Les veines des avants-bras de Senri semblaient sur le point de se rompre à chaque fois qu’il soulevait ses haltères de quarante kilos pour les coller à son torse. Il alternait entre son bras gauche et le droit. Et, à chaque flexion de ses bras, les flammes qui léchaient son crâne et ses épaules s’étendaient un peu plus. Il était assis au fond de sa chambre en face de tous ses appareils de musculation et de son sac de frappe.

Sa chambre était dans un désordre sans nom, qui était inhabituel pour Senri. Des meubles cassés, renversés, des vêtements propre comme sale qui se mélangeait tout indiquait que le garçon se laissait fréquemment emporter à l’intérieur de sa chambre ; des traces de poings décoraient de sang sec décorait les murs. Des vêtements, haltères et mangas étaient éparpillés un peu partout sur le sol de cette chambre qui ressemblait plus à un sauna. Les rideaux étaient fermés, les seules sources de lumière étaient les lueurs orangées qui émanait de Senri et qui dégageait une chaleur suffocante.

Dès lors qu’il passait le seuil de sa chambre, il était assailli par le souvenir de sa dispute avec Chrys et figé par sa peur d’aller à nouveau le rencontrer. Il ne savait ni quoi dire, ni comment le faire. Pourtant, il y réfléchissait constamment. Dès que son esprit s’égarait, il imaginait des scénarios où il se confondait en excuse, que Chrys finissait par lui pardonner. Mais tout ça n’était que chimère.

Senri sans même avoir pu croiser le regard de son ami, il avait deviné au fond de ses pupilles, l’effroi. Le même qu’il avait vu chez sa famille, chez ses camarades du club de volley. Il s’était senti transpercé et, absolument impuissant.

Lorsqu’on toqua à sa porte, néanmoins, il sortit de sa torpeur. C’était peut-être Chrys ? Le garçon se leva en hâte, trébuchant plusieurs fois, les flammes s’arrêtèrent. Il attrapa un débardeur qui traînait pour le passer sur son torse suintant et collant de sueur, puis se glissa dans un short ample et gris.

- J’arrive.

Lorsqu’il ouvrit la porte, il esquissa un sourire sur son visage marqué par la fatigue et la peine. C’était Amy, son amie d’entraînement. Le sourire disparu pour un retour à une mine plus grave quand il se rendit compte qu’elle avait pleurait et qu’elle allait recommencer. Son regard se nappa d’une tristesse innommable quand elle parla de « l’agression » d’Houston.

- Si. Je me suis battue contre Alice et Houston.

La voix de Senri était enrayée, pourtant, elle n’était pas faible. Il avait soutenu le regard d’Amy en parlant. Mais une certaine amertume sévissait dans sa voix. Un profond dégoût de ces actions.

C'est en observant Senri qu'elle se rendit compte qu'il y avait quelque chose qui clochait. Ses traits étaient tirés, des cernes assombrissaient son regard fatigué, il avait l'air... Triste ? Peiné de quelque chose. Et ce fut encore pire après qu'Amy lui ai fait part de ses interrogations. Son visage s'affaissa, et la blonde eue immédiatement de la peine. Mais elle ne pouvait pas pour autant pardonner ce qu'il avait fait... Pas si facilement ! Ses lèvres s'entrouvrirent sans qu'aucun son n'en sorte et un frisson lui remonta le long de la colonne. Elle se sentait mal de faire ça, mais il lui aurait été plus dur encore de ne rien dire...

- Pourquoi ? Je ne comprends pas...

Les larmes recommencèrent à s'accumuler aux bords de ses yeux. La blonde avait mal au cœur, elle avait l'impression d'être au-dessus d'un gouffre, sur un fil prêt à craquer. Funambule...

Quand Amy lui demanda pourquoi il s’était battu, déclarant qu’elle ne comprenait pas, un sourire amer se dessina sur le visage de Senri. La question lui avait fait l’effet d’une douche froide. Lui rappelant la dispute avec Chrys et la façon dont Senri s’était senti démuni en devant donner des explications. Poussant un léger soupir, il se racla la gorge.

- Je… Fin, ça risque d’être long. Rentre, j’vais aérer. T’peux laisser la porte ouverte, ça ira plus vite.

Il disait autant cela pour la raison qu’il avait évoqué que pour laisser une échappatoire à Amy. Il avait l’impression d’être un monstre de violence aux yeux de tous. Il fit volte face pour marcher jusqu’au fond de sa chambre, en poussant du bout de son pied les diverses choses qui traînaient sur le sol. Il ouvrit les rideaux et fut un instant, surpris par la lumière, avant de finalement, réussir à ouvrir la fenêtre. Senri serra légèrement les dents en sentant l’air froid s’échouer contre son visage. Quand son regard se posa sur l’écharpe que lui avait offerte Chrys, il hésita un instant. Et la passa finalement autour de son cou.

Le visage à moitié couvert par l’écharpe, il se retourna vers la jeune femme. Tout en lui amenant un verre d’eau. Malheureusement, son laissé aller récent lui avait fait omettre la nécessité de se recharger en soda. Il finit par s’asseoir sur son lit le regard fuyant.

- J’sais pas trop ce qu’on t’a dit, mais, je… m’attendais pas à ça. Atumane avait dit que ce serait des étoiles, fin qu’Houston serait une étoile, j’ai pensé que ce serait… Un vrai combat.

Ses poings se serrèrent.

- J’ai pas d’excuse, j’voulais juste voir ce que ça donnait, la téléportation.

À nouveau, il poussa un soupir. Il ignorait quoi dire réellement. Il ne savait plus ce qui était la vérité et ce qui était une excuse.

Senri s'était caché derrière son écharpe avant de souffler un "merci" quand Amy lui avait fait un commentaire. Il n'avait pas pris le temps de relevé qu'elle connaissait Chrys néanmoins. Il était allé s'asseoir sur son lit et avait finalement confié les raisons de l'agression des deux étoiles à son amie.

Il écarquilla légèrement les yeux et ses joues s'empourprèrent quand Amy lui toucha le crâne. Puis, finalement un fourmillement apaisant sembla émaner à l'arrière de son crâne.

Il resta un instant pensif, le regard dans le vague en écoutant les paroles d'Amy.

— Je... Je voulais le faire quand j'étais à l'hôpital, mais j'avais pas le droit de les voir... Et je crois que c'est toujours pareil. Mais même comme ça... Qu'est-ce que je pourrais dire ? J'veux dire... Je me suis toujours battu pour un rien, on m'a toujours dit que c'était mal. Pourtant, j'le fais quand même. Et, je suis pas sûr que des excuses suffisent. 

Il avait parlé avec un ton assez fataliste et ennuyé.

Quand le nom de Chrys fut de nouveau évoqué, son regard s'ancra un peu plus dans le sol. 

— Ouais... Il est cool. Je l'aime beaucoup. 

Il passa une main sur son visage et tira légèrement l'écharpe de sa gorge.

— Mais, Alice est quelqu'un d'important pour lui. Alors, il veut plus me voir. Fin... Jusqu'à ce je sache quoi lui dire...

Il soupira une nouvelle fois avant de tourner son visage vers Amy.

— Tu le connais aussi, du coup ? 

Si Senri ne regardait pas Amy quand elle lui parlait, il écoutait attentivement. Les yeux rivés sur un point d'ancrage invisible. Il sourit légèrement quand elle lui parla de Chrys. Il se demandait quelle genre de comédie musicale c'était.

Enfin, il y avait peut-être un peu plus important là tout de suite. Il esquissa néanmoins un sourire quand Amy parla des cadeaux que Chrys avait offert à ses amis.

— Ouais, il est fort pour faire des truc comme ça... Ça a dû lui prendre tellement de temps! Je voulais lui faire un cadeau en retour, mais j'suis nul en cadeau et... Pas sûr que ce soit le moment.

Assez rapidement néanmoins, il revint sur le sujet de la lettre. Ça l'avait intrigué sans néanmoins le satisfaire.

— Je sais pas si la lettre est une bonne idée... Fin j'en avais fait une la... Euh... Fin, la fois où je me suis viré de mon ancien lycée. C'était pour une bagarre aussi. J'avais dû faire une lettre d'excuse. Mais je sais pas, je la pensais pas... Et... Je sais pas, faut p'tet que j'aille m'excuser en face non ?

Il marqua une petite pause. Et regarda finalement la jeune femme.

— Mais... Peut-être que je pourrais écrire la lettre et la leur lire ?

Il continua de regarder Amy soucieux de comment elle allait réagir.

Senri ne put empêcher la comissure de ses lèvres de s'étendre quand Amy parla de la lettre comme d'un talisman. Oui, il sentait que ça pouvait l'aider. Il acquiesça vivement à cette proposition. Avant de s'empourprer quand Amy parla du cadeau qu'il pourrait offrir à son ami.

— Une comédie musi... Mais je... Je connais pas trop ces trucs, moi...

Pour être tout à fait exact, la chose la plus proche d'une comédie musicale qu'il avait vu tenait dans une myriade de stage-play inspiré de différents animed — souvent inspiré de shojo pour le cas de Senri.

— Et en plus, si c'était avec toi qu'il voulait la voir, je veux pas te... Fin tu vois quoi... Prendre ta place...

Quand elle proposa de demander à Chrys de lui apprendre à coudre pour lui faire une écharpe à son tour, il resta un moment pensif. Il n'y aurait plus de surprise. En revanche quand Amy parla de sucreries ses yeux s'illuminèrent.

— Oh !!! Quand j'étais au collège ma grand-mère me demandait tout le temps de faire des chocolats avec elle !!! J'pourrais faire ça !!! Et... Sinon, pour la comédie musicale, on pourrait la regarder tous ensemble ?

Il avait proposé ces deux choses avec une myriades d'étoile dans les yeux. Néanmoins son air enjoué s'évanouit quand il décela — bien malgré lui — une lueur de malice dans les yeux et le sourire d'Amy.

— Devant tout le monde ?!

Il avait écarquillé les yeux à cette proposition, mais une fois le mot "défi" prononcé, quelque chose c'était illuminé dans ses yeux.

— Ce serait encore mieux avec des cristaux de sonore !!

Senri secoua vivement la tête pour répondre à Amy quand elle suggéra de lui trouver le vidéo-projecteur.

— Non ! C'est mon cadeau, faut que je le trouve moi-même !!! Et en plus, tu m'aides déjà beaucoup, je veux pas trop t'en demander !!

Il était devenu un peu plus pimpant et s'était permit un discret rire cette fois, en plus du sourire. Il acquiesça avec entrain quand elle lui dit qu'elle viendrait leur tenir compagnie. Si Amy était là, ce serait certainement plus confortable pour Chrys.

Être seul avec Senri si tôt, c'était... Enfin, ça le mettrait mal à l'aise. Même s'il était souvent ensemble quand ils allaient encore en cours ensemble... Mais, devant un film, c'était un autre contexte.

Pendant que Senri essayait de se convaincre que son angoisse venait seulement de l'idée d'être seul avec Chrys, qu'il aimait beaucoup, la discussion s'orienta sur les excuses à faire aux étoiles.

Il fut assez fier de lui quand elle approuva son idée. Néanmoins, elle souleva un point auquel il n'avait jamais réfléchi. C'est vrai que les cristaux étaient une ressource importante.

Trouver un air semblait plus malin. Néanmoins, il déclina de nouveau la proposition d'Amy.

— Non, je pense que... Je dois le faire moi-même. Je leur ai fait du mal alors je dois faire le maximum pour eux !! Mais, merci en tous cas, tu m'as donné de bonne idées et... Ça m'a fait du bien de parler... Avec une amie.

Il avait dit la dernière phrase avec un peu d'appréhension. Mais ils étaient bien ami, non ? 

Senri refusa que la blonde trouve le vidéoprojecteur, ce à quoi elle ne trouva rien à répondre. Après tout, elle comprenait qu'il veuille s'en sortir seul, c'était pour sa réconciliation, et on était jamais aussi fier que lorsque l'on réussissait à s'en sortir par soi-même. Secouant la main devant lui, la blonde le rassura, amusée :

- Ça me fait plaisir de t'aider, tu sais !

Ils parlèrent ensuite des excuses qui devaient être faites. C'était un sujet plus délicat, mais tout aussi important. Il fallait rétablir la bonne entente de Senri avec les autres habitants de Terrae. Elle ne voulait pas qu'il paie parce qu'il avait fait l'erreur de suivre Atumane... Plutôt que de prendre sa revanche sur l'intéressé, elle préférait largement aider son ami à s'en sortir.

Le jeune homme refusa une nouvelle fois son aide, et assura qu'il devait le faire par lui-même. Amy comprenait parfaitement, et plutôt que d'insister, elle préféra lui apporter son soutien indéfectible :

- Je comprends. Si tu as besoin d'aide, tu peux compter sur moi. Les amis sont là pour ça, alors n'hésites pas !

Avisant l'heure sur son smartphone, la blonde se leva d'un bond en s'écriant :

- Mince, il est déjà si tard ! Je suis désolée, je vais te laisser, mais on reste en contact ! Et si tu as besoin, tu m'appelles !

Elle tapota l'épaule de Senri affectueusement et fila, fermant doucement la porte derrière elle. Si elle souhaitait faire un peu de sport avant de se coucher tôt pour être en forme pour le lendemain, elle devait se hâter !