Senri entrouvrit sa bouche, véritablement étonné. Tout le monde avait entendu parler de cette histoire. Tout le monde savait qui étaient ceux qui avait agressé un eau et une terre dans le couloir des eaux. Qui avait été marqué par les traces de crâne de Senri.

— J'ai... Je n'ai pas... J'ai fais un truc à chier.

Il passait son temps à ressasser ses événements et pourtant, il avait toujours autant de mal à en parler. Il essaya de formuler ses phrases. Sans réussir à les faire sortir.

— Attends.

Il se leva et alla jusqu'à son lit, glissa la main sous son oreiller et en sortit un carnet. Il l'ouvrit à la page "voyance" et décrocha le dernier caillou hirsute bleuté de son carnet. Il eut un sourire jaune en constatant l'ironie de la chose. C'était celui qu'il avait mis sous le nom d'un souvenir intitulé : Afya.

Il se tourna vers elle en lui tendant le cristal.

— Tiens. Il est pas puissant mais... Tu étais voyante, alors ça devrait le faire. C'était une semaine avant la fin de la première phase de l'éclipse. Le couloir des eaux.

Après ça, il alla s'asseoir sur son lit, les coudes sur les genoux les mains entrelacées devant son visage. Prêt à revivre la même chose qu'avec Chrys. 

Elle comprend ce qu’il veut qu’elle fasse et elle le regarde avec des yeux étonnés. Elle ne se saisit pas du cristal, elle sait ce qu’elle verrait. Elle verrait des faits. Une vérité, un instant qu’elle n’interpréterait sans doute pas bien. Elle le savait, elle avait été voyante, les faits ne mentaient pas mais ils ne disaient pas toute la vérité. Ils ne disaient pas les intentions, les motivations. Ils étaient une histoire à la troisième personne, et il lui demandait un jugement à la première.

« Je ne vais pas utiliser de pouvoirs pour ça Senri, je veux que tu me racontes ton histoire, avec tes enjeux. Les faits sont une choses, l’histoire en est une autre. Alors racontes-moi simplement, en commençant par le début. »

C’était là le seul cadeau qu’elle pouvait lui faire, celui de lui laisser une chance de s’expliquer. En réalité, l’eau avait entendu parler de l’agression de Houston et d’Alice, mais elle n’avait pas fait le lien avec Senri. Elle s’était dit que des gens se cognaient dessus bien trop fréquemment pour qu’elle ait besoin de s’en soucier. C’était idiot, et commun.

Senri pinça sa lèvre inférieure en écoutant la réponse d'Afya. Son étonnement s'était transformé en un abattement sans nom. Il ramena son regard vers le sol et soupira. Il en avait assez de ressasser cette histoire. Il prit néanmoins une grande inspiration et fini par tenter de parler. 

— C'est Atumane qui m'a demandé de venir avec eux pour agresser Houston. Il m'a promis un combat, et m'a dit que j'étais un moins que rien. J'ai vrillé. Je voulais essayer mes pouvoirs, je voulais prouver à Atumane qu'il avait tort, je voulais un combat.

Senri soupira tout en se redressant pour se mettre un peu plus droit.

— Mais en fait, j'suis juste un tocard qui se donne des excuses pour justifier le fait que j'veux me battre, qu'j'suis violent, que j'ai pas d'autre moyen de canaliser ma colère que de la faire exploser. Et qu'est pas capable de s'excuser. 

Il soufflé la dernière phrase avec dépit. Son regard finit par se planter dans celui d'Afya.

— C'est pour ça que tu peux pas te marier, enfin, rester marié, avec moi. T'es une super personne, Afya. Et les super personnes vont pas avec les tocards de mon genre. 

Les informations prennent leur place dans le silence du jugement. Elle écoute, mais ne répond pas. Pas encore, car maintenant ce n’est plus lui qu’elle écoute. Elle s’écoute. Ses actions sont-elles plus dérangeantes que celles qu’elle a déjà pardonnées ? Pas vraiment.

Elle s’approche, elle voit qu’il est dans le mal, elle hésite, elle se rappelle qu’ils ne sont plus des inconnus depuis le moment où leur signature a rejoint leur acte de mariage. Elle ne remettrait pas cela en doute, pas pour si peu. Elle s’assit à côté de lui. Elle posa sa tête contre son épaule. Il avait fait des choix discutables, mais personne n’est parfait.

« Tu sais, si ce que tu as fait ne te convient pas il faut le réparer, même si c’est difficile et que tu te sens minable pour l’instant, chacun fait des erreurs, il faut vivre avec et essayer d’être meilleur la fois d’après. Les choses ne te conviennent pas pour l’instant, change-les. » elle avait murmuré une fois de plus.

Perdu dans ses pensées, Senri ne remarqua pas qu'Afya s'était levée. Il ne réalisa que lorsque le matelas s'affaissa et qu'il sentit les cheveux de l'Ivoirienne caresser ses joues. Sa tête se glisser dans le creux de son épaule. Senri s'empourpra, son cœur s'emballa.

Il resta un instant silencieux. Analysant les mots d'Afya et la situation. Il se décida finalement à parler sans même tenter de repousser son épouse.

— Oui. Je veux m'excuser auprès d'eux. Et... Être différent. Je veux le réparer, ouais.

Il laissa un instant de flottement passer.

— Je suis prêt à essayer. D'être, euh, ensemble. Mariés.

Il n'était sûr de rien. Mais quand bien même ils avaient été saouls, ils s'étaient mariés, comme avait dit Afya. Elle ne lui en voulait pas. Ils avaient créé un club ensemble.

C'était une jolie histoire, dans un sens. 

Avec du recul peut-être une décision hâtive pourrait-elle se transformer en belle histoire ? C’était du moins ce en quoi les deux jeunes gens voulaient croire. La fausse note pourrait-elle créer une nouvelle harmonie ?

« Si tu veux que je t’aide, je le ferais. »

C’était le rôle qu’elle aurait attribué à une épouse dans ce genre de situation, mais c’était aussi peut-être celui d’une amie ? Elle maîtrisait cette casquette plus que la première et savait être réconfortante quand il le fallait. Seulement la vie n’était pas douce pour eux-deux. Il y avait bien des embuches.

« Du coup tu veux bien qu’on emménage ensemble ? »

Pauvre Afya qui sur une croyance infondée envisageait maintenant de bâtir sa vie. Ne risquait-elle pas de se blesser ainsi ?

Lorsqu'Afya lui proposa son aide, Senri secoua la tête. Avant de la regarder, un sourire désolé sur le visage.

— Non, je dois faire ça seul, ce sont mes erreurs, après tout. En plus, ça date d'avant, le... Mariage.

Il ne pouvait laisser son épouse réparer ce qu'il avait cassé. Leur mariage avait déjà commencé d'une drôle de façon, pas besoin d'ajouter cela à l'équation. Lorsqu'elle lui redemanda s'il était d'accord pour qu'ils emménagent ensemble, Senri jeta son regard dans le vide.

Il avait l'impression qu'une fois qu'il aurait répondu à cette question, tout changerait du tout au tout dans sa vie.

Il releva son visage vers Afya pour la deuxième fois et chercha sa main pour la prendre dans la sienne.

— Oui, emménageons ensemble.

Il ne réalisa pas tout de suite ce qu'il venait de faire. Cependant, dès, qu'il eut réalisé, il s'empourpra et ne sut pas tellement où regarder.

— On emménagerait chez toi ? C'est... Petit, ici.

Doucement l’eau passa sa main dans celle de son époux, cela n’était pas naturel. Elle eut envie de reculer au moment où leurs paumes se rencontrèrent, elle pris sur elle. Elle l’aurait fait pour un ami, mais il n’était pas un ami non ? Alors bien entendu tous ces gestes qui auraient dû ne pas avoir d’autre sens que celui qu’elle leur donnait, mais elle avait le pressentiment qu’ils seraient ressentit autrement. Peut-être qu’elle aurait elle aussi du le ressentir différemment, peut-être que Senri devait devenir spécial à ses yeux ? C’était sans doute ce qu’elle essaierait de faire. Elle devait se convaincre que Senri serait l’unique et oublier les égarements de son cœur.

« D’accord, je serais là quand tu auras fait ce que tu dois. »

Il accepta finalement ce qui devenait inéluctable. L’erreur qui allait chambouler leur vie. Elle ferma les yeux, elle était venue ici pour cela, alors pourquoi ressentait-elle un pincement au cœur alors qu’il acceptait. Elle força un sourire.

« Chez moi c’est plus grand en effet, on pourra rajouter un lit. »

Une chose était certaine, elle n’était pas encore prête à partager son lit avec le jeune nippon.

La chaleur de la main d'Afya avait quelque chose de rassurant. Mais de gênant. Une foule de sentiment contradictoire déferla en lui, tant et si bien qu'il se demande un instant s'il n'était pas redevenu sensitif. Néanmoins, les oreilles de lapin qui pendait à proximité de son visage lui indiquèrent qu'il était toujours morphe.

Il acquiesça à ce qui lui disait Afya et souffle un mot.

— Merci.

Sa main était devenue moite. Mais il n'osait pas la retirer. Afya parla d'un second lit. Il acquiesça.

— On peut aussi faire ça petit à petit... Si tu veux. On pourrait vivre ensemble et dormir  chacun dans notre chambre le soir ? Ou le contraire ?

Les idées de l’ancien tonnerre se défendaient étrangement bien. Elles sonnaient agréablement aux oreilles bien plus courtes de sa femme. Il fallait avouer que tout pas en arrière était significativement appréciable car il préservait un peu celle qu’elle aurait voulu être et celle qu’elle avait été du changement. Elle prit le temps de réfléchir.

« Je ne sais pas pour toi mais je suis de plus en plus rarement dans ma chambre en journée ces derniers temps, alors je me dis que le seul moment où l’on pourrait réellement être ensembles c’est quand l’on rentre le soir. »

Ce que c’est que d’être une femme active, si elle travaillait moins en cuisine ces derniers temps c’était bien pour donner des coups de mains à la réparation de Terrae en tant que titan, et bien entendu en tant que préfète elle se démenait.

Afya sembla réceptive à sa proposition. Il acquiesça à ce qu'elle disait.

— Oui, c'est pareil pour moi ! Y a que le soir où je fais rien... Mais je finis le travail un peu tard par contre... Ça te dérange pas ?

Il songea au fait que cette nouvelle proximité avec Afya allait pouvoir permettre au club de volley de se développer encore plus. Cette seule hypothèse réussit à lui remonter un tant sois peu le moral. Il finit par sourire légèrement.

— Je. Euh. Vais préparer un peu mes affaires alors... Je pourrais venir chez toi, quand, euh, tu voudras ? Si tu as besoin d'aide pour préparer quelque chose, je peux le faire aussi ! 

« Non pas vraiment, moi je commence tôt par contre, j’essaierais de ne pas te réveiller en partant. »

Faut dire que c’était pas agréable de se faire réveiller aux aurores par sa femme qui part faire le ménage… Par contre, ils étaient plutôt assortis les deux, elle faisait le ménage dans les couloirs de Terrae et lui dans les thermes. Chacun son domaine…

Les journées à venir seraient une suite de tests et d’organisation, pas forcément toujours agréables, parfois même très stressantes… Mais il fallait bien passer par là pour que leur mariage fonctionne non ?