien haut le menton (ouch !!) : évidemment qu'elle est classe comme super-héroïne !!… C'est bien le seul moment où elle est classe, il faut dire. Mais ouais, la prochaine fois, faut qu'elle soit plus prudente. Elle fait la moue puis fronce les sourcils, se mordant la lèvre.

—Hé, je vois pas pourquoi tu devrais reporter mon comportement !! C'est pas moi qui attaque les gens, je m'interpose quand y en a qui se font agresser justement !!

Elle souffle fort et va s'assoir sur le banc, gonflant les joues (aïe bis) et posant ses coudes sur ses cuisses, menton dans la main. Visiblement, elle a vexé Akihiko ; super !! C'est bien sa veine, il manquait plus que ça.

—C'est pas parce qu'ils font rien, c'est- J'me suis mal exprimée tout à l'heure, excuse-moi. C'est juste… J'suis en colère parce que des amis à moi se sont fait taper dessus y a quelques semaines. Et je veux plus que personne ait à vivre ça, à avoir peur comme ça. Ca me met trop mal…

Elle se mord la lèvre et lève les yeux vers le Master, un peu hésitante. Elle l'invite à s'asseoir sur le banc à côté d'elle, se frottant sa joue douloureuse. Elle détourne les yeux d'un air gêné.

—C'est pas stupide, lâche-t-elle doucement, baissant les yeux vers le sol. Je suis pas voyante à la base - en plus j'aime pas du tout ce pouvoir -, mais je comprends ce que tu veux dire. C'est normal dans cette situation, je dirais ? 'Fin… Surtout que tu es Master, et tout, donc… (Elle hausse une épaule.) Tu t'es pas fait mal, au moins ?

Le regard vague, elle soupire.

—Ces changements de pouvoirs, c'est n'importe quoi. Les gens se croient tout permis. J'veux juste aider… (Elle se mord la lèvre, plus fort.) J'ai tort aussi, tu crois ?

Je hoche à peine la tête lorsqu'elle me rétorque qu'elle se contente de s'interposer entre les gens. Qu'est-ce que je pourrais dire ? Elle a raison, évidemment qu'elle a raison. Elle ne le dit pas clairement mais je comprends le message : elle fait ce qu'on devrait faire. Si on avait pas autant de boulot et de choses à gérer, on le ferait! Enfin... Ça, ça vaut pour les autres, j'ai moyennement d'excuses pour ma part. Je secoue la tête lorsqu'elle essaye de se justifier, me pinçant l'arrête du nez au passage pour contenir mes émotions.

-T'excuses pas... T'as le droit d'avoir ton avis. T'as le droit d'être frustrée aussi... ça je comprends bien.

J'aimerais aussi pouvoir protéger tout le monde. Ça fait un peu partie du "serment" du master comme qui dirait. Mais c'est pas comme si je pouvais déambuler aux quatre coins de l'institut pour casser la gueule des étudiants qui m'emmerdent ou qui emmerdent le monde. Ce serait si facile pourtant... Sauf que là c'est moi qui me ferait taper sur les doigts. Raaaaaaah que c'est chiant ce truc!

Je m'installe à côté lorsqu'elle m'y invite, me contentant à nouveau d'écouter ce qu'elle a dit. J'ai un demi sourire en l'entendant car on dirait vraiment qu'elle essaie de se rattraper.

-Ca va... je suis solide, répondis-je en riant un peu. Toi en revanche, tu t'es pas loupée. Tu t'es fait ça en jouant à Siawoman ?

Je soupire puis lui lance un regard en coin avant de continuer.

-Les gens sont stupides en période de crise. Je déteste ça. A chaque fois que Terrae a un problème, il y a toujours des crétins pour foutre la merde... T'as pas tort non! Largement pas! Je te rejoindrais si je pouvais -le dis à personne ça hein- mais en même temps... Je sais pas... Tu prends des risques aussi, regarde-toi quoi.

Aria a un sourire un peu pauvre et le renvoie à Akihiko. C'est sûr que c'est pas simple pour lui non plus. Il a pas l'air au top de sa forme ; les dernières fois où elle l'a croisé, il avait l'air plus. Vivant ? C'est difficile à décrire, comme sensation. Là, il a l'air plutôt déprimé. C'est à cause de ce qu'elle lui a dit ? Ou parce qu'il n'a plus ses pouvoirs et est constamment surpris depuis qu'il a perdu ses pouvoirs, justement ? Il doit pas gérer l'incertitude… Et quand tu as un pouvoir qui te permet justement de ne jamais vivre réellement dans l'incertitude du lendemain, ben. Ouais… Ca doit être flippant. Elle se mordille la lèvre.

Elle rit avec lui lorsqu'il lui dit qu'il est solide, et lui met un petit coup de coude amusé. Puis grimace, acquiesce. Puis baisse les yeux.

—Merci Akihiko, c'est gentil. Et je prends pas vraiment de risque, c'est- C'est pas grave si moi je me fais blesser, je veux juste que les autres aillent bien !

Mais elle pense à Allen, et se dit qu'il va vraiment pas être content quand il la verra revenir avec un bleu… Il va falloir qu'elle se mette du fond de teint pendant quelques jours.

—Dis, ça a toujours été comme ça ? J'suis là depuis longtemps, mais… Ca me fait peur, déjà à l'époque quand Hideko est partie pendant quelques semaines, j'avais peur tout le temps. Et là, j'ai juste l'impression d'être tout le temps… en colère ? Mais je sais même plus contre qui je suis en colère, au final !

Les larmes lui montent un peu aux yeux, et elle enlève finalement son masque pour pouvoir les essuyer. Ca la dérange pas si Akihiko voit son visage. Elle lui lance un demi sourire et enlève aussi sa perruque, qu'elle pose sur ses genoux, triturant les faux-cheveux blonds sans oser le regarder davantage.

—Tu sais, je pense que si on prend jamais de risque, on peut jamais vraiment voir les choses évoluer…

-Dis pas de bêtises! Bien sûr que c'est grave si tu te fais blesser, tu... Attends... Comment tu connais mon nom ?

Je redresse la tête et la fixe soudain avec un air curieux. Elle m'a bien appelé par mon nom là, j'ai pas rêvé. Après, ma réaction est peut-être disproportionné. En tant que master, je suis assez connu, et puis, on va pas se mentir, mes nombreuses conneries et ma présence plutôt immanquable facilitent mon imprégnation dans l'esprit des gens. Je suis un gars qui marque quoi. En même temps, ils doivent pas voir des cassos aux cheveux verts tous les jours. Suite à ça, je relâche mes épaules. Faut te détendre mon vieux... T'es trop sous-tension.

-Personne devrait être blessé, encore se blesser volontairement comme tu le fais, même pour de bonnes raisons. C'est admirable ce que tu fais, vraiment... Mais ça m'inquiète aussi.

Quand il y a des accidents en temps normal, ce n'est pas grave ça, c'est même drôle parfois : machins 'est brisé le poignet parce qu'il a voulu jonglé avec des pierres, l'autre à brûlé la langue de sa copine en lui roulant un patin... C'est des trucs qui arrivent, c'est chiant, mais c'est pas... ça.

-Depuis que je suis là, il y a toujours eu des périodes où ça allait moins bien. Chaque fois... Tu vois des gens qui s'entraident, qui sont là pour les autres et à côté tu as tout l'inverse, des gens qui en profitent, qui ne pensent qu'à eux.

Je pousse un profond soupir puis, avisant un mouvement de son côté, je réalise qu'elle essuie son visage, sûrement pour ne pas que je vois ses larmes. Je passe un bras autour de ses épaules le temps de lui faire une pression amicale, destinée à la rassurer, en faisant bien attention de ne pas lui faire mal (elle a déjà assez de bleus comme ça). Je fronce alors les sourcils. Son visage me dit un truc. Malgré la pénombre, quand elle se tourne vers moi pour me sourire, je ne peux retenir un hoquet de surprise.

-Aria ?? Mais qu'est-ce... Que tu... C'est toi Sia ? ... Tu...

J'inspire un grand coup, lui lâchant les épaules, pour recouvrer mon calme. Un pauvre sourire étire alors mes lèvres.

-Je ne sais pas pourquoi je suis si étonné... Ça te ressemble bien de faire un truc aussi givré, dis-je avec un sursaut amusé.

Je lève les yeux au ciel cette fois, et commence à me perdre dans les premières étoiles qui apparaissent. Aria qui bottent le c*l des méchants..; On aura tout vu. Avec un costume pareil, aucune chance qu'on la reconnaisse. Elle faisait vraiment super héroïne, ce que j'aurai aimé être à une époque. Mon visage s'assombrit à ce souvenir.

-Tu sais, je voulais faire pareil que toi avant, être un super héros pour tout le monde. Pour moi, c'était en devenant master que je pourrais le devenir, j'étais grave content quand ça a été mon tour... Mais la réalité est tellement différente. Même quand il y a des problèmes, peu de gens, de victimes si tu préfères, viennent en parler aux masters. Tu dis qu'on en fait rien, mais on fait de notre mieux avec ce qu'on peut, ce qu'on sait, ce qu'on vaut bien nous dire. C'est dur en réalité de se rendre compte que... les gens n'ont pas confiance en toi.

Je n'aurais jamais pensé avant de l'être que les élèves se méfiaient autant des masters. J'avais une confiance si aveugle en eux quand j'étais petit. Ils avaient été là pour moi, et des gens avec qui je suis très proche le sont devenus avant moi. Pourquoi tant de méfiance ? On nous accuse de ne rien faire... Mais personne ne vient rien nous dire.

-Ah... Il y a longtemps que je n'ai plus été habitué aux risques. C'est peut-être ça qui me manque... Ce n'est pas ton cas visiblement, répondis-je en jetant un coup d'oeil équivoque à ses ecchymoses.

C'est grave si elle se fait blesser …? Vraiment ? Elle n'en est pas certaine, pourtant… Le regard perdu dans le vide, elle continue ses explications. Elle veut répliquer : elle ne se blesse pas volontairement !… Elle aide ceux qui en ont besoin, c'est tout ! Mais Akihiko continue et elle le laisse plutôt parler, préférant ne pas l'interrompre. Se mordant la lèvre en l'écoutant, elle se rend bien compte qu'être Master, ça ne doit pas être facile non plus. L'ex-voyant est là depuis beaucoup plus longtemps qu'elle, alors son avis est sans doute plus complet que le sien, mais au moins ils se rejoignent. C'est triste, de voir qu'il y a autant de profiteurs, justement. Pourtant, ils souhaitent juste vivre et être bien…

La rouquine lance un sourire au Master face à son geste de réconfort, après s'être essuyé les yeux et avoir enlevé son masque. Grimace.

—Surprise…

Elle rentre sa tête dans ses épaules, un peu gênée.

—C'est plutôt perché, en ce moment, blague-t-elle, parlant de sa condition d'Air.

Elle lui frotte gentiment le dos pour le consoler à son tour, le laissant s'expliquer lui aussi. Elle baisse les yeux vers le sol, gênée. Alors ce n'est pas la seule à y avoir songé… Mais quelque part, c'est vrai que les Masters donne cette impression d'être un peu au-dessus de tout. Pourtant, elle voit aussi qu'ils travaillent dur et font de leur mieux. Ils améliorent sans cesse leur quotidien, et même s'ils ne peuvent pas les protéger de tout, elle regrette surtout que certaines personnes ne soient pas davantage sanctionnées. Ce n'est pas forcément la faute des Masters, cela dit…

—C'est vrai… Tu as pas tort, répond-elle en se tortillant les doigts. C'est juste… C'est vrai que les Masters ont l'air un peu intimidants. Après c'est pas qu'aux victimes d'aller se plaindre. C'est comme à l'école, quand on se fait harceler : on n'ose pas en parler à l'autorité… Mais en même temps, qu'est-ce qui peut être fait pour que ça se passe mieux ? Je pense que c'est pas qu'une question de confiance. Je pense aussi que c'est plus facile de rejeter la faute sur les gérants… Cela étant… Je considère pas que je prends tant de risque ? Ou qu'il faille en prendre plus ? Je sais pas…

Elle est vraiment paumée sur ce coup-là. Peut-être qu'elle a une vision trop parcellaire de la vie.

—J'aimerais juste montrer aux gens qu'on peut collaborer et vivre ensemble plutôt que tout casser tout le temps ? Comment on fait ça, tu crois ? Qu'est-ce que les Masters peuvent faire, et qu'est-ce que nous, élèves, pouvons faire aussi ?

J'esquisse un mini sourire en réponse au sien. Si elle est capable de blaguer, c'est que ça ne va pas si mal, ou elle temporise beaucoup mieux que moi. Remarque, ça, ce n'est pas difficile. Aria... Toujours aussi zinzin elle décidément. Mais c'est une bonne folle, une folle rigolote, pas une dégénérée. Rien que de la revoir avec sa perruque, comment je m'en suis pas rendu compte plus tôt.

Ses mots provoque un douloureux écho en moi. Je comprends ce qu'elle veut dire. La "fonction" master est impressionnante, un peu comme directeur ou professeur, du coup les gens n'osent pas venir vers nous. Je n'avais pas cette peur étant plus petit, j'ai toujours été... Un petit garçon plutôt extravertie avec les adultes. J'ai grandi entouré d'adultes en même temps.

-Je comprends... Notre statut peut faire peur. C'est dommage... mais compréhensible, dis-je en soupirant.

Est-ce que en disant ça elle se rendait compte à quel point cela rendant la tâche des masters ardues ? C'est plus facile de rejeter la faute...ça c'est sûr. Dans tous les cas c'est toujours plus facile. Quand elle parle des risques qu'elle prend, je secoue la tête, les yeux rivés au sol, jouant avec mes doigts.

-Tu en prends déjà bien suffisamment à mon goût. Tu ne sais pas ce qui pourrait se passer ou comment vont réagir les gens. Imagine que l'un d'eux soit super vénère, fort, comment tu réagiras ? Ou s'ils sont en bande ? Je sais bien que tu n'es pas bête, et que tu ne te mettras pas en danger inutilement mais TOUT DE MÊME. On ne sait pas ce qui peut arriver.

Je pousse un nouveau soupir.

-Ça ne devrait pas être à toi de faire ça, soufflais-je tout bas.

Je relève bien vite le visage, ouvrant et refermant la bouche comme un poisson hors de l'eau lorsqu'elle parle de ce qu'il faudrait faire. Je ne sais pas quoi dire, je ne sais pas lui dire. Je serre le poing sur mon genoux, arrêtant de triturer mes doigt. Qu'est-ce qu'il faudrait faire pour améliorer tout ça hein...

-C'est marrant tu sais... Avant j'avais plein d'idées sur ce que j'allais faire en étant master. Je me disais que j'allais vraiment changer les choses, que je protégerais tout le monde, tout ça quoi. Mais maintenant que tu me demandes ce qu'il faut faire..., je marque une pause, je ne sais pas. Il y a plein de choses que je ne sais pas en fait.

Je serre le poing jusqu'à m'ne faire blanchir les phalanges, et le détend au moment où mes articulations crient douleur. Je respire un grand coup puis, toujours sans la regarder, les yeux rivés au sol, je lâche un rire bref.

-Je fais un bien piètre master hein? dis-je, la voix remplie de tristesse.

Les yeux baissés vers le sol, Ariana essaie de réfléchir à ce qu'ils pourraient faire pour améliorer la communication entre élèves et Masters, mais elle n'arrive pas à trouver de solution convainquante. Il faudrait que les élèves fassent preuve de plus de bonne foi, mais aussi que les Masters punissent réellement ceux qui fautent, frappent, blessent. La rouquine a encore un goût amer dans la bouche en pensant au capharnaüm du dortoir des eaux… Lentement, elle détache ses cheveux tressés, qui tirent un peu trop sur son cuir chevelu comme elle les a attachés très serré durant un moment. Ses doigts passant dans ses mèches, elle relève néanmoins les yeux vers le Master lorsqu'il lui fait la morale. Ses sourcils se froncent. Bien sûr, Akihiko essaie de la protéger ; mais une chose en elle hurle. Elle n'a pas besoin d'être protégée. Elle n'est pas faible. Elle ne se laissera pas faire. Jamais.

—Je n'ai pas peur d'eux, répond-elle immédiatement, déterminée. Les gens n'auront qu'à être énervés. Ils n'auront qu'à essayer de me taper. Je me suis déjà fait casser un bras et une jambe par un Morphe qui avait perdu l'esprit, et aucun d'eux ne me fera autant peur que ce jour-là.

C'est la première fois qu'elle en parle avec tant d'assurance. Mais elle se rend compte que malgré le moment traumatisant, malgré la douleur, les heures passées à l'hôpital, malgré sa peur d'être à nouveau blessée… Aucun de ces initiés ou étoiles stupides ne parviendraient à la terroriser autant que ce jour-là. Et ce jour-là aussi, elle avait foncé sans réfléchir.
Parce qu'on avait blessé ses amis.

Elle inspire, serre ses petits poings. Quelques larmes qu'elle réprime brillent au fond de ses yeux. Il a raison. Ca ne devrait pas être à elle.

—Tout le monde devrait le faire. Se responsabiliser. Défendre ceux qui n'arrivent pas à se défendre seuls.

C'est comme ça que ça se passe, dans un monde où les gens ne sont pas bêtes.
Elle secoue la tête, lui offre un demi sourire.

—Tu n'es pas un mauvais Master, tu es un Master jeune. Puis tu sais, même si tu as des responsabilités, c'est normal de pas ce qu'on est censés faire... surtout si on a des responsabilités ! Je vais avoir vingt-sept ans cette année, Aki, et je sais toujours pas ce que je vais faire de ma vie. (Elle déglutit, inspire un peu difficilement.) Tout le monde a l'air de penser que j'en ai dix-huit, ça doit être pour ça. Peut-être que ça me bloque aussi. Je suis bizarre et je réagis impulsivement, c'est vrai, mais c'est parce que si je reste immobile ou silencieuse, je fais pitié à tout le monde, et ça me rend folle. Alors tu sais…

Elle rebaisse les yeux, gardant son sourire, balayant son histoire d'un revers de la main. On ne parle pas d'elle. Elle reprend avant qu'il ne réponde :

—Ce que je veux dire, c'est que tu as le droit de ne pas savoir, et de faire des erreurs. Ce n'est pas parce qu'on t'a donné des responsabilités si jeune que tu dois croire que le monde entier repose sur tes épaules. Moi, je trouve que tu aides à ta manière ! Par exemple, tu aides souvent les gens avec leurs pouvoirs et ça prend aussi du temps ! Et là, tu m'empêches aussi de faire des bêtises, quelque part. On peut pas protéger le monde entier tout seul, on peut juste protéger ce qu'on peut tous ensemble.

Elle s'humecte les lèvres, toujours sans le regarder.

—Si un Master c'est quelqu'un qui est censé tout savoir et connaître de la vie, alors je trouve que c'est nul. Puis... je pense pas que les autres Masters soient plus au clair que toi, sinon des choses auraient déjà été mises en place. Et au pire... Il est jamais vraiment trop tard pour commencer à proposer des choses, et essayer de faire mieux.

Elle dit sans doute aussi ça pour elle.