Il fallait que cela cesse... Cette éclipse avait le don de mettre notre charmante demoiselle hors d'elle. A présent, tout le monde était passé par tellement de phases qu'il était difficile de tenir des comptes. Cela faisait maintenant quelques jours qu'elle pouvait, malgré elle, entendre les pensées des gens qu'elle pouvait croiser par-ci, par-là. Mais qu'est-ce qu'on peut bien en avoir à faire de savoir qu'une fille croisée dans la matinée avait besoin d'aller s'acheter des tampons ? Genre sérieusement, elle pouvait pas garder ce genre de pensées pour elle, c'était trop demandé ?

Une migraine lancinante l'avait accablé depuis le début de cette nouvelle phase. La belle avait bien compris qu'à présent, elle pouvait contrôler deux, trois cailloux et écouter les pensées les plus intimes des gens. Mais comment peut-on seulement vouloir avoir ce genres de "pouvoirs" ? Oké, les petits cailloux qui bougent peuvent être pratiques en cas de partie de pétanque endiablée. MAIS C'EST TOUT. A quoi bon vouloir jouer aux apprentis jardiniers et entendre toutes ces conneries à longueur de temps ? Elle en avait littéralement ras les fesses avant de se lancer dans un entrainement de sport intensif, histoire de ne plus penser à rien. L'athlétisme et la courses à pieds sont les meilleurs remèdes dans ces moments-là, alors autant en user en long et en large.

Ce n'est qu'après plusieurs tours de pistes qu'elle comprit que quelque chose ne tournait pas rond. Outre le fait de croiser ce mec super musclé tous les 2 tours et ses pensées mal placées sur ses fesses, sa nuque lui faisait un mal de chien. Comme si sa migraine venait de migrer vers ses épaules... Encore une particularité des télépathes ? Elle en doutait... Quel serait le rapport entre ses nouveaux pouvoirs et ses tentions au niveau de la nuque et des épaules ? Peut-être que l'impacte répété de l'évolution de ses pouvoirs l'avait rendu raide comme un piquet ? Ses pensées divaguaient au rythme de sa course et elle tenta à maintes reprises de bouger ses cervicales afin d'apaiser la douleur grandissante. Peine perdue. Elle du s'arrêter après seulement une petite heure de course, ce qui l'irrita davantage encore. Notre beauté du Nord sorti du terrain en pestant bruyamment tout en se tenant la nuque d'une main.

Sa douleur n'avait pas du tout été apaisée par la douche chaude et revigorante qu'elle venait de prendre. Il fallait qu'elle trouve une solution rapidement car la douleur commençait à irradier au niveau des omoplates. Était-elle tellement contrariée par tout ça que son corps était en train de lui lancer un SOS ? Bordel c'était sa veine. Elle ne pouvait pas, en plus de tout ça, finir avec le dos coincé, putain ! Agnessa s'alluma une cigarette avec nonchalance en réfléchissant aux options qui s'offraient à elle. Bon, elle pourrait aller se baigner pour relâcher la pression, ou alors rentrer se mettre au chaud avec une bouillotte sur les épaules...

Pfff j'me connais assez pour savoir que ça va pas le faire. Faudrait que j'aille direct voir un pro. *soupires* Tu parles d'une séance de sport efficace.

Elle abandonna l'idée de se soigner elle-même et décida d'aller d'un pas mal assuré et quelque peu robotique vers l'hôpital. Fallait-il qu'elle prenne un rendez-vous ou un truc chiant du genre ? Il est clair qu'elle n'allait pas poireauter des heures aux urgences sous prétexte de pas avoir appelé avant de venir. Pourvu qu'elle croise rapidement quelqu'un qui puisse lui débloquer un truc, n'importe quoi mais quelque chose quelque part que cette douleur dégage de ses épaules et son dos.

La jeune femme s'annonça à l'accueil des urgences et la charmante connasse dame derrière son bureau lui indiqua qu'il faudrait un peu attendre car, évidemment, elle n'était clairement pas en danger de vie ou de mort. Bien sûr cette pétasse n'avait aucune idée de la douleur qu'elle subissait... Bordel de Steeve de fonctionnaires incompétents ! Il ne lui restait plus qu'à attendre indéfiniment que quelqu'un la prenne en charge. Et le comble dans tout ça c'est qu'elle avait à supporter les pensées de tous les glandus dans la salle d'attente à ses côtés. Un coup un bobo au ventre, puis une entorse à la cheville et enfin une nana qui pensait être enceinte... Le reste de la journée allait s'annoncer assez long et quelque peu irritant !

Cette salle d'attente... Les hôpitaux ont tendance à être anxiogènes pour notre belle blonde. Tout ce qui se rapporte au monde médical est assez compliqué à gérer pour Agnessa, trop de mauvais souvenirs après son accident. Seule le bruit masqué de la pendule au mur semblait la distraire des gens qui l'entouraient. Ils étaient tous bruyants, grognons et plein de pensées plus lourdes et ennuyeuses les unes que les autres.

Bien heureusement pour elle sa mauvaise humeur à l'accueil avait dû effrayer la réceptionniste car son attente ne lui sembla pas aussi longue que ce à quoi elle s'attendait. La demoiselle était en train de triturer une mèche de ses cheveux lorsqu'une voix l'interpella et la fit sursauter sur sa chaise. Tiago ? Bordel ça allait être lui son médecin ? Elle le scruta des pieds à la tête sans aucun scrupule en soupirant de soulagement.  Il faut avouer que la blouse blanche lui va à ravir et que cela lui donne un petit côté intello assez sympathique.

- "Agnessa ? Alors, c'est toi qui décide de te passer de rendez-vous pour venir jusqu'ici ? J'aurais sûrement préféré qu'on se recroise en d'autres circonstances mais, je ne suis pas mécontent de te revoir."

Elle se leva dans un mouvement hasardeux en retenant en vain une moue de douleur. Dans ses souvenirs, il avait la même taille qu'elle... Mais apparemment il a quelques centimètres de plus qui lui font légèrement lever les yeux afin de croiser son regard. Sa main droite se posa avec délicatesse sur l'épaule de son interlocuteur et elle se força à sourire, même si ce dernier n'arriva pas à atteindre ses yeux.

" Mon Dieu, Tiago ! Alors là tu ne sais pas à quel point je suis contente de tomber sur une tête connue. Faut que tu me sauves, bordel ! "

Agnessa laissa retomber sa tête dans un long soupire, sans pour autant lâcher l'épaule de Tiago. Elle ne saurait trop l'expliquer, mais ce petit contact physique avait le don de l'apaiser. Sa main resserra presque imperceptiblement son étreinte au moment ou elle releva le visage vers son sauveur. A vrai dire, vue de l'extérieur, elle devait certainement ressembler à un chiot en détresse car ses yeux étaient en train de l'implorer. Le fait d'avoir attendu assise n'avait rien arrangé à son mal de nuque/cervicale/omoplates/dos et toutes ces merdes.

" C'est vrai que la dernière fois on a pas trop pu discuter, mais sache une chose sur moi c'est que je ne prends jamais de rendez-vous. Genre, je préfère me pointer à l'improviste et voir ce que la vie me réserve. " Elle arbora un sourire forcé. " Et Dieu t'a mis sur mon chemin, amen ! "

Ses pensées divaguèrent à leur première rencontre lorsque tout ce foutoir avait commencé et qu'elle était téléporteur. Quelle merde en y repensant et même si ses nouvelles facultés étaient moins dangereuses maintenant, elles n'en étaient pas moins irritantes. Elle pensa alors à un numéro de téléphone... D'où ça sortait ? Qu'importe, elle n'y prêta pas plus d'attention et haussa les épaules pour chasser cette pensée.

- "On va s'installer dans une salle de libre à l'étage et tu vas me raconter ce qui t'amène ici."

Enfin, notre belle relâcha l'étreinte qu'elle exerçait sur son interlocuteur pour tenter, dans une tentative vaine, de resserrer ses bras en arrière afin de faire craquer son dos. Ce dernier émis un petit, tout petit craquement interne qui ne présageait rien de bon. Putain d'éclipse, putain de corps à deux balles et putain d'endroit.

" Ecoute franchement, je te suivrais partout. Fais ce que tu veux de moi, mais fais-le ! " Notre jeune femme ricana péniblement lorsqu'elle s'aperçu du potentiel sous entendu. " Enfin tu vois, quoi. En avant marche ! "

Lorsqu'elle leva son pied droit pour faire le premier pas sa mâchoire se contracta. Bordel son corps entier lui faisait mal... Avait-elle tellement aggravé les choses en essayant de faire craquer deux, trois vertèbres ? Elle tendit une main vers le dos de Tiago pour attraper sa blouse à pleine paume en se mordant la langue. Déjà, une sueur naissante trouva le chemin de son front.

" Tiago... Je crois qu'il va falloir que je m'agrippe à toi pour marcher, sinon je vais décéder. "

Elle colla son front au milieu du dos de...sa potentielle béquille et soupira contre sa blouse. Clairement, les choses n'allaient pas être simples.
Pourvu qu'il soit magicien !

Merci mon Dieu ! Encore devoir s'en remettre à cette pseudo sainteté en quelques minutes s'en serait presque ironique. Agnessa a toujours été athée, mais c'est fou à quel point on doit s'en remettre à quelque chose de plus grand que soi quand on a aucune autre alternative à l'instant T.

Agnessa accueillit avec grand plaisir l'aide de Tiago pour pouvoir marcher avec un peu plus de décence. Elle captait de plus en plus de bouts de pensées furtives au fur et à mesure qu'elle s'approchait physiquement de lui. Plus aucun doute n'était permis, elle entendait ses pensées à lui et non plus celles des autres présents dans la salle d'attente. Le contact physique devait certainement accroître la chose ? Qu'est-ce qu'elle pouvait bien en savoir avec le peu de recul qu'elle avait par rapport à la télépathie. C'était tellement frustrant.

- "Ahah ouais, j'vois bien mais, tu ne devrais pas dire ce genre de chose à n'importe qui. Tu n'sais pas comment ces mots pourraient être interprétés !"
- "Tu ne devrais pas attendre le dernier moment pour venir consulter. Quitte à te pointer quand bon te semble, autant le faire rapidement."

Elle se tourna pour le regarder en biais en lui souriant de toutes ses dents.

" Bah tu n'es pas n'importe qui, non ? Et puis je suis certaine que tu n'abuserais pas d'une de tes patientes. Il existe pas un truc genre de déontologie là-dessus ? " Elle lui tira la langue en lui faisant un clin d’œil. Son visage retrouva néanmoins son sérieux la seconde d'après. " Alors figures toi que j'ai pas attendu le dernier moment, bordel. J'avais juste mal au crâne ce matin, et maintenant ça me tire de partout. On dirait une vieille, tss. "

Notre jeune Russe devait certainement peser le poids d'un mort car elle sentait bien que Tiago l'avait enlacé de façon franche pour qu'elle ne perde pas pied. Son sein qui était maintenant en contact avec le flan de ce dernier était là pour le lui rappeler. Il était littéralement compressé entre les deux corps et cette pensée la fit sourire, malgré son mal de dos. L'avait-il seulement remarqué ? Si ç'a avait été le cas, elle n'avait rien remarqué ou capté pour le moment. Bien qu'elle ait précédemment pu comprendre, assez clairement qui plus est, qu'il l’emmènerait bien à la maison. Cette pensée la fit glousser légèrement. Elle était vraiment capable de susciter le moindre intérêt en étant dans son état actuel ? Merci pour le petit coup de pouce de confiance en soi.

" Oui merci, c'est parfait. "

Vicieuse comme elle est, notre demoiselle fit exprès de se presser davantage contre son sauveur, histoire de créer un petit jeu psychologique dont les femmes ont le secret. Si cette nouvelle idée pouvait la détourner de son état physique, autant foncer, non ? Et puis, il ne savait pas qu'elle pouvait entendre quelques unes de ses pensées volées sans scrupule, alors autant en profiter. D'ailleurs, elle non plus n'avait aucune idée des pouvoirs que lui pouvait posséder. Autant être discrète dans son plan machiavélique, histoire de ne pas se faire avoir à son propre jeu.

La route pour la salle d'examen sembla durer une éternité, mais merci les voilà arrivés. Notre belle blonde était déjà en train de se battre avec son débardeur pour tenter en vain de l'enlever alors même que la porte était toujours ouverte. Patience, délicatesse et pudeur sont donc de rigueur. Elle avait, une nouvelle fois l'air pathétique avec sa tête coincée dans le tissu. Son dos lui faisait mal et elle n'arrivait clairement pas à aller au bout de son geste. Un long soupire sonore s'échappa de ses lèvres quand elle se retourna vers Tiago qu'elle supposait être derrière elle. Imaginez la scène, elle était là à mi courbée, la tête coincée dans son habit avec un bras qui essayait de tirer pour s'en extraire. Elle abandonna péniblement et laissa ses bras se balancer dans le vide, toujours penchée vers l'avant.

" Euh... Encore une fois je crois que j'ai besoin de ton aide. Genre je sais bien qu'il faut que je me déshabille pour que tu puisses masser ou je sais pas quoi. Mais là ça coince. "

Elle rigola légèrement se qui fit virevolter de plus belle ses bras ballants. La situation la faisait même rougir légèrement... Heureusement qu'il ne pouvait pas la voir là tout de suite. Un nouveau soupire dans un excès de frustration.