Jérémy hoche la tête, il doit la comprendre, trouver un parallèle avec elle, et avec lui, sa façon de voir la cuisine. Elle savait depuis longtemps qu'il avait un lien particulier avec ça, avec la nourriture de façon générale. Elle savait aussi plus ou moins pourquoi. Elle n'avait pas de lien aussi fort avec la cuisine, mais elle aimait faire plaisir, elle aimait les odeurs, les textures. C'était comme quand Bahir préparait le goûter pour elle, c'était chaud, doux. C'était réconfortant, quoiqu'il arrive.

Il confirme ce qu'elle sait, elle sourit. N'ajoute rien. Il n'est pas obligé de continuer, mais il fait l'effort. Elle sait que c'est beaucoup, dans sa situation, donner ce qu'il pense alors qu'il perçoit tout autour de lui, ce n'est pas évident, elle le sait bien. Il se confie pourtant, beaucoup. Elle sourit doucement. C'est touchant, tout Jérémy est touchant. Il sait, il sait comme ça peut être violent, crucial, émouvant, merveilleux, de manger, et de faire à manger. Et ça l'apaise.

« C'est ton cocon. »

Il y a grandit, y grandit toujours, s'y protège, observe, apprend, y prend goût, s'y sent parfois à l'étroit, mais sans y perdre son confort. C'est là, sans vraiment l'être. C'est hors d'ailleurs, hors du dehors. C'est dedans. Alice sourit. Elle ressent ça avec la musique, lorsqu'elle joue, seule le plus souvent, c'est là qu'elle se sent là, mais pas vraiment.

« Merci, de m'y inviter. »

Jérémy bougonne en finissant la vaisselle. Ça passe facilement pour de l’agacement mais en vrai, il s’agit plutôt de gêne. Alice dit ce qu’elle pense et, oui, la cuisine est son cocon. Il essuie ses mains avec un torchon. Il n’arrive pas à dire « de rien »… Après tout, elle était là parce qu’il faisait son difficile, à cause de l’éclipse. Elle était là alors il pouvait bien partager un peu de ça… de ce qui l’aidait à aller mieux. Mais il ne pouvait pas rester debout sans rien dire alors… :

-Hmpf.

Le sens de la répartie est mort ce soir. Amen. Eh, silence. Je t’ai rien demandé. …Amen.

Il s’apprêtait à croiser les bras et s’enfermer dans le silence quand une présence titille ses sens, ses pensées, à la frontière de ses perceptions. Il se tend tout entier, le visage tourné vers l’entrée de la cuisine, la main prête à cueillir l’un des couteaux qui reposent non loin… avant de s’arrêter net. Les pensées qu’il perçoit ne sont pas du tout celles de Nicolas ou Aaron, elles sont trop décousues, trop simplistes… C’est un langage qu’il ne comprend pas mais qu’il connaît bien. :

-Bordel. crache Jérémy entre ses dents avant de lâcher un grognement. C’est l’chien.

La tête de Balthazar apparaît à la porte, la langue pendante, et Jérémy pousse un gros soupir en frottant son visage. Qu’est-ce que foutait cette bête affreuse à l’intérieur, il n’en avait d’abord aucune fichtre idée… Et puis il fit fonctionner ses neurones une fois un peu plus calme et alla remplir le bol d’eau de l’animal. Alors qu’il buvait à grande lampée, Jérémy caressa machinalement le dos de Thazou avec un faible sourire. Il était du genre à traiter le chien de Nicolas de tous les noms certes, mais il était jamais le dernier pour la papouiller -enfin depuis qu’il était dressé surtout, parce qu’il avait eu du mal à se faire à l’énergie d’un chiot.

Il se releva en regardant la main qui avait été entrée en contact avec le pelage. Il fit une légère grimace avant de retourner à l’évier… se laver les mains.

Alice sourit, un peu amusée, lorsque Jérémy lui répond un grognement. Ca lui suffit, elle n'a pas besoin de plus. Jérémy est tout à coup très tendu, elle peut le voir, et suit ses mouvements des yeux, avant de l'entendre, et d'éclater de rire.

« Oui, ça surprend la première fois. »

Elle n'avait pas eu besoin de lire dans ses pensées pour savoir et partager ce sentiment de surprise lorsqu'on entend les animaux. Loin des pensées humaines, il n'en reste pas moins une activité qui peut venir titiller l'esprit de lecture des Télépathes. Elle se penche pour gratouiller le chien, sans s'approcher de Jérémy pour autant. Elle finit par se lever pour aller observer les cookies dans le four.

« Tu sais des fois pour parler avec les autres, on peut juste leur préparer des cookies. »

Pas besoin de plus, juste une petite attention, et on sait, on comprend, on a pas besoin d'aller chercher plus loin, mais ça rassure. Elle lui sourit de nouveau, puis bientôt, l'aide à sortir les cookies, les placer dans les tupperwares et en manger quelques uns avec lui en échangeant un peu, doucement, pas trop fort, pas trop vite.