Non.

Jérémy a compris qu'il était devenu Télépathe en un instant. Quand les émotions de Lottie sont devenues des pensées très claires... Et pas parce qu'il les traduisait maladroitement, comme Nicolas percevait ses pouvoirs au début. Non. C'était. Des pensées. Elle était toute heureuse de brosser ses cheveux. Elle pensait qu'elle voulait les mêmes quand elle serait plus grande, pour faire une tresse comme Elsa de la Princesse des Neiges. Et Jérémy s'est redressé sur son séant. Il a regardé Lottie sans plus savoir quoi faire avant de fuir. Fuir dans dans sa chambre. Et il ne l'a plus quitté depuis, et il a refusé que quelqu'un entre. Il a eu faim mais Ronron et Nico se sont relayé pour lui laisser un plateau devant la porte... Jérémy s'était senti coupable parce qu'il savait que Nicolas avait dû laisser son chien Balthazar dehors pour éviter qu'il mange ce fameux plateau à sa place... Bon c'était un bon chien, il n'allait pas avoir froid mais... mais il était si peureux...

Mais Jérémy était terrifié. Par lui, et ce qu'il pouvait inciter aux autres alors qu'il se battait maintenant pour être quelqu'un de bien mais QUI SAIT ?... Par les autres et ce qu'il pouvait lire en eux ?... Il SAVAIT qu'il était une personne horrible. Il SAVAIT que les filles avaient peur qu'il les viole, les hommes qu'il les tabassent c'était... normal. Alors c'était normal qu'il s'enferme n'est-ce pas ?... Même s'il avait fait peur à Lottie, même s'il repoussait encore et encore Nicolas et Aaron, même s'il ne répondait pas aux appels de Lou. Le pire, c'était Elwynn. Il lui a avoué tout de suite la vérité ; je t'aime, mais j'ai si peur, est-ce que tu peux attendre un peu que je maîtrise avant qu'on se voit ?... Mais ça faisait quelques jours déjà... Et la peur lui saisissait les entrailles...


-Il est terrifié Alice.

Le ton de Nicolas est extrêmement sec, mais profondément sincère. Aaron est déjà parti faire son devoir de Master, Lottie est avec Tomoe et il compte sortir lui aussi, se changer les idées, autant pour leur laisser la maison que pour lâcher aussi un peu de vapeur de son côté. Nicolas souffle, une flammèche s'échappe de ses lèvres. :

-Il ne laisse personne entrer dans sa chambre, et il n'en sort pas. On sait qu'il est Télépathe mais il refuse d'en parler. Alors avec Ronron on se disait que ce serait une bonne idée que tu lui parles... Il marque une pause avant de préciser. Il répond à travers la porte.

Il l'amène jusqu'à la porte de chambre de son frangin avant de regarder son téléphone. :

-Ok, si tu as un souci, je suis dispo via Discord comme d'habitude ou appelle-moi si c'est urgent.

Il tapote l'épaule de son amie avant d'embrasser son front, tapoter la porte et annoncer au nouveau Télépathe la présence d'Alice, et de partir... Lui, contrairement à Jérémy, avait besoin de sortir et vite.


Tapotement à la porte, Jérémy sursaute. Il sait que sa famille respecte son besoin de solitude mais il a toujours cette inquiétude qu'ils déboulent dans la pièce -on ne peut pas la fermer à clef après tout. Il apprend qu'il y a Alice de l'autre côté... Alice. Ce petit bout de femme, qui aime Adélaïde et qui s'est montré d'une patience infinie avec lui, même au début, alors qu'il la repoussait constamment car à ses yeux, elle n'avait aucun impact... Oh quel idiot il faisait à l'époque n'est-ce pas ? Il inspire profondément, toujours assis sur son lit, donne de la voix pour qu'elle l'entende. :

-Bonjour Alice.

Alice a répondu à l'appel de Nicolas et s'est présentée chez les Williams au plus tôt. Les explications de Nicolas lui permette de comprendre la mine fermée d'Elwynn qui d'habitude lui souriait. Elle n'avait pas l'air dans son assiette depuis quelques jours, c'était probablement lié à Jérémy. Alors quand Nicolas lui explique, elle comprend aussi pourquoi il n'a pas l'air bien. Elle sait aussi qu'il ne doit pas être dans son assiette non plus. C'était la première fois pour elle qu'elle allait à peu près bien. Guérisseuse. C'était un pouvoir encore différent de tout ce qu'elle avait eu, mais cela ressemblait plus à sa Télépathie. Entrer en contact avec les autres, les sentir autour d'elle. Ca l'aidait beaucoup.

Elle sourit à Nicolas, et hoche la tête.

« D'accord, je vais faire mon possible. Merci de m'avoir prévenue. Je te tiens au courant, fais attention à toi. »

Sa voix est posée, rassurante. Elle le laisse partir, avant d'écouter de l'autre côté de la porte. Elle le sent. A son niveau, elle ne ressentais pas encore les présences autour d'elle très fort, mais il y a des chances qu'il la devine. Elle sourit de nouveau.

« Bonjour Jérémy, je suis contente de t'entendre. »

Silence. Alice ne va tourner autour du pot et demander comment il va : il ne va pas bien.

« Je sais ce que ça fait. Entendre tous les autres. Etre comme un intrus. Avoir peur d'entendre de mauvaises choses. Avoir peur d'influencer sans le vouloir. Je suis désolée que ça t'arrive. Est-ce que tu veux de mon aide ? »

Alice lui dit bonjour à son tour et ne prend aucun détour. Elle sait ce que ça fait... Il sait, bien sûr, il devine. Il a compris plusieurs choses avec elle au fur et à mesure qu'ils traînent ensemble, parfois, avec la Cool Patrol. Alice sait beaucoup de choses mais elle s'en excuse souvent, et encore plus souvent elle ne dit jamais rien. Rien qui ne soit important à dire. Mais à la fois, elle dit tout. Tout ce qui est important à entendre. Mais Jérémy lui, il n'en a aucune idée. Jérémy est juste saisi par l'importance du moindre mot et ça le tétanise, ça l'emporte. Il a tellement de chose qu'il aimerait dire mais qu'il retient ; par habitude, par gêne, par amour. Il a tellement de mauvais réflexes qu'il tente de contenir et qu'il ne veut plus faire subir à personne... Mais il ne faut pas s'arrêter là. Il ne faut plus rester dans cette chambre. Il le sait. Nicolas et Aaron le savent ; c'est pour ça qu'ils ont appelé Alice. ...Elwynn me manque...

Alors qu'elle lui demande si elle veut de l'aide, il se lève, pose son front contre la porte. Elle est là, de l'autre côté... Sa présence est si forte mais il ferme les yeux, comme si ça pouvait l'empêcher de la lire. Mes amis sont devenus des livres dont je dois même oublier le titre qu'une force hurle dans mon crâne. Il inspire difficilement. :

-Oui... Oui s'il-te-plaît.

Il entrouvre la porte et s'en éloigne presque aussitôt. Elle peut entrer, il faut juste... un peu de... oui voilà... distance de sécurité.

La chambre de Jérémy est plus petite que celle de Nicolas, de pas grand chose toutefois. C'est juste évident parce qu'il a une bibliothèque en plus et beaucoup, beaucoup plus de livres que lui. De cuisine ou de classiques français, passant par quelques romans dans leurs versions originales anglaises par des nouvelles obscures, son armoire de bois sombre avec ses vêtements correctement pliées juste à côté. Sous la fenêtre, des plantes poussent de manière maîtrisée ; du thym, du basilic et d'autres plantes aromatiques. Sur son bureau intelligemment ordonné, son ordinateur et des classeurs ; un pour ses papiers officiels, un pour ses cours les plus récents, un autre pour tout le reste, soit des lettres d'Hélène surtout. Contrairement à Nicolas, rien ne dépasse, tout est en ordre... Mais contrairement à Nicolas, on pouvait trouver des traces de poussières là où l'aspirateur ne passe pas, sur le dessus des livres qu'il lit rarement par exemple... Les murs sont unis, d'une teinte de bleu guède, sauf un pan, tacheté de nuances plus claires comme si on avait lancé la peinture et couvert d'un graffiti blanc au mot indéchiffrable.

Jérémy se pose sur son lit, contre le mur à l'opposé de la porte, et commence déjà, à triturer ses bracelets-éponge aux poignets. :

-Je suis désolé si tu m'entends... Ronron me dit que je suis initié, que c'est pas si fort, mais j'ai peur et j'ai quand même l'impression-

-qu'on pense fort ? Je pense pas si fort que ça... Parce qu'il veut pas reconnaître que j'existe alors il essaie de me taire. Je comprends. Donc je vais faire en sorte de ne rien dire de plus. :

-...de penser..... fort.

Alice le sent venir vers la porte. Son nouveau pouvoir ressent les auras comme sa Télépathie. C'était plus physique, plus concret, plus précis, mais cela se ressemblait, dans sa façon de l'appréhender. Cela l'aidait beaucoup. Jérémy est devant la porte, son corps est... Tendu ? La porte s'ouvre, Jérémy s'éloigne au plus vite. La peur, la peur de la déranger, de l'entendre, de la ressentir, d'être l'intrus.

Alice entre, et referme doucement la porte derrière elle. Elle adresse un sourire très tendre à Jérémy. Tout ira bien. C'est un passage difficile, la naissance de la Télépathie, mais ça ira bien. Sa chambre est très organisée, très "adulte". Cela fait sourire Alice, elle lui rappelle la chambre d'Elwynn. Deux personnes dont on n'attend nécessairement une organisation aussi poussée, et pourtant, ce n'est pas si surprenant.

Alice s'asseoit à l'opposée de la chambre, sur le sol, en tailleur. Son attention est portée sur Jérémy mais elle fait attention à ne pas trop se tendre vers lui, elle sait que dans son cas elle l'aurait mieux entendu s'il se concentrait sur elle.

« Tu es Initié, en effet, et Aaron a raison. Tu as beau ne pas trop contrôler, il faut beaucoup de contrôle pour imposer pensées aux autres. J'ai mis beaucoup de temps avant d'arriver à envoyer une pensées complète à quelqu'un, et même Athéna qui est Master ne laisse échappé que des bouts de phrases. »

Elle a ensuite un sourire amusé, les yeux plissés.

« Et puis t'entendre penser, toi ou les autres, sans vouloir paraître flippante, mais c'est mon quotidien. Je ne t'en voudrais absolument pas. »

Son sourire redevient celui d'Alice, un sourire doux, serein, qui se veut réconfortant. Elle le comprend sans pour autant prendre pitié de lui. Il va y arriver, il est grand, il n'a pas besoin de pitié ou de compassion. Juste d'un peu d'aide.

« Est-ce que tu veux commencer par me parler de comment tu ressens les choses ? Ou les entends, les perçoit ? Comme ça je pourrai mieux t'aider à dresser des protections entre les pensées des autres et les tiennes. Ca prendra un peu de temps mais ça viendra assez vite j'en suis sûre. »

Jérémy l'écoute avec attention... Ce qu'elle dit à du sens, c'est très logique... Mais comment le faire comprendre à sa tête de mule qui est tétanisée à chaque fois qu'il arrive à sentir Nicolas qui passe dans le couloir, et cet étrange écho dans ses pensées ?... Comment réagir face à la foule qui va fatalement se tourner vers lui, le juger ? Il ne veut plus terrifier les autres et les repousser d'une pensée, il ne veut plus du moins en être conscient. Il préfère affronter, mais c'est si dur lorsque l'on peut percevoir toute la défiance d'un humain... Alice ajoute quelque chose qui le fait fatalement, rire tout doucement, presque de manière inaudible. :

-Alice... Tu es flippante.

Du moins pour nous, on le reconnaît. Je pense même qu'elle le sait.

Il lève les yeux vers elle, tout petit sourire aux lèvres pour répondre au sien. Elle pose alors quelques questions qui lui font baisser la tête, perdre ce sourire et froncer les sourcils... comme avant, deux rides profondes se dessinent sur son front. :

-J'ai l'impression que le silence n'existe plus. Je perçois comme... une aura, un peu comme lorsque j'étais Sensitif mais là, au lieu de sentir, j'entends. C'est un chuchotement insupportable... quasi constant. Je me réveille parfois la nuit, il tapote le mur à côté de lui, j'entends les rêves de Nicolas.

Il en avait des cernes qui se dessinaient Jérémy, à se demander comment Nicolas lui, pouvait réussir à dormir paisiblement... probablement l'habitude. :

-J'ai essayé de contrecarrer ça avec de la musique et mes écouteurs... mais ça n'a pas suffit.

Son grand corps se roule, presque en boule, se serrant dans ses bras comme un enfant triste... Il n'était pas triste, il se sentait juste extrêmement faible. :

-C'est bizarre mais... je sens en lien entre mon ancienne Invisibilité et la Télépathie... Je peux... disparaître, en le pensant assez fort. Je peux ne plus rien être. Je crois que ça me fait peur... quelque part.

Si ça n'avait pas été Jérémy, Alice aurait pu mal le prendre. Oh pas au point d'en être en colère ou d'en vouloir, non, mais Alice n'a pas envie de faire peur aux gens. Elle sait au combien elle peut faire peur pourtant. Cela fait plusieurs années maintenant, qu'elle l'expérimente. Et pourtant, elle n'aime toujours pas cela. Mais Jérémy dit cela avec douceur. Il le dit comme si ce n'était pas mal. Ce n'était pas mal, d'ailleurs. C'était, parfois, c'est tout.

Elle lui sourit doucement. Jérémy retrouve sa mine sérieuse. Il entend, il est donc plus sensible aux sons des pensées qu'aux images, ou aux odeurs qu'elles déclenchent. Il n'est qu'Initié ceci dit, mais cela lui épargne une bonne partie des pensées parasites tout de même.

« La bonne nouvelle, c'est que pour l'instant, seul le sens de l'écoute est touché. Tu pourrais aussi être envahi d'images ou d'odeurs, voire même de sensation "pensées". Mais pour l'instant c'est seulement les paroles. Ce qui n'est pas non plus simple à gérer. »

Elle lui sourit, et ajoute avec un ton sérieux qui se veut pourtant très rassurant.

« Tu ne disparaitra pas avec la Télépathie. Par contre, tu peux sensiblement te couper des autres pour te reposer un peu. Peut être qu'avec l'Invisibilité tu arrivais aussi à la sentir, à faire de toi quelque chose de très discret. Moi j'imaginais que je batissais de grande barrières autour de mon esprit, de mes pensées, pour me protéger des autres. Peut-être qu'en te nourrissant de ton expérience, ça pourrait t'aider. Si tu veux on peut essayer ensemble. J'ai beau ne plus être Télépathe, mes barrières sont toujours assez fortes, et comme je suis Etoile, je devrai aussi arriver à maitriser à peu près le trop gros de tes lectures si on le fait ensemble. Est-ce que tu veux que l'on essaie ? Ou tu préfères encore attendre un peu ? »

Alice ne veut pas le brusquer, elle peut rester encore un peu, et discuter avec lui, simplement le rendre un peu plus à l'aise avec ce pouvoir si compliqué à appréhender lorsqu'on n'en voulait pas.

Quand Alice lui dit que ça pourrait être pire, il a du mal à retenir l'onomatopée de dégoût qui s'échappe de ses lèvres... Déjà que c'était assez dur EN PLUS ça pouvait s'aggraver ? Well nope. VIVEMENT QU'IL RETROUVE SES POUVOIRS !... Omg.

Elle enchaîne en disant qu'il ne pouvait pas disparaître mais plutôt se couper avec la Télépathie... En vérité, ça le tente beaucoup mais quelque chose d'autre le retient. :

-Mais me couper des autres n'est pas la solution finale... J'ai fait ça pendant des années et j'ai été un monstre, même si je ne le souhaitais pas. Et puis j'ai rencontré Elwynn, Ariana, Asbjorn... même Nico m'a montré ça... Même Hamilton en fait. EUH. Lui dis pas que j'ai dit ça, elle va mal le prendre...

Sourire gêné... Il reprend. :

-Mais oui, les barrières j'ai essayé... mais je pense que c'était plus facile quand j'étais Tonnerre, bizarrement, parce que... je me sens plus attaché à la Terre pourtant ?... Je sais pas comment ça marche...

Il regarde par la fenêtre, elle mène au petit potager dehors. Il n'y a pas l'air d'y avoir grand chose à cette période et pourtant l’œil expert reconnaîtra différents choux, des poireaux et quelques courges d'hiver, bravant le froid pour grossir encore et toujours... Il sait que Nico peut en prendre soin ; il le voit d'ailleurs parfois dehors avec Ronron, Charlotte tenant leur main, vérifier l'état des cultures pendant son... absence... Et il souffle sur les quelques plants d'herbes aromatiques présentes dans sa chambre. :

-J'ai... J'ai pas envie de tenter le diable et de lire ce que tu penses. Désolé Alice, même par hasard, mais c'est gentil de proposer.

Je sais que tu le penses vraiment...

Alice rit un peu en l'entendant parler d'Adé. Oui, elle l'aurait mal pris. Elle hoche la tête, elle comprend. Se fermer aux autres lorsqu'on a du mal à être ouvert peut être une mauvaise solution, il a raison. Mais Alice se dit aussi que pour qu'il ose sortir, ne serait-ce que quelques jours cela pourrait l'aider. Elle ne veut pas l'effrayer plus cependant, alors elle n'ajoute rien, il a probablement raison, il se connait mieux qu'elle ne le connait.

« Ton élément peut être plus simple à gérer pour toi, mais l'affinité n'est vraiment pas liée. Enfin, elle complètement différente à prendre en main. Peut être que travailler la Terre peut aussi t'aider à t'apaiser, à diriger ton pouvoir sur d'autres choses ? »

Il s'excuse auprès d'elle. Elle a l'air un peu surprise, parce qu'elle comprend tout à fait qu'il n'ait pas envie. Elle lui sourit, réconfortante. Cela arrive. Jérémy est bloqué, là tout de suite. Elle comprend vite que ce n'est pas aujourd'hui qu'elle le fera changer d'avis. C'est trop dur pour l'instant, trop lourd, trop intrusif. Alice sait bien à quoi ça ressemble, et se doute, connaissant Jérémy, que ce doit être réellement difficile.

« Il n'y a aucun souci. Si jamais t'en viens l'envie, n'hésite pas à m'envoyer un message. Je n'ai pas d'autres solutions réellement fonctionnelle. Pour passer le temps au début, je créais beaucoup de choses avec la Terre, je dessinnais énormément aussi. Si jamais ça peut t'aider un peu, au moins te soulager. »

Pause.

« Et si tu veux, je pourrai venir de temps en temps pour qu'on discute, ou qu'on fasse juste des cookies. »

Ainsi le contrôle d'un élément n'a pas d'incidence sur l'affinité, ou inversement... Il l'aurait cru pourtant, ou ça lui aurait fait une super excuse par rapport au fait qu'il utilisait rarement son Invisibilité, même si au cours de l'année il avait fait des efforts et s'était mis à la méditation. Un faible soupir lui échappe. Alice explique ensuite que même s'il juge qu'il ne peut pas s'entraîner pour l'instant, elle restait disponible... Elle lui donne même quelques astuces pour gérer un peu mieux. Dessiner, faire des choses avec la terre,... Jérémy aurait bien ri dans une autre situation, mais il n'y parvint pas. Il n'était pas un créatif dans l'âme, à part derrière les fourneaux, mais il voit plus l'art culinaire comme la chimie du goût. ...Et c'est justement ce moment qu'Alice choisit pour parler cookies. Ok, là, il a ri, un peu. :

-Merci Alice, j'y penserai. Mais je suis un grand garçon, et il faut aussi que tu prennes soin de toi dans ces temps chelous...

Qui est-ce qui est là pour Alice quand elle aussi se sent mal ?... Parce qu'il ne faut pas se voiler la face, ça doit arriver... Elle doit être entourée d'une plâtrée d'amis, vu son caractère, sa compassion, sa patience... Je la fixe quand une question me traverse l'esprit. :

-Tu as déjà fait quelque chose que tu ne t'ai jamais pardonnée.

C'était pas vraiment une question, mais il se disait que même quelqu'un comme elle pouvait avoir eu cette expérience. Il baisse les yeux. :

-...et peut-être qu'on t'a pardonnée, peut-être pas. Mais personnellement, tu ne te le permets pas. Comment lire ça chez quelqu'un et... rester sain d'esprit...

...Tu parles de qui là exactement ? Aaah... Tais-toi. Ce n'était pas de l'agacement, plutôt de la lassitude. Il fait un geste vague de la main. Comme s'il lui demandait finalement de laisser tomber, de ne pas répondre...

L'entendre rire la rassure un peu, au moins elle ne sera pas venue pour rien. Elle garde son sourire tendre. Jérémy était effectivement un grand garçon et elle n'avait, de ce fait, aucun doute qu'il s'en sorte comme un chef. Cette période serait juste un peu moins digeste que d'autres à venir. Elle hoche la tête.

« Honnêtement, faire des cookies ou juste rigoler un peu avec les autres, ça fait partie des choses qui me font prendre soin de moi. »

La question qu'il lui pose ensuite l'intrigue. Pourquoi cette question là maintenant ? Elle comprend assez vite pourquoi. Jérémy a déjà fait des choses qu'il ne s'est pas pardonné. Qu'on lui ait accordé un pardon ou pas importe peu, il ne s'est pas pardonné, et pouvoir l'entendre, entendre des choses qui y sont liées doit être insupportable pour lui. Elle hoche la tête lentement, un peu plus sérieuse.

« Oui. Qu'on m'ait pardonné m'importe peu. Il y a des choses que j'ai fait, ou pas fait, que je pense, je ne pardonnerai pas vraiment. Hmm... Ou alors, si je me suis pardonnée, je n'oublierai pas. Ca me trottera toujours dans la tête. Pas au point d'en être effrayée, plus au point d'en être obsédée, mais des fois quand j'y pense, ça me rend triste. Ce que j'aurai dû faire, ou ne pas faire, ça restera toujours là. Mais c'est passé, alors j'essaie de faire mieux pour que ça n'arrive plus jamais, pour que je n'ai plus à être triste en pensant à comment j'aurai dû agir. Je ne peux plus rien y faire, alors je changerai ce qui arrive. »

Elle sourit doucement. Elle ne regrettait que peu de choses. Mais il y a notament ce jour, ce jour-là, où elle riait en dévalant la pente, où elle aurait dû dire non, elle aurait dû lui dire de ralentir, elle aurait dû attraper la poignée, elle aurait dû réussir à rattraper le fauteuil. Elle s'était pardonnée, elle n'avait rien pu faire d'autre. Mais cela la rendait toujours triste.

Jérémy l'écoute attentivement, la regardant de côté. Il voyait Alice comme une idéaliste un peu niaise avant, comme s'il suffisait d'un sourire pour pouvoir régler tous les problèmes du monde... En fait, elle avait les pieds sur terre LOL HUMOUR, assez réaliste. Son regard était juste sur l'horizon. Le passé est passé, même si il ne se le pardonne pas, si personne ne le pardonne, ne pas rester immobile, toujours avancé même dans la difficulté. Il soupire fort et frotte son visage de ses mains. Marque une courte pause avant de se lever.

-Okay ! Okayyy... Cookies alors.

C'était la conclusion logique de tout ce rejet vomitif d'émotions uéééh. Leçon suivante, réussir à ouvrir la porte. Jérémy, la main sur la poignée, était sur le point de sortir avant de s'immobiliser pour quelques secondes. Juste le temps, vous savez, de bieeen capter qu'il est toujours paniqué à l'idée d'éventuellement croiser quelqu'un et de lui lire le cerveau tranquillou. ...Même s'il y a personne que lui et Alice dans la maison. Logique.

-Tu peux passer devant ?

Y'a des jours comme ça, où on s'imaginait pas qu'une montagne de 1m88 demande à petite Alice de partir en éclaireur. Et puis ça arrive (et on doit arrêter d'écrire pendant quelques jours le temps de s'en remettre)(ptdr by the way). Dans la cuisine, Jérémy se sent à nouveau en sécurité étrangement... Avant qu'il ne sorte les ingrédients des différents placards, il a passé sa main sur le plan de travail, a pris une grande inspiration...

-Tu préfères les cookies fondants ou croquants ?... Que je sache quel type de sucre je dois sortir.

Elle lui laisse le temps avant de se lever elle aussi et de lui sourire. Elle comprenait tout à fait comme ça pouvait être difficile. Et puis il lui propose d'aller faire des cookies. C'était déjà un effort considérable et un changement en Jérémy qu'elle trouvait admirable. Elle hoche la tête avec entrain.

Mais Jérémy bloque devant la porte. Alice attend, debout derrière lui. Elle n'a pas besoin de lire dans ses pensées pour savoir ce qu'il se passe. Ils sont bien seuls dans la maison, mais ça ne veut pas dire qu'il est évident pour Jérémy de sortir. Il n'a pas confiance, il doit même avoir un peu peur. Alice lui sourit et acquiesce. Elle attend qu'il s'écarte de la porte pour ne pas le toucher et passe devant. Ils sont bien seuls, Jérémy ne risque rien. Ils finissent par arriver en bas.

« Fondants pour aujourd'hui. »

Elle l'aide à verser les ingrédients, à mélanger, sans pour autant le gêner, elle ne fait que lui gagner un peu de temps, tout en lui laissant faire l'essentiel des tâches. Elle ne parle plus, elle chantonne juste un peu parfois, elle est concentrée sur leur tâche, et espère que cela pourra détendre un peu Jérémy.

Fondants. Jérémy claque des doigts. :

-Cassonade alors.

Il n'arrivera jamais à expliquer combien la cuisine le détend... en fait, il n'arrive pas à le comprendre lui-même alors l'expliquer, bonsoir. C'est peut-être parce qu'il a toujours plus ou moins été en sécurité dans cette pièce ?... Son père le laissait faire même si c'était la place d'une femme pour lui ; il n'y avait plus de femme dans la maison mais il fallait bien manger. Peut-être parce que c'est le lieu où on peut trouver un couteau plus facilement, et Jérémy sait couper dans toutes les viandes, dans toutes les chairs,... Peut-être parce que les odeurs et les sons lui sont familiers, lui rappellent un temps où tout était plus beau.

Alice fait de petites boules avec la pâte pendant que Jérémy cherche le papier sulfurisé pour la plaque... Elle chantonne. Il croit un instant que c'est dans sa tête mais non, Alice chantonne vraiment. Un souvenir lui revient avec une force étonnante, mais sans le faire souffrir. Les mercredis pâtisseries avec sa mère. Chouquettes et brioches, gâteaux et tartes,... De la confiture de rhubarbe et, une fois, c'est très vif dans sa mémoire... pour l'Épiphanie, une galette. Il avait quatre ans. C'était la dernière Épiphanie avec elle... Il l'avait aidé autant qu'un gamin aux petites mains pouvait le faire... Il avait mis la fève lui-même, au hasard, à l'intérieur. ...Il se revoit le faire.

Elle chantonnait aussi ; j'aime la galette, savez-vous comment ? quand elle est bien faite, avec du beurre dedans ! ...Il pouvait l'entendre encore. ...Jérémy coupe le papier avant de le poser sur la plaque et y mettre les boules qu'Alice venait de faire. :

-Tu aimes cuisiner aussi. souffle-t-il sans la regarder.

Ce n'était pas vraiment une question. Plus un moyen de dévier ses pensées, engager une conversation.

Il a l'air bien plus à l'aise dans la cuisine, et ça réconforte un peu Alice. Elle se laisse porter, tranquillement, par la pâtisserie. Elle aussi c'est un domaine qui l'apaise. Faire des choses de ses mains de façon générale l'aide beaucoup à se détendre. Elle remarque au bout d'un moment que Jérémy est parti dans ses pensées un temps. Ca doit lui faire du bien aussi, de ne pas qu'entendre les siennes là tout de suite.

Elle lui sourit un instant, avant de terminer avec lui de répartir les boules de pâte sur la plaque de cuisson, lui laissant se charger de la suite. Elle hoche doucement la tête.

« Oui. Ca me fait beaucoup de bien, et ça me détend. Et puis ça fait plaisir aux gens aussi. C'est un plaisir éphémère mais dont on se souvient. J'aime bien. »

Elle lui sourit de nouveau une fois qu'il a enfourné les biscuits et commence à nettoyer le plan de travail.

« Tu aimes aussi. Cuisiner. »

Raconte-lui, Jérémy. Alice attend, s'il en a envie, qu'il lui raconte ce que ça lui fait, de cuisiner.

Jérémy hoche lentement la tête en prenant une profonde inspiration. Il comprend l'idée de plaisir éphémère, il trouve ça extrêmement doux. Ça colle bien avec la personnalité de la petite Terre. Il met la plaque au four, fait quelques réglages et observe le début de cuisson. Une habitude qu'il a à la maison, pas vraiment quelque chose qu'il peut se permettre pendant le rush du midi.

Elle aussi, elle dit, sans demander, qu'il aime cuisiner. Il lui lance un regard... :

-Oui.

...mais encore ? :

-C'est un art et de la science tout à la fois... C'est aussi transformer un besoin vital en plaisir. C'est généreux et égoïste ; nourrir. ...Ça-... Ça fait vivre un autre jour.

Il se dirige vers l'évier, poussé par le besoin de s'occuper les mains -et de toute façon il arrive jamais à se persuader à laisser peu de choses dans le lave-vaisselle. Il nettoie le saladier mécaniquement, les yeux dorés semblant regarder quelque chose plus loin. :

-La cuisine, c'est ma maison dans la maison. J'ai les couteaux et les chiffons, le poison et le sucre. Quand je fais à manger... c'est toujours là mais ça n'existe plus vraiment. Il y a toujours quelque chose de nouveau qui sort de cette pièce.