Ce nouveau changement était assez étrange, quoi que très plaisant. Il se trouve que j'étais. Devenue. MORPHE. ET C'ETAIT TELLEMENT LE FEU.

Il n'y avait pas à dire, ça faisait un bien FOU de se débarrasser de ces fichus pouvoirs de Feu (la seule chose qu'ils étaient capables de faire, c'était me transformer en torche humaine, tordant.). Maintenant que j'étais Eau, et de surcroît Morphe, je m'amusais comme une vraie petite folle. Il faut dire qu'il y avait de quoi s'amuser. Déjà, première révélation : à chaque métamorphose, l'énergie se répandait dans le corps comme lors d'une téléportation. Dès que j'avais capté ça, vous imaginez bien que j'ai pas pu m'empêcher de tout tester. C'était fantastique ! Je crois que ce que j'ai préféré, c'est quand j'me suis transformée en chien pour jouer à la bagarre avec Balto.

...Quoi que nan, à un moment il m'a mordu sans faire attention dans le flanc (GENRE ILS JOUENT VRAIMENT A SE FAIRE MAL COMME CA LES CHIENS ?!) et j'étais un peu deg, du coup j'suis redevenue humaine et j'lui ai dit de retourner à l'intérieur dans son panier.

Par contre, ce qui est dingue, c'est de constater à quel point les animaux ne ressentent pas le froid grâce à leurs poils. J'me suis éclatée à parcourir tout Terrae en cheval, puis en vache ; j'ai aussi pris la forme d'un kangourou PARCE QUE LES SAUTS D'ACCORD et après en p'tit mouton tout sympa, et c'était vraiment chouette.

J'ai fini par m'apercevoir qu'il était tard quand j'suis rentrée et que j'ai vu qu'au final, j'avais absolument pas fait mon jogging matinal, trop occupée à jouer avec mes nouveaux pouvoirs. Mais comme il était tard, ben il était temps d'aller bosser. Surtout que Houston arrête pas de sécher le taf mais c'est abusé IL REPOND A PEINE A MES MESSAGES. COMMENT CA LUI ENVOYER "tfk réponds" c'est pas suffisant ? Il abuse de dingue c'est OUF.

Enfin bref. J'arrivai rapidement à l'Institut sous la forme d'un faucon (bon, j'ai mis une journée complète à comprendre comment battre des ailes pour pas chuter, monter trop haut, on foncer vers le sol, me jugez pas), et repris forme humaine alors que j'atterrissais en face du hall. Je courus prendre l'ascenseur, qui en fait était en panne (déso, j'suis plus Tonnerre, JE FAIS GREVE), et pris les escaliers en montée de genoux (histoire de faire un peu de sport quand même), jusqu'au dernier étage. J'arrivais en salle des Masters et Ô Surprise mais qui est-ce ?!

Je pris la forme d'une petite fouine (bon d'accord, j'me suis foirée, j'ressemblais à un chat du coup) et j'me suis approchée discrètement de Houston sans faire un bruit, pour reprendre forme humaine d'une façon assez soudaine.

-HOUSTON !!!! DEVINE QUEL EST MON NOUVEAU POUVOIR !!!!

C'est n'importe quoi.
Je sais que je le dis à chaque fois, mais : c'est.n'importe.quoi.

Morphe ok, c'était pas plaisant mais à la limite.
Guérisseur, grosse idée de merde dans mon cas, mais pareil ça aurait pû être pire, tranquille.
Mais sensitif ? Sérieux ? Bon bah voilà, comme ça j'aurais eu le pire hein. Personne le veux celui là, tout le monde croise les doigts pour qu'il lui revienne pas dans la gueule, en fait c'est le pouilleux.

Mon état ? Vraiment, vous voulez savoir ? Ok.
Si la larve était mon état d'origine, j'ai l'honneur de vous présenter sa petite sœur, la larve écrasée par un 3 tonnes, dont les organes internes se sont retrouvés éparpillés au sol. J'ai mal  à la tête à force de chialer samer, j'ai les yeux secs comme l'Australie en ce moment et mon état émotionnel est aussi instable qu'un suicidant en haut d'un immeuble par temps d'orage.

Il faut croire que mon nouveau pouvoir est extrêmement sélectif : il ne s'active que quand je croise quelqu'un dans un état pire que moi (souvent des nouveaux télépathes, sensitifs, ou dépressifs chroniques comme moi), amplifie mon mal-être avant de le refiler à tout ce qui m'entoure -ce matin j'ai fait pleurer Mara, elle miaulait à la mort, BONNE AMBIANCE. Alors ça n'y va pas de main morte, le matin j'ai l'impression d'être une bouse incapable et absolument pas méritant d'être là, le midi d'être un déchet inutile au monde entier qui ferait mieux de disparaître, et le soir c'est la culpabilité de ne pas être un bon ami qui me tort les entrailles et m'empêche de dormir. Oh et des fois je me rappelle les événements qui se sont déroulés dans ma chambre aussi ! Joie.
Et quand ce n'est pas le côté sensitif, l'électricité statique fait n'importe quoi, débord avec mes cheveux, ensuite avec absolument tout ce que je touche, je me suis filé un coup de jus tout seul en m’apitoyant dans la douche.

DONC OUI, j'ai totalement séché le taff sans prévenir, mais je suis incapable d'articuler une phrase sans qu'elle reste bloquée dans ma gorge. Sachant que je suis aussi incapable de ne pas m'informer sur l'actualité de Terrae, j'ai décidé ce matin de mettre les pieds en salle des Masters, dans une ambiance de "je suis une merde incapable de faire mon taff correctement".

Et j'étais pas prêt.
Déjà j'étais pas du tout attentif à ce qu'il se passait autour de moi, trop concentré à allumer ce foutu ordinateur -que je ne devrais pas avoir le droit de toucher, j'en suis clairement pas digne vu ce que j'ai fait dans le passé, filez moi un Windows Vista- quand une masse me tombe dessus en criant. Je fais un bon d'un mètre sur le côté, un ou deux éclairs minuscules accompagnants ma course, je manque de me casser la gueule et me rattrape au bureau comme je peux, faisant face à l'agresseuse qui n'est autre que... Mitsuki putain. J'aurai dû m'en douter.

Sans que je le demande, des souvenirs remontent de l'agression récente, la panique et le stress viennent se prendre dans ma gorge et j'étouffe un sanglot avec le peu qu'il me reste de larmes.

_ Mais putain t'es folle- je dis avec ma voix complètement enrayée.

Puis je comprends ce qu'elle voulait me dire, et je refais le calcul rapidement dans ma tête -putain j'ai tellement envie d'en finir là tout de suite, dites moi que c'est une blague.

_ Tu es eau.

C'était super mal articulé mais le principe y est. Pitié, faites qu'on puisse échanger... Quoique même ça, je ne dois même pas le mériter.

WAAAAAAAAAH STOP STOP STOP ON ARRETE TOUT ALERTE ROUGE GREVE GENERALE ON ARRETE TOUT J'AI DIT !!!!!

Houston est en train de pleurer ?

Nan mais si. C'est pas la peine d'essayer de le cacher avec ses cheveux et tout là. Clairement, il pleure. Il a une voix tellement tremblante, ça m'en donne la chair de poule.

Automatiquement, je fis un pas en arrière et fixai son dos. Il est secoué par les sanglots ou pas ?! Toute ma perception est perturbée, j'sais même plus c'que je vois.

-Heu. Ben ouais. J'suis Eau. T'as pas l'air au top toi. T'es quoi ?

J'pense que ce regain de confiance en moi et cette excitation à cause du pouvoir de Morphe ont grandement contribué à la reformation de ma barrière de Master. Du coup j'arrive pas à savoir. Parce que j'suis pas encore suffisamment au point sur mes pouvoirs pour pouvoir me permettre d'aller chercher quelle est l'énergie dégagée par mon collègue.

HRP : J'essaie de repartir sur du petit pour notre "speed-rp" mdr

Regardez la comment elle est toute fraîche et toute pimpante !
Je vous jure la vie est injuste putain, et NON j'ai rien à voir avec Caliméro vous faites chier !!! Pourquoi elle a le droit d'être eau elle, je sens que je vais pleurer, encore, toujours, AH MAIS NON, est ce qu'il reste encore une seule foutue larme dans ce putain de corps ?! Je ne pense pas. Mais quel pouvoir de merde, maintenant j'ai les yeux tout secs en plus [nda : au moins il ressemble encore plus à son avatar comme ça].

Elle recule instinctivement devant ma tête de mort-vivant, oui bah ça va je sais que je fais peur, je suis tellement une vermine qui rampe sur ce foutu sol là actuellement... Oh ouais, laissez moi être juste une larve s'il vous plait...

Elle me demande ce que je suis. Ce.que.je.suis.
Je la regarde cette fois de face, avec la détermination d'un mort en sursis dans les yeux, et j'ai à peine besoin de me concentrer pour que mes cheveux se dressent sur ma tête et que mon corps envoie toute sorte de petits éclairs de ses morts autour de moi.

_ JE SUIS PICACHU DU CUL BORDEL. Mais genre, le Picachu à la fin du premier film qui chiale sa race, mais toute . la . putain . de . journée- Les lampes m'observent je te jure, et les gens me contaminent avec leurs humeurs de merde-

Wow, ça c'est la voix d'un zombi, si ces derniers pouvaient parler.
Et je panique pas. Jamais. Pas mon genre. Si si je vous jure, trop de self-control- Non c'est faux évidemment que je suis une bouse.


HRP : J'ai essayé de faire court aussi xD

Il est. Pikachu. PIKACHU. OMG MAIS J'AVAIS JAMAIS FAIT LE LIEN. Les Tonnerres sont tellement les meilleurs mais JPP IL A CHOPE LE POUVOIR DE LA TERRE. Bon, sauf l'aspect Sensitif, c'est dangereux ça les sensitifs, vraiment pas cool, hahahaha, j'ai un peu peur d'un coup pour ma santé mentale, on va faire quelques pas sur le côté et se cacher derrière le dossier de ma chaise de bureau hein hahaha. Pas qu'il soit contagieux, ou qu'il me fasse peur avec sa gueule de zombie, mais on sait jamais, si jamais il libère un peu trop de pouvoirs de Sensitifs, j'risquerais de dérailler. Autant protéger Terrae (oui, je parle bien de Terrae, j'suis trop dangereuse, il est temps de reconnaître modestement l'étendue de ma puissance-).

-J'ai FAIT un bracelet pour bloquer le pouvoir de Sensitif si tu veux, lançai-je de but en blanc.

Puis, sautillant sur place, j'ajoutai :

-Par contre pour le pouvoir de Tonnerre c'est trop coooooool OMG tu peux me faire une attaque éclair, comme Pikachu ?! NON fatal-foudre !!! OHLALA J'aime trop, faudrait te faire des petites couettes avec tes cheveux pour faire les oreilles, et j'pourrais essayer de te chopper un pyjama pikachu, c'était trop la mode pendant un temps, les grandes combis pyjama pikachu, tu serais trop chou, j'ADORE !!!!

POURQUOI ELLE A L'AIR A FOND ?!
Je suis au bout de ma vie c'est pas juste elle a pas le droit de se foutre de ma gueule quand je suis littéralement une anguille amorphe sur la planche chirurgicale bordel... Elle a même reculé, genre j'ai la peste ou le coronavirus mais on est au Japon bordel de merde y'a rien qui va, je lui fais peur c'est ça ?! Ou alors c'est à cause de son addiction ? Ou alors c'est juste parce que je suis un déchet actuellement- je suis un déchet. Et-

_ OH BON SANG MAIS COMMENCE PAR ÇA- je dis entre deux hoquets de larmes (BORDEL mais ça ne s'arrête JAMAIS ou quoi ?!)

Non mais elle a un bracelet de cheat total pour éviter l'Eclipse et elle le partage même pas ? C'est parce que je le mérite pas c'est ça ?! Attendez, tout bien pensé je me demande si c'est pas plus un danger public qu'autre chose cet object... Oh et puis merde je le veux. Je tends une main zombifiée.

_ Dooooooonne-

Ouais, je suis tombé trèèèèès bas.
Puis ça y est elle est repartie dans son délire, et genre elle pense vraiment que je suis Pikachu ?! Je- je crois que je devrais juste arrêter de parler et rêver de pouvoir rentrer dans une pokeball- bien que ça ne fasse toujours aucun sens physique.

_ Je fais ce que tu veux si tu me donnes ton bracelet magique là-

Et qu'on sera sorti de la salle des Masters, j'ai pas envie de faire des dégâts sur les ordinateurs, je suis encore assez lucide pour ça.

Waaaah c'est vraiment la grosse grosse déprime, sans déconner, il pourrait me foutre le moral dans les chaussettes s'il arrêtait pas là ! Nan mais vraiment, il pourrait forcer un p'tit sourire, ce serait plus sympa, parce que là c'est vraiment Mister Ténèbres.

J'agitai une main devant moi après qu'il ait larmoyé un long et pénible "Dooooooooonne" (nan mais sans rire, on aurait dit un ralenti dans un film d'action, au moment où le personnage principal doit réussir à refiler LE truc de la quête, et que l'autre doit réussir à le récupérer sans l'abîmer, le casser, le faire tomber, bref vous m'avez comprise, tout ça dans un saut particulièrement spectaculaire, évidemment, avec un transfert en plein air), et lâchai un soupir.

-J'me balade pas avec le bracelet sur moi, j'suis pas folle. J'en ai pas encore parlé à Hideko, et j'ai bien calculé toutes les limites de l'objet, mais j'ai pas encore eu assez de cobayes pour l'essayer et vérifier toutes mes théories.

Au regard que je crus croiser, je devine que je n'ai probablement pas donner la bonne réponse à Houston. WAH MAIS CA VA il a cru quoi que j'étais encore téléporteuse et que j'pouvais me téléporter pour aller le chercher vite fait et revenir lui donner ? Et ben NON je suis plus téléporteuse, c'est pour ça qu'il est Sensitif d'ailleurs ! (on cherche encore le rapport, tout va bien)

-C'EST BON C'EST BON pas la peine de t'énerver, j'te vois déjà venir là ! Attends deux secondes que j'me connecte à l'interface de Jarvis.

Je sortis mon téléphone de ma poche et ouvris l'application qui me permettait de me relier directement à Jarvis, mon intelligence artificielle à la maison. Je lançai les quelques caméras de sécurité pour avoir un peu de vision, et repérai les bracelets sur le coin de mon bureau. J'envoyai alors l'ordre à Modoki ou Mokona d'en récupérer un et de me le ramener directement en salle des Masters - Jarvis avait pour mission de m'envoyer le plus rechargé des deux pour être sûre qu'il parvienne à accomplir le trajet d'une traite.

-Voilà voilà, normalement on devrait se faire livrer d'ici 10 à 15 minutes.

Elle commence par me dire qu'elle est pas inconsciente et qu'elle se balade pas avec.
Ce à quoi je réponds par le regard le plus visiblement fatigué que je peux, ce qui n'est pas très difficile vu mon état. Elle pourrait se balader avec un sous-marin nucléaire sous le bras le sourire aux lèvres que ça me choquerait pas de sa part. D'ailleurs techniquement elle doit bien l'avoir foutu quelque part cet obus nucléaire non ? Vous croyez qu'on va tous y pass- eeeet putain les larmes reviennent j'en peux plus mes yeux c'est pas la fontaine de Jouvence non plus ?!

Puis elle me sort qu'elle a pas assez de cobayes, et je lui montre mon corps de lâche au sol comme si c'était évident.

_ Moi, vouloir, être, cobaye. Moi participer à ton expérience.

Je suis la pire des raclures je sais. Le pire c'est que ces mots m’arrachent un goût amer au fond de la gorge, vraiment.
Elle me dit d'être patient -JAMAIS-, qu'elle a besoin de se connecter à Jarvis- Attendez elle veut se connecter à Zola ? Ah- non je suis con- oui- évidemment- attendez-
Je ricane alors que les souvenirs remontent, et pour la première fois depuis que j'ai ces putains de pouvoirs j'arrive à ricaner. (Qu'on soit clairs, dans mon langage corporel, un ricanement compte pour un rire c'est valide.)

_ Bordel c'est vrai que tu as appelé ton intelligence artificielle Jarvis... Ça va les chevilles ?

Dixit celui qui les a appelé Meta et Chrome oui oui ma crédibilité a des limites je sais.
Puis elle me donne le timing et-

_ Quoiiiii ?! 10-15 minutes ?! Mais c'est pas des robots à Tony Stark ça, c'est tout nul !

POURQUOI CE POUVOIR ME FAIT RÉGRESSER J'EN PEUX PLUS EN FAIT ?!

Omg mais il fait trop pitié, il parle comme un robot maintenant, EST-CE QUE POUR UNE FOIS J'AI LE DROIT DE RETOURNER LA SITUATION ET ME MOQUER DE LUI ?! Mdr nan en vrai j'ai trop peur, il me le ferait payer en 1000 plus tard. Lol. Du coup on va se contenter de. Heu. J'sais pas. Hausser une épaule pendant que j'programme Modoki pour venir ici. (oui, il a été décrété qu'il était le plus chargé, puis c'est le noir, il va bien avec l'humeur actuelle de Houston).

Je le regardai avec un air offusqué alors qu'il me demandait comment allaient mes chevilles MAIS WESH JE CROYAIS QU'IL DEPRIMAIT DEPUIS QUAND D'UN COUP IL REDEVIENT UN TYRAN ?!?!

Je grommelai différents mots pas trop compréhensibles avant d'envoyer la commande et d'annoncer à Houston le temps qu'il restait à parcourir au robot pour nous rejoindre et nous donner le bracelet. PTN MAIS COMMENT IL CRITIQUE ENCORE TROP j'espère que Modoki a pris LE BRACELET LE PLUS MOCHE LE PLUS ROSE ET LE PLUS GIRLY oui bien sûr que j'ai recyclé des vieux bracelets que j'avais eu par des "copines" quand j'étais petite, vous croyez quoi, j'suis écolo. Et je réserve toujours la qualité pour mes amis.

C'est bien pour ça que Houston aura le bracelet le plus rose pailleté avec des grosses perles.

-Si tu continues comme ça j'arrête direct la commande et tant pis pour toi !!!

Ouais, j'suis vexée.

-C'est pas la porte d'à côté chez moi non plus, et c'est qu'un tout petit robot qui vole pas très vite, sans compter tous les obstacles en chemin, genre, LES ARBRES. Tu voudrais quand même pas que Modoki SE FASSE MAL.

Et j'me sens obligée de me justifier, ça me fait presque de la peine.

Je me dirigeai enfin vers la fenêtre pour l'entrouvrir. J'm'en fous, elle est du côté de Houston, c'est lui qui va avoir le plus froid. Paye ton temps d'hiver HAHA j'espère qu'il est deg.

Une petite boule se forma dans mon estomac alors que je sentais pour la première fois son pouvoir de Sensitif se confronter à ma barrière de Master. Hm, ouais, ben c'est toujours aussi bof les Sensitifs, j'me sens bof bien là.

Silencieusement, je pris mon ordinateur que je déplaçais pour le mettre à l'opposé de Houston dans la pièce. Pas trop près, merci, sinon dans quelques minutes je vais me jeter sur lui pour engloutir toute son énergie de Sensitif.

Vas-y il m'a trop cassé ma hype en fait.

Une main tremblante alluma mon ordinateur, et je la glissai dans ma poche avec une moue vexée.

-Ca te va bof bien le style regard larmoyant couplé au ricanement cynique.

Bordel mais pourquoi elle se vexe aussi facilement, ça me donne presque envie de déprimer encore là, non mais sérieusement... Elle menace de ne pas apporter la commande et de me laisser dans mon état plus bas que terre, et un frisson mauvais parcours mon dos. Elle pourrait pas. Elle pourrait. Laissez moi juste le penser.

Elle se plaint que son robot pourrait le faire mal avec les arbres, et ça me fatigue plus qu'autre chose. Non mais j'ai même pas la force de la vanner pour ça, si t'as peur t'as qu'à l'équiper de scies circulaires je sais pas... Est ce que ça serait vraiment pire que tout ce qu'elle a déjà fait ? Elle ouvre la fenêtre et je me prends l'air froid dessus, mais bon je vais pas me plaindre c'est tout ce que je mérite. Je me replie doucement sur moi même.

Il neige. Ça n'arrive jamais. Alors je détourne le regard, quelques secondes, vers les fenêtres que j'ai condamné. Juste un regard, j'aimerai juste... Voir qu'il neige. Je ricane, pour moi même. Il n'y a jamais que moi de toutes façons ici.
De : Messala
Il neige.
A : Messala
J'ai vu.
C'est faux Wassily, j'ai rien vu. Je fais juste semblant.

Mes yeux sont secs. Je regarde juste dans le vide.
Mitsuki s'est déplacée pour être loin de moi. Comme je la comprends. Elle me sort une remarque sarcastique, mais je suis fatigué. Je sais que j'ai l'air désespéré, je le suis complètement, en fait, mais j'en peux plus de ces souvenirs réminiscents. Je hausse les épaules, à bout, toujours au sol, et pose ma tête sur ma chaise.

_ J'étais pas comme ça avant, je murmure, presque pour moi. Je chialais jamais. Ah si, peut-être à la mort de Mona, là j'ai versé une larme, je l'aimais bien cette meuf. Après j'étais énervé. J'ai envoyé tout New York après celui qui avait fait ça, on a détruit son gang en deux jours. Y'avait tellement de tueurs que la police savait plus où donner de la tête.

Je ricane. Oregon m'avait réprimandé, cette fois là.
J'avais haussé les épaules. Je prévoyais déjà ma sortie.

_ C'est depuis que Wassily a cané. Pardon, Michigan. Je sais pas pourquoi il continuait à se faire appeler Michigan ici, il détestait ce nom de merde.

Je fais une pause. Je suis perdu. J'en peux plus. Qu'est ce que je fais ici.

_ Juste avant que je le débranche, tu sais ce que sa mère m'a dit ? "Il a maigri." Un an dans le comas et elle sort ça. Elle arrivait à peine à parler, c'était pitoyable. Après elle a dit : "Je suis désolée, You". Qu'est ce qu'ils ont tous à être désolé, je les emmerde... A chaque putain de nuit, j'ai eu peur que ce souvenir revienne... Mais en fait il est toujours là ahah...

Je sens ma gorge se bloquer alors que je ferme les yeux. Je sens que je glisse, il faut que je me taise.

_ Je sais pas pourquoi je te raconte ça, oublie.

Parce que toi, tu peux.

Le silence s'était installé, alors j'en profitais pour allumer l'ordinateur et ouvrir les logiciels qui nous intéressaient. La mise en route était un peu lente, et j'étais en train de me dire qu'il était peut-être temps de changer les ordinateurs, ou d'au moins en changer l'intérieur pour améliorer le processeur, quand Houston reprit la parole.

Déjà blasée d'avance par ce qu'il allait dire, j'arquai un sourcil. Je perdis toutefois cette mine agacée bieeeen bien trop rapidement à mon goût, ne m'attendant certainement pas à ce qu'il me raconte ce genre de choses. Nan mais j'étais Mitsuki en fait. Et il était Houston. D'où il me sortait des trucs aussi personnels d'un coup ?!

Et surtout, ce genre de discours, parce que, je sais pas, je. Il a... commandité un assassinat ? Plusieurs ? Je ne comprends pas. Il reste flou, bien sûr qu'il fait exprès de rester flou, et bien sûr qu'il ne répondra jamais si je lui pose une question à ce sujet, parce qu'une fois qu'il aura terminé de prendre la parole, on fera tous les deux comme si cette conversation n'avait jamais existé (surtout moi, parce que si je fais un commentaire, j'aurais droit à une réflexion cynique. Je sais)

Alors pourquoi est-ce qu'il déballe tout ça ? Il est si mal ? En fait le pouvoir de Sensitif c'est de la merde, peu importe la personne qui l'a, c'est ça ?

A l'entente du nom "Michigan", je sentis un frisson remonter le long de ma colonne vertébrale. Je l'écoutais sans même bouger, presque interdite. Il me fallut un peu de temps pour faire le lien entre leurs noms de familles... Qui était similaire. J'aurais peut-être pu faire le lien avant, mais je crois que... C'était peut-être mieux que je ne fasse pas ce lien ?

J'avais secrètement espéré qu'il n'entre pas dans les détails, mais évidemment, ma prière ne fut pas entendu et il poursuivit. C'était lui qui l'avait débranché...? Je.

Je ne savais simplement plus quoi dire. C'était un peu trop d'informations d'un coup, et puis surtout, ça n'avait rien à voir avec le ton que j'avais imaginé pour notre conversation ce matin. Ca nous tombait dessus, comme ça, d'un coup ? Mais sérieusement ?

Un nouveau silence s'installa après qu'il ait fini de parler, et je continuais à le fixer, sans savoir quoi répondre. Mais je devais répondre, non ? Je devais bien dire un truc ?

J'allais articuler quelque chose qui n'avait strictement aucun intérêt quand Modoki débarqua à travers la fenêtre et fonça dans ma direction. Bon bah super diversion, hein. Haha. J'suis pas du tout nerveuse, c'est faux.

Je le remerciai d'une petite caresse sur son front métallique (oui je sais que ça sert à rien, et alors ?), et lui donnai l'ordre de rentrer à la maison. Je me levai pour aller refermer la fenêtre, et m'approchai de Houston pour lui tendre le bracelet avec la pire expression sur le visage. Parce que je savais juste pas quoi faire. Alors j'étais gênée, mais aussi nerveuse, maladroite (d'ailleurs j'ai failli faire tomber le bracelet quand j'lui ai tendu, mais c'est un détail), triste... p't'être parce que j'étais secouée, je sais pas.

En fait, je réalisais que je ne savais même pas que Michigan avait été débranché. Je savais pas, parce qu'il était sorti de mon esprit, et que je ne m'y étais jamais intéressée. Et je n'avais jamais pensé que ça puisse être un proche de Houston. En fait, il y avait tant de choses que je ne comprenais pas, que je ne savais pas, et ce n'était pas forcément parce qu'on ne me le disait pas, c'était aussi parce que je ne faisais pas l'effort de m'y intéresser, finalement.

Quelques mots sortirent finalement de ma bouche.

-Désolée, il est pas très beau... C'est un prototype. Dans l'idée, il devrait fonctionner avec toutes les affinités, mais comme je t'ai dit je... j'ai pas encore essayé. Il faut que tu crées un cristal de Sensitif, et ensuite, heu...

Je me tournai sur moi même à la recherche de quelque chose qui pourrait nous servir de mortier et de pilon pour écraser le cristal afin de lui donner la forme à glisser dans le réceptacle du bracelet. Je m'éloignai de quelques pas, pris une chaise qui avait bien quatre pieds et non des roulettes, et revins à côté de Houston.

-Ensuite, j'écrase le cristal, ça devrait le faire avec le pied de la chaise, on ramassera la poussière par terre... Et on la glissera dans le petit boîtier ici, expliquai-je en désignant la petite boîte qui se trouvait sur le dessus du bracelet du bout du doigt. A partir de là, le bracelet bloquera tes pouvoirs de Sensitif, mais uniquement les tiens. En fait, pour être plus précise, et pour que ça marche avec toutes les affinités, il bloque les pouvoirs issus directement du cristal moulu qui se trouve à l'intérieur de lui. Ca veut dire qu'un autre Sensitif qui met ton bracelet n'aura pas ses pouvoirs bloqués... Ca ne marche que sur toi, parce qu'il est imprégné de ton énergie à toi.

Je me passai une main dans les cheveux, un peu gênée, réalisant bien que j'avais complètement ignoré ce qu'il venait de me dire. Ce qu'il m'avait dit de faire, cela étant. Mais que je ne pouvais pas faire ? Ou peut-être que si ? Non, je devais bien glisser un commentaire. Au moins un. J'étais Mitsuki après tout. Mon silence faisait plus peur que mes monologues.

Je m'assis sur la chaise que j'avais ramenée, en face de lui, et baissai les yeux sur mes mains posées sur mes genoux.

-Je... Je savais pas que Michigan était... Enfin, quelqu'un que tu connaissais. C'était quelqu'un de ta famille ? Vous avez le même nom de famille et... C'était ton frère ?

Je détournai le regard, encore plus mal à l'aise que je ne l'étais quand il parlait, parce que je me rendais bien compte que plus je l'ouvrais, pire c'était. Et lui aussi en avait parfaitement conscience, croyez-moi.

-Ca n'a pas dû être facile de le débrancher, je suis désolée Houston.

Je continuai à fixer un peu le vide, avant d'enfin oser affronter son regard. Il fallait que je sache. Je... C'était trop peu d'informations. Il ne pouvait pas me dire ça et me laisser en me disant d'oublier, alors qu'il savait parfaitement que ça allait avoir tout l'effet inverse, et que j'allais continuer à me poser des questions encore et encore juste parce qu'il m'a laissée dans l'incertitude.

-Houston, tu as déjà tué quelqu'un ?

Je me sens perdu, comme glissant progressivement d'un nuage.
Malgré toutes les putains de nuits blanches que j'ai faites dans ma vie, y'a aucun moment où j'ai ressenti autant de choses que depuis que je suis à Terrae. Autant de sensations bizarres. Je flotte, je sais plus très bien pourquoi j'ai dit ça, j'ai l'impression de m'enfoncer maintenant, dans un discours bordélique et... Qu'est ce que j'attends de Mitsu en fait ? Je sais pas trop. Je crois qu'elle devait savoir. Ah ouais ? Bah belle idée à la con.

Le robot semble sauver sa situation in extremis.
J'ai envie de ricaner et de pleurer en même temps quand elle se remet à parler. Ahah. Incroyable. Donc c'est aussi facile que ça, pour eux ? Aussi facile que ça d'oublier ? J'aimerai tellement que ça soit ça, ma vie. Oublier ce qu'il m'arrange d'oublier, ne garder que ce que je veux voir. Est ce que ça fait pas de nous tous des putains de salopards ? Ça aurait dû me rendre meilleur. Ou fou. Le temps est le meilleur des remèdes mon cul. Il lui a fallu trois putains de secondes.

Elle m'explique comment ça marche. Prendre un cristal, en faire de la poudre avec un pied de chaise, le mettre dans le bracelet et paf, ça me bloque spécialement moi, la personnalisation tout ça. Je fixe le machin d'un regard vide. Balek que ça soit un prototype, plus vite on installera ça, plus vite ma divagation sera finie putain. Un silence chelou s'installe, elle s'assoit sur la chaise en face de moi. J'essaye de fermer les yeux, concentrant le peu d'énergie qu'il me reste à faire ce putain de cristal.

Je sursaute presque en entendant sa voix.
Mon cœur se serre quand elle prononce son prénom.
Notre nom de famille. Que je hais. Qu'il haïssait au moins dix fois plus que moi.
Je me mords la lèvre, perturbé, alors que mes mains se serrent.

_ C'était... Mon cousin. Mon seul ami, aussi. Et un immonde connard, je termine en ouvrant les yeux. Tu l'as rencontré ? Quand il était ici ?

Je le sais, je sais qu'il ne valait pas mieux que moi, mais il ne pouvait pas être pire. Alors oui, mes yeux sont remplis d'une douleur qu'on ne mérite pas, tous les deux. Mais si elle l'a... J'ai envie de croire que c'était différent ici, même si c'est impossible, au vu de ce qu'il s'est passé.

Elle me dit que ça n'a pas dû être facile. Qu'elle est désolée. J'ai appris à considérer les "désolés" non pas comme des excuses mais comme de l'empathie. Je hoche juste la tête, parce que non ça n'était pas facile, c'était même la chose la plus atroce que j'ai jamais faite. Parce que c'est une chose que je ne pourrais jamais oublier. Parce que je peux presque encore sentir son pouls s'éteindre, mais il était parti depuis longtemps déjà. Quel enfoiré.
Je sens mon énergie fluctuer, se ruer vers mes mains, la tristesse m'envahir, le doute, une vieille colère, trop vieille pour attiser un quelconque feu. Un cristal naît de tout ça, et je souffle, définitivement à bout.

Puis la question vient.
Je me met à fixer la petite pyramide jaune entre mes doigts, gardant la tête baissée. Je pensais qu'elle aurait regardé dans mon dossier. Qu'elle se serait renseignée auprès des gens avec qui elle travaillait. De qui je suis. Je prends une inspiration. Elle ne sait pas, alors je vais lui dire, parce que c'est une partie de ma vie que n'importe quel être humain regretterait, mais pas moi. Je ne peux pas, je n'ai pas le droit.

_ A part lui, jamais directement. Mais si tu veux tout savoir, ouais. Je suis responsable de la mort d'un paquet de monde.

Et pas "responsable" comme "un membre de la chaîne". Responsable comme : celui qui met les cibles sur les têtes à abattre, en fonction de qui ça arrange. Ce n'est pas parce que je n'ai jamais frappé personne, même pour me défendre, que je ne suis pas une pourriture.
Je lui tends le cristal.
Je ne suis pas une bonne personne, Mitsuki.

Houston prit le bracelet, puis ferma les yeux, probablement pour se concentrer afin de réussir à créer ce cristal nécessaire à l'utilisation de mon prototype. Je restais silencieuse, je n'avais de toute façon plus rien à dire. J'en avais visiblement déjà fait bien assez depuis que j'étais entrée dans cette pièce.

Je levai les yeux vers lui quand il m'apprit qu'il s'agissait de son cousin.


Jolie association... Originale, et assez inattendue, d'ailleurs. Mais j'imagine que pour Houston, cette association n'était pas si étrange, lui qui ne pouvait vraisemblablement pas se considérer comme une personne méritant d'être entourée d'individus qui ne seraient pas des "connards". Je n'étais pas restée avec lui ce soir de Noël, et je n'avais d'ailleurs jamais reparlé de ça avec lui, mais je me souviens très bien de son visage et de ses larmes, quand il avait reçu ces cadeaux. Est-ce que ce n'est pas triste, d'être convaincu à ce point qu'on ne mérite pas l'amour des autres ? Parce que c'était bien ça la raison, non ? C'est en tout cas le lien que j'avais fait.

-Je l'ai rencontré, oui.

Mon coeur s'agita un peu dans ma poitrine en me souvenant de notre rencontre, de notre combat à la piscine aussi, de cet air suffisant qu'il arborait toujours, et que je ne comprenais pas. Sauf que si j'avais grandi depuis, à l'époque, je n'avais pas eu la maturité de faire fi de ses provocations ce jour-là. Et peut-être que je me sentais un peu coupable, finalement ? Il n'allait clairement pas bien. Personne n'est un "immonde connard" simplement pour le plaisir de l'être. La vie, et les épreuves qu'on traverse nous mènent à ça, mais personne ne l'est d'emblée quand il débute sa vie, non ?

Je détournai le regard, parce qu'il avait ouvert les yeux et que je n'arrivais plus à le regarder. Il termina son cristal, mais ne me le tendit pas tout de suite. Non, pas avant d'avoir répondu à ma question. Pas avant de m'avoir dit que, oui, il avait déjà tué beaucoup de personne. De manière indirecte. Mais son ton indiquait bien qu'il se plaçait comme responsable de ces meurtres.

Et je sais que je m'y attendais, peut-être un peu, avec ce qu'il m'avait dit avant, mais ça n'empêche que ça me choque, et que je ne sais pas comment réagir. Parce que d'accord, c'est le passé, d'accord, il n'a plus jamais rien fait ici (je crois ?), mais ça l'empêche qu'il l'a déjà fait. Et que je ne le savais pas. Et que j'ai beau lutter contre, je ne peux pas m'empêcher de le voir autrement.

Un sourire tremblant étira mes lèvres alors que je reprenais le cristal qu'il me tendait.

-Merci.

Je me levai de ma chaise pour poser le cristal au sol et commencer à l'écraser lamentablement avec le pied de la chaise. Si la situation était ridicule, elle me permettait au moins de ne pas faire face à Houston, au moins le temps que je puisse appréhender tout ça.

Est-ce que c'était pour cela qu'il avait une restriction pour utiliser certaines technologies ? Tout ça me paraissait flou, à l'époque, quand j'en avais entendu parler un jour, probablement en réunion quand Aaron avait expliqué qu'il serait son référent, ou quelque chose du genre. Tout me semble si éloigné que je peine à reconstruire mes souvenirs. Il faut dire que j'ai toujours eu quelques problèmes de mémoire, hein...

-Pourquoi ?

A peine le mot fut-il sorti que je le regrettais déjà. Il m'avait échappé, trop vite, comme souvent, et il était trop tard pour revenir dessus. Alors, la main tremblante, je continuais à marteler ce cristal que je loupais une fois sur deux.

Elle l'a rencontré.
Donc il a existé.
Je le sais, évidemment qu'il a existé. Mais des fois, je doute. Je prends plaisir à me dire que ma mémoire m'a trompé, que ce n'était qu'un ami imaginaire. Qu'il ne se réveillait pas au milieu de la nuit et qu'il ne jouait pas avec moi aux échecs. Que ça n'était pas un excellent joueur et que je n'avais pas besoin de tricher pour le battre. Qu'en fait il n'y avait jamais eu que moi, et que ce gamin que j'avais vu une fois par la porte entrouverte n'était que l'enfant d'un employé. Ça rendrait peut-être ma vie encore plus pathétique et je ne me trouverai pas des excuses pour souffrir inutilement.

Mais non, il a existé. Il est bien venu ici, et tout ce qui s'est passé s'est passé. Aussi improbable que vrai, son existence a été réelle, et il a rencontré des gens ici, il aurait pu s'en sortir. Je souffle. Elle ne donne pas de détails et je la remercie presque. Ça a forcément été un être détestable, il supportait pas les meufs, pour une raison aussi risible que la raison pour laquelle je suis ici je crois.

Lorsque je réponds à la question, elle cogite. Non, elle intègre l'information. Pourquoi tu l'as posé ? Il fallait, probablement. Je ne sais pas à quoi elle s'attendait. Je ne suis pas le seul ici. On met en contact des adolescents au plus mal avec des criminels dans le même état. Ils ont peur de rien ici.

Je la vois prendre le cristal et commencer à l'écraser avec le pied de chaise. Je regarde la scène d'un œil mort, me rendant compte que j'ai l'impression que c'est ma tête qu'on écrase. Je pourrais presque sentir la douleur... Un coup, deux coups, trois coups, le visage de Tiago- Et merde.

Puis elle me demande. Pourquoi. Je regarde à nouveau dans le vite, pas bien sûr de savoir ce que je dois répondre. Pourquoi, au juste ? Parce que j'avais pas le choix ? Au début, c'était peut-être vrai, mais il y a un moment où Oregon me faisait suffisamment confiance pour que j'arrête. Même quand je me suis enfuis, j'ai peut-être arrêté de mettre des vies en danger, mais j'ai continué à récolter des infos. Et certaines des informations que j'ai donnée n'ont pas encore été utilisées. Elles pourraient encore faire du mal.

Je soupire.

_ Pour faire plaisir à mon oncle, je dis juste. Mon père s'est enfuit quand ma mère est devenue folle. Il était la seule personne qui me restait, il m'a demandé de m'asseoir devant des écrans et de bien retenir ce que je voyais. Alors je l'ai fait. Les repas étaient bons, c'était amusant- tu sais que j'ai même pas essayé de sortir ? Je sais même pas si la porte était fermée ou pas au final. J'pense que oui. Forcément.

Ma voix s'éteint un peu à la fin.

_ J'aimerais pouvoir dire que j'ai pas eu le choix, parce qu'à 8 ans tu sais pas ce qui est bien ou mal, que les écrans ça efface le sentiment de responsabilité, qu'une fois que tu es dans le système tu arrives pas à t'en échapper... Mais ça effacera pas ce qu'il s'est passé.

Aussi cruel que vrai.
J'ai fait des choses mal, c'est un fait.

Mon geste s'arrêta brusquement et mes doigts se resserrèrent sur ce pied de chaise qui resta un instant bloqué en hauteur.


Je tournai la tête vers Houston, ne pouvant réaliser qu'il venait de dire ça. "Amusant" ? C'était... "amusant" ?

Huit ans.

Il n'avait que huit ans.

Comment peut-on infliger ça à un garçon de huit ans ?

Je ne réalisais pas. Je n'arrivais pas à faire la part des choses, à ingérer ce discours si cruel. Qui était véritablement capable de faire ce genre de choses ?

Les informations se mélangeaient dans ma tête. Houston qui me dit qu'il est malade, lui qui me parle de sa mémoire, de ses flashs, et lui qui me parle de son enfance. Quelle enfance ?

Quelle vie as-tu vécu Houston ?

Mais as-tu vraiment vécu...?

Je fis tomber une dernière fois le pied de la chaise sur ce qu'il restait du cristal, et l'éloignai ensuite de la scène de crime pour rassembler les miettes que j'avais créées, les ramassant assez ridiculeusement dans mes mains.

-Je suis désolée, dis-je dans un souffle.

Je finis par me redresser, la poussière dans une main, et fis signe à Houston de me tendre la sienne. Mes mains tremblaient trop pour que je ne parvienne moi-même à mettre la poussière dans le réceptacle ; la tentation était trop forte, et je n'allais pas me mentir ou nier ; il était temps que je passe le relais. Déjà là, c'était trop d'exposition à ce pouvoir.

Je me mordis la lèvre inférieure en sentant mon rythme cardiaque s'agiter, et détournai les yeux de sa manipulation pour aller les poser sur son ordinateur.

-Ca ne t'a jamais manqué ?

Parce que l'addiction peut être parfois bien cruelle, n'est-ce pas ? Et si la perte de contrôle peut être addictive, je sais aussi que le total contrôle de tout et la toute puissance peut l'être aussi.