Ah ... je sens mon coeur accélérer alors que j'entends ma comparse de malheur s'étouffer de gloussements inattendus, et non, ce n'est pas à cause d'elle que mon rythme cardiaque s'est accéléré. Je sais très bien que les effets de la drogue varient selon le caractère des gens, bien qu'en général l'effet demeure similaire, la manière dont il se manifeste est modifié comme au travers d'un filtre par l'attitude des gens. A la remarque de Pandora, je trouve une réponse toute faite, une citation que j'affectionne particulièrement.

- Oh que non. Les mensonges voyagent bien plus vite que la vérité.

Et j'étouffe deux trois rires qui deviennent de sobres souffles amusés. L'anglaise vient de se lever et elle se met à gesticuler comme si elle essayait de faire sortir une étrangeté infiltrée sous sa peau. Je n'ai clairement pas la même attitude, même si je dois bien dire que je réprime fortement l'envie de l'imiter et d'aller plonger au fond du lac juste pour y trouver une distraction satisfaisante. Mais à la place, je compense, je sens mes pensées qui défilent à la vitesse limite de ce que mon entendement peut comprendre. Il ne faut pas plus longtemps pour que l'amas de mes songes dépasse ma compréhension, et bientôt je me retrouve à penser à ce qu'il se trame chez moi, ce que je ferai une fois là-bas, si Hortensia était vivante. En bref, j'étais stimulée comme je l'avais rarement été.

Pandora semble se plaindre de la soif qui la tenaille, et c'est compréhensible. Moi je sèche au joint depuis que le soleil s'est couché et je n'ai pas bougé d'ici, depuis. Pour quoi faire, de toute manière ? Il n'y a d'intérêt nul part ailleurs qu'hors de ces murs pour moi, ce qui est paradoxal mais à force de rester entre quatre murs, aussi grands soient-ils, ces frontières deviennent notre monde.

... attends est-ce qu'elle venait d'enlever sa veste ? Sexy. Quoi ? Oh non non non. Ce mot ne venait pas de résonner dans ma tête comme une fausse note ... ce n'est pas moi qui pense ça, de toute manière, c'est la drogue qui ramène des pensées de merde jusqu'à ma conscience. Plutôt creveeer ... mieux valait ignorer ce que dit l'esprit lorsqu'il est perverti par la drogue.

- Pourquoi ne pas boire l'eau du lac ?

J'avais dit ça en sachant pertinemment qu'il devait y avoir plus de son lot de types qui avait pissé dedans. Je pouvais vraiment être une vraie connasse lorsque je le voulais, mais en même temps qui a véritablement envie d'être gentil ? Sérieusement, à quoi ça sert ? Rien que le mot "sympathie", "souffrir avec", qui a envie de souffrir ? Est-ce que être gentil ne serait pas, par définition, une forme de masochisme ? Si, totalement, donc au final, on ne peut être que sadique ou maso, dans la vie. Notre existence à tous se résume donc à une répartition plus ou moins égale de principes BDSM à la population. Mh. Logique.

De ma veste, je sors une flasque que j'avais prévue pour moi, ce soir ... et d'ailleurs elle est bel et bien pour moi. Doucement, je commence à la dévisser, en affichant une expression volontairement détachée.

- Hm ... si seulement on avait quelque chose à boire.

Et je la porte à mes lèvres, en buvant le whisky que j'y avais glissé. Oh, PUTAIN. C'était violent et si libérateur à la fois, sentir l'alcool s'immiscer à mes veines et me brûler la gorge me fit, de manière contradictoire, lever les yeux au ciel de soulagement. Je ne la finis pas, mais je ne manque pas d'adresser une expression complètement innocente à l'assoiffée qui me sert de camarade pour la soirée. Je commence à douuuucement la revisser, m'attendant à me faire fusiller pour ne pas lui avoir proposé de partager, mais en même temps, c'était bien plus drôle de se faire supplier qu'adopter un élan de charité.

Je laisse échapper un nouvel éclat de rire à la réponse de la brune, ça ne m'étonne pas d'elle tiens. Menteuse, manipulatrice... Tout le contraire de moi, et des gens de qui je m'entoure généralement. Mais je m'en fiche, en ce moment c'est peut-être justement ce qu'il me faut, de changer un peu de fréquentations ! Toute cette bien-pensance, c'est lourd à porter parfois, et je me sens aussi légère qu'une plume depuis que j'ai avalé cette pilule. Je n'aurais jamais pu faire ça avec Allen ou Amy... Et même si c'est mal, je me sens bien, alors le reste n'a plus d'importance pour le moment.

"Eeeeh... Quand même pas, la vase c'est bof !"

Quand je me tourne à nouveau vers elle, je me rends compte qu'elle est en train de boire plusieurs gorgées de liquide d'une flasque, tout en me narguant du regard. J'ouvre grand la bouche, outrée, pointant un doigt accusateur vers elle.

"Franchement, t'es pas sympa ! Alleeez, passe-moi ta flasque, moi qui croyais qu'on était copines maintenant !"

Ou pas. Disons juste que prendre de la drogue ensemble, ça rapproche ? Et puis dans mon état d'esprit actuel, je suis prête à faire pote avec la terre entière ! Elle finit par me passer sa flasque, après s'être faite prier un peu quand même, et je bois plusieurs gorgées, profitant du goût âcre qui me brûle l'oesophage. Vodka, mmh - pas mon alcool de choix, mais je boirais n'importe quoi je crois.

Mira et moi restons sur la berge du lac un long moment, à boire et discuter - mais surtout juste à tripper en silence, chacune de notre côté. A un moment donné, je crois que je me suis endormie - enfin non, j'en suis sûre en fait, vu que je me réveille allongée dans l'herbe face à l'aube grisonnante. Je suis seule, mais je note quand même avec un sourire en coin que quelqu'un a pris la peine de déposer ma veste sur mes épaules, comme une couverture. Elle dira ce qu'elle veut l'autre hein, mais elle n'est pas aussi sans coeur que ce qu'elle veut faire croire !