Alice laisse partir Senri rapidement, elle se concentre sur sa respiration. Les vétérinaires entrent et lui proposent leur aide. Elle demande simplement si elle peut voir Roda. Ils s'affairent immédiatement à aller récupérer le corps de la petite chienne et la lui emmener. Alice regarde le pelage doux de l'animal qu'elle connaît depuis si longtemps, qui comprenait tout. Elle passe une sur sa tête.

« Je te souhaite un bon voyage. Merci pour tout. »

Ses larmes reviennent au galop, et elle pleure sans se retenir, en serrant le petit corps contre elle. Avant d'être la compagne de Chrys, elle était aussi celle de Lag, elle n'aurait pas penser que ce serait aussi douloureux pour ça, en plus du chagrin de la perte pure et simple. Elle reste longtemps, à genoux, Roda contre elle. Puis elle finit par sécher ses larmes. Elle lève la tête. Retire la terre des fenêtre, de la porte, tous les monceaux qu'elle a laissé. Elle pose ses mains sur Roda, et doucement, l'enveloppe de terre qu'elle durcit. Elle y dessine les mouffles de Lag, les pantoufles de Chrys, sa petite laisse, un élastique à elle. Tout ce qu'elle aimait. Elle colore les parties vide avec des chrysantèmes. Et puis elle se redresse, laisse les vétérinaires en leur expliquant qui appeler si besoin, et leur laisse son numéro pour venir aider à la réparation. Elle se dirige ensuite vers l'Institut. Une fois arrivée à l'infirmerie, elle entre doucement.

« Je peux entrer ? »

Elle attend la réponse avant de s'avancer. Elle offre un doux sourire à Senri, s'arrête proche du lit sans entrer dans leur cercle à tous les deux, et posent ses yeux sur Chrys. Elle sourit plus profondément en la regardant.

« Je voulais simplement te dire que je me suis occupée de Roda. Est-ce que ça va ? Tu as mal quelque part ? »

Quand j'ai senti une main me tenir, j'ai enfin ouvert les yeux. Quand j'ai reconnu la voix de Chiri me disant que je n'étais pas seule, j'avais l'impression que j'allais encore pleurer... Mais non, rien n'est tombé. Soit j'ai plus de larmes à verser soit je dois avoir les yeux trop rouges et gonflés pour faire quoi que ce soit avec. Super. Je me suis assise en gémissant un peu, j'ai cette sensation d'avoir mal partout et en même temps d'être complétement retapée. Ce moment désagréable où, encore en deuil, je dois déjà mettre un pied sur le chemin de la vie, m'occuper de ce qu'il reste des vivants, organiser mon demain comme si de rien n'était. Aussi triste que j'étais de perdre Roda, j'étais surtout épuisée. Épuisée de compter autant de morts. Pourtant j'ai serré la main de Chiri en retour. Je me souviens du baiser et j'ai un peu honte de moi. C'était franchement pas le moment idéal pour faire un truc pareil, même si Senri a dit qu'il m'aimait. Il voulait sûrement dire ça en toute amitié et j'étais tellement dans le mal, je n'ai pas réfléchi comme d'habitude. Mais il n'a pas l'air de m'en vouloir, il est toujours là. Et je ne sais pas quoi dire...

Je reconnais la voix d'Alice qui vient nous voir et j'ai un pincement au cœur. Tout ce qu'elle a pu subir pendant tout ce temps, et elle revient quand même. Elle s'est même occupée de Roda à ma place... Elle ne s'approche pas trop, elle sourit, toujours aussi forte. Quand j'étais petite je voulais prendre modèle sur elle ; je voulais répondre d'un "tout va bien", à sa manière, à la moindre douleur que m'offrait la vie. Mais je ne pouvais pas. Je me suis tendue pour attraper son poignet et l'attirer à moi. Une main n'avait pas lâché Senri, l'autre faisait le tour de la taille d'Alice. Il me faut tout le courage du monde pour avouer aux personnes que j'aime le plus que... non... tout ne va pas bien. :

-Je n'ai plus mal... Mais ça ne va pas.

Mais je n'étais plus toute seule. :

-...Ça ira mieux.

Je me laissais du temps, pour la première fois, de guérir.

J'irai voir la tombe de Roda dès que j'en aurai la force.

Chrys est pleine de douleur lorsqu'elle voit Alice arriver. Elle doit culpabiliser ; il ne faut pas, elle avait besoin de faire sortir tellement de choses d'elle, et puis c'était difficile, toute cette douleur, à supporter, Alice et Senri pouvait aider à en porter un peu. Alice lui demande si elle va bien, et Chrys tend les bras vers elle pour l'enlacer. Alice se laisse faire et vient s'asseoir près d'elle, pose une main sur sa joue.

Elle sourit tristement.

« Ca arrive, tu sais. Ce n'est pas grave, tu as le droit. »

Alice caresse doucement la joue de l'Air avec son pouce, et lui sourit plus tendrement, en hochant la tête.

« On fera en sorte que ça aille mieux ensemble, promis. »

Ils prendraient le temps, et ne la laisseront jamais seule.