Ca ne fait qu'une nuit, juste une nuit depuis que j'ai eu les nouvelles de mes ... "employés" réticents. Jamais on ne m'a autant affligée par une simple action, mais cette traîtrise me frustre tellement que j'en ai fait un cauchemar. Résultat, il était quatre heures du matin et je me levais juste en manquant de brûler les posters que j'avais collés aux murs de ma chambre. J'avais l'impression que quelque chose cognait depuis l'intérieur de mon crâne sur ses parois. C'était énervant, oppressant, comme si l'on me rappelait sans cesse que ma posture était celle d'une faible qui avait perdu le respect de sa propre mafia. Mon père doit certainement avoir honte, de là où il est perché.

D'une main perdue, je fouille la surface de ma commode, grattant mes doigts sans regarder, tandis qu'éventuellement, je parviens à atteindre la surface cartonnée de mon paquet de cigarettes. J'ouvre la fenêtre qui surmonte mon lit et m'assoit au bord. La vue est belle, d'ici. Les lumières de Tokyo m'éblouissent et se reflètent sur le grillage qui m'enferme ici. Du bout de l'index, j'allume la blonde entre mes lèvres, non sans trembler. Mon rêve m'a déstabilisée, au point où j'ai du mal à garder un visage droit. Je n'arrête pas de repenser aux noms que mon bras droit m'a donnés, à leurs sales gueules que j'arrive à revoir du fond de ma mémoire. Je veux leur faire payer, je dois leur faire payer ! Il faut que je me venge de cet affront, que je leur rappelle qui est maîtresse sous le sigle des Delacorte, que je les brûle vivants si c'est ce qui doit être fait.

Je tire sur mon filtre, il est brûlant. Dans mes réflexions, j'avais brûlé l'intégralité de ma clope. Ce n'était pas mon genre de me laisser emporter, ce n'était pas moi, tout ça. Qu'est-ce qui m'arrivait ...? Autant retourner au lac tant que tout le monde dort, mes flammes ne sont pas assez grandes pour réveiller l'institut. Alors, je descends les marches, sans croiser qui que ce soit. Je passe l'entrée de l'école, vêtue de noir, comme si j'étais une voleuse qui cherchait plus à s'échapper qu'à s'infiltrer.

Il n'y avait plus personne autour du lac, les quelques fêtards restants sont rentrés pour dormir, continuer à boire ou simplement baiser. Quelle confortable vie que celle-là. Je n'y ai pas le droit, mes responsabilités m'y contraignent, et maintenant, j'ai d'autres engagements qui requièrent toute mon attention à un autre niveau. Je concentre mon attention sur le feu que je veux faire naître, ce que je veux en faire. Des flammes se mettent à courir sur mon bras et à envelopper ma main. Je ne me brûle plus avec, désormais, mais leur taille est insuffisante.

Alors je concentre plus encore l'attention que j'y porte, j'y concentre ma volonté, j'essaye d'y concentrer la puissance qu'Hideko me dit que je recèle. Elles grandissent alors, mais bien vite, je sens un frein les arrêter. Je parviens à les garder, bien que tremblantes, au même niveau pendant un moment, mais elles s'étouffent alors, en même temps que je reprends mon souffle. Ce n'est pas assez, ce n'est clairement pas assez. Ce ne sera jamais assez ! "Assez" ne sera assez que lorsque j'aurai réussi à embraser tout ce putain de lac ! Et ça commence maintenant. Quitte à me faire mal, ou à me brûler les bras, je compte bien faire s'évaporer toutes ces eaux. Entre mes deux paumes, je commence à faire naître une flammèche que je fais s'agrandir progressivement ... je compte bien cramer tous les arbres alentours si j'en suis capable. Le coeur de la flamme pulse, se remue et je l'entends crisser dans mon esprit. Qu'est-ce que je suis en train de faire ?

Ce faux cri me vrombit le crâne, comme une migraine tranchante qui sépare le sommet de mon font en deux parties distinctes. J'ai l'impression d'entendre l'écho même de ma propre conscience qui me hurle d'arrêter. Mais je veux continuer ! Elle m'en empêche, me garde à la posture dans laquelle je demeure. La flamme fait maintenant la taille de mon visage, mais mes doigts sont si crispés que je les sens craqueler. Cette rigidité court jusque dans le bas de mes épaules, mes bras sont durs comme de la pierre, les secondes que je passe à me concentrer ressemblent à des minutes, mais je n'arrive à rien.

Entre les vibrations causées par ma flamme, j'entends une voix à mon côté, une salutation, rien qu'un simple bonsoir. Mais l'homme qui m'interpelle enchaîne en évoquant alors la voix d'une gamine qui aurait hurlé, dans le coin. Merci, mais je l'aurais entendue s'il y avait eu pareil bruit aux alentours.

- Tu ne penses pas que je serais au courant si ça avait été le cas ? Je suis la seule à traîner ici aussi tard, et tu trouves que j'ai une gueule à brailler comme une môme ?

Je ne le regarde pas, je n'en ai pas le loisir. Si je détourne mon attention ne serait-ce qu'une seconde de la flamme, je sais qu'elle va s'évanouir et je me suis donné bien trop de mal à la faire naître et croître pour vouloir l'abandonner maintenant. Serrant les dents, j'essaye une fois encore de la faire grandir, et le crissement revient encore dans mon esprit. C'est un test éprouvant, mais je n'ai aucune intention de l'abandonner, et surtout pas pour un type qui a trouvé la pire approche pour aborder une fille en pleine nuit.

Forçant une dernière fois, comprimant ma puissance comme si j'étais à bout de souffle, portée par l'adrénaline, je grogne entre mes dents tandis que la flamme devient de plus en plus instable. Le crissement devient un hurlement dans ma tête, tandis qu'en un soupir agonisant, la flamme se meurt et mes bras demeurent rigides et tremblants. Je prends un pas déséquilibré en avant pour ne pas tomber. Ma tête devient extrêmement légère, comme si elle s'était vidée de tout contenu, ne gardant alors qu'une désagréable sensation de néant.

Reprenant mon souffle, comme mes esprits, j'essuie une gêne sous mon nez d'un revers du coude. J'y remarque alors une trace de sang. C'était un échec ... encore un échec. Mais pourquoi ?! Je suis certaine de faire ce qui doit être fait alors pourquoi est-ce que je n'arrive pas à la faire plus grandir encore cette satanée flamme ?! Mon regard dérive sur l'autre type qui a presque interrompu mon expérience. C'était certainement de sa faute ... son interruption m'a fait perdre le fil et j'ai dû relâcher mon contrôle. Du fond de la gorge, je me mets presque à crier.

- Et merde ! Mais qu'est-ce que tu fais là, sale débile profond ?! Tu peux pas faire comme tout le monde le fait quand il est presque cinq heures du mat et dormir sagement sans déranger ceux qu'ont des trucs à faire ?!

J'aurais pu lui déchirer les yeux si j'avais moins de retenue. C'était comme si cet institut tout entier avait été fait pour m'empêcher de progresser, comme si l'on me retenait d'aller de l'avant alors que j'ai besoin de mes pouvoirs plus que je n'en ai jamais eu. Et dire que je détestais déjà le principe d'être mise en cage, maintenant je ne peux même plus espérer que l'on me foute la paix !

- Quel genre de type se balade aussi tard avec une pareille tête de déterrée. Va donc la chercher dans les dortoirs ta demoiselle en détresse, il n'y a personne qui a besoin de ton secours ici, monsieur le bon samaritain ! Allez, dégage de là !

Mais ?! Qu'est-ce qu'il fait cet imbécile ? Des poings en terre ? Vraiment ? Putain, mais il est malade, cet enfoiré ! Et comment ça je ne suis pas la bienvenue ici ? Il n'y a pas de couvre-feu qui me concerne si je ne m'abuse, et je suis libre d'aller où bon me semble dans l'enceinte de ces murs. Si l'on compte m'empêcher même de me laisser aller où je le souhaite à l'intérieur de cet enclos, autant directement me dire de rester pourrir dans ma chambre.

C'est vraiment bizarre ... il avait l'air plutôt calme en venant ici, même si j'avais décelé le soupçon braqué dans sa voix qui disait que je n'étais clairement pas une vision qui lui inspirait confiance. Mais de là à se battre ?! Ce n'est pas mon genre, ça. C'est tout de même dingue ! Je lui dis de me foutre la paix, et lui me sort un discours façon druide séculaire comme quoi l'on ne me veut pas entre les arbres ? Et qui c'est ce type, pour me dire ça, un junkie ? Qu'est-ce qu'il a fumé pour être aussi perché ?

Je bloque un peu, et de nulle part, un boulet rocailleux s'écrase devant moi, laissant éclater quelques morceaux et ne manquant pas de me faire tomber. J'ai déjà le tournis avec ce que je viens d'essayer de faire, si en plus je dois éviter des pierres ... qu'est-ce que c'est que son problème, à ce psychopathe ? Il en est clairement rendu à la phase de défense, sa réaction est un mécanisme, pas une initiative. Je crois qu'il n'aime pas le fait que je sois là, comme le confirme son beuglement qui me renvoie des sifflements dans la tête. Je me tiens le front, le temps que passe le crissement qui vrombit à l'intérieur.

Quelque chose remonte dans ma gorge, m'irrite. Je passe ma main devant ma bouche, alors que je me mets à sèchement tousser. J'ai du mal à respirer ... l'adrénaline ? J'ai du sang sur la paume, est-ce que c'est la roche de ce malade ? Je m'essuie la main sur l'herbe, mais aucune douleur, je n'ai pas l'impression d'avoir de coupures. Passant d'un revers mon coude sur ma bouche, une trace écarlate s'y dessine. L'odeur dans mes narines, le goût qui déglutinait de mon palais ... je venais de cracher du sang, là ? Pourtant je n'ai mal nulle part et il y a encore l'autre fou qui me dit de me casser. Je veux rester et je déteste que l'on me dise quoi faire. Surtout quand ça vient d'un type que je connais pas. Pour l'instant je n'ai pas moyen de me défendre, il faut que je récupère un peu de mon excès de tout à l'heure. Plus qu'une chose à faire ; la jouer fine.

- Hé ! HÉ ! Attends !! Du calme, du ...

Je me remets à tousser, projetant quelques gouttelettes sur ma main. Ce truc m'inquiète vraiment, mais pour l'instant je n'ai pas l'impression de trop en souffrir, j'ai juste cette pince entre les côtes ... alors autant la mettre à profit pour l'instant. Me redressant sur mes genoux, je laisse ma paume tâcher un peu le tour de mes lèvres, y affichant quelques marques sanguines. La toux s'arrête, mais je reste à genoux. Tendant ma main devant moi, j'essaye d'appeler l'autre cinglé au calme.

- Ok, c'est bon, tu m'as fait mal, t'es content de toi ? Tu veux bien arrêter d'essayer de me tuer, maintenant, oui ?

Je respire un peu durant cette courte pause, j'ai besoin d'encore un peu de temps.

Elle ? Il devait certainement parler du bosquet, puisque selon sa théorie, c'est la nature-même qui aurait essayé de m'empoisonner à grandes doses de spores toxiques. Mais ... comment ... enfin, comment croire ça, merde ?! Plus il parle, plus je me dis qu'il est vraiment cinglé. Et moi qui pensais qu'il n'y avait entre ces grilles que des gamins innocents trop naïfs pour saisir le pouvoir qui est mis entre leurs mains. J'ignorais qu'en vérité il y avait aussi ceux qui poussaient le vice au point de s'imaginer des phénomènes absolument impossibles !

Et même si je ne croyais pas à la magie, il y a plusieurs mois, même si je ne sais pas tout du monde qui m'entoure, ou de celui qui m'épie, il y a des choses qui demeurent rationnelles. En arrivant ici, j'ai bien compris que seuls quelques chanceux, ou malchanceux, selon la perspective, avaient accès à ce genre de dons. Les plantes n'en font pas partie !

- C'est quel genre d'excuse, ça ?! Le seul danger, ici, c'est toi !

Il me fait bien rire ... il manque de m'envoyer un rocher en pleine face, les éclats ne m'ont d'ailleurs pas vraiment épargnée, et c'est moi qui suis dangereuse ? Mais quelle blague ! Je viens ici pour qu'on me foute la paix pendant que je me concentre sur mon pouvoir et sans aucune raison, je me retrouve agressée par un type qui entend des voix ? Comment je le sais ? Il vient littéralement de me dire que la nature me considère comme un danger ! Ce gars est un putain de lunatique !

- Et merde, je viens ici tous les soirs pour progresser et le chêne ne m'a jamais foutu un coup de branche ! Réfléchis, abruti ! Je m'entraîne même dans les environs avec Hideko ! Si la "forêt" ou je ne sais quoi voulait nous tuer, tu penses que la directrice m'emmènerait ici pour me faire pratiquer ?

Malgré toutes ces paroles, j'ai repris un peu de mon malaise dû à l'effort précédent. J'ai vraiment abusé sur cette dernière pratique ... peut-être que je ne suis juste pas prête, mais comment est-ce possible ?! Rien qu'avec mes capacités actuelles, je me sens déjà extrêmement puissante, mais ne serait-ce rien d'autre qu'une perspective ? Il faudra que je consulte la directrice là-dessus, elle doit forcément savoir des choses sur ce qu'il se passe avec moi.

Redressée, mes toujours sur mes genoux, de ma main au sol, j'embrase ma main droite en la levant devant mes yeux. Elle est belle, ainsi, la majesté de ce pouvoir si destructeur est si impressionnante. C'était la même sensation que celle de tenir un flingue sur le front d'un homme.

- Regarde ! Et si tu tentes quoi que ce soit, alors je vais vraiment la cramer cette forêt !

D'un geste circulaire du bras, je projette violemment la flamme sur un arbuste à quelques mètres de moi. Le craquèlement des branches suit l'impact, et bien vite, le buisson tourne à l'ardent. Maintenant, j'attends. Je ne fais rien d'autre, je laisse l'arbuste se consumer. Si la forêt m'en veut vraiment, alors je le saurai bien assez vite. Sauf que je sais que c'est impossible, les arbres n'ont pas de conscience.

Eh bien ... si je n'ai pas réussi à prouver qu'une forêt n'a pas de conscience, je m'en suis superbement bien tirée pour démontrer à quel point celle de ce type était tordue. L'arbuste était à peine grillé qu'il avait lâché un hurlement si dramatique que j'aurais juré entendre une diva chanter sur scène. Calme-toi, la drama queen, je vais l'éteindre ce feu, c'est pour ça que je travaille ici, au milieu des arbres. Enfin, je l'aurais fait s'il m'en avait laissé le temps, à la place, il jette de la boue sur la pousse pour étouffer mon feu.

Enfin, c'était avéré que j'avais affaire à un dément, un maniaque, je devais m'attendre à tout, même à ce que la terre commence à m'avaler ... et d'ailleurs, mes pieds commençaient à s'enfoncer dans le sol. Merde. Ne pas paniquer, Mira. Je sais bien que je suis énervée, à cause de cet imbécile et de tous les autres qui m'entourent, mais est-ce vraiment une bonne raison pour céder à ses émotions ? OUI, PUTAIN ! Il est vraiment en train d'essayer de me tuer, cet enfoiré ! En plein institut ? Ce gars est un psychopathe pur et dur ! Je crois que me le répéter ne m'aidera pas, mais j'ai toujours du mal à y croire que quiconque aurait les couilles de faire ça en plein Terrae.

Et merci bien, jusque là je n'avais cramé rien d'autre que mes mains avec ma magie, ma cruauté consiste à brûler quelques branches à un arbre ? C'est un drôle de numéro qu'il me joue là, comme si j'étais le pire des monstres. Si on le prenait au mot, j'étais une véritable garce, assez affreuse pour griller vif un être vivant sans ressentir la moindre tristesse. Pfeuh ... on m'a assez traitée de connasse pour que ça ne me fasse aucun effet, par contre, j'ai bien peur de devoir lui donner raison sur un point. Je peux être pire qu'un diable pourvu que l'on m'en donne justification.

Mais je suis déjà exténuée, est-ce que je peux seulement réutiliser ma magie ? Je ne pensais pas avoir besoin de m'économiser dans un lieu qui est censé être amical, mais il faut s'attendre à tout. Et si je n'avais pas besoin de mon don, pour survivre à ça ? Comment aurais-je fait, avant ? Serais-je morte sans rien contester ? Sûrement pas. Je vaux mieux que ça, et je sais quoi faire. De la poche de mon pantalon, je sors mon téléphone. Je cherche le numéro d'Hideko dans le répertoire et mets mon portable en évidence.

- Si j'appelle ce numéro, qu'est-ce que tu feras, hein ? Tout le monde saura tout, et tu seras sentencié comme se doit de l'être un taré dans ton genre ! Alors, dis-moi si ça vaut le risque de me tuer ?

Je hausse les épaules, à lui de voir.

Je grogne en sentant mes cotes vibrer contre le sol, j'ai réussi à le faire me lâcher, mais peut-être que j'aurais dû préciser qu'il avait intérêt à le faire doucement. Même si cette "promesse" que je lui ai fait n'a pas eu l'air de lui plaire, je suis sûr qu'il s'est fait plaisir en m'envoyant valser ainsi. Me faire malmener ainsi n'est pas dans mes habitudes et je sens déjà des bleus pousser sous ma peau, mais s'il faut souffrir pour avancer, alors je serrerai les dents. Tenant mon flanc, je me relève difficilement, j'ai l'impression d'avoir été écrasée par un chauffard, non pas que je sache à quelle sensation cela correspond vraiment. En tout cas, ça fait un mal de chien.

Seulement, voilà le paradoxe, je suis une fille têtue, je le sais très bien et j'en tire d'ailleurs une certaine fierté. Est-ce que cette même fierté vaut cependant la peine de me faire écraser la tête entre deux rochers ? Hmm ... peut-être bien que oui, tout dépend de si en bonus, j'arrive à faire péter les plombs à un type jusqu'à faire en sorte qu'il me blesse jusqu'à l'agonie, pour qu'ensuite la haine que l'on me voue se déporte sur lui, et que, pour une fois, je sois autre chose que l'innommable salope sans coeur qui n'est contente que lorsque qu'elle réussit à obtenir l'objet de son désir. Jusqu'où tout ce cirque peut-il aller ? J'ai hâte de savoir.

- Continue à rêver, Greenpeace.

Je réavance vers la berge du lac, et donc, par extension, vers le même type qui pourrait achever de me briser les os s'il en avait l'envie. Plus encore, je vais voir si j'arrive à titiller la mort du bout du doigt. Bien sûr que j'appréhende la suite, mais il faut bien vivre, n'est-ce pas ?

- Tu es prêt à tuer une femme pour protéger la forêt, mais dès que c'est toi qui es en danger parce que tu pourrais être exclu d'ici, il n'y a plus personne ?

Il est mignon à s'acharner sur moi avec ses pouvoirs, mais l'avantage du spirituel, lorsque l'on se plonge dedans comme moi avec cette satanée Bible, c'est que l'on appréhende l'au-delà avec une position bien particulière. Alors il aura beau me briser les orteils, me faire saigner ou bien m'enterrer vivante, aucun de ses pouvoirs n'égalera jamais celui qui ne s'acquière pas seulement au travers d'une dépression extrême. Le verbe est le véritable pouvoir.

- En fait, c'est vraiment toi-même que t'essayes de préserver, hein ? Un type avec de la conviction m'aurait écrasé sous la terre en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire.

Définitivement, entre le type qui parle pour rien me dire et l'autre qui ne me dit rien et préfère me tuer, j'ai l'impression d'avoir à Terrae tout un monde de nuances. Sauf que ce malade-là me fait presque regretter l'introverti puant de la sécurité. Je n'aurais jamais cru ça possible, mais apparemment, c'est une journée de surprises. Par ailleurs, j'espère qu'il y a des caméras dans les environs, parce que ce que je vais dire risque de me tuer.

- Toi, t'es juste une chiffe-molle. T'as peur de te mouiller. Les lopettes comme toi, on en voit gueuler dans les rues tous les jours à la télé. T'aboies plus que tu ne mords. Tu ne peux pas me tuer, pas plus que tu peux m'empêcher d'être ici.

Oh, en ce moment-même, j'étais si contente d'être en vie pour pouvoir exister lors de moments pareils où le type qui pensait être l'oppresseur se retrouve finalement sans défense. Parce qu'il est chou, mais s'il a de la jugeote, il aura très vite deviné ce que je compte lui expliquer immédiatement. J'en profite pour avancer de nouveau vers le lac, tout en lui adressant un sourire narquois.

- Tu penses qu'il faudrait combien de temps à des types pourvus de pouvoirs magiques pour retrouver un meurtrier ? Je ris doucement. Je parie sur trois jours maximum. Après ça, ce monde te rejettera de lui-même et tu seras le seul à souffrir du grain que t'as, là-haut.

Maintenant, je me retrouve face à lui, et même si j'ai encore mal au buste, ça ne m'empêche de le regarder droit dans les yeux. J'ai retrouvé un sérieux imperturbable, plus de sourire, plus rien, juste une froideur qui ne m'est propre que lorsque je signifie vraiment qu'il faut arrêter de m'emmerder. Je n'ai pas le physique d'un boxeur, mais je sais certainement montrer les crocs lorsque l'on empiète trop sur mon territoire.

- Barre-toi d'ici. Avant que tout le monde ne sache ce que t'as essayé de faire ce soir.

J'obtiens une réponse bien différente de mon ordre, et elle n'est pas des plus agréables. Je comptais néanmoins quelque peu dessus. Pour cette raison, entre mon cri étouffé de douleur et les grognements qui le suivent, j'esquisse un sourire sous mes longues mèches, invisible à mon interlocuteur. Entre la migraine de l'abus de magie et le coup de poing que je viens de recevoir, je suis loin de mo joli minois habituel. Enfin, je ne peux que l'imaginer, mais à entendre mes halètements, il est évident que je ne suis pas véritablement en bonne santé.

Il sort son téléphone et appelle je ne sais qui ... vu le ton employé, certainement un supérieur hiérarchique. Oh mon Dieu, s'il a appelé Hideko ... alors il est encore plus fou que ce que je ne le pensais. Tous les faits pointent contre lui, et les contusions sur ma peau ne sont qu'une charge additionnelle aux peines qu'il va peut-être endurer. Jusqu'à preuve du contraire, s'entraîner en public est légal ici, d'autant plus qu'il n'a aucun moyen de prouver que j'ai voulu incendier la forêt. Mais le mieux, c'est que ma tutrice est parfaitement au fait de ce que l'on pratique ici, en plein milieu des arbres : contrôler le feu que l'on propage. S'il m'avait laissé le temps au lieu de directement passer à l'option meurtre, je lui aurais montré que je peux aussi bien arrêter mes flammes que les attiser.

Je reste sur mon genou droit, la force de me lever paraît un prix bien trop cher à payer pour simplement garder la face. Ce n'est pas dur de voir que je n'ai pas l'habitude de me faire frapper, j'ai encore mal partout. J'en suis à un point où je me demande si je n'ai pas quelques os brisés ... j'exagère peut-être.

Et le voilà, ha ! Le monologue du justicier qui a accompli son devoir et donne une leçon de morale à la "méchante" que je suis. Tous des malades, dans ce monde ... tous. Et moi, le chaos, une vérité universelle ? Je sais bien que le fait que je sois une connasse soit devenu une rumeur parmi l'institut, mais tout de même, j'ai été plutôt sage à Terrae.

- Oh pitié ... si tu présentais ta version devant Dieu, même lui saurait parfaitement qui envoyer en enfer et qui laisser entrer au paradis. Tout ce que tu as pour appuyer ta position, c'est un arbuste ... aïe ... à moitié carbonisé. Moi j'ai tout un tas de bleus pour prouver que j'ai bien plus souffert que la végétation alentours.

Je respire, me relève un peu et me rafale à nouveau sur le sol, mains appuyées sur la terre froide. Essoufflée et avec pas mal de peine, j'articule une dernière provocation.

- Merci ... d'avoir appelé Hideko.

HRP : Désolée du retard T_T Et Akkiko, est-ce que tu veux qu'on se serve de ce RP pour dire que tu as révélé ton potentiel d'Etoile ? Vu comme tu as grave été à fond dans la limite des pouvoirs normalement pour les initiés xD Ou alors faudra qu'on repose un sceau parce que t'as été loin là quand même dans la violence mdr

Depuis la fin de l'Eclipse, mes nuits sont plus tranquilles. Je ne suis plus paniquée à l'idée de voir un nouveau changement ingérable, et je sais que mes enfants sont moins en danger. Reste le souci avec Ys, mais sachant à présent Athéna et Ipiu sur le coup, sa trace ayant été retrouvée, une partie de moi me dit que cela finira par s'arranger. Les choses sont au moins un peu plus sous contrôle.

Nous n'avons d'ailleurs pas entendu parler du Centre depuis le retour à la normale, et même si ça ne me rassure pas, je me dis que ça nous laisse au moins un peu de temps pour souffler.

J'étais donc en train de dormir, profitant de ce moment de la journée où je peux enfin souffler, quand mon téléphone a commencé à vibrer sur ma table de chevet. Je me réveillai en sursaut. Jusqu'à présent, je n'avais jamais dormi avec mon téléphone dans la pièce, mais l'Eclipse m'avait poussée à le faire en cas d'urgence. Et si les choses s'étaient calmées depuis, j'avais gardé l'habitude, par crainte que quelque chose se passe et que je ne puisse pas être là pour le gérer.

Alors, sans trop réfléchir, et sans même regarder le numéro, j'ai décroché pour entendre la voix d'Akkiko qui me laissa un message bref avant de raccrocher. Je fronçai les sourcils, et Ryu, à côté de moi dans le lit, se tourna vers moi pour m'interroger du regard.

-Un débordement dans la forêt.
-Ca ne peut pas attendre demain ?
-J'ai peur que Mira soit dans l'histoire.

Il se redressa et m'embrassa sur la joue avant que je ne sorte du lit pour aller enfiler une tenue plus adéquate. En quelques instants à peine, j'étais dehors, et je me dirigeais vers la forêt.

Lors de notre dernier entraînement avec Mira, j'avais tenté de lui enseigner à maîtriser le feu, non pas pour l'étendre, mais pour l'éteindre. Et pour cela nous nous étions rendues dans la forêt, où j'avais mis le feu à un arbre avant de lui demander d'agir. Un acte certes difficile à accepter pour certains, mais nécessaire à l'apprentissage de la maîtrise du Feu. Je poussai un soupir en chemin en sentant les deux énergies pulser plus loin, dont l'une bien plus puissante que l'autre, bien affaiblie. Je finis par arriver et j'aperçus Mira dans un sale état, Akkiko en face d'elle. Quelques arbres calcinés me firent froncer les sourcils, et je baissai le regard vers eux, agacée.

-Qu'est-ce qu'il s'est passé exactement ? Je peux savoir ce qu'il vous a pris ?