À cause de mes erreurs, Bito prit de l'avance sur moi et je fus convaincue que j'allais perdre. Je lui fis une grimace lorsqu'il se moqua légèrement. Puis, au dernier tour et près de la ligne d'arrivée, le jeune homme calcula mal un virage et son pilote tomba de sa moto. Je parvins donc à le dépasser et je pris la première place. Victoire !

Il afficha d'abord une mine boudeuse. Ce n'était vraiment pas de bol il fallait dire. Il croisa les bras et pendant un court instant je me demandai s'il était fâché. Mais non, il vint vers moi pour me faire un câlin comme conclu. Je l'entourai moi aussi de mes bras, riant un peu. Les câlins c'est trop bien. Et disons que je n'en avais pas beaucoup, parce que oui entre potes une accolade de temps en temps c'est possible, mais ça n'arrivait pas régulièrement. Et ce n'était pas tout le monde qui était fan de câlins non plus.

.— Wihiii, un autre pari remporté par Elfie !

L'étreinte prit alors fin et je reculai, le regardant d'un air amusé.

.— Alors, tu comptes me faire quoi comme petit plat ?

À mes paroles, Bito eut l'air douteux. Bah quoi ? Il s'exclama qu'on dirait que je remportais très souvent mes paris. Oh non, ce n'était pas ça.

.— Nan, je dirais que j'en remporte une quantité normale. C'est juste que j'ai un ami qui adore les paris, du coup j'en fait beaucoup !

Je parlais bien entendu de Helm. Je me souvenais encore de la fois où nous étions allés à la piscine et qu'il m'avait demandé comment je m'amusais avec les autres si je ne faisais pas de paris. Ça m'avait surprise sur le coup ! Avant de le rencontrer, je n'étais pas amateure de défis. De plus, il était loin d'être le seul à aimer ça à Terrae, donc j'avais suivi la tendance. Je ris à l'exclamation de Bito.

.— Tu veux parier sur le fait que tu vas gagner le prochain pari ? plaisantai-je.

Un pari dans un pari, c'était probablement un peu trop. Je le questionnai ensuite sur le petit plat qu'il pensait me préparer. J'écarquillai légèrement les yeux lorsqu'il mentionna des plats de mon pays natal. Sans compter que je ne pensais pas déjà avoir cuisiné quelque chose comme une blanquette de veau dans mon cas. Je n'étais pas un cordon bleu, loin de là.

Si j'avais perdu le pari, je ne savais pas trop ce que je lui aurais fait. Un Kraft Dinner ? Je ris intérieurement à cette pensée : je ne lui aurais pas réellement cuisiné ça, bien sûr. J'étais tout de même capable de cuisiner des plats plus complexes que ça ! Il me semblait bien être plus douée en desserts, cependant. J'aurais pu lui faire, par exemple... un curry ! Miam.

.— Hmmm... tout ça est tentant. Bah, tu sais quoi, fais-moi ce que tu veux ! Tant qu'il n'y a pas de champignons.

Je détestais ce légume ! La texture et le goût étaient dégoûtants. J'en frissonnais presque d'horreur en y pensant.

Bito proposa qu'on fasse notre soirée la semaine suivante afin qu'il ait le temps de se préparer. Je hochai la tête en souriant : il semblait si confiant que je ne doutais pas que ça serait super. J'avais hâte, du coup !

.— Ok, ça me convient !

En dépit du fait que je lui avais dit de me préparer ce qu'il voulait, je ne pouvais m'empêcher de me demander ce que ce serait. Mais bon, aimer les surprises ne signifiait pas de ne pas être curieuse non plus ! Puis, je me demandai où on allait faire ça. Alors que je sortais peu à peu de mes pensées pour revenir dans le moment présent, je vis que Bito regardait le jeu de frappe. Je remarquai alors que j'avais quelque chose dans ma main et baissa les yeux... même si c'était totalement inutile vu que c'était très facile de deviner ce que c'était.

Quand était-ce arrivé ?! Je ne m'en étais pas rendue compte ! AaAaaAh, je me sentais rougir. Toutefois, j'étais bien là, avec ma main dans la sienne... Le jeune homme prit parole et eut un sursaut, ce qui me fit écarquiller les yeux. Attends, lui-même n'en avait pas eu conscience ? Wow, on faisait une belle paire de lunatiques (...lol. On était Lunaires en plus alors. C'EST DRÔLE).

Il s'excusa et s'exclama qu'il savait que ça m'embarrassait. Il eut l'air de vouloir ajouter quelque chose, mais s'arrêta. Je l'observais, ne sachant trop quoi répondre. Mais le silence commençait à devenir un peu pesant.

.— C'est pas grave !! Tu... on... on peut se tenir la main... déclarai-je, réduisant le volume de ma voix à la dernière phrase malgré moi.

Se tenir la main, c'était inoffensif... Oui ça me gênait tout de même, mais c'était normal pour quelqu'un comme moi. De toute façon, il devait bien avoir compris qu'il me plaisait...

.— Bon huuumm, tu voulais jouer à ce jeu ?! lui demandai-je en pointant la machine à frapper et en l'entraînant avec moi vers cette dernière.

Je souris doucement à Bito, il avait l'air bienheureux. Sa poigne se referma davantage et j'appuyai ma main un peu plus contre la sienne sans réfléchir, comme si c'était un réflexe. Puis, nous nous dirigeâmes vers le jeu de frappe.

La dernière fois que j'y avais joué, c'était quelques mois après mon arrivée à Terrae, donc plus d'un an ! J'allais pouvoir obtenir un meilleur score sans aucun doute, puisque je m'entraînais depuis. Avant, le seul truc qui avait le droit à de l'exercice, c'était mes doigts sur le clavier et sur les manettes de jeux hein. Bito proposa que j'y aille la première. Oh, au final, je devais déjà relâcher sa main.

Ou pas. J'allais pouvoir la tenir un instant de plus... Il me demanda quels sports je faisais. La question lui avait certainement traversé l'esprit à cause du jeu auquel nous nous apprêtions à jouer. Il tenta alors de deviner ce que je pratiquais.

— Non, à part pour la danse, une fois de temps en temps. Mais je fais principalement du kendo, du grandeur nature, bon c'est pas vraiment un sport mais tu vois le genre, et un peu de boxe aussi. Je fais aussi pas mal de roller et de course pour améliorer ma vitesse ! D'ailleurs, avant l'Éclipse, j'essayais d'élaborer une technique avec Mitsu pour booster ma vitesse grâce aux éclairs à mes pieds. On a appelé ça : le projet Flash ! Ou alias, l'Éclair Jaune de Terrae. J'arrive pas à me décider sur le titre que je préfère entre les deux !!

Vivement que je retrouve mon pouvoir de Tonnerre pour reprendre le travail ! J'espérais que je ne serais pas rouillée.

— Et toi ?

Il était vrai que j'étais plutôt active. Si je pouvais parler avec l'ancienne moi, elle ne me croirait probablement pas. Avant, je courais 5 minutes et je mourrais presque hein. Bito me partagea son avis sur le nom de mon projet. Il n'avait pas tort, même si ce n'était pas comme si j'allais le dire à voix haute à chaque utilisation de ma technique. À moins que je le fasse seulement pour le lol.

Ce fut ensuite à moi d'en apprendre plus sur les habitudes du jeune homme. Il déclara s'étirer et, tout comme moi, faire pas mal de course. Il ajouta ensuite qu'il avait recommencé la musculation avec une dénommée Ebisu. Summer-body de rêve ? Hahah ! Bien des gens recommençaient à être actif physiquement juste avant l'été pour cette raison. Quoi qu'en dise, le regard extérieur avait un minimum d'importance pour tout le monde.

— Ah, cool ! Je fais aussi un peu de muscu, mais surtout dans ma chambre, je me suis achetée de petits haltères. Ebisu ? Une amie ?

Je n'allais que peu au gymnase : je préférais courir à l'extérieur et l'endroit en général ne m'attirait pas. Je préférais m'entraîner chez moi plutôt qu'entourer d'autres personnes suantes et parfois puantes. Je découvris alors qu'Ebisu était l'élève de Bito. Il voulut ajouter quelque chose, mais se rattrapa en changeant le cours de sa phrase. Je n'étais pas née de la dernière pluie, c'était assez évident ! Dire d'un individu qu'il est « super joyeux », surtout de cette manière, ce n'est franchement pas naturel. Et puis ce sourire suggérait qu'il mentait.

J'étouffai un rire. Nan mais le niveau de discrétion était bas là.

— Je vois ! Moi aussi j'aimerais bien avoir une « kouhai » super joooooayeuse, m'exclamai-je pour me moquer.

Bon. Je crus ressentir un brin de jalousie, mais j'étais tout de même capable de réfléchir correctement. Admirer la beauté des gens était quelque chose de normal. Surtout des filles, ça, je le savais bien ! Mais aussi des garçons dans mon cas. Aaah, parfois je me disais qu'être bi était une bénédiction alors que d'autres, je trouvais que ça s'apparentait davantage à une malédiction.

— Hé, et si on courait ensemble parfois ? Ça pourrait être sympa !

Suite à sa réponse, je lâchai sa main et pivotai vers la machine de frappe. Je me mis en position de boxe et prit une grande respiration avant de projeter mon poing vers l'avant. Une petite barre apparut sur l'écran pour noter ma performance. La flèche était environ à mi-chemin, du coup c'était un score moyen. Si je me souvenais bien, la dernière fois elle était vachement à l'arrière.

— À toi ! dis-je en me retournant vers Bito.

Courir puis manger une glace ? Owiii ! Et puis, comme on était en été, les glaces étaient trois fois meilleures que pendant les autres saisons. Irrésistibles même. Je m'étais mise au défi de tenter toutes les saveurs disponibles, même si j'avais parfois du mal à ne pas revenir à mes favorites.

— J'approuve !

Sinon, selon la machine, j'étais un super-soldat. C'était quand même stylé ! Je pivotai vers Bito, souriante, et lui laissai la place. Il frappa alors sur le côté de la poire, ce qui n'engendra qu'un petit impact. Le jeu lui donna le classement de « Mauviette ». Oula, c'était méchant ! Bon, d'autres jeux étaient également connus pour ne pas être tendres avec les joueurs médiocres, comme DDR. Quand j'étais enfant, ça faisait un peu mal à ma confiance en moi lorsque les jeux m'insultaient.

Je remarquai que quelques individus se moquaient. Bito avait l'air embarrassé, du coup je voulus le rassurer.

— On s'en fiche, ça peut arriver à tout le monde. Tu peux toujours réess-

Un type baraqué se planta soudainement devant moi et m'interrompit. Qu'est-ce qu'il voulait celui-là ? Je levai un sourcil à sa question. Il devait avoir eu le résultat « Terminator », ce qui n'était pas difficile à croire. Ugh, heureusement que je m'étais entraînée à envoyer promener les gens comme lui.

— J'ai tendance à ne pas me fier à l'avis d'une machine pour décider avec qui je sors. Alors non, bye bye.
— Tu sais pas ce que tu rates l'elfe !

Je roulai des yeux puis reprit la main du japonais pour qu'on s'éloigne de l'inconnu. J'eus envie de répliquer, mais songeai que ce serait sûrement préférable de ne rien répondre. Je m'arrêtai ensuite devant une borne de Street Fighter.

Le grand type rit au commentaire de Bito. Il ne le prenait pas trop mal au moins ! Il fallait dire qu'il pourrait sûrement se trouver quelqu'un d'autre avec ce physique. Je ris un peu intérieurement, puis m'arrêta quand on arriva dans un coin plus calme de l'arcade.

Bito posa alors sa tête sur mon épaule en s'excusant. Puis, il me reparla de ma réputation.

— Mais naaan.

Est-ce que ça le tracassait à ce point ? Il se redressa et sa proposition me fit de court. Je rêvais ou il était sur le point de fouiller dans son sac ? Traînait-il donc sa fausse moustache partout ? Je me mis à chercher mes mots. Comment exprimer correctement ma pensée ?

— J'veux dire... Moustachio il est bien, mais je préfère Bito !! Je m'amuse vraiment avec lui. Et puis, comme je viens de le dire, qu'est-ce que ça peut bien faire qu'une machine t'ait traité de mauviette ? Si quelqu'un te juge pour ça, c'est un imbécile. Et puis, que ce soit clair, je me fiche de ce que les autres peuvent bien penser ! Alors arrête de parler de ma réputation ou je te fais ma pichenette de la mort ! m'exclamai-je, en plaisantant sur la fin.

Je souris aux paroles du jeune homme. J'étais contente que mes mots l'aient convaincu ! Il ne fallait pas être démoralisé à cause de commentaires émis par une machine. Suite à ma petite blague, il entra dans mon jeu. Ceinture noire de pichenette, pfff... Puis il ajouta que je ne pourrais pas être aussi violente à son égard.

— C'est vrai que je suis plutôt gentille... la plupart du temps. Mais on a tous un côté obscuuur.

Il me promit de ne plus s'attarder à ma réputation et soudainement, on se retrouva dans un noir total. Je poussai un petit cri malgré moi. Nan mais, en plus d'avoir une certaine peur du noir à la base, je venais tout juste de parler de côté obscur alors ! J'avais sursauté ! Mon ancien patron débarqua et déclara qu'ils allaient régler ça le plus vite possible.

Quelqu'un passa à côté de moi, me bousculant au passage. Je dus lâcher la main de Bito. Sa voix s'éleva dans les airs et je levai un sourcil à sa question. Hein ? Parfum ? Je ne portais pas de parfum. Il parlait peut-être de l'odeur de ma crème de cheveux. Un téléphone portable s'alluma à côté de nous et j'écarquillai les yeux à la scène devant moi : le Tonnerre qui tenait les hanches d'un mec inconnu entre nous deux. J'allumai également mon téléphone pour mieux voir.

Aaah, il avait pensé que c'était moi. Et en découvrant qu'il s'était trompé, il ne put s'empêcher une forte exclamation. L'étranger avait l'air très confus. Son expression était...

— HAHAHAHAH !

Trop. marrante. Il demanda à Bito de le lâcher et s'en alla aussitôt. Moi, je riais encore, moins bruyamment.

— Tu aurais dû voir sa tête. Et la tienne aussi ! Il avait quoi comme parfum ? Il sentait bon ?! le taquinai-je.