La journée avait été calme, si bien que je m'étais retrouvée longuement seule avec mes pensées. J'avais réussi à bien apprivoiser mon nouveau don de Sensitive, le testant sur mon entourage et à finir par l'accepter. Quand on y réfléchissait, c'était un pouvoir qui me convenait. J'avais, malgré tout, aimé être Téléporteuse. Puis, une pensée avait franchi mon esprit : qui avait dit que je ne pouvais plus me téléporter ? Il suffisait de me dégôter des cristaux de Téléporteur ! Je pouvais demander à Mitsuki et à Bito. Comme ça, je pourrais être Sensitive ET Téléporteuse !

Bah voilà, j'étais une génie. Bon, peut-être pas tant que ça. Une vraie génie ne se retournerait pas tant l'esprit concernant son crush. J'avais fini par réaliser que j'avais développé des sentiments pour Bito. Depuis notre repas en tête-à-tête, mon coeur battait plus fort en sa présence. J'avais envie d'être avec lui... D'être sa petite amie. Je me demandais si je devrais lui demander s'il souhaitait rendre notre relation officielle. Juste y penser m'embarrassait... Alors je me disais que peut-être je le laisserais aborder le sujet le premier.

Jetant un coup d'oeil à l'heure, je constatai qu'il était temps de fermer la bijouterie. Je fermai les grilles et sortit de la boutique. La nuit s'était installée dehors et mes yeux parcoururent le ciel parsemé d'étoiles. Je souris. Je pris une grande respiration en fermant les yeux. J'avais presque réussi à conquérir ma peur de la nuit, tous ces mois après cette fameuse soirée avec Ariana. J'aurais dû consulter une psychologue avant de venir à Terrae, mais je ne pouvais pas revenir dans le passé.

De légers bruits de pas me parvinrent alors. Un individu se rapprochait de moi. Je tentai de ne pas me faire des films : si ça se trouvait, il allait simplement passer à côté de moi. Toutefois, il semblait qu'il tente de se faire discret, ce qui était louche. Quelqu'un de moins alerte ne l'aurait peut-être pas remarqué, mais moi, je portais attention à ce qui m'entourait la nuit. Je me rappelai mes techniques d'autodéfense au cas où.

Il était désormais tout près. Je fis un mouvement brusque vers l'arrière pour donner un coup avec mon crâne et m'emparai d'une de ses jambes pour le faire tomber. Puis je m'éloignai à pas de course et me retournai pour voir à qui j'avais affaire. La lumière du lampadaire me permit de constater qu'il s'agissait de Bito. Un peu alarmée, je m'approchai de lui.

— Oh putain désolé !! Je ne savais pas que c'était toi ! Désolé, désolé, désolé !!!

Dire que j'avais songé à lui foutre un coup de poing. Je lui tendis ma main pour l'aider à se relever s'il le voulait.

Je fronçai les sourcils alors que Bito touchait sa tête avec ses mains. J'espérais qu'il ne se soit pas trop fait mal ! Un petit sourire s'étira sur mes lèvres quand il se mit à plaisanter. Ça devait signifier qu'il n'avait rien de grave. Il prit ma main et la tira, ce qui me déstabilisa et me fit tomber sur lui.

— Hé !

J'avais sorti ça par réflexe, mais je ne lui en voulais pas de se venger un peu. Il me prit dans ses bras, m'épargnant de quelconque douleur. Il s'exclama qu'on pouvait arranger ça avec un câlin magique. Je ris avec lui en harmonie et écarquillai les yeux en voyant son visage se rapprocher du mien, déjà qu'il était plutôt proche. Il me fit un bisou sur le nez, ce qui me fit sourire bêtement. Après quelques secondes de flottement, je le serrai contre moi et réfugiai mon visage dans son cou.

— Alors... Ça fonctionne ?

Puis, je me redressai et le regardai dans les yeux.

— Je pense que ça serait préférable que tu n'essaies pas de me surprendre, surtout la nuit. SI on veut éviter d'autres côtes brisées, dis-je doucement en plaisantant sur la fin.

Plus de câlins ? Ça ne m'étonnait pas de sa part. Et puis, comme je l'avais blessé, je pouvais bien faire ça pour me faire pardonner ! Sans compter que j'aimais bien les câlins, moi aussi. Certaines personnes étaient moins tactiles, mais ce n'était pas mon cas.

— Aaah, je vois.

Bito fit alors référence à l'enfant qui m'avait appelé une valkyrie. Je souris en me souvenant de la scène. La comparaison m'avait flatté : cette figure mythologique était vraiment badass. Et la pensée que je puisse être badass moi aussi me plaisait. J'avais, après tout, appris à me battre de plusieurs façons depuis mon arrivée à Terrae. J'étais devenue celle que je souhaitais être, en partie. Alors qu'avant ? J'étais une couch potato.

Le jeune homme me questionna sur ma précision et me demanda si je croyais également au fantôme qui hantait la ville. Je n'avais pas entendu cette rumeur ! Il parlait de moins en moins fort et, tout à coup, l'ampoule du lampadaire brûla. Mais c'était quoi ce timing ?! J'eus un petit sursaut et Bito vint s'appuyer contre moi, effrayé.

Il faisait soudainement bien plus noir. Je n'aimais pas ça. Je tournais la tête autour de moi, un peu agitée. Non seulement la nuit me faisait peur, mais je pensais aussi que les fantômes existaient. Cependant, la probabilité qu'ils interagissent avec le monde matériel devait être plutôt basse à mon avis. Putain de lampadaire qui nous avait foutu les jetons pour rien !

— Non, je n'avais jamais entendu parlé d'un fantôme à Terrae. J'ai juste une phobie de la nuit. Mais elle est beaucoup moins grande qu'avant, j'y travaille depuis un moment... On pourrait se rapprocher d'un autre lampadaire ?

Je me relevai et lui fit signe de me suivre vers une zone plus éclairée.

Je ne pensais pas que la lumière pourrait nous protéger d'un fantôme, s'il y avait réellement un. Il y aurait fallu du sel, comme ça on aurait pu faire un cercle autour de nous pour les empêcher de nous atteindre. J'avais sûrement trop regardé Surnaturel, moi (en même temps, il y avait un nombre d'épisodes incroyable) !

— Ce n'est pas les vampires qui craignent la lumière ? Quoi que, je pense que c'est les rayons du soleil plutôt que la lumière.

Bito prit les devants et saisit ma main. Je serrai mes doigts entre les siens. Ça m'apaisa un peu, même si lui aussi avait peur. Au moins, je n'étais pas seule. Une fois arrivés à la lumière, il se rendit compte qu'il avait oublié ses sacs derrière. Il alla les chercher et revint très rapidemment. Nous reprîmes alors notre sujet de conversation. Je hochai la tête à sa question. Ma phobie concernait plus précisément la nuit, mais ils étaient tous deux liés, donc je craignais également l'obscurité.

Apparemment, dans son cas, il avait peur du noir par le passé et plus maintenant. J'écarquillai les yeux en entendant le mot « tortue ». Je ne m'y attendais pas. Ensuite, il me questionna sur l'origine de ma phobie.

— J'avais 16 ans et... je sortais d'une fête avec des amis. J'attendais mon taxi quand j'ai remarqué qu'un type me regardait bizarrement. Il s'est mis à me poursuivre et... ça m'a traumatisé.

J'arrivais à en parler plus calmement désormais, mais ça restait un souvenir extrêmement désagréable. Je n'avais réussi à passer à autre chose que quand ma psychologue s'était affairée sur le sujet. Cependant, une phobie ne disparaissait pas en claquant des doigts.

Flippant ? Ça, c'était sûr. D'autant plus que je n'étais qu'une simple adolescente qui avait comme seule capacité celle de savoir bien jouer à des jeux vidéo. J'aurais dû accepter que Zoé reste avec moi le temps que mon taxi arrive, mais j'avais eu peur de déranger. Je regardai Bito. Évidemment, ce genre de sujets avait le don de créer un malaise. Cependant, j'avais eu envie de le lui dire, car c'était une partie de mon histoire, une partie de moi.

Il avait remarqué que je me méfiais de lui au début. Ça ne devait pas avoir été difficile à deviner. Je hochai la tête en détournant les yeux, parce que oui, une partie de mes craintes étaient dûes à cet événement. Je savais que c'était stupide, que ce n'était pas parce qu'un homme avait tenté de m'agresser que tous les hommes qui m'approchaient étaient dangereux. Moi qui prônait l'égalité des sexes, qui insistait sur le fait que ceux-ci et les genres n'avaient que peu d'importance... Qu'on ne pouvait pas juger quelqu'un en fonction de cela... Quand je m'étais rendue compte de mon comportement, je m'étais trouvée un peu hypocrite.

Je levai de nouveau les yeux vers lui lorsqu'il reprit parole. Accepter ses peurs, hein ? J'en avais tellement ! Et ça m'avait pris un bon moment à le réaliser. Mon Vide était intimement lié à mes peurs. Avant, je me faisais sans cesse des excuses pour éviter d'avoir à leur faire face, et j'avais encore du progrès à faire.

— Oui... petit à petit. J'ai réalisé que, quand je pense au moi d'il y a un ou deux mois, il n'y a pas tant de différence que ça. Alors ça me donne l'impression de ne pas avoir beaucoup évoluer. Mais si je pense à la Elfie qui arrivait à Terrae ? Woah ! J'ai vraiment changé ! C'est en accumulant les petits changements, les petites victoires, qu'on finit par gravir des montagnes.

Je souris. J'essayais d'être positive même si ce n'était pas facile. Il y avait toujours cette voix obscure, dans le fond de ma tête, qui ruminait. Au moins, elle était moins forte qu'avant.

— Ouaip, comme toi et moi...

En vrai, je me demandais ce qu'il pensait de notre progression. Je lui avais avoué ne jamais avoir eu de rencard avant d'avoir mon premier avec lui, mais je ne lui avais jamais confié de ne pas avoir été la petite amie de qui que ce soit. Ou de ne jamais avoir embrassé quelqu'un qui m'intéressait. Peut-être l'avait-il deviné, peut-être que mon inexpérience se lisait sur mon visage. Je ne savais pas. Devrais-je lui dire ? Ou ça me ferait paraître trop bizarre ?

Uuugh ! En plus, on avait déjà failli s'embrasser deux fois ! J'avais vraiment envie de l'embrasser mais... et si j'étais mauvaise ?! Bon, ça paraissait assez simple, mais j'avais juste fait ça une fois dans ma vie, moi ! Hé merde, ça recommençait. Pensées positives, Elfie. PENSÉES POSITIVES. Omg, j'étais dans la lune et je n'avais pas remarqué : j'avais posé le regard sur ses lèvres. Je remontai les yeux. Waaah, avait-il remarqué ?!

— Tu sais, je te fais confiance maintenant.

Non mais fallait bien briser le silence ! Et personnellement, quand quelqu'un me disait ça ça me faisait plaisir, alors voilà...

Il eut l'air embarrassé suite à mes mots. Était-ce parce qu'il avait vu où était posé mon regard quelques secondes plut tôt ? Puis, il ne dit plus rien. Bito avait tendance à être bavard donc c'était légèrement déstabilisant. Je me mis à réfléchir à quelque chose à ajouter. Or, il finit par reprendre parole et me demanda de fermer les yeux.

... fermer les yeux ? FERMER LES YEUX ?! Évidemment, sur le coup, je crus qu'il comptait m'embrasser. J'écarquillai les yeux et m'exclamai :

— O-ok...

Et je m'exécutai, la tête et le coeur turbulents.

*Oh putain, oh my god, oh my god, aaAaAAAaaah !!*

Ses mains effleurèrent mon cou et j'attendis le moment avec excitation. Sauf qu'en sentant un mince métal se poser sur ma peau, je compris qu'il ne m'avait pas demandé cela pour la raison que je croyais. Il déclara que je pouvais ouvrir les yeux et je baissai la tête pour admirer le collier avec un pendentif de trèfle à quatre feuilles.

— Merci, il est très beau, dis-je, tout sourire.

Je songeai qu'au lieu d'attendre qu'il m'embrasse, je pourrais faire le premier pas, moi. Mais le timing... Je n'avais pas envie qu'il croit que je fasse ça juste parce qu'il m'avait offert un cadeau ! Je m'approchai et l'enlaçai un moment. Après l'étreinte, je me reculai et fit ma curieuse.

— Un trèfle à quatre feuilles... Tu as choisi ça pour une raison en particulier ?

Peut-être pas, peut-être l'avait-il simplement trouvé joli comme il l'avait mentionné.

Je pris une expression attendrie lorsqu'il s'exclama avoir de la chance de m'avoir. Aaaw... Je détournai les yeux, un peu gênée, avec un petit sourire. À sa révélation, je haussai les sourcils, surprise. Il ne m'avait jamais dit qu'il pensait à rentrer chez lui après que les conséquences de l'Éclipse soient terminées.

— Uuh..? C'est vrai ?

Il était resté à Terrae... pour moi ? Ooh aaah WHAT omg- Mon coeur fit un bond dans ma poitrine lorsqu'il reprit parole. Alors là, j'étais probablement tournée rouge pivoine. D'autant plus qu'il se rapprocha davantage et entrelaça ses doigts avec les miens. Il avoua avoir des papillons dans le ventre. Ce n'était pas le seul... Puis il fit une blague et je ris tout doucement, presque sans aucun bruit. Il replaça une de mes mèches et je me perdis dans son regard.

— Elfie, est-ce que je peux... t'embrasser ?

... OUIIIIIIIIII- Ça résonna dans ma tête. Bien sûr que je voulais qu'il m'embrasse ! Mais sur le coup, je restai bouche bée.

Elfie.exe has stopped working.

Ça allait réellement se produire ? J'allais embrasser la personne que j'aimais ? L'homme que j'aimais ? Bito ? Il ne me suffisait plus que de répondre... IL FALLAIT QUE JE DÉBUG.

— Oui...

C'était enfin sorti ! Je serrai ma main contre la sienne et commençai à approcher mon visage tranquillement, fermant les yeux quand nos lèvres ne furent plus qu'à quelques centimètres...