L'autre jour, me rappelant encore une fois de mon inutilité du moment, j'avais décidé que j'allais trouver des activités pour remédier un peu à ce problème. Evidemment, travailler chez moi, dans mon atelier, n'était pas vraiment le lieu que je préférais en ce moment, et je n'avais de toute façon pas tellement envie de me replonger dans le moindre projet. J'avais juste besoin de bidouiller un peu, agissant un peu mécaniquement, sans me prendre la tête, et sans avoir besoin de réfléchir.

Après avoir terminé de passer la matinée sur la surveillance, ayant rédigé mon rapport pour Hideko concernant l'incident avec Akkiko, et ayant partagé l'information avec Houston, je décidais de me rendre à l'atelier. Parce que je savais qu'Athéna y était, je savais qu'elle allait encore sauter son repas pour s'enfermer encore un peu plus dans le travail, je savais aussi que je pourrais être peut-être un peu utile, et je savais que... Et bien en faisant ça, au moins, je ne penserais pas à tout le reste. Je ne serais pas chez moi. Je ne reverrais rien qui me fera penser à lui.

Et quelque part, j'aurais peut-être même la chance de revivre de vieux souvenirs, comme notre premier bricolage avec Athéna... Lorsqu'elle n'était encore qu'Isis, et que je n'étais moi aussi encore qu'une initiée...

Je frappai quelques coups à la porte de l'atelier pour prévenir tout de même de mon arrivée, et entrai dans la pièce. Un petit groupe était dans un coin de la pièce, sûrement là à réaliser un projet sur les cours. Et Athéna était là, le nez dans des réparations pour essayer de recycler au maximum le matériel.

-Coucou Athé !

Je lui adressai un petit sourire en arrivant à sa portée, et m'installai à côté d'elle à sa table de travail.

-Je viens te filer un coup de main. Je n'ai rien à faire en ce moment, alors je peux bien t'aider un peu... Tu te donnes à fond en ce moment.

On essayera de ne pas penser aux énormes dégâts qu'a fait Ys, et derrière qui elle a dû passer pour réparer tout, une fois encore...

-Qu'est-ce que je peux faire pour t'aider ? Promis, mes mains n'ont pas perdu de leur dextérité, même si je me suis un peu perdue dans l'informatique ! Je suis sûre que je peux encore t'être utile...

J'essayai une blague, lui offrant un petit sourire désolé. C'était ma façon à moi de payer pour Ys... Encore.

Les jours s'enchaînent et on dirait que l'Eclipse a décidé de ne pas me laisser de répit.
Téléporteuse, sérieusement ? Ne vous trompez pas, c'est un pouvoir formidable et je commence presque à m'habituer aux nausées et à la tête qui tourne qu'il provoque, d'autant plus que dans ma situation ça me permet d'utiliser mon fauteuil en toute tranquillité pour me déplacer, mais... Les cristaux. Ça n'en finit plus, on en manque toujours, et d'autant plus quand il s'agit de cette affinité ET de cette affiliation. Encore un point sur lequel Chris ne serait pas très fier de moi...

Je crois que je ne réfléchis plus vraiment à ce que je fais.
J'ai juste la liste des choses à faire, et j'abats les tâches aussi vite qu'elles apparaissent, mets de côté tout un tas de projets sur du plus long terme, doit négocier et re-négocier avec des partenaires qui se mettent à se méfier de notre efficacité, gérer les volontaires afin qu'ils me fassent gagner plus de temps qu'ils ne m'en font perdre... C'est long. C'est prenant. C'est épuisant. Parfois je ne sais pas trop si j'ai envie de me lever le matin... Mais il faut que les choses soient faites. Et puis il y a l'enquête. J'ai demandé à Aaron de m'accorder une semaine et demie de pause à ce sujet (et de m'excuser auprès de Lou) quand je suis devenue téléporteuse, mais il est clair qu'il nous manque un Master en charge. On sait tous lequel.

Je souffle et me concentre pour me téléporter à l'armoire la plus proche afin de prendre les outils dont j'ai besoin, avant de retourner à ma table, par le même moyen. La courte distance me perturbe moins que l'aller-retour maison-boulot que je fais tous les jours, mais bon au moins je peux arriver à l'heure que je veux et repartir tard sans m'épuiser à rentrer par mes propres moyens. Pratique. Je ne me suis pas encore téléportée en dehors de Terrae, même si j'aimerai beaucoup retourner voir mes parents je ne suis pas sûre que ça soit bien vu et bien malin par les temps qui courent...

Quelqu'un toque à la porte de l'atelier, mais je suis trop concentrée pour m'en soucier, sûrement un ami du groupe de travail d'à côté. Quand je me rends compte que c'est Mitsuki, elle est déjà assise à côté de moi à la table, et l'espace d'un instant, je la fixe et l'écoute en étant totalement perdue. Je mets également du temps à imprimer ce qu'elle me dit : elle veut m'aider, parce qu'elle n'a rien à faire. Elle n'a rien à faire ? Je fronce légèrement les sourcils à cette affirmation. Impossible.

Je la regarde encore quelques secondes avant de secouer la tête et de forcer un petit sourire.

_ Mitsuki ! Ça fait plaisir de te voir !

Je sais que- bref. Je n'ai pas envie de repenser à tout ce qui s'est passé récemment, pas envie de me poser des questions sur ma Greffe, pas envie de me demander pourquoi je ne suis pas plus allée vers elle alors qu'elle allait mal... Enfin, qu'est ce que ça aurait changé ? Elle ne sourit pas autant qu'avant, ça n'a pas l'air d'aller, mais si elle a besoin de se sentir utile, je peux faire quelque chose pour elle. Il y a de quoi.

_ Oh euh attends... Je devrais pouvoir te donner deux-trois trucs à faire attends deux secondes-

Je me téléporte presque involontairement jusqu'à ma liste, qui est littéralement à deux mètres mais chut, la saisis et reviens de la même manière devant la table, manquant de me la prendre. Je reprend une brève respiration pour empêcher ma tête de tourner avant de regarder la pile de feuilles et de la feuilleter.

_ J'ai... Ah, voilà, il y a un certain nombre de cache-prises qui ont été endommagés à l'hôpital dans la partie des enfants, j'ai aussi hm... Il faudrait que je recompte le stock de vis avant de pouvoir faire ça... Et... J'ai aussi les... Oh euh, il faudrait plier le plastique transparent de réserve pour replacer les bandeaux cache-néons qui ont été cassés en salles de classe tu...

Je relève la tête.

_ Tu te sens de faire ça ?

J'ai l'impression d'être complètement à côté de la plaque, et je déteste ça.

Athéna ne s'attendait pas à me voir, ça se sentait et ça se voyait. Mais je fis l'effort de ne rien laisser paraître. Bien sûr que certaines questions inévitables se sont imposées, comme "Est-ce qu'elle m'en veut ?" "Est-ce qu'elle aurait préféré ne pas me voir ?" "Est-ce que je la gênais ?" "Est-ce qu'elle préférerait que je parte ?". Mais j'attendis qu'elle prenne la parole. Si j'étais une gêne, je le comprendrais, et je partirais. Alors je gardais l'ombre de ce sourire si travaillé sur mes lèvres.

Je sentis une légère chaleur se répandre dans mon corps quand elle ouvrit enfin la bouche, m'annonçant qu'elle était contente de me voir. Cela faisait longtemps que quelqu'un n'avait pas été heureux de me voir. J'avais bien le droit de le prendre et de m'en réjouir...

Elle réfléchit ensuite à quelques idées de tâches à me donner et je hochai la tête. Je sursautai quand elle disparut de devant moi, un petit goût d'amertume se répandant presque instantanément dans ma gorge. Téléporteuse... Je ne pouvais pas lui en vouloir, de toute façon on ne choisissait pas. Je tournai la tête vers elle, et l'observai fouiller dans des trucs avant de se re-téléporter ici. Ce n'est d'ailleurs que là que je remarquais qu'elle était en fauteuil. Ca faisait bien longtemps que je ne l'avais pas vue en fauteuil roulant... Ca devait lui faire bizarre. Mais faut croire aussi que la téléportation avait cet avantage qu'elle pouvait se permettre de reposer un peu ses "jambes".

Elle m'expliqua donc les différentes tâches qu'elle pouvait me proposer et je l'écoutais en essayant d'être la plus concentrée possible. Les informations avaient tendance à entrer dans une oreille et à sortir de l'autre en ce moment. Je hochai la tête.

-Pas de problème. Je commence avec le plastique à plier.

Je lui offris un sourire et me levai pour aller récupérer le matériel. Je revins et m'installai cette fois en face d'elle sur cette immense table, afin de nous permettre à toutes les deux de garder un espace de travail efficace.

-Pour la téléportation, essaie d'expirer tout l'air de tes poumons au moment où tu vas te téléporter. Comme ça lorsque tu arrives à ta nouvelle destination, tu inspires à nouveau et tu oxygènes correctement tes muscles et ton cerveau. Ca évite à ton corps d'être perdue entre l'avant et l'après téléportation.

Je lui adressai un petit sourire gêné, m'en voulant un peu de lui apporter des conseils qu'elle n'avait clairement pas demandés.
Puis je me penchai sur ma tâche. Je levai un instant les yeux vers le plafond pour observer les néons de la pièce. Ils étaient un peu pareil partout dans l'Institut, alors je pourrais m'aider de ceux-là pour vérifier que j'avais correctement plié les plastiques.

Je réglai la température de la machine pour ramollir le plastique, et levai le regard vers mon amie alors que la machine commençait à chauffer.

-Si tu veux, je peux venir t'aider tous les après-midis. Si ça peut te soulager un peu... T'as l'air d'avoir vraiment beaucoup de travail.

Elle ne semble pas avoir remarqué ma difficulté à comprendre ce qu'il se passe, j'en profite pour tenter de me concentrer sur la réalité. Enfin, pas remarqué... Elle n'est pas dans un meilleur état que moi, je suppose qu'on va devoir ignorer tout ça pour le moment. J'ai de plus en plus de mal à faire deux choses en même temps en ce moment, je bloque sur des choses nulles, réfléchir devient un processus pénible et plus long. Je sais que c'est typiquement ce dont Chris voulait que je me méfie mais... Il faut bien que le travail se fasse, on dira.

Je la vois pincer des lèvres quand je me téléporte, et je me sens un peu mal. Qu'est ce que je donnerai actuellement pour un cristal de titan... Il faudra que je lui en offre un. Ça doit être encore plus dur pour les tonnerres que pour nous. Elle va chercher du matériel et vient s'installer en face de moi, ce que j'accepte avec un sourire un peu forcé, parce que je suis contente qu'elle le fasse mais je ne suis plus savoir comment on sourit correctement.

Je repose mes yeux quand elle se met à me parler de la téléportation. Vider l'air. Oui, ça paraît évident, en plus, pourtant j'ai toujours le réflexe de faire l'inverse. Mon regard se pose sur elle, franchement reconnaissant. Je laisse passer quelques secondes, pour la regarder vraiment. J'ai l'impression que ça fait une éternité qu'on ne s'est pas vues, et pour quoi ? Se retrouver dans cet état. Je crois qu'il y a vraiment quelque chose qui ne tourne pas rond ici...

_ Merci, je souffle enfin. Je dois avouer que c'est bien pratique pour me déplacer, mais ça n'est jamais très agréable. D'ailleurs euh- si je peux- comment tu fais pour rester fine avec ce pouvoir ? J'ai déjà pris cinq kilos depuis que je l'ai, je rigole, un peu gênée.

Si j'avais l'esprit suffisamment clair, je pourrais déterminer que ma prise de poids n'est pas exactement due à ça (plus à une bonne grosse dose de stress), mais laissez moi l'occasion de me faire des films voulez vous.

Elle me propose de m'aider, parce que j'ai l'air d'avoir vraiment beaucoup de choses à faire, et ça me tire un ricanement amer, que je regrette presque immédiatement. Je- disons que ça ne me ressemble pas vraiment, ce genre de comportement. Je me rattrape comme je peux.

_ On a tous beaucoup de boulot, je suis loin d'être une exception. Même toi je suis sûre que tu en fais déjà trop, je dis avec une nouvelle tentative de sourire, un peu maladroite.

Je lâche un soupir, essayant d'évacuer un peu toute cette tension nulle de mon corps.

_ Ne t'en fais pas je gère pour le moment, vraiment. Des groupes d'élèves se relaient pour le donner un coup de main et Chris m'impose des pauses de temps en temps. J'aurai juste l'esprit plus tranquille une fois que cette enquête sera terminée.

Je sais bien que ça risque de ne pas lui faire beaucoup de bien de lui dire ça mais pour moi ça n'a rien à voir avec ce psychopathe d'Ys. Pour moi il s'agit de protéger Terrae, les élèves, mes collègues et amis, et Lou. L'existence même de cet endroit.

Je souris, toujours un peu avec gêne, à mon amie alors qu'elle me demande comment je fais pour rester "aussi fine". Je me passai une main dans les cheveux, attendant que le voyant indiquant que la machine était enfin suffisamment chaude s'allume.

-Je cours beaucoup...

Ce qu'elle ne peut visiblement pas faire, hein, bravo Mitsu.

-Je suis hyperactive, j'ai très souvent besoin d'extérioriser toute cette énergie présente dans mon corps pour ne pas être trop un poids pour mon entourage.

Je lui proposais ensuite mon aide pour l'aider si elle en avait besoin, et attrapai un morceau de plastique pour commencer à le faire chauffer pour le plier. Je me raidis en entendant son ricanement, décidément mal à l'aise, et m'en voulant immédiatement pour lui avoir posé cette question. Evidemment qu'elle n'avait pas besoin de moi...

Je me mordis la lèvre inférieure, alors qu'elle reprenait la parole pour expliquer que nous avions de toute façon tous beaucoup de boulot. Je sentis les larmes me monter un peu trop rapidement aux yeux, probablement à cause de sa réaction, que je comprenais, bien qu'elle me blesse. Etait-ce utile de dire que non, non, moi je n'avais pas tant de choses à faire que ça ? Comparée à elle qui devait toujours tout réparer, hanter les couloirs pour vérifier que tout était ok, et enquêter...

Enquêter...

Qu'est-ce que je faisais de mes journées moi, hein ? Certes, j'avais repris le travail, à cause de la culpabilité en grande partie, mais je ne bricolais plus dans mon bureau, je ne cherchais rien à améliorer, même les créations que j'avais faite au début de l'Eclipse ne m'intéressaient plus, alors qu'elles auraient pu, une fois encore, être utiles en ce moment. Mais non, je ne faisais rien, j'allais vérifier le système de sécurité tous les matins, je m'assurais que tout se passait bien ici, mais passé midi, j'étais simplement devenue bonne à rien. Pas de mission pour Mitsu. Pas de bricolage. Pas qu'enquête...

Je relevai le regard vers elle, un peu tremblante dans mes gestes.

-Tant mieux. Je suis contente que tu puisses être aidée. Tu as de la chance d'avoir Chris pour te faire souffler un peu.

Je ne le connaissais pas vraiment, même pas du tout, mais ils avaient toujours eu l'air d'être proches, tous les deux... De se comprendre, quelque part. Même si j'avais mis beaucoup de temps à comprendre qu'il pouvait parler, il semblait qu'avec elle, il le fasse plus couramment qu'en réunion.

Je me reconcentrai sur mon ouvrage, constatant que je n'étais pas du tout en train de faire du travail efficace. Super, je viens l'aider, et je la fais perdre encore plus son temps. Je repassais le plastique entièrement dans la machine, le chauffant pour pouvoir le re-tordre correctement.

-Ca... Ca avance, cette enquête ?

Pourquoi ? Pourquoi j'avais demandé ? Je n'avais même pas envie de savoir. Je ne voulais même pas qu'elle réponde.

Elle me dit qu'elle court beaucoup. Je hoche la tête, réfléchissant à cette hypothèse.
Non évidemment que je ne peux pas faire la même chose, mais je dois dire que j'ai aussi un peu laissé tomber la musculation ces derniers temps, donc ça ne doit pas aider. Elle semble se corriger, pour me dire qu'elle a besoin de vider son énergie, pour ne pas être... Un poids ? Je la fixe, sans vraiment comprendre. Chacun gère son énergie comme il le peut, je suppose que ça ne doit pas plaire à tout le monde mais elle est loin d'être la seule hyperactive ici...

La suite de mon discours l'a fortement crispée, ce n'est pas difficile de le sentir, même dans mon état. Je... Je savais qu'elle n'allait pas bien, mais je ne sais pas ce qu'elle pense actuellement, en tous cas c'est sûr que c'est biaisé. Il n'y a aucune raison après ce que j'ai dit qu'elle se froisse autant, qu'elle ait l'air autant dépitée. Même quand elle dit qu'elle est contente pour moi, on ne dirait pas. Elle a l'air tout sauf contente. Elle a l'air de se sentir... Nulle peut-être ? Pourquoi ? C'est... En dehors de la portée de ma pensée pour l'instant. J'ai du mal à saisir, mais ça reviendra.

Je vois que ses gestes ne sont pas aussi précis qu'ils l'ont été mais je ne fais pas de remarque parce que moi non plus, je ne suis plus aussi efficace qu'avant. Je dis juste, avec un sourire vrai cette fois :

_ J'ai de la chance d'avoir de bons amis qui prennent le temps de m'aider effectivement. Merci à toi aussi.

Je ne sais pas si ça peut l'aider, mais lorsque je me replonge sur ce que je suis en train de faire, elle me lance une autre question, à demi-avouée. L'enquête, la fameuse enquête. Je relève la tête, face à un dilemme. Je ne suis pas censée en parler à tout le monde, mais elle n'est pas tout le monde, elle est Master. Elle est certes la compagne de Ys -enfin, de ce que j'ai vu je ne sais plus trop ?- mais c'est une Master avant tout. Et mon amie, ma meilleure amie. Je lui fais confiance.

_ Oui, ça avance bien. Avec Houston on a passé en revue toutes les personnes à qui Terrae fournit des cristaux, pour voir s'il y a avait eu une anomalie quelque part, on a quelques pistes. Avec les informations trouvées sur Pricie, on ne pense pas qu'il s'agit d'une grosse organisation, probablement un groupuscule isolé, mais il faut encore creuser. Haley essaye de gagner sa confiance et ça fonctionne plutôt bien pour l'instant, mais on pense tous qu'il est trop tôt pour l'interroger. Nous cherchons aussi des liens avec ce qu'il est arrivé à Louisa- tu as déjà rencontré Louisa ? C'est une très belle personne, mais je pense qu'on lui fait un peu peur, je ris doucement, me rappelant le moment où nous avions du aller la chercher. En tous cas, rien de vraiment alarmiste pour l'instant. Je suis plus intriguée par la façon dont ils ont pu utiliser les cristaux, d'ailleurs on a prévu de voir avec toi pour ça.

Et de toutes façons même si c'était grave, nous sommes prêts à supporter n'importe quelle attaque. Même si certains en doutent, même si je suis surchargée, je sais que nos collègues sont là, prudents, attentifs au moindre mouvement. Je ne doute pas là dessus. Je la regarde de mes yeux fatigués, mais déterminés.

Je concentrais mon attention sur la tâche qui m'avait été attribuée, essayant de reprendre calmement et correctement le pliage de ce plastique. C'était terrible, parce que ce n'était quand même pas quelque chose de compliqué, et je n'arrivais à rien !

Un petit sourire tremblant étira mes lèvres alors qu'elle me remerciait d'être là, moi aussi. Comme je n'arrivais pas à savoir si elle le pensait vraiment, je ne répondis pas vraiment, encore mal à l'aise, probablement à tort comme me le répétait souvent la psy.

Et puis je fis l'erreur de ma vie en évoquant l'enquête. Et je fus bien incapable de revenir en arrière. J'eus beau crier mentalement à Athéna de ne pas me répondre, fallait pas oublier que j'étais plus Télépathe, en fait. Et mes pensées ne faisaient que résonner violemment dans ma tête. Je grimaçais donc quand elle reprit la parole, et m'enfermai automatiquement dans un petit monde où il n'y avait que cette machine à chauffer le plastique, ces fameuses plaques de plastiques, et moi. Moi, et la voix d'Athéna qui résonnait à mes oreilles, mon pouvoir de Sonore ne souhaitant visiblement pas que je rate cette information.

La piste des cristaux. Pricie... ¨Pricie. Alors c'était son prénom ? Mon estomac se tordit violemment et je soufflai avec difficulté pour essayer de me calmer. C'état elle. C'était elle qu'Ys avait essayé de tuer ? C'était pour elle qu'Akihiko s'était battu contre lui ? Akihiko...

Je posais un peu bruyamment le morceau de plastique, que j'avais enfin réussi à bien plier, à côté de moi, et fermai durement les yeux, serrant le bord de la table sous mes doigts.

Louisa. Louisa, oui, Lou, j'imagine, la copine d'Aaron ? Oui, oui je l'ai rencontrée. Elle est gentille, même si elle cherche encore sa place ici, j'imagine. Ca doit être tellement difficile, pour elle. De trouver sa place dans une famille déjà construite, qui a déjà ses habitudes, ses rituels. Qui vivait déjà sans elle. D'être avec Aaron qui doit avoir beaucoup de mal à rester calme avec tout ce qu'il se passe. Comment est-ce que je peux penser autant à moi en ce moment, alors qu'il y a tellement pire ailleurs...? Est-ce que des personnes sont là pour eux ? Pour elle, mais aussi pour Aaron ? Parce que moi j'ai clairement pas l'impression de l'être.

Je rouvris les yeux quand elle s'adressa directement à moi. Me donnant une tâche pour cette enquête. A moi ?

J'écarquillai les yeux, un peu surprise. Je voulus ouvrir la bouche, mais aucun son ne sortit. Mes yeux ne quittèrent pas son visage alors que j'accusais un peu le coup. Moi. Ils me demandaient de l'aide. A moi. Ou en tout cas avaient prévu de le faire...

-Est-ce... Est-ce qu'on sait de quel type de cristal il s'agissait...?

Ma voix s'éteignit à quelques moments dans ma phrase, perturbée par mes pouvoirs de Sonore.

Non. C'était beaucoup trop inconscient de m'impliquer. Pourquoi faisaient-ils ça ? Comment pouvaient-ils avoir confiance en moi ?

-Il ne restait plus rien dans, sur la voiture, sur le corps, qui aurait pu nous donner une piste ?

Qu'est-ce que j'étais en train de faire ?

J'ai parlé sans vraiment observer ses réactions, mais lorsque je relève la tête de ma liste, elle me regarde... Non, elle me fixe. Avec un petit air halluciné, on dirait qu'elle... est surprise ? Choquée ? J'essaye de repasser en revue ce que j'ai pu dire qui la mette dans cet état mais je n'arrive pas à me souvenir de mes propres mots malheureusement. Elle a l'air hésitante quand elle me pose sa question, et ça me surprend encore plus. J'ai jamais vu Mitsuki aussi... Incertaine ? On dirait que les derniers événements l'ont vraiment marqué et perturbé, il faudrait que je m'y intéresse.

Mais elle pose des questions. Elle s'intéresse. Elle a l'air de revivre un peu. Je ne peux que encourager ça.

_ Il s'agissait de cristaux de feu principalement. Mais nous ne savons pas encore quel a été leur détonateur, ou comment ils sont arrivés à les activer. La partie technique des cristaux c'est moins mon domaine, je dis en souriant et hochant une épaule.

Je sens qu'elle panique un peu plus à sa seconde question, il y a quelque chose qui ne va pas, autre que son pouvoir de sonore qui fait des siennes. Concernée, je m'approche un peu, toujours en laissant la table entre nous, histoire de lui montrer que je suis là.

_ L'autopsie envoyée par la police de Tokyo n'a rien montré, mais on a demandé une deuxième expertise par un médecin de Terrae qui pourrait reconnaître la présence de cristaux... Et pour la voiture et le dispositif- Mitsu, tu es sûre que ça va ? Je veux pas te forcer hein, c'est pas des infos faciles à entendre, je suis désolée c'était peut-être insensible de t'en parler aussi tôt...

Je ne doute pas de ses capacités, mais elle a l'air de le faire, et ça me fait mal pour elle, vraiment.

J'écoutais Athéna avec le regard vide, plongé dans le vague. Je ne la regardais pas, je ne regardais rien en fait. J'écoutais, les informations résonnant bien trop violemment à mes tympans. J'eus envie de poser mes mains sur mes oreilles, mais je savais très bien que ça ne changerait rien. J'étais Sonore, si les sons avaient décidé de m'atteindre, ils le feraient...

Aussi fus-je surprise quand la voix d'Athéna s'interrompit en plein milieu de sa phrase alors qu'elle levait son regard sur moi. Je ne constatais qu'à cet instant-là que mes mains s'étaient mises à trembler avec un peu plus d'ardeur, et je baissai les yeux, un peu honteuse de m'afficher ainsi face à elle. Je me mordis la lèvre inférieure, détournant le regard pour aller le fixer sur le fond de la pièce, à ma droite.

-Je comprends pas comment tu peux me faire confiance en me parlant de tout ça.

Mon coeur se serra alors que l'image d'Ys s'imposait à moi. Son visage souriant, aimant, doux et présent, qui se transformait pour faire vibrer cette flamme dans ce regard, cette main qui se plaque sur le mur à côté de moi...

-Il... faudrait tester des cristaux de feux. Le contact de la voiture avec le mur peut très bien avoir déclenché une première explosion, et à ce contact, les cristaux, s'ils n'étaient que de Feu, peuvent être entrés en résonnance, ce qui justifierait l'ampleur de l'explosion. Reste à savoir où ils se les ont procuré. Il faut faire le tour des partenaires que l'on fournit. Vérifier aussi que des machines n'ont pas été volées.

Mon estomac se tordit. Être professionnelle et nier ma douleur n'aidait pas tant que ça.

-Mais ils n'ont pas les technologies pour les activer. Seul quelqu'un qui possède des pouvoirs en est capable...

Ce qui peut être le cas de plus de personnes qu'autrefois, cela dit, avec tous ces initiés qui sont nés partout dans le monde. Il suffirait que ce soit tombé sur un génie, et il aurait pu créer de nouvelles versions des machines.

Je serrai un peu plus fort la table sous mes doigts, avant de souffler un coup pour essayer de relâcher la pression que j'avais accumulée ; vain espoir.

-Je ne pense pas que m'impliquer soit une bonne idée pour vous dans cette enquête.

Elle tremble.
A ce moment je me rends compte que je suis complètement en dehors de la réalité, elle ne va pas bien, tout comme moi qui suis systématiquement à côté de la plaque en ce moment quand quelqu'un m'adresse la parole c'est terrible.
Elle me dit qu'elle ne comprends pas comment je peux lui faire confiance en lui parlant de ça. Ses frasques en salle des Masters me reviennent en tête, je me souviens alors comment j'ai été déçue de... Tout ça. Surtout parce qu'elle n'arrivait pas à ouvrir les yeux, son mec est fou. J'y peux rien, cette pensée m'a percuté, et plus j'en apprends à son sujet plus je le pense, mais peut-être que je me suis trompée, et le doute s'immisce en moi comme un serpent avec son venin à double effet.

Je hoche la tête à la suite de son discours. Je lui précise que la liste des fournisseurs a été faite avec Houston et Aaron, que nous avons vérifié l'inventaire des machines prêtées, que nous attendons les résultats d'encore quelques sites. J'approuve également la suite, et c'est principalement ce qui nous inquiète : si ces types ont dans leurs rangs quelqu'un capable d'activer les cristaux ou de faire fonctionner les machines, il n'était pas sur place, ou il était dans un environ proche, ce qui rend la menace plus réelle. Je ne dis pas que Ys n'a pas raison de se méfier, mais ses méthodes sont barbares et archaïques, en plus d'être celles d'un psychopathe.

Quand sa respiration devient frénétique, je me tends aussi. Elle me dit que ce n'était pas une bonne idée. Elle avait probablement raison. Ce n'était pas une bonne idée. Décidément, j'enchaîne les problèmes ces derniers temps...

_ Je... Je suis désolée, j'aurais d'abord dû te demander si c'était trop tôt pour en parler. C'est normal, et c'est même honorable de vouloir éviter de conflit d'intérêt.

Même si c'est... dommage. Parce que ses capacités nous permettraient de gagner un temps précieux. Le doute est encore plus puissant.

_ Je te fais confiance parce que je te connais, et que tu es mon amie, et que je sais à quel point la sécurité de Terrae compte pour toi. Mais... S'il y a un risque pour que tu divulgue volontairement ou non ce que je viens de te dire à Ys, alors sois franche dis le moi, je préfère le savoir.

Parce que ça voudrait dire que j'ai mis en danger l'enquête.
Je ne pourrais pas lui en vouloir, mais évidemment, j'en serais déçue à nouveau. Parce que Mitsuki est avant tout une personne qui compte pour moi, et qu'elle se laisse détruire par son illusion est désastreux de mon point de vue. Ce qui est fait est fait de toutes façons, comme je l'ai dis, si j'ai merdé je préfère le savoir.

Lorsqu'Athéna bafouilla pour s'excuser je tournai le regard vers elle, me sentant à la fois coupable et surprise. Pourquoi s'excusait-elle ? Elle n'avait pas à s'excuser auprès de moi. Elle n'avait rien fait qui justifie cela. Je plissai mon nez alors qu'elle reprenait la parole, avant de me demander si oui ou non j'irais en parler à Ys.

La question me fit à nouveau baisser le regard sur mes mains. Mes articulations blanchies à cause de mes doigts qui serraient la table me firent froncer les sourcils. Mécaniquement, je détendais mes doigts, essayant de me focaliser sur les paroles qu'elle m'avait adressé avant de me poser cette question. J'étais son amie.

Mais même une amie peut parfois trahir ceux qui lui font confiance, non ? Même les amis finissent par céder, et parfois perdre pied. Même les amis peuvent devenir des ennemis...

N'avait-ce pas été le cas d'Ys ?

Non. Non. J'allais bien. Je n'allais jamais trahir Terrae. Je n'allais jamais tourner le dos à mes amis. J'allais voir la psy, régulièrement.
Ces dernières pensées se mirent à tourner en boucle dans mon esprit. Je fermai les yeux, inspirai, expirai. Je ne pourrais jamais aller contre Terrae. Je ne le pourrais pas.

J'avais trop besoin de sa magie pour vivre.

Mes yeux se rouvrirent et je sentis cette chaleur en eux, cette chaleur caractéristique des changements de couleur dus aux pouvoirs. Je reposai mon regard sur Athéna, sentant l'air gagner en pression autour de moi. Je finis par secouer négativement la tête, déglutis pour reprendre contenance. Je haussai une épaule.

-Je ne peux rien dire à un fantôme.

Je ne reconnus pas cette voix aux notes d'acier qui s'échappa de mes lèvres, probablement animée par mon pouvoir actuel de Sonore. Et pourtant, pour une fois, ces mots ne me firent pas mal. Ys n'était plus là. Ys était parti. Ys n'existait plus.

Je sentis que mes yeux retrouvaient leur couleur habituelle quand ce feu cessa de brûler en eux. Je pris un morceau de plastique entre mes mains et le passai dans la machine pour le chauffer et le plier ensuite.

-Mais je pense que me faire confiance n'est pas une bonne idée. La sécurité compte pour moi et pourtant j'ai abandonné mon poste il y a quelques semaines.

Elle baisse encore les yeux à ma question mais...
Je ne peux pas ne pas le lui demander. Parce que l'erreur serait la mienne, même si ça me ferait mal de ne plus pouvoir lui faire confiance. Je sens que l'ambiance change, elle se fait beaucoup plus pesante, et ce n'est pas juste à cause de notre discussion. Ses yeux ont changé de couleur, elle veut me faire croire qu'elle maîtrise, mais leur couleur d'un gris argent ne trompe pas. Sa voix me fait frissonner, elle n'a rien à voir avec... la Mitsuki que je connais.

L'espace d'un instant, mon esprit approuve, c'est comme si elle avait raison. Ys est un fantôme, c'est bien connu. Puis je reprends mes esprits, remonte mes barrières mentales, fronce les sourcils. Elle se reprend et parle plus calmement, mais l'adrénaline est montée dans mon corps, mon esprit attend de l'action. Sans m'en rendre vraiment compte, je me téléporte à côté d'elle, et d'un mouvement... Étrangement familier, mes bras viennent entourer sa taille. La position est risible, moi sur mon fauteuil et elle devant sa table d'atelier, mais c'était... Comme un réflexe. Mon père faisait ça quand j'étais petite, en fait tout le cirque faisait ça. Les contacts humains aident.

Je parle le plus calmement possible.

_ Ys n'est peut-être pas réceptif, mais il n'est pas mort pour autant. Garde pied avec la réalité, je souffle.

Je m'écarte pour pouvoir la regarder avec le plus beau sourire que je puisse lui donner. Je crois qu'on en a toutes les deux besoin.

_ D'accord, je ne vais pas t'en dire plus. Mais je veux que tu le saches : ce n'est pas parce que tu as laissé ton poste pour prendre du temps pour toi que tu n'as pas des choses qui comptent. On a tous besoin de moments pour... Se reposer. Prendre soin de soi. Se recharger. Après ça, on en revient plus grands, plus forts.

Je ne sais pas si j'ai les bons mots, je l'espère.

_ Prends le temps qu'il te faut. Tu n'as pas besoin de te rendre utile, déjà que tu sois là c'est cool.

Je ne sais pas si je lui adresse ces mots ou si je me les adresse à moi même.

Mes yeux s'écarquillèrent quand les bras d'Athéna entourèrent ma taille. Je m'arrêtai dans mon mouvement, laissant retomber le morceau de plastique que j'avais entre mes mains sur la table. Mon coeur se souleva d'un coup dans ma poitrine, ma gorge se noua soudainement et les larmes me montèrent aux yeux instantanément. Ses mots m'atteignaient un peu plus violemment que prévu, visiblement. "Ys n'est peut-être pas réceptif, mais il n'est pas mort pour autant."

-Alors pourquoi est-ce qu'il n'est pas là...?

Ce furent les seuls mots que je fus capable de prononcer. L'instant d'après, j'éclatai en sanglot, rassurée par le contact de mon amie. Les larmes roulèrent sur mes joues, s'échouant assez lamentablement sur l'établi devant nous. Mes mains se bloquèrent sur ses bras que je serrais entre mes doigts, profitant de cette chaleur humaine. Le temps sembla comme s'arrêter un instant, avant que je ne me décide enfin à essuyer mes larmes qui commençaient à se tarir, bien que toujours secouée par les sanglots. Lorsque je fus enfin capable de parler à nouveau, je bafouillai :

-Tu devrais prendre du temps pour toi, toi aussi. Parce que depuis le début de l'Eclipse, tu te tues à la tâche. Tout le monde l'a remarqué.

Et malheureusement, tu auras beau faire tout ce que tu voudras, les gens continueront à casser des choses, et tu ne pourras rien faire contre ça...

Je la sens se tendre dans mon étreinte amicale mais je n'arrive pas à regretter mon geste, espérant juste l'avoir surprise. Elle souffle, elle demande pourquoi il n'est pas là, alors. Parce qu'il a changé, parce que ses priorités ne sont plus ce qu'elles étaient. Parce qu'il a mal tourné, parce qu'il ne la comprend pas, parce que...
Elle explose en pleurs dans mes bras et je ressers ma prise, tendis que mon cœur aussi se serre. J'essaye de la rassurer comme je peux, sans forcément parler, juste par quelques gestes, et je serre les dents alors que la vérité m'échappe. Pourquoi il n'est pas là ?

_ Parce que c'est un gros con, je souffle, ne sachant même pas si elle pourra l'entendre.

Je ne peux pas m'empêcher de penser que c'est une bonne chose, qu'il soit parti. Mitsuki a besoin de se reconstruire, non, de se rappeler la personne qu'elle est. Je sens qu'elle se calme et je relâche doucement ma prise lorsqu'elle tente de parler. Je respire difficilement lorsqu'elle me fait remarquer que je devrais appliquer mes propres conseils. Le visage de Chris et de son inquiétude me revient en mémoire et je ne peux m'empêcher de me retrouver sans voix. Voilà que j'inquiète tout le monde, on dirait. Je suis bien mal placée pour lui donner des conseils on dirait...

Je penche la tête sur le côté, puis de l'autre. J'aimerai lui dire que je vais essayer de ralentir, que je me repose, mais j'ai l'impression que ça serait comme mentir. La vérité, c'est que... Je n'y arrive pas ? Plus les jours avancent et plus mon rythme ralenti, alors je rallonge mes journées pour garder la même productivité mais rien n'y fais. J'ai plus de mal à trouver le sommeil, j'ai plus de mal à me lever le matin en sachant que la même journée recommence encore, j'ai plus mal tout court, et pourtant je n'arrive pas à juste, m'arrêter.
Alors je me pince la lèvre et finis par répondre, les yeux dans le vague.

_ Tu as raison... Je crois qu'on file toutes les deux un mauvais coton...

Je prends encore une pause avant de continuer, cette fois en la regardant distraitement.

_ C'est pas toujours facile... D'aller à son rythme hein ? Ça fait quelques semaines que j'essaye de ralentir mais... C'est pas aussi évident. J'veux dire, il y a des choses à faire, de plus en plus et... Je sais que ce n'est pas une excuse mais, pour mon cerveau ça l'est.

Je ne sais pas comment l'exprimer mais je sais qu'elle comprend. Il faut dire... Que je ne suis pas trop du genre à me confier sur ce que je ressens. Je crois même que c'est une première de cette façon là. J'ai comme l'impression que ça n'intéresserait personne de toutes façons.

Les mots d'Athéna me brisèrent le coeur. Ce n'était pas la première à me le dire. Charlie-Ange aussi l'avait dit. Et c'est toujours aussi douloureux. Parce que si je pense que je commence à comprendre pourquoi ils disent ça, je ne parviens toutefois pas à l'accepter. A dire que c'est vrai. A le valider... Parce que non, Ys n'est pas un "con"... Il est juste mal.

Les larmes abondaient sur mes joues, et je profitais de l'étreinte, si rare (était-ce seulement arrivé un jour ?) de mon amie. Lorsque je me sentis un peu plus calme, je parvins à articuler quelques mots à son intention. Parce que si j'allais mal, elle était en train de se tuer à la tâche. Et peut-être que ça me permettait aussi, un peu, de détourner la conversation sur autre chose que sur moi. Pourquoi étais-je toujours un tel fardeau pour mon entourage en ce moment ?

Nous nous éloignâmes l'une de l'autre, et sans être encore capable d'offrir un pauvre sourire, je me contentai de regarder Athéna alors qu'elle admettait en faire peut-être effectivement un peu trop. Nous filions un mauvais coton, hein... Peut-être. Pourquoi avait-il fallu que cette Eclipse vienne tout bouleverser ?

Ses paroles firent forcément sens, mais je n'arrivais pas à les approuver. Peut-être parce que j'avais perdu goût à bien trop de choses depuis quelques temps. Et que réussir à travailler relevait d'un terrible effort pour moi. C'était devenu beaucoup trop facile d'abandonner. De se dire que quelqu'un serait de toute façon bien plus efficace que moi dans ma tâche.

-Ce ne doit pas être facile, en effet.

Parce que contrairement à moi, elle n'avait personne pour l'aider. Personne pour l'accompagner dans les tâches. Elle était seule dans son exercice.

Je me pinçai la lèvre inférieure, un peu maladroite.

-Essaie de compter davantage sur les autres. Je peux t'aider, au moins un peu. Et des élèves se mobilisent aussi pour aider aux réparations. C'est jamais facile de se reposer sur les autres, c'est sûr, mais ta santé va finir par vraiment en prendre un coup...

Je tentai un mince sourire, avant d'essuyer mes joues et de frotter mes yeux pour chasser les restes de larmes.

-J'a bientôt fini de plier le plastique. Quelles étaient les autres choses que tu voulais que je fasse ? Tu veux que j'aille faire un tour de l'Institut pour vérifier les inventaires et les différentes pièces, s'assurer que tout est en ordre ?