L'ancienne rouquine ouvre la bouche face à la réponse d'Afya, qui la secoue un peu plus qu'elle n'aurait souhaité. Déjà parce qu'Ariana n'était pas certaine d'avoir parlé tout haut et la lecture de pensée sans télépathie ça fait peur, mais ça veut bien dire ce que ça veut dire (Afya la connait par coeur)… Et ensuite parce qu'Afya ferme le sujet, simplement, tranquillement. Une partie d'elle est frustrée, elle aimerait pouvoir explorer davantage ce qu'il se passe sous la tête d'Afya ; mais dans le même temps, elle sait que ce n'est pas sa place de lui tirer les vers du nez. Alors elle se cache le visage des deux mains pour y planquer sa gêne, saisissant le changement de sujet au bond. Parler de coeur, c'est trop compliqué.

—T'es trop gentille Afya merci !! Tu me sauves !! Il me juge tout le temps, c'est dingue. Dire que ça fait un moment qu'on s'entraîne ensemble, et il est toujours pas sympa avec moi !!

Bon, en même temps, elle n'a pas choisi le meilleur des profs si elle souhaitait une relation sans parole condescendante ; mais Aria doit être attirée par le challenge, au final. Enfin. Attirée. Pas comme dans. Attirée attirée, quoi. C'est. Bref. Ces gâteaux ?!!

Ils prennent forme, bientôt, il suffira de les cuire, et y ajouter quelques couleurs bien choisies.

—Pfiouh !! Qu'est-ce que tu veux qu'on fasse pendant que ça cuit ? Tu veux boire quelque chose ?

« S’il était sympa tu l’aimerais moins ! » la taquine l’ivoirienne.

A n’en pas douter, s’il n’avait pas eu une certaine rigidité, il n’aurait pas su contenir l’entrain de son amie. Et s’il n’avait pas su la contenir, il n’aurait pas su la former. Il n’aurait pas été l’enseignant qu’elle appréciait tant. Après, elle avait beau rager dessus, elle adorait son côté méchant. Les mauvais garçons ont toujours un côté attirant, celui de l’interdit. Cet interdit d’autant plus sexy que c’était son prof et qu’il ne manquait pas d’un certain charme. Même Afya se rendait compte que cet homme était attirant. En théorie.

En pratique elle compatissait beaucoup avec lui, car Aria n’était jamais plus gaffeuse qu’avec lui. Parfois ne se rendait-il pas compte de l’émois que provoquait chez sa disciple certaines situations. Parfois il devait faire exprès de ne pas s’en rendre compte, parce que le déni était sa seule chance de salue.

Que pouvaient-elles faire pendant que leurs biscuits cuisaient ? C’était une bonne question, bien sûr il y avait de la vaisselle, mais elles se re-serviraient sans doute de certains instruments et laver deux fois les mêmes choses c’était de l’énergie perdue. Surtout qu’elles devraient libérer les lieux rapidement après avoir fini, alors autant limiter le temps de vaisselle et ne le faire qu’une fois. OH ! Oui ! Il faudrait qu’elles accélèrent un peu, peut-être que boire un coup les mettrait en retard ? Elle n’avait pas systématiquement le réflexe de regarder le futur pour répondre à ses questions. Malheureusement.

« On peut peut-être prendre de l’avance sur les glaçages ? J'ai peur qu'on soit limite en temps. »

Et à n’en pas douter elles finiraient par ses faire des dessins sur les joues avec les glaçages multicolores. Elles se connaissaient bien.

Ariana ouvre la bouche avant de la refermer, rougir, puis plisser le nez, puis croiser les bras en gonflant les joues. Mais euh.

—C'est pas vrai ! S'il était sympa, jeeeeee...........…

S'il était sympa, elle crusherait probablement dessus à 300%, càd 3x plus qu'aujourd'hui lol, donc c'est pas plus mal que ce soit un con fini, après tout. Elle s'en rend bien compte, alors elle toussote pour s'éclaircir la gorge. Heureusement, elle trouve toujours quelque chose à faire pour leurs petits gâteaux…

—Bonne idée, oui, faisons ça !

Les glaçages ne seront pas trop trop longs à préparer avec la recettes qu'elles ont prise, mais il faudra peut-être les laisser refroidir un peu avant de les mettre sur leurs oeuvres… D'une petite voix, alors qu'elles commencent les glaçages, elle baragouine :

—Dis, au final, je t'avais raconté quand j'avais croisé Allen au ciné la dernière fois ??...

Non parce qu'évidemment, Afya avait essayé de la couvrir, mais Aria avait paniqué trop vite pour que ça fonctionne. Puis le malaise avait été tellement vénère qu'elle est restée quelques jours symboliques affalée dramatiquement la tête contre son oreiller en geignant "POURQUOI JE SUIS SI STUPIDE ???????????????" et aussi probablement "POURQUOI J'AI DES EMOTIONS JE LES DETESTE", donc elle est pas sûre qu'elle ait plus développé que ça sur son échec permanent.

Non. Elle ne lui avait pas raconté et ça c’était très grave. Déjà parce qu’Afya avait très régulièrement envie de tuer Allen, et ensuite parce qu’elle avait besoin d’un prétexte. Euh. Non, ce n’était pas tout à fait ça la raison en réalité… En réalité, chacune de leurs rencontres laissaient son amie dans un état d’incompréhension que seuls certains tonnerres réussissaient correctement à décrypter.

« Non tu ne m’as pas raconté… »

Est-ce qu’il avait été méchant ? est-ce qu’il l’avait blessée ? Elle savait plus ou moins qu’ils s’étaient croisés, elle l’avait vu en espionnant le futur d’Allen. Est-ce qu’il fallait qu’elle aille lui casser les rotules ? Hum. Non, Ariana n’approuverait pas. Tout comme elle n’approuverait pas la guérilla que menait sa meilleure amie pour empêcher Allen de rencontrer quelqu’un d’autre. Elle regardait loin dans le futur et s’il se trouvait qu’il s’entendait trop bien avec une fille, elle remontait progressivement jusqu’au moment de leur rencontre et l’empêchait de se produire. Combien de fois le pauvre air avait-il attendu que l’eau chaude n’arrive dans sa pomme de douche plus d’une suffisante minute. Suffisante pour qu’il ne croise pas telle ou telle personne. Elle savait que son amie ne souhaitait pas qu’il soit malheureux… Mais en même temps elle serait bien trop triste de le voir au bras d’une autre, alors l’ivoirienne veillait à ce que le statu quo soit respecté.

« Tu veux m’en parler ? »

Lui proposa-t-elle tout en continuant à touiller le glaçage. Il fallait de sacrés muscles pour s’en sortir ! Surtout que le tout semblait épaissir peu à peu.

QUOI ?!! ELLE AVAIT OUBLIE DE LUI DIRE ?!! Enfin, non, elle lui avait probablement dit, mais… En fait non, en y repensant, elle avait complètement zappé. Estomaquée, la petite Morphe tourne la tête vers Afya, bouchée bée.

—Oh wow, j'ai passé tellement de temps à geindre dans ma tête à ce sujet que je pensais au moins t'en avoir parlé à toi-, commence Aria, toute confuse.

En fait, elle se rend compte que quand ça concerne Allen, elle n'ose plus en parler avec personne. Déjà parce que tout le monde la mate en coin avec ce sourire compatissant mais ces yeux qui disent "Il a fait quoi encore ?" ou "T'es encore sur lui, Aria ?". OUI. NON. PLUS DU TOUT. AHAHAH. Elle inspire, regarde un peu autour d'elle, avant de fixer sa meilleure amie de tous les temps. Avec la forte envie de lui faire un immense câlin. Ahhhh elle la mérite vraiment pas, en fait, hein ?!!

—Si ça te gêne pas ?!! (Afya lui lance son regard habituel, celui qui lui laisse entendre que oui, bien sûr, ça ne la gêne pas, sinon elle demanderait pas scrogneugneuh. Aria soupire et gonfle une joue.) Y avait Raiponce qui passait au cinéma y a pas longtemps !! Tu te souviens, je voulais y aller avec toi, mais je crois que tu étais occupée… ET BREF DU COUP QUI JE CROISE AU CINEMA LOL ?!!! Allen, évidemment. Déjà, j'ai pas compris : pourquoi il serait allé voir Raiponce au cinéma ?! Il a jamais aimé ce film, je l'obligeais tout le temps à le mater avec moi !

Et elle se met à faire les cent pas tout en parlant, les mains s'agitant dans tous les sens.

—C'est dingue quand même ! Du coup bon euh on a fini par regarder le film ensemble, c'était trop bizarre. Mais je suis partie au milieu du film parce que c'était trop bizarre, il disait trop rien, et on était assis côtes à côtes là !! Pourquoi il m'inflige ça après des mois de silence, je comprends pas du tout ! Bon, ok, c'est moi qui ai pas répondu à sa dernière lettre, mais j'avais raison de pas y répondre, non ?! Il disait qu'il était pas encore prêt à venir me voir, je voulais lui donner du temps, mais je pensais qu'il allait revenir me parler à un moment donné !!

Hors d'haleine, Aria s'appuie contre le comptoir et croise les bras, oubliant complètement les biscuits qu'elles préparaient.

—Bref, il était bizarre, c'était une interaction trop étrange. Je comprends plus comment il fonctionne ! S'il me supportait plus, pourquoi il a accepté de regarder le film à côté de moi, déjà ?!

Et pourtant, elle pensait le connaître, avant. Elle jette un regard désespéré à sa meilleure copine.

—Enfin voilà. Je devrais arrêter de m'en faire et passer à autre chose, hein ?

Pour s'occuper, elle va regarder les biscuits qui cuisent au four… Et qui ne sont pas encore prêts. Il faut encore un peu de cuisson. Pour combler son impatience, elle attrape les colorants, décorations en sucre et compagnie, qu'elle dispose près d'elle.

Si l’ivoirienne avait été télépathe la technique de son amie aurait fonctionné… Mais Afya n’était plus télépathe (et n’en était pas le moins malheureuse !) Elle se contente de sourire, pas vexé pour deux sous, elle commence à connaitre son amie, et cela faisait partie des choses qui la rendait si attachante à ses yeux. C’est d’ailleurs parce qu’elle connait la rouquine (plus si rouquine que ça) qu’elle la laisse parler, déverser son histoire en entier, avant de lui donner son avis. Elle sait que les questions intermédiaires et finales auront la même réponse.

« Parce qu’il est débile et contradictoire. »

Simple et efficace. Peu de mots, une idée. Elle pouvait la développer cependant une énième fois, pas qu’elle n’ait déjà exposé son point de vue assez souvent, mais Allen ne méritait pas de sortir avec une fille aussi géniale qu’Ariana (elle n’était absolument pas parti pris), il ne le méritait pas dès le début, aussi, en la quittant il avait raté la chance de sa vie. Jamais il ne trouverait mieux. Il était donc stupide. Il ne le prouvait qu’une fois de plus.

« Il ne sait pas ce qu’il veut, et c’est toi qui te prend la tête… Tu n’as plus besoin de le trainer comme un poids mort derrière toi, c’est lui qui a brisé le lien, c’est à lui de le rattacher, toi tu peux avancer légère. »

Lui par contre, s’il pouvait pleurer et se revenir en rampant, elle ne serait absolument pas contre l’idée, et même si elle l’avait apprécié, si son amie décidait de lui briser le cœur (et les couilles) elle ne trouverait absolument rien à redire. Après tout, c’était lui le responsable.

Le glaçage des biscuits semblait bien avancer, et les jeunes filles décoraient maintenant le tout avec des paillettes comestibles.

Une partie d'Ariana aurait envie de répliquer que non, il n'est pas débile, mais certainement un peu contradictoire, en effet. Une autre partie d'elle, en revanche, aimerait donner raison à sa meilleure amie : c'est vrai qu'il a ses moments de conneries. Elle ne peut que comprendre l'animosité d'Afya à son égard — après tout, Ariana doit inconsciemment l'alimenter à force de parler de lui, ou du moins c'est ce qu'elle se dit. Avec un soupir à fendre l'âme, elle attrape de quoi étaler le glaçage sur les biscuits. Elle essaie de rester concentrée sur sa tâche, mais la suite du raisonnement d'Afya lui tord un peu l'estomac. Elle est de bon conseil, comme souvent, mais wesh, ça pique.

Le traîner comme un poids mort derrière elle ? Est-ce que c'est ce qu'elle faisait ? Peut-être que c'est pour ça qu'il ne la supportait plus, après coup, finalement ; c'est vrai qu'elle le traînait toujours dehors, avec ses copains, elle essayait toujours de faire en sorte qu'il se sente inclu… Mais quand elle y pense, a-t-il jamais fait un effort pour socialiser avec ses amis ?

"C'est à lui de le rattacher"… Est-ce qu'elle a envie de le rattacher ? Oui ; oui, bien sûr. La question ne se pose même pas. Mais la peur que lui ne fasse jamais le premier pas — peut-être considérait-il l'avoir fait, avec sa lettre ambigüe, elle aurait dû lui répondre, finalement — la mine. Ce n'est plus une possibilité, à ce train-là ; c'est clairement la seule conclusion possible. Se mordant la lèvre, Aria laisse Afya placer les premières petites décorations sucrées sur le glaçage. (Toujours plus de sucre, sa némésis.)

—Il ne le fera pas… lâche finalement Aria, bien qu'elle n'en ait aucune certitude. Je veux dire, il ne voulait pas de moi. Il disait qu'il avait besoin de temps, mais au final il est jamais revenu me parler… Partant de là, j'imagine que j'ai loupé le bon moment.

Elle espère encore un nouveau message de sa part, depuis le cinéma. Mais rien. Elle finit par rejoindre son amie aux décorations, le moral dans les chaussettes.

—J'ai l'impression que je retrouverai jamais quelqu'un comme lui… mais en même temps, je me rends compte que comme il me disait jamais rien sur rien, peut-être que je me suis inventé la moitié de notre relation, qui sait.

Sa voix est un peu amère. Elle exagère un peu ; les bons moments ont existé. Mais ils semblent tellement loin, et tellement parasités par leur rupture…

—J'arrive même pas à me projeter dans autre chose ! geint-elle.

Même au niveau de Terrae. Une partie d'elle a envie de renouveau, de changement. Peut-être qu'il faut qu'elle parte un temps pour se trouver de nouveaux horizons à explorer ?

Non, c’est lui qui loupé le bon moment, celui où tout aurait pu être effacé d’un coup de baguette magique, ou presque, celui où le temps n’aurait pas était la plus blessante des lames.

« Tu ne retrouveras pas quelqu’un comme lui, mais quelqu’un de mieux pour toi que lui. Quelqu’un qui construit une relation avec toi, qui ne te laisse pas te poser de questions, douter, pour qui tu n’auras jamais l’impression de forcer quoi que ce soit. Allen est ce qu’il est, mais tel qu’il était, tu lui apportais bien plus qu’il ne t’apportait. »

Elle n’est ni télépathe, ni sensitive, et pourtant elle sait quand l’humeur de son amie s’infléchit. Son gémissement lui fait de la peine.

« Je ne suis pas certaine de comprendre exactement ce qu’il t’apportait, mais il ne t’apportera plus la même chose, il y a eu trop de souffrance, et vous ne pourrez jamais retrouver votre relation d’avant. Si un jour vous devez vous retrouver, ce ne sera plus les vous d’avant, ce sera de nouvelles personnes. Ne reste pas attachée au passé. Ce poids, doit devenir une pierre du chemin que tu as foulé, mais pas une ancre qui t’empêche d’arpenter celui qu’il te reste à parcourir. »

Toujours cette métaphore du poids. Faut arrêter, mais en même-temps. Cette relation était un poids pour son amie, un poids qu’elle trainait derrière elle, qui lui pesait alors même qu’elle n’avait plus à la porter. Allen avait coupé le lien qui les unissait, ils n’étaient plus deux à porter ensemble le poids de cette relation. Elle était seule. Alors il fallait qu’elle s’en détache.

Cette fois, les paroles d'Afya la font rougir. Pas d'embarras, ou plutôt, pas réellement. Allen est ce qu'il est, oui. Mais elle n'arrive pas trop à être d'accord avec elle sur certains points de son raisonnement. Peut-être parce qu'Aria ne raisonne pas avec sa tête, comme souvent...

—Je suis pas sûre qu'il m'apportait rien… Je veux dire, je me sentais heureuse avec lui et il me soutenait beaucoup. Est-ce que c'est pas tout ce qui importe ?

Aria sait au fond d'elle qu'il n'y a pas que ça ; il y a aussi tous ces moments où ils n'étaient pas synchrones, où il parlait de travers. C'était ce qu'il ne supportait plus, par ailleurs ; mais pouvait-elle s'empêcher de se sentir blessée par ses mots ? Il n'y était parfois pas pour grand-chose, parfois. D'autres fois, peut-être qu'elle se vexait toute seule ? C'est ce qu'elle se répétait après coup. Dans tous les cas, il ne se sentait plus capable d'être lui-même avec elle ; et rien que ça, c'était un problème.

Un chemin, de nouvelles personnes… Ariana arrive à accepter que ce qu'il s'est passé est bien du passé aujourd'hui. Mais reconstruire la même chose, elle le sait, ce serait impossible. Elle ne le voudrait pas non plus. Alors lentement, elle acquiesce, essaie de reprendre un peu courage. L'utiliser comme un appui, et pas comme un boulet qu'elle traîne derrière elle. C'est vrai. Et en même temps… Elle reste amère. C'était la première fois qu'elle s'imaginait vraiment construire quelque chose avec quelqu'un ; forcément, ça met un coup. Elle inspire et sourit comme elle peut.

—Tu sais quoi ? T'as raison !

Au fond d'elle, elle a encore le coeur tout ratatiné.

—Peut-être qu'il va falloir encore du temps pour que j'arrive à me détacher de cette ancre… Pour l'instant elle est encore très présente, c'est sûr. Mais… Je crois qu'y a une partie de moi qui a pas envie de laisser partir tout ça. Parce que c'était trop abrupt, que j'ai pas eu le temps de lui dire tout ce que j'avais à dire, et c'est dommage… J'ai du mal à me voir avec n'importe qui d'autre, aujourd'hui. Mais j'ai pas envie de vivre dans ces fantaisies là non plus, tu vois ?

Ys lui avait dit qu'il fallait qu'elle arrête de vivre dans son monde de bisounours ; peut-être qu'il avait pas tort pour le coup lol. Sans doute qu'il faudrait qu'elle le confronte, un jour. Mais elle n'y est pas encore prête. Pour l'instant, elle termine de décorer les derniers biscuits avec la Voyante. Ca lui fait bizarre de se dire qu'il n'y en aura pas pour lui, cette année.

—Peut-être qu'il faut que je me réinscrive sur un site de rencontre, plaisante-t-elle. Oh, viens, on s'inscrit toutes les deux ! Peut-être qu'on trouvera chaussure à notre pied…

Ou juste quelqu'un avec qui passer un peu de bon temps, lol ? Nan mais elle est même plus sûre de savoir draguer. Et peut-être que ça aidera Afya à oublier Senri !
Bon, et maintenant, il ne reste plus qu'à laisser sécher tout ça, et elles pourront les emballer ! Ariana lance un sourire à son amie en commençant à préparer les petits sachets.

—Eh, Afya ? Merci de m'écouter, je sais que je tourne un peu en boucle sur lui ces derniers mois… (Elle fait une pause.) Tu as envie d'un truc à boire, tiens ? J'ai soif à force de parler !

“Peut-être, je sais pas, quand on s’apporte pas chacun assez…”

Qu’est-ce qu’elle pourrait en savoir finalement ? Les histoires de couple c’est quand même bien trop compliqué pour ce que c’est et franchement, les conseils que donne l’ivoirienne sont plus des conseils relationnels en général. Si tu veux trouver un équilibre, donne autant qu’on te donne, sinon la balance se casse rapidement la gueule. Enfin.

Normalement quand quelqu’un dit qu’on a raison, on est censé être un minimum heureux, pourtant elle sait que son amie n’a pas fini de parler, alors elle attend. Bien souvent en se livrant l’espagnole met plus d’ordre dans ses pensées qu’un bulldozer et une équipe de techniciens de surface de haute volée. Alors Afya attends juste. Elle attend que les choses bougent un peu, lentement s’il n’en faut, mais un peu. C’est de petits peus qu’on fait les grandes choses, elle en est convaincue.

“Un site de quoi ?”

Non parce que là le concept est connu mais lointain. Elle en a probablement entendu parler, mais de là à comprendre pourquoi les gens veulent utiliser un outil aussi démoniaque que le web pour ce forcer à rencontrer des gens (ce qui en soit n’est pas toujours des plus agréables…) elle n’a pas souhaité s’emparer du concept. Elle utilise internet pour prendre plus que pour échanger.

“On peut se faire du thé, t’en pense quoi ?”

Quand on s'apporte pas assez… Elle a une fois de plus pas tort, Afya ; elle est pleine de sagesse, la majorité du temps, même si Ariana n'est pas toujours d'accord avec sa manière de voir les choses. Elles n'ont pas grandi dans le même milieu, c'est normal ; et tout ce qui touche à la relation, au mariage, aux enfants, c'est parfois étrange d'en discuter avec elle. Ca lui rappelle le point de vue de sa mère très traditionnelle, parfois, en plus tolérant et plus à l'écoute, bien sûr. Mais pour ce qui touche spécifiquement à sa relation avec Allen, Afya est toujours d'une précision et d'une efficacité sans pareille.

Ariana lui renvoie un sourire, même si elle se sent un peu désabusée par sa propre situation. Elle aimerait bien être d'aussi bon conseil pour elle, mais son amie s'ouvre trop peu. Oh, c'est sans doute bien suffisant ; elle la connait à force, elle la laissera venir lorsque le moment sera bon.

MAIS LÀ, ELLE TIQUE SUR LE SITE DE RENCONTRE. Site de quoi ?? SITE DE QUOI ??

—Un site de rencontre ! Tu connais pas ?? Ah bah non, tu connais pas. Oh tu vas voir c'est trop drôle !! (Ariana tire aussitôt son téléphone.) Tiens regarde, il y a celui-là, et celui-là… Tu te créés ton profil, et tu entres ce que tu souhaites… Et tadaaam !! On peut même réduire la localisation à juste Terrae ici, c'est hyper pratique pour faire des rencontres ! Enfin, pas que je l'aie utilisé ces derniers temps, hein…

Juge pas wesh !!!

—Et oui, un thé !! Je mets l'eau à chauffer, et le temps que ça boue, on se fait un profil si tu veux !! Ohhhh ce serait trop trop bien, alleeeeez dis oui !! Comme ça on pourra regarder le profil des autres !

Elle attend la réponse d'Afya, mais attrape quand même la casserole pour la remplir d'eau. C'est ce qu'on appelle un guet apen, parce qu'Aria insistera probablement jusqu'à ce qu'elle dise oui...

« Mais ça veut dire que même avant de rencontrer les gens tu te mets la pression pour leur parler ! »

Clairement, Afya juge. Elle est même terrifiée. Parler. Avec des gens. Que l’on ne connait pas. Dans le but de les rencontrer. Trop d’incohérence avec le programme interne d’Afya. Sérieusement ? Ariana est réellement en train de proposer à son amie de se créer un compte ?

« Euh, je passe mon tour… Déjà que je ne sais pas quoi dire en vrai, alors j’imagine même pas si on devait essayer de communiquer à l’écrit ! »

Surtout qu’à l’écrit, Afya elle ne gère pas. Pas du tout. Elle le sait. Elle est compréhensible en phonétique, mais on va la juger… Et ça lui met encore plus la pression. Elle se dit que ces sites, c’est vraiment pas pour elle. Rencontrer des gens… C’est déjà assez compliqué en vrai !

« Mais on ne peut pas voir les gens avec ton… euh… Compte à toi ? Ca se passe comment ? Ca marche comment ? »

Elle imagine que ces application c’est un peu comme ebay, on choisit ce qu’on veut et on le met dans son panier. Un truc comme ça non ? Ou alors, est-ce que les gens apparaissent comme des pokémons qu’il faut collecter ? Cette idée la fait frissonner autant de dégoût que de peur. Non, sérieusement, les applications de rencontre c’est dans aucun doute démoniaque. Terrifiant. Et certainement pas fait pour l’ivoirienne qui ramène les sachets de thé à son amie.

La rouquine pouffe de rire pendant que l’eau se met à chauffer. C’est tout Afya, ça ! Et quelque part… Eh bien, ce n’est pas faux. Elle lance un sourire ravi à sa meilleure copine, un peu mutine.

—Alors, oui un peu, mais dis-toi qu’ils seront sûrement aussi terrifiés que toi ! Enfin, non, certains sont trop sûrs d’eux et veulent juste pécho, donc ils sont pas terrifiés, mais tu vois….. ….. Non ok, je te rassure pas comme ça, je SAIS, mais dis-toi que c’est vachement plus facile à l’écrit qu’à l’oral : tu peux te relire !! Et mettre des smileys !

Et faire des fautes, et relire d’un air mortifié ce que tu as écrit, etc etc. Oui, Aria connaît, elle a l’habitude. Elle grimace un peu, finalement, et se passe une main sur la nuque en imaginant Afya sur un de ces sites……. Ouais, nan, Aria aurait trop peur qu’un relou de Feu lui mette le grappin dessus et qu’elle se dise “chic un type que je peux épouser et avec qui je devrai rester toute ma vie même si on est pas faits l’un pour l’autre” AAAAAAAAHHAHA au secours elle se remet toujours pas du mariage avec Senri.

—Non mais t’inquiète, je comprends que tu veuilles pas. Viens, je te montre du coup, on regarde ensemble !! (Elle en sélectionne une et lui montre.) Tu vois, ici, on peut aller à droite ou à gauche pour dire qu’on aime ou pas le profil de la personne… HAAAAAAAAAAAAN mais en plus t’es voyante, donc toi tu peux regarder le futur de la personne pour savoir comment il ou elle va être ! Mais c’est trop pratique ! Je t’ai déjà dit que tu pourrais faire payer tes services pour aider les gens à trouver le grand amour ?! Ce serait DINGUE.

Quelque part, Aria aurait envie de savoir si elle aussi trouvera quelqu’un comme ça… Une personne qui l’aime vraiment, mais qui n’est pas et ne sera jamais Allen. C’est peut-être pour ça qu’Afya insiste ; peut-être qu’elle sait déjà… Ou alors, elle lui fait simplement confiance pour trouver la bonne personne, qui sait.

—Tu as déjà essayé de regarder ton futur pour ça, d’ailleurs ? Ou alors tu veux pas savoir ?

Vraie question, hein !

« Ouai mais les smileys ça s’interprète pas bien ! »

Ne parlons pas de la fois où l’ivoirienne avait essayé de faire deviner à son amie qu’il y avait de la ratatouille à la cantine. Bien entendu, elle n’avait pas les codes… AVANT. Depuis elle osait à peine mettre deux accents circonflexes ou deux points et une parenthèse à la fin de ses messages. Non. Décidément, c’était vraiment terrifiant.

Elle regarde pourtant avec beaucoup de curiosité l’écran de son amie. Essaie de comprendre ce qu’il se passe quand elle fait glisser les photos à droite ou à gauche. Fronce des sourcils.

« C’est pas bête ce que tu dis ! Mais à Terrae il y a trop de voyants qui changent l’avenir, c’est compliqué de faire des prévisions à long terme je trouve. J’y arrive beaucoup plus pour ma sœur et ma mère que pour toi par exemple. Et du coup j’arrive pas à voir très loin dans mon futur, c’est assez frustrant alors j’arrête. »

Désolée, pas de richesse tombée du ciel. Elle continue à regarder l’écran, et puis à une illumination…

« Attends j’crois que j’le connais lui ! »

Mais d’où ? Elle ne se souvient pas, mais se sert de ses pouvoirs pour parcourir son passé et son futur proche. AH, si ils se sont croisés quelques jours plus tôt, elle lui a apporté de l’herbe pour Tiago.

« Ah. Si euh. C’est ce type. Il est chiant. »

Bravo. Ok on change de sujet. On parle de quoi déjà ?

« Ah le thé doit être prêt ! »

—Mais si ça s’interprète très bien, rohhhh. Tu pratiques juste pas assez, c’est tout ! Je vais t’apprendre, tu verras !! On fera plein de jeux comme ça !

Pauvre Afya, Aria va essayer de communiquer avec des emojis pendant les deux prochains jours maintenant, j’espère que t’es contente. Parfois, c’est à se demander comment Afya la supporte, mais il paraît qu’Aria est mignonne et qu’on a pas le droit d’objecter, de toute manière.

Aria lâche un “ohhhhhhhh……” déçu (notez le nombre de points de suspension) et acquiesce vivement, finalement. C’est un pouvoir vraiment particulier et compliqué à saisir, celui de Voyant ; elle adorerait pouvoir en savoir plus, parfois, et en même temps le souvenir du peu de temps passé avec des visions est encore frais dans sa mémoire… et un peu traumatisant, encore. L’espagnole grimace, songeuse.

—Ah, mince, j’avais pas pensé à ça. Mais donc ça veut dire qu’il y a plein de futurs possibles, en fait ? Tu peux pas tous les explorer, ou tu as accès qu’à ceux qui sont les plus probables ?

Elle se raccroche à son déni comme elle peut, mais aujourd’hui on sait que ça ne sert plus à rien, et que les visions qu’elle a eues de Lola étaient réelles. C’est une histoire pour plus tard ; pour le moment, l’eau bout encore, les biscuits sont presque prêts et elles sont en train de mater les profils Tinder de Terrae. Y en a quand même pas des masses, c’est évident qu’elles en connaîtront certains. Et justement…

—Oh bah alors, il te plaît ?!

Ouais elle comprend rien. Il est pas trop moche, mais c’est pas son style de mec. Afya mérite clairement mieux, parce qu’elle est incroyable et trop belle, donc bon. Mais s’il faut dire “oh bah il est beau hihi aha” pour lui faire plaisir, pour le cas éventuel où il lui plaît vraiment, eh bien allons-y !

—… Rooooooohh. Genre, chiant ! Il était pas sympa avec toi ?!

AH mais le thé est prêt ! C’est vrai ! Heureusement, sinon elle aurait proposé de lui casser les deux j- hmh.

—Ohhhhhh t’as raison, attends je vais voir ! sourit Aria en sautillant vers la casserole, lui laissant le téléphone.

Effectivement, le thé semble avoir infusé. Plutôt que d’en mettre partout, elle utilise sa magie pour transvaser le liquide dans deux tasses qu’elles ont posées à côté. Faudrait pas se cramer en utilisant la casserole n’importe comment.

—Et voilààààààà !! Mince on parlait de quoi déjà ? C’est quoi le nom du mec ? Raconnnnte !!