Ce soir, était encore un soir où Senri devait travailler. Bien que maintenant, le nouveau, avec ses cheveux rose et son sourire de façade, le soulager de quelques heures. Néanmoins, il préférait mille fois la période où il faisait des heures supplémentaire impayées plutôt que de travailler avec ce visage suffisant toute la semaine. Heureusement, Han était déjà parti à cette heure-ci. Tout le monde, en fait. Il n'y avait plus que le chauve.

Il devait simplement s'occuper d'assainir les bains et laver les bassins pour enfin fermer l'établissement. Senri avait depuis longtemps fait tomber la chemise, dévoilant le cœur percé d'une flèche avec le A inscrit sur la flèche de son bras droit, le « $W4G » de son bras gauche et l'énorme lettrage kitch au possible « WARRIOR TELEPORTEUR » dans tous son dos. Il faisait une chaleur étouffante dans ces foutus bassins ! Peut-être que les gens qui venaient cuire ici appréciaient ce genre de chose, mais lui qui s'agitait à frotter dans tous les sens, trouvait cela assez insoutenable. Il avait remonté les ourlets de son survêtement jusqu'en haut de ses genoux. Mais, de l'eau avait néanmoins réussi à éclabousser ses genoux et l'humidité ambiante rendait le vêtement collant et inconfortable. Ce qui ne manquait pas de l'énerver.

Une autre chose qui l'agaçait ; l'absence de la moitié de ses pouvoirs. Après avoir repensé à son combat contre Akkiko, il s'était dit que sa sensitivité s'était peut-être manifestée à ce moment. Mais depuis, plus rien. C'est donc, passablement énervé que le garçon poussa la porte du sauna des thermes. Il avait ouvert il y a peu, alors Senri avait encore du mal à l'inclure dans sa routine de nettoyage.

Une chose qui n'était toujours pas rentrée dans sa routine, mais qui devrait au vu du nombre de fois où ça arrivait, surprendre quelqu'un dans un bassin ou, en l’occurrence, dans le sauna.

-WAH !

Il venait tout juste de voir une silhouette, affalée sur les bancs du sauna. Il avait sursauté en s'empourprant ; il s'agissait d'une fille, simplement vêtu d'une serviette. De quoi l'angoisser significativement. Il détourna le regard en bombant le torse, pour paraître digne, mais il ne trompait personne.

-Euh, c'est fermé. Faut que tu partes. Parce que, bah, j'dois laver. J'suis l'employé des ther...

Il s'arrêta, entre temps, il avait reporté son regard sur la demoiselle et s'était attardé, non pas sur sa poitrine, hanche ou quelconque autre forme qui aurait pu intriguer un adolescent avec les hormones en ébullition, mais plutôt, sur l'absence de bras droit.

-Oh. Y a plus de bras.

Il est des choses que même Senri était capable d'analyser, prévoir, ou mener une réflexion sur celle-ci. Et là, dans l'instant, il sut qu'il avait gaffé.

Senri ne put que se sentir très mal à l'aise quand la jeune femme lui tendit son moignon en lui demandant de l'aider à se relever. Un air désespéré s'empara de son visage tandis que son bras tressauta mollement avant de retomber quand il réalisa qu'elle se moquait de lui.

Elle déclara finalement qu'elle avait oublié sa puce dans les vestiaires. S'il n'avait pas été aux combles de la honte, il aurait grimacé. Pourtant, il ne put que rester muet et se décomposer encore un peu plus face à la jeune femme qui se lever comme si de rien n'était. 

— Tch. 

Il porta la main à sa puce, en tentant de reprendre son air colérique, et la retira pour la tendre à la jeune fille. Il attendit que celle-ci l'enfile pour parler. 

— J'ai fermé les vestiaires et j'ai dû mettre tes affaires aux objets trouvés.  

Maintenant qu'il y pensait, trouver des vêtements dans le vestiaire aurait dû lui mettre la puce à l'oreille sur la présence d'une cliente. 

— Laisse-moi juste faire mes trucs ici et je t'y emmène. 

Il invita la jeune fille à sortir en regardant le plafond avec professionnalisme. Une fois que ce fut fait, il put éteindre les divers appareils du sauna et ouvrir tout ce qui pouvait être ouvert pour chasser l'humidité. La chose allait prendre un certain temps, alors, il avait tout le temps du monde pour s'occuper de la jeune femme. 

Une fois qu'il sortit, il lui fit signe de venir. L'avantage de lui avoir donné sa puce, c'est qu'il ne pouvait plus être perturbé par d'éventuelles taquineries. 

Il conduisit donc la jeune fille jusqu'à la salle des objets trouvés. Il la laissa entrer en ne lui donnant que quelques directives. 

— Tes vêtements doivent être dans un des bacs, là. Quand tu auras ta puce, rends-moi la mienne. C'est plus simple pour s'comprendre. Je vais attendre devant pour que tu puisses te changer.

Senri attrapa sa puce quand elle lui fut lancé, en ne prêtant guère attention au charabia que la fille avait baragouiné. Il était plus que probable qu'elle ait une prononciation et un phrasé correct, mais à force d'écouter les gens à travers la puce, le cerveau de Senri avait pris des automatismes, ou plutôt, un. Il se désintéressé totalement des langues qu'il ne comprenait pas. Pour l'adolescent, il était quasiment inutile d'essayer de comprendre une autre langue que le japonais, puisqu'il avait ce bijou traducteur.

Il essuya rapidement sa puce du pouce pour chasser les résidus de cire d'oreilles. Il commençait à avoir l'habitude à force de la passer à tout le monde.

Il la remit rapidement en sortant pour attendre la jeune femme. Et fut soulagé de la voir habillé. C'était beaucoup moins gênant. Mais la question qui vint ensuite le propulsa au paroxysme du malaise. Il cacha son annulaire par réflexe.

— Mais-... C'est... J'ai pas d'enfant non ! Mais c'est pas tes affaires de savoir si je suis marié ou pas !

Senri avait toujours tendance à ne pas vouloir dire le mot "mariage", ça rendait la chose réelle. Une réalité à laquelle il ne pouvait échapper.

— Pourquoi ça t'intéresserais de toute façon ?

Senri resta cloué sur place face à la réponse de la jeune femme. Sans savoir quoi faire. Il ne s'était jamais questionné sur la question intrinsèque qui lui imposait de porter cet anneau en toute circonstance. Quand bien même son mariage était ce qu'il était. C'était juste comme ça. Il n'avait jamais poussé la réflexion plus loin.

Heureusement, la jeune femme continua la discussion, ce dont Senri lui était infiniment reconnaissant. Elle justifiait sa question par un simple moyen de faire la conversation. Si en temps normal, Senri l'aurait regardé avec des yeux brillants de colère, en disant d'une voix grave et sévère "alors ne parle pas. ", ou quelque chose de cool dans le genre, là, il était un peu trop perturbé.

— Ah. Bah, je vois. Je, suis effectivement marié. Mais c'est plus par la force des choses.

La force des choses sous-entendait évidemment "je ne tiens pas du tout l'alcool, alors la dernière fois que j'ai bu, je me suis retrouvé à Las Vegas avec mon amie où on s'est mariés". Voilà. C'était un peu, complexe d'expliquer cela. Heureusement ! Encore une fois, la demoiselle changea de conversation. Pour aborder le sujet des enfants. Il ne fit pas le lien avec le mariage et ce que ça impliquait pour lui. 

— Hm, je sais qu'il y a une crèche, puis une école pour les enfants. Je veux dire, tu peux arriver à Terrae à n'importe quel âge. Et certains Master ont déjà des enfants. Donc, ouais, y en a pas mal. Après, si tu parles d'enfants avec des parents ici, bof. La norme, c'est plutôt, des enfants venu à Terrae à cause de leurs vides. Mais y a des familles. 

Il parlait de manière un peu décousue en faisant des signes de mains çà et là pour illustrer ses paroles. 

     La force des… okay. Chacun son délire écoute. Qui suis-je pour juger.
     Et du coup non c’est juste le hasard de mes rencontres qui a voulu que je ne voie aucun gosse. Tant mieux, quelque part. Je me demande à quoi ressembleraient des mêmes à pouvoirs. À Jack Jack des Indestructibles ? Ou ça ne se développe qu’après un certain âge ? Bah t’façons j’m’en fous j’ai pas spécialement prévu d’en élever ou de faire dal garde d’enfant.
     Tiens, rien à voir mais il est pas mal baraqué ce chauve. Ça me donne une idée.
     « Alors, je vais juste t’emmerder encore deux secondes si… tu veux bien, je pouvais pas m’empêcher de remarquer mais t’es plutôt balaise comme mec. Et alors ça tombe bien, comme tu le vois, je viens d’acquérir ce joli machin, là. »
     Je lui pointe mon bras droit.
     « Et j’aurais aimé faire un petit test de force avec. Je suis que novice, c’est pas un piège à con tendu par un titan pour te bousiller l’épaule, t’en fais pas. C’est juste que je ne le connais pas encore bien et un peu d’effort physique, c’est ce qu’il faut pour connaître un nouveau membre. »
     Enfin, je dis ça comme si c’était courant d’en recevoir de nouveaux, vous savez. À moins qu’il ne soit un nain utilisant une couronne de téléportation, je ne le pense pas si familier de la chose.
     « ’fin bref, ça te botterait un bras de fer ? »

Un certain malaise avait été visible sur le visage de Senri alors que la jeune fille lui parlait d'enfant, de vie à Terrae, sans pour autant qu'il puisse se sortir de la tête qu'il avait vu cette fille tout juste couverte d'une serviette. C'était perturbant tout de même. Mais heureusement, Senri bénéficier d'une espèce de bouton d'arrêt d'urgence, qui permettait un reboot total de son cerveau, et un changement d'humeur instantanée.

Un léger sourire admiratif était passé sur le visage du garçon quand la novice montra la prothèse à son bras. Senri avait déjà vu celle de Ramiel, mais c'était toujours impressionnant à voir. Mais, ce que proposa la jeune femme par la suite l'enjoua encore plus, à tel point, qu'il ne put contrôler le coin de sa bouche qui semblait vouloir rejoindre son oreille droite. Cette espèce de sourire pincé lui donnait un air effrayant, mais il parla d'une manière relativement enjoué, et fier.

- Un peu qu'ça m'botte. J'comprends ce que t'essaie de me dire, rien de mieux qu'un bras de fer pour savoir des trucs.

Eh, regardez ces muscles, à ce conio. Dans le cas de Senri, il fallait se fier aux apparences ; c'était un tas de muscle sans cervelle.

Il fit rapidement signe à la jeune femme de le suivre pour l'amener jusque dans la salle de repos des employés. Il y avait une table, au milieu, à laquelle il invita la jeune à s'asseoir, avant de prendre place aussi. Tandis qu'il posait son coude sur le bois de la table, il souffla quelques mots.

- Au fait, moi c'est Senri.

     « Enchantée Senri, moi c’est Luna. »
     Je le suis dans les coulisses des thermes. Le coin pause café de ceux qui bossent ici, vide à cette heure j’imagine. Je suis assez amusée qu’il ait accepté aussi vite, comme ça. Puis, « rien de mieux qu’un bras de fer pour savoir des trucs », c’est quoi cette réplique de film nul, sans rire. J’ai pas l’impression d’être en face de quelqu’un de super fute-fute, m’voyez.
     Il est marié alors qu’il doit même pas avoir dix-huit ans, aussi. Ou c’est un témoignage de sa grande capacité à prendre des responsabilités, ou un signe qu’il est très con.
     C’est pas complètement incompatible, mais quand-même. Je dis ça en partie pour me rassurer, parce que voyez-vous, si ce n’est pas incompatible, alors l’inverse doit être vrai aussi. Être intelligent et un glandu irresponsable. Et j’entre déjà à pieds joints dans la seconde catégorie, alors ils faudrait bien quelque chose pour compenser.
     Enfin bref, le bras de fer. Je m’assieds, pose mon coude métallique sur la table et lui présente ma paume. En vrai, la dernière fois que j’en ai fait un, c’était il y a pas si longtemps que ça, quand j’avais encore un simple bout de métal à la con façon capitaine Crochet au bout du coude. On a pas totalement besoin de sa main pour de bras de fer, m’voyez. Sinon ça s’appellerait le main et avant-bras de fer, ce qui serait plus long et plus chiant.
     « Allez vas-y. Je vais y aller de main morte mais en fait non. »
     Parce que c’est un bras en métal. Elle a dû lui passer une galaxie au-dessus de la tête celle-là.

— AHAH, c'est marrant, car, bah. T'as une prothèse.

Eh oui, contrairement à ce que pourrait dire les mauvaises langues, Senri avait compris la blague. Cela dit, il aurait préféré ne pas la comprendre. Voyant que la dénommée Luna semblait rire de sa situation, il avait voulu plaisanter aussi, par politesse. Sauf qu'il était si mal à l'aise que ça en devenait encore plus gênant.

Mais, bref. Pas besoin d'être gêné quand on fait un bras de fer !

Senri se débarrassa donc de son embarras pour glisser sa paume dans celle métallique de Luna. C'était froid et... Différent d'une paume normale. Et très vite, quand ils commencèrent, il réalisa une autre différence avec une main normale ; c'était bien plus lourd.

S'il ne l'avait pas réalisé immédiatement, quand Luna avait légèrement pris l'ascendant sur Senri lors de leur bras de fer, il avait senti tout le poids du métal peser sur son poignet. Il serra les dents en devenant rouge comme une tomate pour tenter de réunir le maximum de force et retourner la situation à son avantage.

Malheureusement, il ne parvint qu'à retarder l’inéluctable.

Sa main finie par être plaquée contre le bois de la table. Il la retira, lentement en la faisant lentement tourner sur elle-même, c'était un peu douloureux.

— Hm, bien joué.

La frustration se lisait sur chaque pore de son visage. Néanmoins, ça avait duré un moment, une minute au moins, ce qui pour un bras de fer était long. Il intériorisa ses émotions au maximum, s'efforçant de songer au pouvoir de sensitif pour s'aider. Ce qui eut un plutôt bon effet placebo.

— Du coup, ton test a été concluant ?

     Dieu qu’il… Ah mais non c’est vrai je suis athée, euh, euh, merde, attendez, Bob Ross qu’il est con.
     Et moi aussi, d’ailleurs.
     Mais je fais de mon mieux.
     Lui aussi, peut-être. Ce qui est un brin terrifiant, quand on y pense.
     En tout cas, ça ne l’est pas dans le registre du bras de fer, vu que son mieux est en-dessous du mien. Ah ! Ça fait plaisir, une victoire comme ça de temps en temps. J’ai eu peur à un moment que le lien entre ce qui reste de mon bras et ma prothèse ne lâche et qu’elle vole à travers la pièce, comme quelque chose sur lequel on pousse très fort et qui est détaché d’un coup, vous voyez. Mais en fait non, Mitsuki fait vraiment du solide.
     « Ouais, franchement ouais. Merci mon gars. »
     Je lui propose de serrer la pogne qui l’a battue. Enfin, ce n’est pas vraiment elle qui a fait le travail mais plutôt mon coude et mon avant-bras… soit la partie encore intacte, en fait. Huh.
     « Écoute, je risque de mettre des améliorations sur ce truc à l’avenir et je sais où te croiser. Si tu veux une revanche, je sais où te trouver et quant à moi, je suis aux dortoirs pour filles, donc c’est pas introuvable non plus. »
     Attend, vu comment il était gêné toute à l’heure, si je lui dis vas-y viens aux dortoirs des filles, il va devenir rouge.
     « Je veux dire, tape à la porte et attend que je vienne, en plus y’a que moi en ce moment. »
     Et sur ce, je me dirige vers la sortie des thermes. De retour dans la vraie vie avec tous mes problèmes, youpi. J’avais bien besoin d’une sieste et d’un petit peu de dopamine, en fait.

Senri se força à esquisser un sourire à Luna quand elle le remercia. Il était toujours contrarié par le fait d'avoir perdu. Néanmoins, une lueur de curiosité émana dans son regard quand elle évoqua la possibilité d'ajouter des amélioration à son bras. Il acquiesça donc avec vivacité. Lorsqu'elle lui dit qu'elle était au dortoir des filles, il lutta contre lui-même pour ne pas rougir comme l'adolescent plein d'hormones qu'il était.

- Très bien. Sinon, je suis dans l'aile des tonnerre moi, cherche la chambre avec... La porte différente des autres.

C'était juste pour ne pas dire qu'elle était en miette. Après ça, la cliente sortit de la salle des repos des employés pour quitter l'établissement.

Senri pouvait enfin fermer l'établissement, il ne tarderait pas non plus à rentrer chez Afya.